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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

INTERVENTIONS ÉCONOMIQUES pour une alternative sociale, nos 20-21, hiver 1988
Présentation (no 20-21)


Une édition électronique réalisée à partir du texte de la revue INTERVENTIONS ÉCONOMIQUES pour une alternative sociale, nos 20-21, hiver 1988, 316 pp. Un numéro intitulé: “Femmes et économie.” Montréal: département de science économique, Université du Québec à Montréal. Une édition numérique réalisée avec le concours de Réjeanne Toussaint, bénévole, Chomedey, Ville Laval, Québec. [Madame Diane-Gabrielle Tremblay, économiste, et professeure à l'École des sciences de l'administration de la TÉLUQ (UQÀM) nous a autorisé, le 25 septembre 2021, la diffusions en libre accès à tous des numéros 1 à 27 inclusivement le 25 septembre 2021 dans Les Classiques des sciences sociales.]

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Présentation (no 20-21)

Le Collectif

Les femmes, le travail, l’emploi et l’économie. C'est sur ces thèmes que porte le présent dossier. En consacrant ce numéro à la question des femmes, Interventions économiques choisit d'ajouter sa voix aux nombreuses contributions qui alimentent depuis déjà un bon moment la recherche sur les femmes. Parce qu'il y a constamment matière à réflexion dans ce domaine, de nouvelles pistes surgissant au fur et à mesure que sont résolues les premières questions, parce que, de plus, l'égalité entre les hommes et les femmes reste un défi qui nous confronte de manière toujours aussi pressante, nous croyons essentiel que les efforts qui tendent à éclairer le rôle et le vécu économiques des femmes demeurent soutenus et partagés.

Car les efforts du passé ont porté fruit. Rappelons tout d'abord que, pour proprement analyser la place que tenaient les femmes dans l'économie, il a fallu commencer par une critique des discours. C'est ainsi que l’ensemble des sciences sociales se sont vues interpeller relativement au caractère partiel et partial des concepts et champs d’investigation développés en leur sein. À ce chapitre, la science économique ne faisait pas exception. On a de la sorte mis en lumière l'androcentrisme de nombreuses notions couramment utilisées. À titre d'exemple, on admet aujourd'hui que le marché du travail n'est pas l'unique lieu de déroulement des activités productives et que, par conséquent, la production réelle réalisée dans l’économie ne se limite pas à celle que traduisent les données officielles. Travail et emploi ne sont pas synonymes, la sphère domestique n’équivaut pas à un simple espace de consommation et l'arbitrage travail-loisir, déjà contestable, répond d'une démarche décisionnelle parfaitement étrangère à la double tâche de nombreuses travailleuses, toutes constatations donc qui ont permis de lever le voile sur la lourdeur des responsabilités qui échoient aux femmes. Et simultanément, est apparue dans sa véritable ampleur, l'importance de l'apport productif hors marché des femmes pour le bon fonctionnement de l'économie.

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Il ressort désormais que la prise en charge quasi exclusive des activités domestiques par les femmes est à la source d'une marginalisation qui les poursuit quand bien même elles décident d'œuvrer dans la sphère marchande. Les deux versants de la réalité du travail féminin composent ainsi un portrait d'ensemble d’une remarquable cohérence. Cloisonnées au foyer ou dans quelques créneaux d’emplois sur le marché, accomplissant un travail gratuit à la maison ou dévalorisé à l’extérieur, les femmes vivent une discrimination qui les rejoint dans tous les recoins de leur vie. Si l'on ajoute à ceci leur sous-représentation flagrante dans les lieux de pouvoir et dans les instances décisionnelles, laquelle rend dérisoire leur participation à l'orientation de l'économie, un constat s'impose de lui-même : femmes et hommes ont un rapport différent à l'économie. Aussi est-ce en raison de la spécificité de leur intégration à la vie économique que les femmes représentent un groupe distinct, qui plus est, un groupe social minoritaire. Tout ceci est aujourd'hui reconnu assez largement. Notons ici qu'il ne s'agit pas pour nous de réinventer la roue. Le rapport des femmes à l’économie a été jusqu'à présent le plus largement traité en rapport à la contribution productive des femmes et c'est dans cette optique que nous privilégions les questions de travail et d'emploi.

