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Collection « Méthodologie en sciences sociales »

TEXTES DE METHODOLOGIE EN SCIENCES SOCIALES
choisis et présentés par Bernard Dantier
Docteur de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales
Maître de conférences à Sciences-Po Paris.
Chargé de cours et de gestion de formations à l'Institut Supérieur de Pédagogie - Faculté d'Éducation de Paris.

Cette rubrique, évolutive, qui s’enrichira au cours du temps, propose au lecteur des textes de méthodologie
en sciences sociales, cela afin de l’aider dans une démarche de compréhension et de participation à ces sciences.

Raymond Boudon, Hypothèses, individualisme méthodologique et éducation.”
Extraits de: Raymond Boudon, L’inégalité des chances, Paris, Hachette / Pluriel, 1979 (1ère édition 1973),  pp. 106-113.

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Raymond Boudon, Hypothèses, individualisme méthodologique et éducation”.

Nous proposons ici un exemple d’hypothèses telles que les conçoit l’« individualisme méthodologique ». Ici le chercheur, pour comprendre et expliquer les faits et les évolutions du social, part de ce qu’il suppose que les individus, isolément, veulent et pensent. Dans cette conception, la « totalité » du social est la résultante de ses parties, elle se compose de l’agrégation d’une pluralité d’actions individuelles. Celles-ci résultent de la rencontre entre les représentations et motivations des « acteurs » sociaux d’un côté et d’un autre côté les conditions extérieures qu’ils vivent, conditions qui ne prennent une signification (comme but, moyen, obstacle, etc.) que par ces représentations et motivations qui possèdent donc une certaine autonomie face aux forces matérielles du monde physique et social. Représentations, motivations et conditions sont reconstituées sous la forme d’idéaltype (voir nos textes relatifs aux idéaltypes chez Max Weber), servent à la construction d’hypothèses et de « modèles » mis ensuite en comparaison (mesure d’écart) avec les observations empiriques ainsi dirigées, structurées et rendues possibles. Les hypothèses suivent une construction et un enchaînement concevables par tout psychisme particulier des acteurs sociaux concernés. Ainsi formulées, elles permettent pour le chercheur de percevoir « compréhensivement » les significations et le sens du social observé, ce qui va au-delà d’un simple constat « extérieur » et « explicatif » d’un rapport entre faits.

Le « schéma général », que Raymond Boudon propose dans son étude sur « l’inégalité des chances » dans l’enseignement, est assimilable à un système d’hypothèses organisant un test expérimental et une observation empirique. Le « subjectivisme » est clairement invoqué :  « l'intérêt subjectif qui s'attache pour un individu à attein­dre une position sociale de niveau donné (s'il s'agit d'un adolescent) ou à désirer pour l'adolescent une position sociale de niveau donné (s'il s'agit par exemple de son père) dépend du statut social de la famille ». L’autonomie de la représentation et de la motivation est de même clairement affirmée lorsque l’auteur soutient que « les individus obéissent à un processus de décision rationnel dont les paramètres sont des fonctions de la position sociale. ». En conséquence, dans un système d’enseignement parsemé de choix à faire et dont les niveaux sont homologues aux niveaux de la stratification sociale, les parcours scolaires sont différents selon les différentes origines sociales des élèves sans qu’il faille invoquer un effet de structure comme l’héritage culturel ou la domination d’un groupe. Il s’agit ici seulement d’invoquer la responsabilité librement assumée des acteurs scolaires qui dans leur stratégie tiennent compte de leur position initiale qui est « retrouvée » dans la position finale sans pour autant que celle-ci soit une simple conséquence structurelle de celle-là. (Le lecteur mettra cet exemple en regard avec celui très différent que nous donnons sous le titre « Hypothèses, holisme méthodologique et éducation ».)
Bernard Dantier, sociologue, 9 janvier 2005.

Extrait de: Raymond Boudon, L'inégalité des changes. Paris, Librairie Hachette / Pluriel, 1979 (1re édition, 1973), pp. 106-113.

