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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Actes du Colloque de l'ACSALF 1992, LES IDENTITÉS. (1992)
Avant-propos


Une édition électronique réalisée à partir des Actes du Colloque de l'ACSALF 1992, LES IDENTITÉS. Sous la direction de Jacques Hamel et Joseph Yvon Thériault. Actes du colloque de l'ACSALF, 1992. Montréal: Les Éditions du Méridien, 1994, 585 pp. [Autorisation accordée par l'ACSALF le 20 août 2018 de diffuser tous les actes de colloque de l'ACSALF en libre accès à tous dans Les Classiques des sciences sociales.]

[7]

Les identités.

Actes du colloque de l’ACSALF du 12 au 14 mai 1992.

Avant-propos

Par Jacques Hamel et J. Yvon Thériault

Le présent ouvrage dérive du colloque intitulé Les identités, tenu à l’Université de Montréal du 12 au 14 mai 1992 et organisé par l’Association canadienne des sociologues et anthropologues de langue française. Il en constitue en quelque sorte les actes bien que ce ne soit pas l’ensemble des exposés et débats qui y soit publié. Il ne s’agit donc pas du programme intégral de ce colloque, ni d’un compte rendu fidèle des propos oraux, mais bien plutôt d’un ensemble de textes sélectionnés parmi les présentations faites lors de ce colloque et pour la plupart réécrites en des exposés échappant à la forme orale ou à la présentation d’un sujet en un court laps de temps. Certes, cette forme y est parfois présente mais elle n’entrave pas la lecture de textes s’avérant des contributions de choix sur les sujets abordés.

En vue de favoriser la communication des points de vue sur les identités, les organisateurs du colloque ont délibérément donné une forme dynamique à ce colloque, mêlant la tenue de conférences magistrales, de débats et de tables-rondes à la présentation d’exposés en atelier. Si par sa forme le présent ouvrage oblige à renoncer à publier les propos oraux découlant des débats publics et des tables-rondes, en revanche, la publication intégrale des conférences magistrales permet d’apprécier ce qui en furent les points de départ. Car, en effet, c’est à la suite des conférences sur l’identité nationale, l’identité amérindienne et l’identité dans le travail qu’ont été engagés les débats avec des panelistes et plus largement avec le public.

La lecture du texte de ces conférences incite à poser que les identités constituent à n’en pas douter des marques découlant de la société et de son histoire ou, plus précisément, de processus sociaux, économiques, politiques et culturels, comprenant ici l’ethnie, la religion et les idéologies. Si, à des époques données de leur histoire, les sociétés tendent à apparaître sous une identité particulière, politique ou ethnique par exemple, il n’en reste pas moins que ceci est un « fait social total », c’est-à-dire le fait d’une société dans l’ensemble de ses dimensions, qu’elles soient économiques, [8] politiques ou culturelles. Celles-ci s’avèrent d’ailleurs des découpages analytiques commodes pour l’explication, non pas des dimensions séparées des sociétés qu’il conviendrait de mettre au premier plan pour expliquer leur identité.

Il n’en demeure pas moins que les identités de l’heure, celles qui s’élèvent au premier rang de l’actualité, sont ainsi mises en vedette par la société et, par conséquent, dans les colloques réunissant des sociologues et des anthropologues. Il n’est donc pas étonnant de trouver dans cet ouvrage la « question nationale » et la « question amérindienne » et les identités en jeu dans leur réponse, tout comme du reste les identités et le travail. Tenu au lendemain de la « crise amérindienne » et à la veille d’un référendum à l’échelle canadienne sur les accords de Charlottetown, le colloque sur les identités trouvaient ainsi des sujets de choix, donnant lieu à des débats politiques, au sens de débats liés en fait à des « projets de société ». Quant au travail, est-il besoin de souligner qu’il marque au premier chef l’identité des sociétés capitalistes que sont les États-Unis, la France, le Canada et le Québec ? L’éclatement du travail en diverses formes — régulier et précaire, bien et mal rémunéré —, formes marquées de surcroît par la prégnance de générations distinctes, constitue sans contredit un phénomène de première importance pour saisir les identités pouvant se manifester par le biais de l’éducation, la consommation, les générations, etc.

La première partie de ce recueil traite précisément des générations et des identités. L’identité que procure la génération dont ils sont une partie et un produit constitue sans contredit un premier terrain d’élection de l’identité des individus, certes, mais aussi, par voie de conséquence, de la société. Karl Mannheim rappelait jadis avec justesse que « dans la mesure où ceux qui entrent simultanément dans la vie participent potentiellement à des événements et à des expériences qui créent des liens » (Mannheim, 1990 : 52) la « situation de génération circonscrit, du fait de leur situation spécifique dans l’espace socio-historique, les individus dans un champ des possibles déterminé et favorise ainsi un mode spécifique d’expérience et de pensée, un mode spécifique d’intervention dans le processus historique » (Mannheim, 1990 : 45).