Les femmes et l'économie, c'est donc l'accent mis sur une différenciation à laquelle il faut, par ailleurs, prendre garde. En effet, il serait dangereux d'isoler la question des femmes des mutations en cours dans nos sociétés. Les problèmes touchant les femmes ne sauraient être analysés indépendamment de l'ensemble des sujets traités et débattus quotidiennement autour de nous comme, par exemple, l'emploi, les politiques sociales, la fiscalité ou encore le rôle de l'État. Ainsi, le développement de l'activité féminine rémunérée ne va pas sans être influencé par les conditions prévalant sur le marché du travail tout comme, par exemple, la part des services assumés gratuitement par les femmes dans l'économie est directement reliée au degré d’engagement de l'État dans ce domaine. C'est donc dire que dans chacun de ces dossiers d’activités, les femmes ont des intérêts à surveiller. Inversement d'ailleurs, on ne peut nier que c’est toute la société qui se voit concernée par les champs d'intérêt investis par les femmes. Par exemple, la maternité et l'éducation des enfants ne renvoient-elles pas à des responsabilités collectives en ce qu'il revient à la société de faire en sorte que les femmes ne soient pas pénalisées par le fait d'être mère ? De la même manière, la redéfinition du statut des travailleuses sur le marché n'implique-t-elle pas une remise en cause correspondante de la primauté masculine dans le domaine de l'emploi ? Aucune activité donc ne peut être remodelée suivant les besoins des femmes sans le concours des hommes et sans que s'ensuivent des réajustements dans les institutions en place. En somme, la question des femmes se rattache à une problématique distinctive certes mais qui n'évolue pas pour autant en vase clos. La réalité qu’elle recouvre reste toujours intimement liée à la trajectoire d'évolution des problèmes sociaux.

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Finalement, à l'instar de tout autre sujet, la question des femmes, c'est une panoplie d’éléments qui dans la réalité sont en mouvance perpétuelle. Aussi semble-t-il ardu quelquefois d'appréhender correctement l'évolution des faits. Car il y a des changements en cours. On parle maintenant du mouvement des femmes entrepreneures, mouvement dont l’ampleur est inégalée dans le passé. En ce qui a trait aux travailleuses rémunérées, on sait que, malgré la dernière crise, leurs rangs ont continué de s'accroître. Ces développements nous forcent à réévaluer certains schèmes de pensée et d’analyse. Le premier constat nous révèle en effet que les femmes sont en train d'apprivoiser le pouvoir alors que le second nous amène à revoir les théories qui tendent à assimiler les femmes à une armée de réserve. De nouveaux raffinements sont donc requis dans notre façon de rendre compte de la réalité. De nouvelles remises en question aussi car les dénonciations ne doivent pas faire oublier les avancées. Par contre, ces dernières ne peuvent laisser croire que les problèmes ont disparu. Ici comme ailleurs, il n'y a pas de recette magique pour faire la part des choses. Entre les dossiers en stagnation ou en perte de vitesse et ceux qui témoignent de percées significatives, il n'y a que l'information et la rigueur intellectuelle pour nous aider à départager. Et l'on ne parle même pas de développements actuels dont on ne peut que pressentir leur impact potentiel sur la situation des femmes sans pour autant être en mesure d'évaluer ce dernier. L'informatisation de l'appareil productif, la redéfinition des pratiques de gestion de la main-d'œuvre ainsi que la volonté politique de privatisation ne sont que quelques exemples de transformations en cours qui ajoutent à l'incertitude concernant la véritable position des femmes dans l’économie.

Sans prétendre répondre à toutes ces questions. Interventions économiques vous convie à prendre connaissance d'un dossier qui, tant par l'ajout de données récentes que par l'apport de nouvelles contributions, permettra de relancer et de revivifier la réflexion sur la question des femmes.