Admettons d'abord, comme le suggèrent Keller et Zavalloni (1962,1964), qu'il est essentiel, pour comprendre les aspirations des individus, de tenir compte de la position occupée par eux, hic et nunc, dans le système de stratification sociale. Si l'on admet ce point de vue, il en résulte d'abord que le fait, pour un individu, d'atteindre le point c', peut représenter une promotion ou, si l'on nous permet ce néologisme d'origine franglaise, une démotion. selon qu'il est situé au point e' ou au point a' du système de stratification sociale. De la même façon, viser le point c' représente pour l'adolescent une promotion ou une dé motion intergénérationnelle éventuelle selon que le père est situé au point e' ou au point a'.

Supposons maintenant que deux individus visent pour un adolescent le point b dans le système des niveaux scolaires et que les deux individus soient respectivement situés aux points d' et e' du système de stratification (les points a, b, c, d, e représentant des positions ordonnées de la plus élevée à la moins élevée dans le système des niveaux scolaires; les points a', b', c', d', e' des positions ordonnées de la plus élevée à la moins élevée dans le système de stratification sociale). On peut alors dire que le premier anticipe un bénéfice inférieur au second. Ce bénéfice est mesuré ordinalement en termes de mobilité intergénérationnelle. On suppose naturellement que la hiérarchie des niveaux scolaires est, en tout état de cause, perçue comme liée, de manière ordinale, à la hiérarchie des positions sociales.

Il peut aussi se faire qu'un individu situé à un point du système de stratification anticipe pour son fils un niveau scolaire tel qu'une démotion intergénérationnelle soit probable. On parlera dans ce cas de perte anticipée.

D'un autre côté, on peut dire, des deux individus situés respectivement en d' et e', et visant pour leur enfant le niveau scolaire c, qu'ils exposent des coûts différents. Ces coûts sont d'abord d'ordre économique. Il est clair que, plus la famille est située à une position inférieure de l'échelle sociale, plus le coût exposé pour qu'un enfant atteigne un niveau scolaire donné, par exemple c, est élevé. Ces différences dans les coûts économiques peuvent naturellement être atténuées par un système de bourse approprié. Mais il est très invraisemblable qu'elles soient effectivement éliminées dans aucune des sociétés industrielles, même les plus avancées.

Il entre par ailleurs dans ces coûts, à côté de la dimension proprement économique, une dimension microsociologique. Comme le montre Parsons (1953), la famille nucléaire est un système de solidarité. Or il est clair que, plus la différence de niveau culturel entre parents et enfants croît, plus le système de solidarité est menacé. Une étude comme celle de Hollingshead (1949) le montre bien. Dans la monographie d'orientation ethnologique qu'il a consacrée aux comportements et attitudes scolaires dans une petite ville américaine, cet auteur montre comment les parents interviennent pour modifier les ambitions scolaires des enfants, afin de les rendre conformes aux normes imposées par les groupes de référence: ainsi, une mère inter­vient de façon brutale pour ramener sa fille vers des ambitions de type professionnel (vocational), cette dernière s'étant liée avec une jeune fille d'origine sociale plus élevée et ayant manifesté comme elle le désir d'entrer dans les sections d'ensei­gnement «général ». Les objections de la mère: «Que va-t-on penser de nous? » (nous = solidarité familiale, on = groupe de référence); «Après tous les efforts qu'on a faits pour toi » (thème du sacrifice = coût économique).

En dehors des concepts de position sociale, de coût et de bénéfice, il nous reste à introduire un dernier concept qui, comme les trois autres, ne peut être défini que de manière ordinale: celui de risque.

Imaginons deux individus situés tous les deux au même point, par exemple c', du système de stratification et envisageant, disons le point b du système des niveaux scolaires pour leurs fils. Les coûts et profits anticipés seront par définition les mêmes. Mais le risque sera différent si la réussite scolaire des deux adolescents est, hic et nunc, différente, ou si l'âge diffère au moment de leur passage au même niveau scolaire.

Il reste alors à formuler un petit nombre de propositions qui ne font d'ailleurs que retraduire quelques notions de bon sens, pour obtenir un schéma théorique d'où il est possible de déduire l'ensemble des résultats présentés ci-dessus et quelques autres que nous présenterons ensuite.

