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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Stéphane BAILLARGEON, “À vos Marx... Prêts? Critiquez! Crise mondiale, capitalistes financiers ultra-véreux, paupérisation généralisée: la conjoncture favorise le regain des études d'inspiration marxiste.” Un article publié dans le journal LE DEVOIR, Montréal, édition du 14 mars 2009, pp. A1 et A12; A6-A7. [Autorisation accordée par l'auteur le 14 mars 2009 de rediffuser cet article dans Les Classiques des sciences sociales.]

Stéphane BAILLARGEON

À vos Marx... Prêts? Critiquez ! Crise mondiale, capitalistes financiers ultra-véreux, paupérisation généralisée: la conjoncture favorise le regain des études d'inspiration marxiste.”

Un article publié dans le journal LE DEVOIR, Montréal, édition du 14 mars 2009, pp. A1 et A12; A6-A7.

1. “À vos Marx... Prêts? Critiquez! Crise mondiale, capitalistes financiers ultra-véreux, paupérisation généralisée: la conjoncture favorise le regain des études d'inspiration marxiste.” Le Devoir, Montréal, édition du 14 mars 2009, pages A1 et A12.
2. “Hausse tendancielle du taux d'édition. Un grand chantier éditorial français reprend la traduction et la publication des oeuvres complètes de Karl Marx et de Friedrich Engels.” Le Devoir, Montréal, édition du 14 mars 2009, pages A6-A7.
3. “Que reste-t-il de la pensée marxiste au Québec?” Le Devoir, Montréal, édition du 14 mars 2009, page A7.


1.

“À vos Marx... Prêts? Critiquez!

Crise mondiale, capitalistes financiers ultra-véreux,
paupérisation généralisée: la conjoncture favorise
le regain des études d'inspiration marxiste.”

Le Devoir, Montréal, édition du 14 mars 2009, pages A1 et A12.

Stéphane Baillargeon

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Mots clés : Crise économique, Karl Marx, Étude, Économie, Canada (Pays), Allemagne (Pays)

Un spectre hante le monde: celui du marxisme. Un fantôme renouvelé, revu, corrigé, amélioré, mais toujours aussi formidablement puissant pour critiquer le monde tel qu'il va.

Les signes s'accumulent, petits et grands, majeurs ou insignifiants, notamment du côté de l'édition. Le Capital de Karl Marx vient de paraître en manga de poche au prix d'une tasse de café chez l'éditeur nippon East Press, spécialisé dans l'adaptation en bédé des grands classiques littéraires. Le dossier central du tout dernier numéro de Philosophie Magazine demande : « Comment peut-on être anti-capitaliste ? ».

En français, Actuel Marx constitue à lui seul une galaxie du renouveau des études. C'est à la fois le nom d'une revue (publiée aux PUF), une collection, un lieu de colloques et de rencontres, une équipe de recherches, un site ouvert à des discussions permanentes, une publication en ligne et un réseau de liens internationaux. L'éditeur québécois Lux prépare une traduction du maître ouvrage de la Canadienne Ellen Meiksins Wood Les Origines du capitalisme. Nota Bene lancera bientôt un Marx philosophe.

« Il y a un regain des études sur Marx en ce moment», juge la Française Isabelle Garo, codirectrice de la Grande Édition Marx-Engels (GEME), un vaste chantier des oeuvres complètes en français qui vient de faire paraître son premier volume. Une preuve de plus de la renaissance. «C'est très net dans le contexte de la crise d'aujourd'hui, mais c'était déjà visible auparavant avec la libération des pesanteurs du passé. »

Comment pourrait-il en être autrement? Pas même besoin d'être néomarxiste pour savoir que le capitalisme va mal. Avec cette crise mondiale qui consomme les caisses de retraite comme les maisons familiales. Avec ces gestionnaires ultra-véreux engraissés par des primes mirobolantes pour de très, très mauvais services rendus. Avec cette immonde marchandisation du monde qui transforme tout en pertes et profits, y compris la culture, l'amour et les enfants.

Un système-monde

À tout coup, Karl Marx (mort en 1885) et sa descendance la plus noble proposent des clés, éclairent des pistes, débouchent sur des conclusions heuristiquement surpuissantes.