Ainsi, au départ, l'article de Monique de Sève, en plus de fournir les éléments analytiques nécessaires à la compréhension de l'emploi féminin, opère une mise à jour de la place des femmes sur le marché du travail. À l'aide de données de Statistique Canada, dont celles du dernier recensement (1986), l'auteure dresse le profil de l'évolution de l’emploi féminin depuis 1961, particulièrement dans les groupes professionnels tertiaires. Le raffinement de l'analyse tient ici au croisement des variables « sexe — catégorie professionnelle — activité économique », exercice dont le résultat est de clairement faire ressortir la concentration occupationnelle des travailleuses sur le marché. Manifestement, on fait face à « une division sexuelle très marquée sur le marché du travail » conclut Monique de Sève, les femmes restant cantonnées dans les activités « assimilables à la production domestique ».

Suite à cette présentation, illustrant l'articulation des formes salariées et domestiques du travail féminin, nous nous attachons plus spécifiquement à la question du travail domestique. Ainsi, la contribution de Marie-Thérèse Chicha-Pontbriand [10] porte-t-elle sur l’évaluation du travail domestique et sur son intégration au système de comptabilité nationale. « En dépit du grand nombre d’évaluations du travail domestique tant au Canada que dans d'autres pays, leur rattachement aux séries statistiques des comptes nationaux n’a pas encore été effectué » fait remarquer l'auteure. Pourtant cette non reconnaissance du travail domestique dans la comptabilité nationale contribue à perpétrer l'inadéquation des analyses et des politiques économiques au vécu des femmes. Comment s'explique cette omission ? Quels sont les avantages et les difficultés qu’offrent les deux méthodes d'évaluation du travail domestique (coût de remplacement, coût d’opportunité) ? Telles sont les questions auxquelles cet article tente de répondre.

Autre volet traité dans ce numéro, les politiques de gestion de main-d'œuvre. Comment, dans les faits, se « construit la différence » entre travailleuses et travailleurs d’une même entreprise ? Quelles sont les étapes que franchit les processus de consolidation d'une division du travail sexuée. Comment la gestion de la main-d'œuvre intervient-elle dans ce processus ? Margaret Maruani et Chantal Nicole s’attellent à ces questions, illustrant leur propos par une étude de cas réalisée dans un quotidien régional en France.

L’article de Diane Tremblay analyse, quant à lui, le rôle des stratégies de gestion de main-d'oeuvre dans le système d'emploi (son organisation en filières de mobilité et en marchés internes du travail) ainsi que dans le modelage et le remodelage de la division sexuelle du travail : « À notre avis, ce facteur est trop souvent négligé au profit d’autres facteurs qui, sans être négligeables, ne nous paraissent pas être les seuls éléments actifs dans la division sexuelle du travail et les inégalités qui en résultent » considère l’auteure. C'est ce qu'elle nous explique en choisissant, comme lieu d’investigation, le secteur bancaire où se conjuguent présentement décloisonnement du système financier, changements technologiques et innovation financière.

L'analyse des plans pour l'égalité professionnelle négociés, en France, dans le cadre de la loi du 13 juillet 1983 sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes fait l'objet de l'article qui suit, signé par Jacqueline Laufer. Ainsi, est-il question pour celle-ci « d'évaluer les différents objectifs poursuivis par les entreprises ayant initié de telles démarches ainsi que les modalités de cette intégration plus « égalitaire » des femmes dans les politiques d'emploi ».

Nous avons aussi voulu regarder du côté d'un phénomène qui, depuis quelques années, attire de plus en plus l’attention : l’“entrepreneurship” féminin. À l'aide de données statistiques essentiellement québécoises, mais surtout grâce aux résultats d'une enquête menée en Montérégie en 1985-86, Diane Bélisle examine cette réalité encore très mal connue. Quelle est la proportion des femmes parmi les propriétaires d'entreprises ? Quel type d'entreprises dirigent-elles et dans quels secteurs ? Comment les femmes deviennent-elles entrepreneures ? Comment expliquer le malaise qu'éprouvent ces femmes à se [11] définir ? Quels obstacles doivent-elles affronter et comment s'y prennent-elles pour les surmonter ? Toutes questions fort intéressantes à scruter, comme nous le montre l'auteure.