Schéma théorique du processus de décision scolaire en fonction de la position sociale

1. Dans tout système scolaire, l'individu et/ou sa famille sont appelés à prendre des décisions de survie/non-survie à un certain nombre de points du cursus, soit e, d, ..., a. Tout système scolaire définit donc les alternatives «s'arrêter à e ou non,., «s'arrêter à d ou non,., ..., «s'arrêter à b ou non ».

2. À chaque terme d'une alternative (brièvement: à chaque alternative) sont associés, pour chaque position sociale, un coût et un bénéfice anticipés.

3. En outre, à chaque alternative, pour chaque position sociale, est associé un risque dont le degré varie avec les individus.

4. On peut distinguer des degrés ordonnés de risque, de coût, de bénéfice anticipés.

5. L'utilité d'une alternative est une fonction des degrés de risque, de coût, de bénéfice qui lui sont attachés.

6. Pour chaque position sociale, les combinaisons de risque, de coût, de bénéfice attachés aux alternatives permettent d'ordonner les utilités de ces combinaisons.

7. Le bénéfice anticipé correspondant à deux degrés consé­cutifs du système des niveaux scolaires, par exemple b et c (ou, de façon équivalente, aux deux termes de l'alternative « s'arrêter à c ou non "), est d'autant plus élevé qu'un individu est plus proche, par sa position sociale, des niveaux les plus élevés du système de stratification sociale et d'autant plus faible qu'il est plus proche des degrés inférieurs.

8. Le coût anticipé correspondant à deux degrés consécutifs du système de niveaux scolaires, par exemple b et c, est d'autant plus élevé que la position d'un individu dans le système de stratification est plus basse.

9. Dans l'appréciation du risque interviennent des éléments tels que l'âge (avance, retard scolaire) ou la réussite scolaire.

10. Chaque combinaison d'un degré de risque, de coût et de bénéfice correspondant à un point (degré) du système scolaire pour un individu appartenant à un point (degré) du système de stratification détermine un degré d'utilité de la combinaison pour l'individu.

11. Toutes choses égales d'ailleurs, l'utilité décroît lorsque le risque croît, ou lorsque le coût croît, ou lorsque le bénéfice décroît.

12. La décision en faveur d'une alternative est d'autant plus probable que son utilité est plus grande.

13. Il existe un degré maximum d'utilité correspondant à la combinaison telle que, à risque donné, l'augmentation du béné­fice n'est pas encore rattrapée par l'augmentation du coût.

La proposition 1 affirme seulement qu'on peut atteindre des niveaux d'instruction distincts et hiérarchisés. La difficulté est que la plupart des systèmes scolaires introduisent des bifurca­tions conduisant à des voies plus ou moins nobles (enseignement général et enseignement technique par exemple), de sorte qu'il n'est pas toujours facile d'établir une hiérarchie relative, par exemple entre un niveau d'instruction élevé dans une voie moins noble et un niveau d'instruction plus bas (correspondant à un nombre d'années d'études inférieur) dans une voie plus noble. Cette difficulté n'est cependant guère gênante du point de vue qui nous occupe, car la hiérarchisation est parfaite à chaque point de bifurcation. Ainsi, dans le cas de l'enquête de l'LN.E.D., les trois éventualités (lycée, C.E.G., vie active) sont hiérarchisées sans ambiguïté. Pour la clarté, on peut interpréter l'expression « s'arrêter à e », « à d », etc., comme signifiant: « ne pas poursuivre au-delà de e, de d, etc., sur la voie qui conduit à l'enseignement supérieur,..

La proposition 2 introduit l'évidence selon laquelle un coût et un bénéfice anticipés sont associés à chaque niveau scolaire. Elle affirme d'autre part que le coût et le bénéfice anticipés diffèrent selon la position sociale, de sorte que l'utilité d'une alternative varie selon la position sociale et selon le risque encouru par le fait que la réussite scolaire de l'enfant est plus ou moins grande (propositions 3, 5, 9).

Les propositions 4 et 6 affirment seulement qu'on peut ordonner des degrés de risque, de bénéfice, etc., mais non mesurer ces variables.