Les exposés présentés dans cette partie vont parfaitement en ce sens et donnent vie à une sociologie des générations portant au jour le conflit des générations déterminant l’identité des sociétés contemporaines, celui entre la génération des baby boomers et celle des baby busters. La vogue [9] des essais sur ce sujet (Ricard, 1992 ; Martineau, 1990) a vite placé les baby boomers au banc des accusés devant des jeunes sans avenir à cause de leur pouvoir économique et politique et de l’emprise de leurs valeurs sur la société actuelle. Sans mettre en cause cette position de force des baby boomers et ses répercussions, pour ne pas dire ses effets pervers sur les jeunes d’aujourd’hui, il convient assurément de l’expliquer en vue de saisir en acte les processus sociaux définissant l’identité d’une génération mais aussi, par ce biais, celle d’une société. La génération des baby boomers serait privilégiée du fait qu’elle a été associée, de par sa situation de génération, selon les mots de Mannheim, à la Révolution tranquille et les diverses réformes sociales qui s’ensuivirent dans les domaines de l’éducation, de la santé et du travail.

La montée en puissance des Québécois francophones qui en a découlé a fait en sorte que la « question du Québec » (Rioux, 1969) a été posée en termes d’identités nationales. La seconde partie de l’ouvrage porte justement sur les « identités, les communautés culturelles et les questions nationales ». Questions nationales est au pluriel puisque les exposés qui y sont présentés n’abordent pas que la question du Québec comme, du reste, y sont envisagées les identités ou les trajectoires identitaires des groupes constitutives des processus sociaux desquels émane l’identité nationale. La comparaison possible entre la question du Québec et celle de l’identité collective des Bruxellois francophones est particulièrement éclairante, tout comme l’est d’ailleurs le pont jeté entre la question nationale et l’affirmation d’identités collectives ou ethniques.

Les textes présentés dans cette partie du recueil font écho à leur façon à la thèse proposée naguère par Marcel Rioux et Jacques Dofny d’une conscience nationale (ou ethnique) et d’une conscience de classe au Québec qu’il convient de rappeler. Selon eux, la question nationale fait en sorte que tout problème d’identité dans la société québécoise, des classes sociales plus particulièrement, est envisagé dans et par une conscience ethnique et nationale. Évoquant l’enquête sur les jeunes des années 1960, les baby boomers d’aujourd’hui au demeurant, faite en compagnie de Robert Sévigny, Marcel Rioux écrit :

Après avoir interviewé une centaine de ces jeunes, je constate que la conscience nationale est beaucoup plus vive que la conscience de classe, que la conscience ethnique est plus développée à Montréal qu'en province, qu’elle est beaucoup plus un phénomène de classe moyenne que de classe ouvrière ou [10] paysanne ; que là où la conscience de classe existe — exprimée le plus souvent par le truchement du socialisme — elle est médiatisée par la conscience nationale ; c’est beaucoup plus pour la libération économique du Québec que ces jeunes se déclarent socialistes ou socialisants que pour la libération de leur classe ; je ne crois pas avoir rencontré personne qui fut socialiste sans qu’il fût nationaliste. (Rioux, 1965 : 107)

Écrits pratiquement trente ans plus tard, force est de reconnaître que le contexte historique et social du Québec a changé, à l’évidence, mais que la question nationale reste entière, ici comme ailleurs, et s’avère particulièrement déterminante de l’affirmation des identités collectives et individuelles comme celles des classes sociales, soulignée par Rioux, et des régions par exemple.

C’est ce dont il est question dans les deux parties suivantes de l’ouvrage. D’abord « Identité et développement régional » traite, comme ce titre l’indique, du développement économique et culturel de régions aujourd’hui connues par leur revendication d’une identité particulière, faite de haute voix ou simplement admise au vu de leur propre dynamisme : la Beauce, l’Abitibi et aussi l’Acadie. Leur identité émane d’une sociabilité et d’une vie associative caractéristiques allant de pair avec un développement économique et industriel qui en porte la marque. Cela jette en défi à la sociologie et à l’anthropologie que l’économie doit être envisagée et saisie dans sa forme culturelle dont l’identité économique, ouvrière et, pour reprendre des mots en vogue aujourd’hui, la « culture d’entreprise » sont l’expression par excellence.