Femmes, travail, emploi, trois termes qui, dans les esprits, se conjuguent souvent aujourd'hui en une appellation désormais consacrée : la discrimination systémique. Plusieurs articles se rattachent à ce thème, soit pour mieux en identifier les facettes, soit pour examiner et évaluer les moyens mis en œuvre pour la combattre. Retournant aux origines de la notion de discrimination systémique, Hélène David s'interroge sur la portée des moyens d'action élaborés dans cette perspective (programmes d'accès à l'égalité, programmes d'équité salariale). Elle compare ensuite ce type de stratégie aux législations visant l'égalité professionnelle pour, finalement, mettre en relief l’importance du contexte économique, politique et social dans l'efficacité de ces mesures.

En deuxième lieu, l’analyse de disponibilité est le sujet d'un bref exposé. Cette analyse précède l’implantation d'un PAE et remplit, à ce titre, une fonction fondamentale. André Levert et Sylvie Morel examinent donc quelques-unes des difficultés que peut poser la réalisation de cette analyse.

Il est nécessaire, en matière de moyens visant à combattre la discrimination systémique, de bien distinguer les programmes d'accès à l'égalité (PAE) des programmes d'équité salariale. Bien que ces deux types de mesures entretiennent des liens étroits, les premiers combattent d'abord la ségrégation occupationnelle (concentration des femmes dans un nombre restreint d’emplois) tandis que les seconds ont pour objet de mettre fin à la sous-évaluation monétaire des emplois traditionnellement occupés par des femmes. C’est sur l'équité salariale que Ginette Dussault fait le point. Quelle est la portée des lois s'appliquant au Québec, lesquelles donnent préséance à la notion de « travail équivalent » (par opposition à la notion de « travail égal ») ? Quels problèmes concrets pose l'application de la revendication de l'équité salariale pour les femmes ? Ce sont ces questions que l'auteure a choisi de traiter.

L'article de Sylvie Paquerot dresse ensuite un bref historique des mesures adoptées dans la fonction publique québécoise afin d'assurer l’égalité en emploi des femmes. Les PAE suscitent aujourd’hui beaucoup d’espoir tout comme, au début des années quatre-vingt, les politiques annoncées n'allaient pas sans provoquer d'importantes attentes. Or, la réalité devait en décevoir plus d'une. Les stratégies de l'avenir doivent, avant tout, s'inspirer des leçons d’hier, veut nous montrer l'auteure.

Un dernier article porte sur la discrimination systémique aborde ce problème sous l'angle du phénomène de pénurie d'emploi. La pénurie d’emploi, soit l'insuffisance de la quantité d'emplois en regard du nombre d'individus susceptibles de les occuper, se révèle un facteur ayant activement contribué au développement de la discrimination. C'est en se penchant sur le processus d'allocation des emplois que Sylvie Morel explique cette relation.

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Enfin pour compléter ce dossier, nous vous présentons diverses notes d'actualité, dont le témoignage de Marie Boti au sujet de femmes dont le vécu nous est moins familier : les femmes paysannes des Philippines. Marie Boti, qui a séjourné aux Philippines à plusieurs reprises, nous brosse ainsi un tableau général de la situation des femmes paysannes qui sont au coeur des luttes actuelles pour une véritable réforme agraire dans ce pays. Richard Langlois analyse la réforme de l'aide sociale proposée par le gouvernement Bourassa, un sujet d'intérêt pour bon nombre de femmes au Québec. Enfin, Ruth Rose analyse les réformes fiscales des deux paliers de gouvernement ; elle termine son article par quelques propositions en vue d'une meilleure politique familiale.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 31 mars 2022 15:39
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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