Les propositions 7 et 8 sont cruciales. Elles correspondent à des évidences sociologiques: pour un fils de cadre supérieur, atteindre le niveau du baccalauréat plutôt que celui de la fin du premier cycle du secondaire est plus «utile » que pour un fils d'ouvrier. Dans le premier cas, le risque de démotion est élevé. Dans le second cas, la promotion peut être assurée même avec un niveau d'instruction plus bas. De même, il est évident qu'il est plus coûteux pour le second individu que pour le premier d'atteindre le niveau le plus élevé plutôt que le plus bas.

Les propositions 10, 11 et 12 n'appellent pas de commentaires particuliers.

La proposition 13 suppose que, dans certains cas (risque élevé, position sociale basse), le bénéfice obtenu en visant par exemple le niveau a plutôt que le niveau b n'est pas compensé par l'augmentation correspondante du coût.

Il serait possible de donner à cette théorie une expression plus soigneusement formalisée. La présentation précédente est toutefois suffisante, étant donné l'utilisation que nous comptons en faire. Elle a d'autre part l'avantage de permettre de comprendre intuitivement la signification et l'orientation du schéma proposé.

On voit que cette théorie est une sorte d'adaptation qualitative d'un modèle d'inspiration économique. Elle peut être dite qualitative (et non quantitative) au sens où elle suppose qu'on peut ordonner les points (degrés) du système scolaire et du système de stratification, et qu'on peut de même concevoir des degrés de bénéfice, de coût, de risque, d'utilité, mais non associer à ces variables des mesures quantitatives.

[…] On déduit, par exemple, le résultat de Hyman selon lequel la valorisation de l'enseignement supérieur décroît à mesure qu'on s'adresse à des individus dont la position sociale est plus basse. En effet, plus on descend dans l'échelle des positions sociales, plus le coût d'un niveau scolaire élevé croît (par la proposition 8); moins le bénéfice correspondant à l'obtention de ce niveau plutôt que du niveau inférieur est élevé (par la proposition 7). De 7, 8 et 13, on conclut que le point (degré) du système des niveaux d'enseignement correspondant à l'utilité maximum est plus bas (ou au plus identique) si la position sociale est plus basse.

On déduit de même que, toutes choses égales d'ailleurs, lorsque la réussite scolaire est meilleure, le degré maximum d'utilité coïncide avec un point plus élevé (ou au moins identique) du système des niveaux scolaires.

On déduit aussi la corrélation observée dans les tableaux précédents entre statut social de la famille et niveau d'aspiration, toutes choses égales d'ailleurs.

On déduit enfin le phénomène d'interaction régulièrement observé dans tous les tableaux précédents. En effet, pour un individu de position sociale supérieure, le coût encouru décroît en visant un point du système scolaire plutôt que le point supérieur, mais la perte à laquelle il est exposé croît ; or cette perte est plus forte que celle qui serait éprouvée par un individu de position sociale plus basse. Pour ce dernier l'utilité attachée au fait d'atteindre un point donné peut être plus faible que celle du point inférieur, en vertu de la compensation possible entre coût et bénéfice.

Pour réduire ce schéma théorique à une formulation encore plus élémentaire, disons que:

1. l'intérêt subjectif qui s'attache pour un individu à atteindre une position sociale de niveau donné (s'il s'agit d'un adolescent) ou à désirer pour l'adolescent une position sociale de niveau donné (s'il s'agit par exemple de son père) dépend du statut social de la famille;

 2. la même proposition est valable en ce qui concerne les niveaux scolaires, étant entendu qu'on ne peut manquer de supposer que les individus établissent une corrélation entre niveau scolaire et statut social;

3. la position sociale donne une signification différente au bénéfice, au risque et au coût correspondant à l'acquisition d'un niveau d'études donné.

Dans cette formulation, le schéma ne permet pas à proprement parler de déduire les caractéristiques structurelles des tableaux reproduits plus haut. C'est pourquoi nous avons présenté à titre purement indicatif une ébauche de formalisation plus poussée.