« Pour comprendre Marx aujourd'hui, il est fondamental de se détacher des charges idéologiques qui pèsent sur son oeuvre, dit François L'Italien, doctorant en sociologie de l'Université Laval. Pour le comprendre, il faut aussi se dire que, pour lui, le capitalisme n'est pas seulement un système économique abstrait: c'est une façon d'organiser, de rationaliser et de valoriser les rapports sociaux. »

François L'Italien, 33 ans, termine une thèse sur les transformations de la grande entreprise à l'ère du capitalisme financier. Est-ce une thèse marxiste ? Non, répond-il franchement. Non, si on entend par là l'idéologie des partis communistes et des sociétés du « socialisme réel ». Il préfère parler de « sociologie dialectique » et de « théorie critique », selon d'autres bonnes vieilles appellations contrôlées.

Seulement, pour lui, une intuition fondamentale de Marx demeure valable. Cette idée fait du capitalisme un système d'organisation de la société basé sur « une séparation des individus et du monde de telle manière qu'il puisse s'insérer dans cette relation ». Le capitalisme, au fin fond, c'est un lien social de substitution.

Des exemples ? Heu... Noël et son orgie de cadeaux, ça vous dit quelque chose ? Ou la Saint-Valentin, ses fleurs et ses chocolats. Ou les anniversaires des enfants devenus d'autres occasions consuméristes.

C'est bien simple, tous les rapports sociaux passent au cash, note M. L'Italien, qui allonge et enrichit la liste des exemples, du capital humain des entreprises au capital santé des individus. Il parle même de Ricardo (le cuistot télégénique, pas l'économiste libéral...), qui enseigne à faire des confitures pour La Presse Télé et dans son magazine en lieu et place des mères d'autrefois.

« Le capitalisme transforme tous les rapports sociaux, y compris ceux où il n'y a pas d'argent à faire, dit le sociologue. C'est une matrice socioculturelle dont parle Marx dans Le Capital. En lisant entre les lignes, en faisant mûrir le tout, on arrive à comprendre l'atome, la structure élémentaire d'un système qui vient insérer des rapports capitalistes entre les individus et le monde. »

Rage contre la machine

Voilà donc pourquoi Marx est encore pertinent, plus que jamais pourrait-on dire. Seulement, pour le comprendre et pour régénérer sa pensée, il ne faut pas les fétichiser et il faut prendre la mesure des mutations fondamentales du capitalisme depuis 150 ans.

« Marx propose une critique des concepts de l'économie politique: le travail, l'argent ou la marchandise », explique Maxime Ouellet, jeune docteur (31 ans) en économie politique internationale à l'Université d'Ottawa. Il propose une « critique de l'économie politique», selon le sous-titre du Capital, son maître ouvrage. « Les capitalistes et les économistes libéraux nous disent que ces catégories ont toujours existé et sont naturelles. Ils nous disent que la réalité économique a toujours été ainsi. Marx, au contraire, propose une critique historique et radicale de la modernité capitaliste. »

M. Ouellet explique que ce mode d'organisation sociale, reposant sur l'échange de marchandises et l'argent, devenu hégémonique au XIXe siècle, a connu ensuite trois grandes phases d'évolution. La première, liée à la révolution industrielle, a été décortiquée par Marx lui-même, avec son bourgeois entrepreneur et ses prolétaires salariés. La deuxième repose sur le gigantisme: la Big Corporation, les grands syndicats, le fordisme et l'État-providence. Cette phase dinosaurienne a tenu des années 1930 aux années 1980. Depuis, le capitalisme du troisième type devient réticulaire, mondial, sous-traitant, et surtout financier et dématérialisé. C'est celui-là qui vient de s'effondrer.

« Les déréglementations, des taux d'intérêt aux taux de change, ont ensuite permis la constitution d'un nouvel espace capitaliste supranational, échappant au contrôle des banques centrales et aux politiques budgétaires et fiscales des États, résume Maxime Ouellet. Ce système financier est responsable de la crise actuelle. »

Ce système-monde s'avère roué à l'extrême. Après avoir stimulé la consommation par la hausse du niveau de vie au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, le système mise sur le crédit alors que les salaires de la grande majorité stagnent depuis plus de deux décennies. Pendant ce temps, les très riches accumulent encore et toujours plus.

