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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Actes du colloque de l'ACSALF 2012, CRISE ET MISE EN CRISE. (2015)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir des Actes du colloque de l'ACSALF 2012, CRISE ET MISE EN CRISE. sous la direction d'André Tremblay et Marie-Claude Haince. Montréal: Les Éditions de l'ACSALF, 2015, 234 pp. [Autorisation accordée par l'ACSALF le 20 août 2018 de diffuser tous les actes de colloque de l'ACSALF en libre accès à tous dans Les Classiques des sciences sociales.]

[1]

Crise et mise en crise.

Actes du colloque annuel de l’ACSALF 2012.

Introduction

Par André Tremblay
Président de l’ACSALF

Marie-Claude RAINCE
VICE-Présidente de l’ACSALF

image6La crise est à la fois une notion et un phénomène qui en est venu à prendre une place de plus en plus prépondérante au cours des dernières années. C'est celle de 2007-2008, la plus importante crise économique et financière depuis 1929, qui a inspiré l'ACSALF dans le choix du thème de son colloque de 2012. La crise qui a secoué le monde arabe et que l'on a appelée sous le nom romantique de « Printemps arabes » n'a fait qu'ajouter une autre dimension, complexification, à la notion qui nous avait inspirés. Une des difficultés de publier un ouvrage sur la crise contemporaine tient au fait qu'elle semble sans fin, constamment renouvelée et multiforme. L'Europe, par exemple, n'est toujours pas sortie de la « crise » économique de 2008 alors que les États-Unis, d'où pourtant elle provient, claironnent leur prospérité retrouvée. Quant aux Printemps arabes, il y a longtemps que l'on n'évoque plus les espoirs qu'ils ont fait naître. Malgré la singularité de chaque cas, les crises politiques et sociales, voire économiques, ne se sont pas tues pour autant et elles continuent à travailler ces territoires et ces sociétés. L'Égypte, après une élection démocratique ayant porté au pouvoir les Frères musulmans, est revenue à un gouvernement dirigé par un ancien général à la suite d'une prise de pouvoir des plus controversée. La Syrie, dont le dirigeant s'accroche au pouvoir sans concession, est en proie à une guerre civile sanglante qui a peu à peu dégénéré en conflit régional avec l'apparition de l'État islamique et l'intervention aérienne d'une coalition internationale regroupant, notamment, le Canada, la France et les États-Unis. Enfin, si une partie significative du Monde arabe semblait en révolte, l'évocation même d'un « printemps », lui, semble désormais grotesque ; sauf peut-être pour la Tunisie qui a résisté à l'anarchie de son proche voisin, la Libye, et a su tenir des élections démocratiques où l'alternance a été respectée. Malgré sa prépondérance, notamment dans notre [2] effort pour circonscrire le thème de la crise en se focalisant sur une région du monde qui a connu son lot de crises, nous ne nous en sommes pas tenus au seul « cas » arabe. Nos conférenciers nous ont présenté la situation du Japon, de l'Argentine, de l'Australie, de la Somalie et du Québec, notamment.

Au moment même où le colloque se déroulait à Montréal, un événement local, en fait toute une série d'événements, s'était elle aussi aussi value une étiquette printanière. Le « Printemps érable », par homophonie plus que par le goût, s'inscrivait davantage que les mouvements moyen-orientaux dans une contestation du capitalisme et plus spécifiquement du néo-libéralisme. Il était donc plus proche d'Occupy Wall Street ou du mouvement des Indignados espagnols que des occupants de la place Tahrir. Pendant de longs mois, au Québec, les cégeps et les universités se sont trouvés soit en grève, soit le lieu de manifestations.

Presque trois ans se sont déroulés depuis la tenue du colloque et nous n'avons pas tenté de mettre à jour les textes du colloque en fonction de récents développements. En effet, ce serait s'engager dans une tâche sans fin qui ne rendrait pas justice aux contributions de nos auteurs. Celles-ci d'ailleurs dépassent le diktat de l'actualité tout en restant pertinentes pour comprendre les sociétés contemporaines. Si l'empiricité de la crise constituait un aspect important des analyses que nous souhaitions mettre de l'avant, les auteurs ont néanmoins su s'extirper des processus empiriques afin de les réinscrire, plus largement, dans des théorisations ayant trait au changement social, culturel et politique. La réflexion s'est également faite de manière plus générale en revisitant non seulement des théorisations, mais aussi en proposant et développant des conceptualisations originales.

