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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Décentralisation et Collectivités Territoriales en Haïti. Un État des Lieux. (2004)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Fritz Deshommes, Décentralisation et Collectivités Territoriales en Haïti. Un État des Lieux. Port-au-Prince, Haïti: Les Éditions Cahiers Universitaires, 2004, 134 pp. Cahier no 1. e édition numérique en préparation par Chinetor PAUL, bénévole, jeune diplômé en Sciences du Développement à PAODES-Université, en Haïti. [Autorisation accordée par l'auteur de diffuser ce livre en libre accès dans Les Classiques des sciences sociales le 17 mai 2016.]

[15]

Décentralisation et Collectivités Territoriales en Haïti.
Un état des lieux.

Introduction

« Changer l'État », réclamions-nous avec insistance en 1986, suite à la chute de la dictature des Duvalier. Changer l'État pour le rendre plus proche des citoyens et au service de la nation.

Les multiples débats qui accompagnaient les réflexions sur l'État à l'époque pointaient du doigt sans complaisance :

• « La longue pratique de centralisation des pouvoirs au sommet et au sein de l'Exécutif » [1], mieux (ou pire), aux mains d'un seul personnage, le Chef de l'État. Le système patrimonial qui en découle privilégie le népotisme, le clientélisme et le favoritisme comme voies d'accès aux services publics.

• La concentration spatiale des services publics qu'illustre éloquemment la répartition des fonctionnaires de l'État à travers le territoire : 46% des agents de la Fonction Publique se trouvent dans la seule zone métropolitaine de Port-au-Prince qui, à l'époque, abritait moins du cinquième de la population ; 15%  des agents publics étaient affectés en milieu rural où vivaient 65% de la population.

• L'exclusion qui frappe la majorité de la population et qui revêt des formes multiples : linguistique, juridique, culturel, économique, etc... La langue parlée et maîtrisée par la majorité, le créole, est encore méprisée et peine à obtenir droit de cité. Le droit coutumier régissant la vie quotidienne est relégué au second plan au profit d'un droit officiel fonctionnant selon les us et la logique d'une minorité urbaine lettrée. [16] La religion populaire est dévalorisée et réprimée. L'économie rurale dominée par les petits paysans fait l'objet de drainage systématique de ressources au profit de l'import-export urbain. En milieu rural, seulement :

- 1% de la population bénéficie des services sanitaires ;
- 10% de la population a accès à l'eau potable ;
- 5% des écoles primaires publiques y sont situées (données de 1986).

Il en résulte une perte flagrante de crédibilité, de légitimité pour l'État incapable à la fois de fournir les services essentiels et d'exercer valablement ses fonctions régaliennes. On sait par exemple que 80% de l'offre d'éducation et 65% des services de santé relèvent du secteur privé. En outre, la régulation de l'action des ONG, la coordination de l'aide internationale et des projets de développement, pour ne citer que quelques exemples, ne sont nullement assurées.

Il fallait donc sortir de cet État traditionnel, fait d'exclusion, de népotisme, de centralisation des pouvoirs et de concentration des services publics. C'est dans cet esprit qu'a été élaborée et votée massivement la constitution de 1987 qui, dès son Préambule et afin que nul n'en ignore, appelle à une « décentralisation effective », instrument par lequel devrait s'instaurer « un régime gouvernemental basé sur les libertés fondamentales et le respect des droits humains, la paix sociale, l'équité économique, la concertation et la participation de toute la population aux grandes décisions engageant la vie nationale » (Préambule # 7).

Dans le même ordre d'idée, il convient, précise la loi-mère, de « fortifier l'unité nationale, en éliminant toutes discriminations entre les populations des villes et des campagnes, par l'acceptation de la communauté de [17] langue et de culture et par la reconnaissance du droit au progrès, à l'information, à l'éducation, à la santé, au travail et au loisir pour tous les citoyens. » (Préambule # 5)

Tout un chapitre, en 26 Articles et 5 Sections, sera consacré à la Décentralisation et aux Collectivités Territoriales. L'engouement suscité semblait être général et l'on croyait que rapidement l'État allait changer de visage et respirer la démocratie, la participation, l'équité et la décentralisation.

Le moins que l'on puisse dire c'est qu'il n'en est rien dix-sept (17) ans après. Il est clair que nous sommes encore loin de « l'État Unitaire Décentralisé » dont les Collectivités Territoriales devraient constituer un des piliers fondamentaux.