« Je crois qu'une lutte des classes réapparaît, dit François L'Italien. Mais cette lutte n'opposera pas les salariés aux capitalistes comme l'envisageait Marx. Cette lutte oppose plutôt des gens à mobilité limitée, les salariés comme les capitalistes industriels, à une overclass caractérisée par une dimension culturelle et un trait économique. »

Pour ces nouveaux maîtres du monde, tout actif doit pouvoir être instantanément vendu et liquidé. Aux États-Unis, l'épicentre du système mondialisé, trois millions de nababs d'en haut possèdent plus que les 100 millions d'Américains d'en bas.

Du point de vue culturel, ces aristocrates en jet voient la planète comme un très grand terrain de jeu. « L'overclass fait du shopping à Miami, du trekking au Costa Rica, de la méditation en Inde et elle se repose dans son condo à Dubaï », explique le sociologue. C'est elle aussi qui a dépensé plus d'un demi-milliard de dollars aux enchères de la collection d'oeuvres d'art Berger-Saint Laurent, récemment, à Paris.

Cela dit, la critique (renouvelée) du capitalisme ne débouche pas nécessairement sur les (vieux) rêves de grands soirs. Il ne faut pas confondre la démocratie libérale (« le moins pire des régimes », disait justement Churchill) et le capitalisme prédateur. D'ailleurs, il s'agit moins de se demander comment on peut être anticapitaliste aujourd'hui que comment on peut encore oser défendre ce que ce système est devenu: une sorte de socialisme pour les riches, et tintin pour les damnés de l'abondance...

« On a entendu le président de la France dire qu'il voulait refonder le capitalisme », note alors Maxime Ouellet, en stage post-doctoral à l'UQAM où il travaille précisément sur les représentations sociales de la crise économique et en particulier sur le discours de légitimation du capitalisme actuel. « Sur quelle base ce système peut-il muter? Dans quelle mesure ce système peut-il être moral ? Qu'est-ce même que le capitalisme et quelles forces travaillent à une sortie du capitalisme? Il y a d'ailleurs beaucoup de penseurs non marxistes qui le souhaitent. Parce que cette crise n'est pas seulement économique: c'est une crise sociale, politique, écologique, une crise de société, finalement. »


2.

“Hausse tendancielle du taux d'édition.

Un grand chantier éditorial français reprend la traduction
et la publication des oeuvres complètes de Karl Marx
et de Friedrich Engels.”

Le Devoir, Montréal, édition du 14 mars 2009, pages A6-A7.


Stéphane Baillargeon

Mots clés : Karl Marx, Friedrich Engels, Traduction, Livre, France (pays)

Avez-vous lu tout Marx et Engels ? Certainement pas, en français du moins, puisqu'il n'existe toujours pas de traduction intégrale de leurs oeuvres. On répète: même si le système politico-idéologique mis en place en leur nom a déjà dominé la moitié de la planète et marqué au fer rouge le XXe siècle, environ le tiers de l'oeuvre de Karl Marx (1818-1883) et de Friedrich Engels (1820-1895) demeure inédite en français, bien plus si on considère leurs himalayennes notes de lecture.

« C'est une situation paradoxale, qui constitue une singularité de la France, commente la philosophe française Isabelle Garo, jointe à Paris. Le travail de traduction est achevé ou assez complet dans plusieurs autres langues, en anglais, en italien et en espagnol, par exemple. Marx a commencé à être traduit en français de son vivant, mais le climat politico-théorique de la France a introduit des blocages .»

Le renouveau se concrétise maintenant autour de la Grande Édition Marx-Engels (GEME), un chantier éditorial pharaonique codirigé par Mme Garo et une douzaine de savants franco-français. Après des études en philosophie à la Sorbonne et une thèse sur le concept de représentation chez Marx (1996), Mme Garo enseigne aujourd'hui dans un lycée parisien. Avec ce parcours, elle dit être arrivée « tout naturellement » à la GEME. À terme, d'ici 20 ou 30 ans, qui sait, la collection des oeuvres complètes comptera des dizaines de volumes, avec un bon tiers de textes inédits jusqu'ici, des lettres mais aussi des chapitres complets de livres et des textes circonstanciels.