Il est important de rappeler que dans cette entreprise nous nous heurtions en premier lieu à un défi de taille, celui de définir ce que nous entendions par le vocable de crise. La portée inflationniste de ce terme nous proscrit en effet d'en donner une définition unique et figée. Ainsi, nous pouvons comprendre la crise aussi bien en tant qu'éthos, discours ou technologie de gouvernement. Elle s'allie fréquemment à des mesures exceptionnelles ou encore elle sert de prétexte à la mise en œuvre de politiques parfois difficilement légitimes. De même, elle peut être économique aussi bien que sociale, se centre sur les individus comme sur les sociétés. De facto, divers niveaux d'analyse étaient essentiels pour saisir non seulement l'idée de crise, mais aussi pour comprendre sa nature, ses sens, ses configurations et structures, dans toute leur complexité. En ce sens, il était nécessaire de s'attacher aux multiples formes contemporaines de la crise, mais aussi de comprendre comment nous en sommes venus à utiliser ce mot pour désigner certains de ces mouvements de société. Si la crise, de par sa définition même, a longtemps appartenu au seul domaine médical et, de ce fait, supposait que le retour à l'état antérieur soit une des issues possibles sinon souhaitées de l'après-crise, son introduction dans les sciences sociales fait l'impasse sur cette éventuelle récupération. Ainsi, Kosseleck et Richter (2006) repèrent en Angleterre dès 1627 un premier usage de la notion de « crise » [3] dans un contexte politique précis ; nous sommes à l'aube de la première révolution anglaise et si le parlementarisme a finalement su stabiliser le système politique britannique, il ne constitue en rien un retour à un état antérieur ni la fin de l'histoire. Ainsi, son usage en sciences sociales et humaines à proprement parler apparaît sensiblement à la même époque pour les historiens Hobsbawm (1954) et Trevor-Roper (1959). En France, c'est seulement à la fin du XVIIIe siècle, un peu avant 1789, qu'un même usage en est fait (Cullen 1993). Des usages qui soulignent tous, la relation intime entre les notions de crise et de révolution. Sans croire que les crises sont nécessairement annonciatrices de révolutions à venir, il semble assuré que la notion de crise en sciences sociales n'est pas signe d'un simple malaise passager dont on recouvrera et que la notion de « sortie de crise » a peu à voir avec celle de « rétablissement » propre à la médecine sans pour autant l'exclure tout à fait.

Dans la littérature contemporaine, trois appréhensions de la crise se sont dégagées : a) la crise en tant que rupture dans le prévisible (Arendt 1972 ; Balandier 1971a, 1971b) ; b) la crise en tant que source de transformations majeures (Gluckman 1955, 1963 ; Kapferer 2004, 2005 ; Turner 1969, 1974) ; c) la crise en tant qu'effet de processus ingouvernables (Hall et al. 1978). Toutes la situent dans un processus et nous invitent à le comprendre. C'est ce nos auteurs ont fait.

Les textes de Sophie Bessis, Zakaria Rhani et Samir Saul s'adressent plus particulièrement au mouvement de transformation de sociétés arabo-musulmanes, la Tunisie, le Maroc et l'Égypte. L'analyse de Bessis repose sur une question centrale : « Comment les acteurs de la transition traitent-ils cet arc de crise et pour tenter d’en faire émerger quel type de société ? ». Plus généralement, cette question soulève un débat sur l'identité dans le monde arabe. Un débat que l'histoire récente nous a fait voir à partir du point de vue des pays occidentaux avec la montée du populisme identitaire. Il ne s'agit pas d'un simple effet miroir, mais d'une problématique à la fois fondamentale et spécifique. L'élimination des dictateurs est l'occasion de mettre en place un « nouveau monde ». Celui-ci doit-il se construire en rupture avec la vision du modernisme que bien des dictateurs prônait, c'est-à-dire une version qui laissait plus de place au libéralisme économique qu'à la démocratie ? Ou encore est-ce l'occasion d'un retour de la Tunisie à ses sources culturelles et religieuses ? Telles sont les interrogations qui guident ce texte.