Ce défi est redoutable tant aujourd’hui l’économie semble séparée de la culture et exister en tant que telle, au point que la « culture de l’économie » constitue l’identité des sociétés actuelles, des régions, des entreprises, des professions, des classes sociales, etc. La culture de l'économie s’exprimant par la fameuse « culture d’entreprise » tend même à effacer, voire dissimuler, les classes sociales présentes dans les entreprises, les régions, etc. Les classes sociales sont mêmes disparues de la théorie en sociologie et en anthropologie qui, de ce fait, épouse de façon problématique cette culture désormais commune.

Essayant de s’en démarquer, les exposés réunis sous la rubrique « Identités, travail et classes sociales » constituent une espèce de provocation. Le retour des classes sociales en sociologie et en anthropologie n’est pas toutefois sans poser problème. L’appel à une « reconceptualisation [11] des rapports de classes » est lancé et doit être suivi d’abord par des études empiriques sur les identités ouvrières, les positions syndicales, les identités professionnelles, à l’exemple de celles proposées dans cette partie de l’ouvrage.

De telles études ne peuvent être mises au point sans les avancées de la méthodologie, plus particulièrement des méthodes quantitatives. La contribution de la méthodologie quantitative à l’étude de l’identité est présentée dans la dernière partie de l'ouvrage. Si ces exposés constituent les démonstrations convaincantes de méthodes de pointe, ils s’avèrent par ailleurs des enseignements riches quant à la définition du lien entre théorie et méthode et, en ce sens, une invitation à la rigueur dans la construction des identités en sociologie et en anthropologie.

* * *

Les dernières mots de cet avant-propos seront des remerciements. La publication d’un tel recueil n’est possible que grâce au soutien d’un personnel de secrétariat offert sans relâche et extrêmement efficace. Qu’il nous soit donc permis de remercier Francine D’Amour et Manon Leclerc, du Secrétariat de la recherche de la Faculté des sciences sociales de l’Université d’Ottawa, ainsi que Lucie Lévesque et Marie Brulé du Secrétariat du département de sociologie de l’Université de Montréal. Outre la mise au net du manuscrit, ces personnes ont veillé à la correspondance avec les auteurs, les évaluateurs et les autorités de l’ACSALF et de l’ACFAS. Le secrétaire de l’ACS ALF, Raymond Lalonde a aussi apporté une aide précieuse et il doit en être remercié.

Notre gratitude va aussi aux collègues qui ont accepté d’évaluer les premiers états des manuscrits et de fournir des avis éclairés afin que les exposés puissent être publiés dans la meilleure forme et rejoindre le public le plus large. Que ces collègues soient avertis que, sans leur précieux concours, des ouvrages comme celui-ci pourraient difficilement susciter un intérêt au sein de la communauté des sociologues et anthropologues.

Nos derniers remerciements vont évidemment aux auteurs des exposés, d’abord présentés oralement lors du colloque organisé sous l’égide de l’Association canadienne des sociologues et des anthropologues de langue française. Grâce à eux et elles, une telle manifestation devient une occasion de choix pour faire le point, pour débattre et marquer des avancées théoriques et méthodologiques à propos d’un sujet comme celui [12] des identités. À l’heure où pour certains administrateurs universitaires une telle rencontre entre chercheurs de langue française provenant du Québec et du reste du Canada apparaît trop locale et de peu d’intérêt en regard d’une « mondialisation de l’économie et des connaissances scientifiques et techniques » posée comme évidence, l’organisation d’un colloque de l’ACSALF et la publication des actes revêtent au contraire une importance cruciale. Avant de s’insérer dans la communauté internationale des chercheurs en sociologie et en anthropologie, les sociologues et anthropologues d’ici ont tout intérêt à se rencontrer et discuter pour ensuite mieux communiquer les découvertes et avancées de leur théorie inspirées par l’étude de leur propre société. Si ceci ne fait pas de doute, il est curieux de constater que cela ne soit pas compris comme évidence.

La publication de cet ouvrage vise à rallier le plus grand nombre à cette évidence.

Jaques Hamel
J. Y. Thériault

[13]

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

MANNHEIM, Karl

1990      Le problème des générations. Paris : Nathan.

MARTINEAU, R.

1991      La chasse à l’éléphant. Montréal : Boréal.

RICARD, F.

1992      La génération lyrique. Montréal : Boréal.

RIOUX, Marcel

1965      « Conscience nationale et conscience de classe au Québec », Cahiers internationaux de sociologie, 38 : 99-108.

1969      La question du Québec. Paris : Seghers.

[14]



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 4 avril 2019 10:06
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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