Pis encore, au moment où nous abordons une nouvelle transition, l'enthousiasme pour la décentralisation n'est plus ce qu'il était en 1986. Les rendez-vous ratés, les opportunités gaspillées, les espérances déçues retrouvent désabusés et sceptiques la plupart d'entre nous.

Or, il se trouve que la mise en place des institutions démocratiques, que nous appelons de tous nos vœux, passe par l'application intégrale du modèle de décentralisation établi par la Charte Fondamentale, laquelle octroie aux Collectivités Territoriales le pouvoir de désigner des juges du Pouvoir Judiciaire, de proposer les membres du Conseil Electoral Permanent, de participer à l'élaboration des législations et des politiques relatives à la décentralisation et au développement économique.

En d'autres termes, l'implantation et le fonctionnement des organes des Collectivités Territoriales constituent une condition de réussite de la transition que nous abordons, de l'institutionnalisation de la démocratie et de la stabilité nationale.

Sans compter les motivations intrinsèquement liées à la décentralisation qui, en règle générale, permet une meilleure gestion des services publics.

[18]

Il importe donc de relancer le débat sur la décentralisation du point de vue de ses fondements, de sa conception et de sa mise en œuvre. C'est l'objectif principal de ce « Cahier », le premier de toute une série que nous comptons publier sur le sujet.

Le présent travail se propose de présenter un état des lieux de la situation de la décentralisation et du fonctionnement des Collectivités Territoriales à la lumière de la constitution de 1987 et des lois existantes. La démarche est la suivante : étant donné les prescrits constitutionnels, où en est-on ? Dans le domaine de la mise en place du cadre légal ? Sur le plan du statut réel des Collectivités Territoriales, de leur mise en place, de leur fonctionnement, des moyens mis à leur disposition ?

Il comporte trois (3) parties réparties six (6) chapitres.

La première partie, intitulée « Le Projet Constitutionnel de Décentralisation : Contenu et Portée », se compose d'un seul chapitre. Elle tend à montrer le rôle primordial que la Constitution de 1987 octroie à la Décentralisation dans la transformation de l'État. Elle est assortie d'un glossaire regroupant les concepts les plus importants se rapportant à ce mode d'organisation étatique.

La deuxième partie est constituée des deux prochains chapitres (II et III). Son titre est évocateur à bien des égards : « Incertitudes Conceptuelles et Mise en Place Tronquée ». Elle indique, entre autres, les difficultés éprouvées et les retards enregistrés dans l'application des prescrits de la loi mère

On comprend alors les faiblesses constatées au niveau du « Fonctionnement des Collectivités Territoriales », dont traite justement la troisième partie. Les trois chapitres (IV, V et VI) qui la composent portent spécifiquement sur les compétences, le financement et le contrôle des Collectivités Territoriales.

Ce « Cahier » s'inspire fortement des travaux réalisés par l'auteur et par d'autres collègues dont Messieurs Tony [19] CANTAVE et Charles CADET dans le cadre de la Commission Nationale à la Réforme Administrative (CNRA), lesquels gagneraient à sortir des tiroirs où ils sont confinés pour être divulgués, exposés à la sanction du public et, le cas échéant, orienter l'action des décideurs en la matière [2].

Il porte essentiellement sur des aspects constitutionnels, législatifs et réglementaires du processus et s'attache à identifier les problèmes qui se posent, les interrogations pertinentes, les clarifications qui s'imposent plutôt que d'apporter les solutions même si des recommandations sont suggérées dans certains cas. Il appelle au débat, à la sensibilisation citoyenne et à la poursuite de la réflexion sur le sujet.

[20]


[1] CNRA, Problématique de la Décentralisation et Réalité des Collectivités Territoriales, Port-au-Prince, Mars 2002.

[2] C'est pour nous l'occasion d'adresser notre gratitude à tous nos amis de la CNRA, notamment l'équipe de Décentralisation, dirigée par Tony Cantave et composée, entre autres, de MM. Robert Denizé, Cari Sauvageau, la Commission de Juristes composée de MM. Patrick Pierre-Louis et Myrtho Casséus, les Commissaires Charles Cadet et Anthony Barbier, le Conseiller Principal Antoine Ambroise, les Chargés de Mission Wilson Laleau, Raoul Baptiste et tous les collègues qui participaient à nos discussions si animées et si fructueuses.

Merci également aux Professeurs Denis Régis et Myrtha Gilbert et à Mme Johanne Napoléon.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 17 décembre 2016 10:17
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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