C'est sous cet angle, celui d'un certain « retour de l'islam », que Rhani aborde sa réflexion. Il réfère à la prise de pouvoir démocratique des partis islamistes en Égypte, au Maroc et en Tunisie. Loin d'en situer l'émergence exclusive dans les mouvements de révolte, il nous rappelle que ce retour a commencé par une révolution islamiste en Iran, il y a plus de quatre décennies. Une révolution parmi d'autres qui ont marqué l'histoire de l'Islam qui fut elle aussi marquée par bien des bifurcations et même quelques branchements dont la Fitna est la plus significative, accoucheuse d'histoire. Une histoire riche qu'on ramène trop souvent à une vision essentialiste, univoque. Au contraire, la révolution iranienne n'est [4] pas un simple retour, une renaissance, mais une refondation inspirée tant de la tradition que d'une vision moderniste contestant l'ordre établi, celui de l'impérialisme. Une bifurcation plutôt qu'une renaissance donc. Comme le dit si bien Zakaria Rhani : « Ce faisant, le retour de l'islam, annoncé en pompe par Lewis, est en fait un détour, politique et idéologique, à travers une certaine vision de l'histoire dont on puise des symboles, des récits, des mythes pour donner sens à des prises de position actuelles ». Une lecture qu'il étend aux mouvements islamistes issus des Printemps arabes et qui en prendront la direction un certain temps.

Samir Saul s'interroge également sur l'actualité des crises du printemps arabe. Il tente d'établir le lien entre la crise économique de 2008 et la crise politique de 2011 en Égypte. Il n'en fait certes pas un simple rapport de causalité. En effet, la montée du néolibéralisme en Occident et la financiarisation de son économie se sont jouées en parallèle sinon en accord avec le programme des ajustements structurels et la critique de l'intervention étatique dans les pays du Sud, notamment l'Égypte. Quel rôle l'échec de l'un a-t-il eu sur le sort de l'autre ? Saul, en bon historien, sait faire ressortir ce qui appartient à une dynamique qui s'inscrit sur plusieurs décennies. Ce qui ressort de cet examen, c'est la mise en évident du caractère à la fois ancré, mais surtout permanent de la crise, sa prise solide dans la longue durée.

Deux textes s'intéressent à une crise qui s'est étendue bien au-delà de quelques années et qui nous éloigne tant de la crise économique de 2007-2008 que de celle du monde arabe. Malgré quelques éclaircies, le Japon est en crise économique depuis les années 1990. Une crise qui ne l'a pas chassé du troisième rang des économies mondiales, mais en a fait un des pays le plus endettés. Au plan politique, si les gouvernements se sont succédés à un rythme effréné depuis 1991 (11 premiers ministres), ils appartenaient tous, sauf pour la période de 1993 à 1996, au même parti politique qui est resté au pouvoir depuis 1955, le Parti libéral démocrate, à tendance conservatrice et de droite. L'histoire économique du Japon que nous narre Bernard Bernier n'est pas sans nous rappeler les principaux éléments de la crise de 2008 avec ce mélange de manœuvres financières et de crise immobilière, mais elle prend place 18 ans auparavant. Ce dernier nous montre aussi qu'au fil des ans c'est tout un système social qui s'effondre, dont l'emploi à vie. Le lien bien établi depuis la fin de la guerre de Corée entre l'éducation supérieure et le succès dans la vie active se casse en même temps que l'espoir des nouvelles générations de travailleurs, tout particulièrement les femmes japonaises.

C'est à leur situation particulière que Vincent Mirza s'attache. Les femmes japonaises et plus particulièrement les jeunes professionnelles qu'il interviewe vivent un double mouvement en bonne partie contradictoire. Alors que l'économie japonaise en crise amène un resserrement de l'emploi et sa flexibilisation, les parcours de ces femmes s'inscrivent dans une dynamique émancipatoire où l'accès au marché du travail et aux bons emplois son centraux. Des jeunes femmes qui cherchent et trouvent [5] dans le travail un sentiment de réalisation de soi qui, traditionnellement, leur était refusé au profit de la vie familiale. Son texte nous rappelle que les crises ne sont jamais abstraites et qu'elles s'inscrivent dans les parcours de vie de personnes en chair et en os. Des parcours qui sont ici décrits comme ceux de combattantes face à une culture réfractaire.

