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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Hanania Alain AMAR, Les savants fous. Au-delà de l'Allemagne nazie. (2007)
Présentation et délimitation


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Hanania Alain AMAR, Les savants fous. Au-delà de l'Allemagne nazie. Paris: Les Éditions L'Harmattan, mai 2007, 194 pp. Collection “L'Allemagne d'hier et d'aujourd'hui” dirigée par Thierry Feral. [Livre diffusé en libre accès dans Les Classiques des sciences sociales avec l'autorisation conjointe de l'auteur et du directeur de la collection “L'Allemagne d'hier et d'aujourd'hui” accordée le 21 février 2020.]

[15]

Les savants « fous ».
Fiction et réalité. Essai.

Présentation et délimitation

J’ai commencé cet essai en ayant une idée empirique : il y a beaucoup plus de savants « fous » que de savantes « folles ». J’avais alors pensé au titre suivant : « Pourquoi n’y a-t-il pas de savantes folles ? »

N’étant pas totalement certain de mon affirmation, mais désireux d’entreprendre de sérieuses recherches sur cette question, j’ai opté pour un titre plus vraisemblable. En avançant dans mon travail et dans ma recherche, le nombre impressionnant de savants nazis fous et/ou criminels m’a orienté vers un autre intitulé.

Et pourtant  — je ne dirai pas comme Galilée « se muove » —, le scientifique fou est presque toujours un homme, que ce soit dans la vie réelle ou la littérature fantastique, la bande dessinée ou le cinéma. Le mot « fou » est  délibérément écrit entre guillemets car il recouvre, nous le verrons au fil de cet essai, une grande quantité de personnalités : les « fous » authentiques — ayant perdu le contact avec la réalité de façon transitoire ou définitive ou à éclipses —, le « fou » criminel — qui n’est pas forcément fou au sens où la psychiatrie le définit, mais que le corps social préfère considérer comme « fou » car dangereux, afin de ménager une frontière infranchissable entre lui et des individus dits monstrueux —, les rêveurs  — lunaires, non dangereux par eux-mêmes mais par leurs découvertes…

Les savants criminels regroupent en fait trois catégories : ceux qui agissent sciemment et veulent nuire, ceux qui récidivent, malgré ou du fait des dégâts constatés et enfin, ceux qui [16] ont nui à autrui sans s’en douter, mais qui persistent et signent ou effacent les traces de leurs forfaits. Mais faut-il les considérer comme « fous » ? Je ne le pense pas. Ils sont responsables et doivent être poursuivis en tant que tels. Suivra alors peut-être le débat discutable sur la « différence » (contestable) entre responsabilité et culpabilité ?

Enfin, je précise qu’il n’est pas question dans le présent essai de s’ériger en procureur, censeur intransigeant, à la manière du tristement célèbre Fouquier-Tinville, mais bien de chercher à comprendre pourquoi des individus cautionnés par leurs diplômes, leurs pairs, ont pu commettre des erreurs — parce que humains — ou des actes insensés, sans avoir eu le courage et l’honnêteté de reconnaître leurs agissements, de les assumer et de tirer parti de leurs fautes, pour le bien d’autrui. Un scientifique n’est pas infaillible. Il sera d’autant plus crédible qu’il saura dire quand il le faudra : « je ne sais pas », ou « je me suis trompé ».

À une époque de fuite des responsabilités, j’ai éprouvé un  plaisir quasi  jubilatoire en lisant un article de Chan Sanyi* dont je n’hésite pas à citer de larges extraits : « Il existe d’une part les sociétés civiles à responsabilité limitée et, d’autre part, les sociétés militaro-policières à responsabilité illimitée. Et probablement entre les deux ce que l’on nomme le libéralisme. Lorsqu’un individu présumé intelligent et ayant un niveau culturel bien au-dessus de la moyenne générale, se met à flinguer à tour de bras tout un conseil municipal, on est en droit de se poser quelques questions de plus.

Sanyi poursuit :

« (…) Il est facile de se réfugier derrière le motif de la folie. Ainsi, Hitler était fou, les dirigeants nazis étaient fous, tous les savants allemands  étaient fous,  les scientifiques  allemands étaient fous, les Allemands eux-mêmes étaient fous. [17] Puis tout est soudainement rentré dans l’ordre (…), Hitler s’étant suicidé, du moins c’est ce qui a été affirmé. On dut se contenter de traîner quelques sous-fifres à Nuremberg. »

L’auteur ajoute :

« (…) Entre temps, des savants fous avaient créé l’avion à réaction, la fusée à étages, le lance-rocket anti-char (…), la bombe atomique. Inventions diaboliques qui furent évidemment prises en compte par les démocraties angéliques (…) Bon nombre de ces savants fous (…) redevinrent normaux et œuvrèrent donc pour la liberté démocratique et la conquête spatiale comme Wernher von Braun ou Otto Muck. »

Sanyi précise :

«  (…) La folie n’est-elle pas un peu dans cette société irresponsable qui autorise la détention d’armes, pour motif sportif, à un individu jugé psychologiquement faible et déséquilibré (…) Nul n’est responsable autre que l’indifférence bien habituelle et bien normale de ceux qui sont assis vis-à-vis de ceux qui restent debout. »

L’auteur conclut :

« (…) Dans le noir absolu, la violence représente la lumière. Lorsqu’il ne reste plus de lueur d’espoir, ne serait-ce que celle d’une bougie vacillante au fond d’un tunnel, tout devient possible et surtout le pire. »

Une fois ces remarques faites, je précise que, dans la suite du texte, les guillemets encadrant le mot « fou » seront généralement supprimés par simple commodité de présentation.

[18]


* www.Tao-yin.com/archives/societe_responsabilité_illimitée.html



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 15 mars 2020 18:09
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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