Cette formalisation approximative est suffisante pour mon­trer qu'il est parfaitement inutile, pour rendre compte des données observées au niveau des enquêtes, d'introduire, par exemple, la notion obscure et difficilement acceptable de «sous-culture de classe ». Cette notion ne permet en aucune manière d'expliquer la structure des tableaux présentés plus haut. En effet, si les valeurs caractéristiques de la sous-culture de la classe inférieure conduisent à la dévalorisation de l'ensei­gnement comme moyen de mobilité, on ne comprend pas pourquoi cette «dévalorisation » est plus ou moins intense en fonction de certains facteurs (âge, réussite, etc.). Il est beaucoup plus simple de supposer que les individus obéissent à un processus de décision rationnel dont les paramètres sont des fonctions de la position sociale.

On peut se demander pourquoi cette notion simple a été esquivée par la littérature théorique, au profit de systèmes d'explication obscurs comme celui qui s'appuie sur la notion de sous-culture de classe. Peut-être doit-on voir ici, une fois encore, un effet du modèle factoriel si fréquemment caractéristique des théories sociologiques. Le schéma théorique qui vient d'être esquissé ne peut en effet, malgré sa simplicité, être réduit à un énoncé ou à un ensemble d'énoncés de type factoriel (les facteurs x, y, z, ... ont une influence sur l'inégalité des chances devant l'enseignement).

Quant au « facteur » héritage culturel, il ne peut, en aucune façon, être évoqué pour expliquer la structure des tableaux 2.2, 2.3, 2.4, 2.5 (et 2.6, cf. ci-dessous). Ces tableaux montrent que, lorsque la réussite scolaire ou les performances sont contrôlées, la position sociale a une influence importante, directe et interactionnelle, sur la variable dépendante (niveau d'aspiration professionnel, scolaire, etc.). Si les effets de la position sociale pouvaient être réduits, même à titre d'approximation, aux effets de l'héritage culturel, la structure de ces tableaux serait toute différente.

D'un autre côté, le tableau 2.4 montre que, par l'effet du processus de sélection différentiel dont la nature est illustrée par l'ensemble des tableaux précédents, la distribution des élèves en fonction de la réussite cesse d'être liée au niveau culturel de la famille au-delà d'une certaine étape du cursus. Cette proposition est a fortiori vérifiée lorsqu'on s'adresse à des niveaux plus avancés du cursus scolaire, comme cela a été montré par Bisseret (1968) à propos de l'enseignement supérieur.

Si cette analyse est correcte, il en résulte une proposition importante sur le plan pratique, c'est que, à partir d'un certain niveau scolaire, l'effet sur les inégalités sociales devant l'enseignement de changements pédagogiques, y compris de ceux qui reposent sur le souci de dégager l'enseignement de ce qu'on appelle parfois la culture de la classe dominante, doit être normalement négligeable. La version positive de cette proposition est que les changements pédagogiques ont d'autant plus de chances d'avoir un effet sur les inégalités qu'ils apparaissent à des niveaux plus précoces de la scolarité.

On peut donc dire en résumé que, si l'héritage culturel n'est pas sans effet sur les inégalités sociales devant l'enseignement, cet effet doit être logiquement isolé et ne peut être confondu avec celui de la position sociale.

 Le processus générateur des inégalités sociales devant l'enseignement peut finalement être décrit diachroniquement par le schéma suivant: l'héritage culturel a pour effet que, à une certaine étape du cursus scolaire, la valeur scolaire tend en moyenne à décroître avec le statut social de la famille; de même le retard tend à être plus fréquent à mesure que le statut social de la famille est plus bas. Ensuite, la position sociale affecte les paramètres du processus de décision et contribue à accentuer les inégalités.

On verra, au chapitre IV, que cette deuxième phase du processus étant répétitive, alors que la première ne l'est pas, l'héritage culturel joue finalement un rôle mineur dans l'explication de l'inégalité des chances, particulièrement au niveau de l'enseignement supérieur.

Fin de l'extrait.


Retour à la collection: Méthodologie en sociologie Dernière mise à jour de cette page le mardi 8 septembre 2015 12:32
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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