Réfractaire, la société somalienne l'est à la transformation du rôle des femmes. Nuru Koki Kyalo passe par l'analyse romanesque pour nous la faire comprendre. Elle s'appuie principalement sur le roman Née de la côte d'Adam publié en 1970 par Nuruddin Farah pour nous faire comprendre les ressorts de l'opposition entre les sexes qu'il met en scène dans la plupart de ses romans. Elle démontre comment la réalité décrite par Farah reste d'actualité encore aujourd'hui et comment elle génère des crises quotidiennes, des tentatives d'affirmation et d'autonomie rencontrant des obstacles auxquels l'héroïne doit faire face. La crise ici structure les rapports de genre et les rapports sociaux, en les travaillant en profondeur.

Hage et Montera, quant à eux, nous amènent dans l'hémisphère sud. Le premier en Australie où il étudie des phénomènes liés à l'immigration et la seconde en Argentine dont elle fait la sociologie politique. Leur méthode aussi bien que les temporalités dans lesquelles ils se situent face à la crise qu'ils analysent son aux antipodes. Ana Soledad Montera nous laisse à voir le processus achevé d'une « sortie de crise ». Elle analyse le discours kirchnériste suite à la crise argentine de 2001 et nous montre comment on a manipulé le discours pour donner l'impression d'une résolution de crise et, dans ses termes, permettre « la recomposition hégémonique du tissu socio-politique argentin » qui l'a suivie. Ici, la crise serait vectrice de changement social.

Ghassan Flage, pour sa part, utilise l'ethnographie pour fonder son analyse, mais ce qu'il nous propose est une compréhension singulière du développement d'un sentiment anti-immigration chez les Australiens blancs. Pour Hage, qui s'inscrit dans une pensée postmarxiste, la crise ne conduit pas forcément vers la révolution ni à la recherche d'égalité. Au contraire, elle peut bifurquer vers une montée du conservatisme. Il offre ainsi une explication de la montée du populisme identitaire. Plutôt que de se baser sur une notion de position sociale ou de statut, il fait ressortir une action et une dynamique sociale singulière. Ce qui fait qu'une personne éprouve du ressentiment envers les immigrants, peu importe sa position sociale, son rang et même son éducation, c'est qu'elle se sente bloquée dans sa propre progression, dans son ascension sociale. Selon Hage, le sentiment de n'aller nulle part dans sa vie alimenterait le ressentiment envers les immigrants. On leur reprocherait d'avoir amélioré leur sort alors que les nationaux seraient restés bloqués là où ils étaient, sans espoir d'avancement. L'animosité ne trouve donc pas sa source dans les caractéristiques propres à l'immigration, ce qui nous conduit vers une analyse du processus de racialisation par exemple, mais dans des rapports dont le point de départ réside dans l'analyse que l'on fait de sa propre situation.

[6]

Les textes de Gilles Gagné et d'André Tremblay s'inscrivent dans une étude de la dynamique sociale québécoise. Gagné s'inspire du dégoût provoqué par le dévoilement de la corruption endémique de grands pans de la société québécoise pour pousser la réflexion sur la corruption à un niveau philosophique. Il écrit son texte quelques mois après la mise en place de la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction, mieux connue sous le patronyme de sa présidente la juge France Charbonneau. La Commission Charbonneau, dont le mandat concerne la corruption dans l'industrie de la construction, a surtout porté sur le monde municipal. À la suite de son rapport, plusieurs maires du Québec ont dû démissionner étant donné les révélations qu'on y a entendues, dont le maire de Montréal, la métropole. Après avoir analysé les principales figures de la corruption, Gilles Gagné montre que c'est au cœur même de la société contemporaine que la corruption est installée. Son but est « d'élargir notre approche conceptuelle du problème de la corruption des acteurs pour y inclure celle des institutions et des pratiques institutionnalisées ». Les institutions n'étant plus investies par les citoyens, elles deviennent inopérantes, des coquilles juridiques vides dont on peut bifurquer sans état d'âme. La crise, comme mécanisme de gouvernance, en vient justement à occuper cet espace laissé vacant.

André Tremblay essaie quant à lui de comprendre le phénomène du « Printemps érable ». Inattendue et inespérée, on ne croyait plus qu'un tel mouvement de contestation fût possible ; la fronde étudiante s'est étendue sur plusieurs mois. L'auteur tente de situer la place des Carrés rouges dans le mouvement général de la société québécoise depuis les années 1970 et de l'inscrire dans les puissantes transformations structurelles plus larges, tant de l'économie que de la famille. En effet, le mouvement étudiant, bien que ses demandes soient d'ordre économique-contre la hausse rapide des frais de scolarité -, se présentait comme égalitaire, féministe et écologiste. Il était tout autant un mouvement social qu'un outil de revendication. La question des objectifs et des modalités de l'action collective s'y trouve posée. C'est l'articulation entre la crise, le collectif et le changement social qui est ici scruté sous l'angle du conflit social.