Retraduire au besoin

La Grande Édition Marx-Engels s'appuie sur la Marx-Engels Gesamtausgabe (MEGA), le chantier en langue allemande, mobilisant des chercheurs sur trois continents depuis le début des années 1990, ce qui en fait le plus important du genre dans le monde. La taille de cette nouvelle édition complète a été réduite de 164 à 114 volumes, dont plus de 50 ont paru. Le dernier volume de l'infrastructure en langue originale devrait paraître autour de 2025.

La MEGA allemande appuie la GEME française avec le Centre national du livre, la Fondation Gabriel-Péri, l'Université de Dijon et celle de Paris I. La Dispute/ Éditions sociales organise le tout. La maison autonome hérite du fonds des anciennes Éditions sociales/Messidor (rattachées au PCF, le Parti communiste français), qu'il s'agit de dépoussiérer et de bonifier.

« Nous repartons de ce fonds hétérogène, avec certaines traductions de très bonne tenue et d'autres plus datées et discutables, explique Mme Garo. Notre idée n'est pas de tout recommencer mais de réviser ou de reprendre les traductions en les harmonisant, quand c'est opportun, et de retraduire quand il le faut. »

Les truchements contemporains suivent la mutation des concepts dans l'oeuvre, mais aussi dans les adaptations successives, en bannissant toute idée de progrès linéaire. Mme Garo donne l'exemple classique de Aufhebung, emprunté à la dialectique hégélienne.

« Ce terme s'avère particulièrement intéressant parce qu'il conserve sa polysémie dans toute l'oeuvre, explique la spécialiste. De temps en temps, selon les cas, il veut dire "dépassement"; de temps en temps il signifie "abolition". On ne peut le rendre de la même manière tout le temps et il faut éviter les néologismes. Nous allons d'ailleurs justifier longuement nos choix dans les notes, qui se retrouveront dans l'édition électronique uniquement. »

Virtuellement Marx

C'est l'autre grande nouveauté du chantier. À terme, la GEME  comptera environ 90 millions de signes, dont une large part détournée vers le virtuel: les écrits de Marx et d'Engels auront droit au bon vieux papier; l'appareil critique sera en partie dématérialisé.

« En fait, de manière plus ambitieuse, nous concevons d'abord une version électronique et dans un second temps une édition papier », corrige l'éditrice. À partir de 2010, un site (en partie payant) diffusera l'ensemble du fonds des anciennes Éditions sociales, puis, au fur et à mesure, les nouvelles traductions également disponibles en livres expurgés des notes trop lourdes mais dotés d'appareils critiques entièrement rénovés. L'index électronique bilingue (allemand/français) facilitera la recherche dans l'ensemble de l'oeuvre électronique.

Le premier volume tout frais publié, la Critique du programme de Gotha de Marx (1875), se vend cinq petits euros, soit huit huards. « C'est un symbole important pour nous, explique Mme Garo. D'abord, il n'était plus disponible en librairie. Ensuite, ce texte aborde des questions toujours essentielles: le travail, l'État, le droit, le passage au communisme. Il s'agit d'un texte d'intervention politique que nous situons dans son contexte, celui de l'unification du mouvement ouvrier allemand. »

Les autres suivront en poche, en grand format, voire uniquement en version électronique, en fonction de leur popularité potentielle. Il y aura bientôt des articles de Marx sur l'Inde et d'autres du jeune Engels des années 1838-1844.

Marxiste ou marxien ?

La GEME publiera aussi les inédits les plus intéressants. Par exemple le chapitre 6 du Capital, sur le travail productif et le travail improductif, absent de l'édition du Livre I et disparu des rayonnages français depuis les années 1970. Elle proposera éventuellement tout Le Capital en tant qu'oeuvre spécifique, depuis les premiers brouillons de 1857-1858 (les fameux Grundrisse, les fondements), jusqu'aux dernières rédaction du Livre III.

Et avec tout ça, quelle école marxiste ou marxienne représentera cette grande édition ? « Aucune », répond fermement la philosophe. La GEME se veut neutre et apolitique. Il ne s'agit pas plus d'une entreprise idéologiquement chargée que la MEGA.