Enfin, les deux derniers textes analysent et critiquent les fondements mêmes de l'activité économique contemporaine. Frédéric Lebaron s'inquiète du rapport entre les économistes et les acteurs qu'ils sont censés analyser. Il s'étonne tant de cette apparente collusion que de la primauté du discours des économistes alors même que son échec le plus patent, la crise financière de 2007, aurait dû entraîner une « crise de la croyance économique dominante ». Il inscrit son « analyse des discours et des croyances économiques » dans le contexte de leur production sociale en faisant l'analyse des personnes et des appareils qui le produisent et le défendent au-delà de l'épreuve des faits. Cette remise en question de la neutralité scientifique des économistes contemporains les plus proéminents soulève la question d'une autre « vérité économique ». Une autre manière de penser notre rapport à l'économie est-elle possible ?

[7]

C'est précisément ce à quoi tente de répondre Yves-Marie Abraham. Il nous propose un nouveau modèle économique, celui de la décroissance soutenable. Selon lui, le « problème de la croissance » ne consiste pas à la retrouver après que la crise nous l'ait fait perdre. Au contraire, la crise peut être une occasion d'engager un processus ordonné vers la décroissance. La remise en question « des finalités de notre existence collective » telles que posées par le crédo croissanciste est à la fois un projet politique et théorique. Le projet que l'auteur porte et présente veut répondre tant aux crises économiques que sociales et écologiques en offrant une alternative en rupture avec la course effrénée vers la croissance.

Ces diverses analyses nous ont permis d'éclairer des aspects souvent moins explorés par la littérature sur les crises, non seulement d'un point de vue empirique, mais aussi théorique et conceptuel. Depuis la tenue de ce colloque, le constat peut-être fait qu'aussi bien la notion que le phénomène de la crise en sont venus à « normaliser » nos manières de faire l'expérience de la vie en société, mais aussi de nos manières de la pensée. La crise demeure une idée dominante de la contemporanéité et nous sommes convaincus que son appréhension sera encore au cœur de nos travaux dans les années à venir ; l'on a qu'à penser à la crise des réfugiés syriens, la crise du processus électoral en Haïti ou encore la crise financière qui se profile en Chine pour s'en convaincre.

[8]

Références

Arendt, H. 1972. La crise de la culture. Paris : Gallimard.

Balandier, G. 1971a. Sens et puissance. Paris : Presses universitaires de France.

_____, 1971b. « Réflexions sur une anthropologie de la modernité ». Cahiers internationaux de sociologie, 51 :197-211.

Cullen, L. 1993. « History, Economic Crises, and Revolution : Understanding Eighteenth Century France ». Economic History Review, XLVI (4) : 635-657.

Gluckman, M. 1955. Custom and Conflict in Africa. Oxford : Oxford University Press.

_____, 1963. Order and Rebellion in Tribal Africa. London : Cohen and West.

Hall, S., C. Critcher, T. Jefferson, J. Clarke, and B. Roberts. 1978. Policing the Crisis : Mugging, the State and Law and Order. London : Palgrave Macmillan.

Hobsbawn, E. 1954. « The General Crisis of European Economy in the Seventeenth Century ». Past and Prrsent, 5 :33-53.

Kapferer, B., ed. 2004. The World Trade Center and the Global Crisis. Some Critical Perspectives. Oxford : Berghahn Books.

_____, 2005. « Situations, Crisis, and the Anthropology of the Concrète. The Contribution of Max Gluckman ». Social Analysis, 49(3) : 85-122.

Koselleck, R. and M. W. Richter. 2006. « Crisis ». Journal of the History of Ideas, 67 (2) : 357-400.

Trevor-Roper, H. 1959. « The General Crisis of the Seventeenth Century ». Past & Present, 16 : 31-64.

Turner, V. 1969. The Ritual Process : Structure and Anti-structure. Chicago : Aldine Publishing Co.

_____, 1974. Dramas, Fields and Metaphors. Symbolic Action in Human Society. Ithaca : Cornell University Press.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 16 mai 2020 8:58
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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