« Nous allons bannir des notes les commentaires appréciatifs ou dépréciatifs, conclut Isabelle Garo. Ce sera ensuite au lecteur de développer ses propres partis pris de lecture. C'est un travail scientifique qui prend appui sur la conjoncture: nous sommes sortis des querelles de chapelles et il y a un regain d'intérêt pour la pensée de Marx et d'Engels. Notre équipe éditoriale compte des chercheurs d'obédiences politiques très diverses, voire sans allégeance. Il reste que lire Marx aujourd'hui, ce n'est pas innocent. Il peut y avoir beaucoup de lectures possibles et beaucoup d'enjeux... »

Bien noté. Une dernière question alors. Peut-on amasser du capital en vendant Das Kapital et le reste ? « Ce n'est pas notre souci, dit Mme Garo, de la GEME. Mais il y a un regain d'intérêt très net pour les textes et nous trouverons nos lecteurs. »


3.

“Que reste-t-il de la pensée marxiste
au Québec ?”

Le Devoir, Montréal, édition du 14 mars 2009, page A7.

Stéphane Baillargeon

Mots clés : Lutte des classes, Marxisme, Karl Marx, Québec (province)

Le marxisme à la québécoise a-t-il jamais existé? En fait, oui, et sa contribution la plus originale se concentre autour de l'analyse de la question nationale sur fond de lutte des classes. Cette perspective a occupé (et à vrai dire obsédé) des dizaines de chercheurs francophones du Québec des années 1960 au milieu des années 1980.

[Texte de la photographie : Image tirée du film Il était une fois Québec rouge de Marcel Simard.]

Ce chantier critique avait ses départements de sociologie (à l'Université de Montréal puis à l'Université du Québec à Montréal), ses revues (Parti pris puis Socialisme et Les Cahiers du socialisme) et ses stars, dont Marcel Rioux, Gilles Bourque, Anne Légaré, Jean-Marc Piotte ou Michel Van Schendel. On croise même dans ces publications le nom de Roch Denis, devenu ensuite recteur et quasi-fossoyeur de l'UQAM avec ses mégaprojets immobiliers qui ont engouffré beaucoup de capital.

Que reste-t-il de tout cela ? Franchement, du point de vue théorique, presque rien, sinon quelques feuilles éparses d'un automne des idées teintées de rouge et de bleu. La pensée critique, lointaine héritière du marxisme, est passée à autre chose depuis, ici comme ailleurs.

« Le divorce est consommé, dit le doctorant de l'Université Laval François L'Italien. Ce marxisme à la québécoise était lié à la conjoncture de la Révolution tranquille. Chez Parti pris par exemple, l'influence de la pensée des marxistes de la décolonisation à la Franz Fanon semble nette. Ce discours croisait logique de classe et logique coloniale. C'est ça qui va "pogner" au Québec. Dans l'oeuvre de Marcel Rioux, par exemple, libérer le Québec, c'est se libérer du capitalisme. »

La recette sera appliquée à l'analyse de différents problèmes, avec chaque fois la même perspective: les libérations avancent en cordée, celle des femmes et celle du capitalisme par exemple. La Centrale des enseignants du Québec a produit des documents trempés de cette eau, datés comme les ponchos: L'école au service de la classe dominante (1972) et École et lutte de classe au Québec (1974).

Les groupuscules politico-militants marxistes-léninistes, maoïstes ou trotskistes, sous-peuplés d'illuminés fanatiques, ont accouché d'une doxa dérisoire et affligeante, ânonnant les oeuvres complètes de Staline ou de Henver Hoxha. George Orwell l'avait caricaturée dans La Ferme des animaux : « Four legs good; two legs bad. »

Étrangement, plusieurs stars de la scène médiatico-politique actuelle viennent de cette vieille école du dogmatisme totalitaire. Deux partis indépendantistes sont maintenant dirigés par d'anciens «m-l», Québec solidaire (Françoise David) et le Bloc québécois (Gilles Duceppe). Plusieurs commentateurs professionnels sont également issus (il y a très, très longtemps) de cette frange théorique manichéenne, dont le chroniqueur de La Presse Alain Dubuc.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 16 octobre 2009 8:34
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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