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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Louis Balthazar, “Les relations internationales du Québec”. Un texte publié dans l’ouvrage sous la direction d’Alain-G. Gagnon, Québec: État et société. Tome II, chapitre 22, pp. 505-535. Montréal: Les Éditions Québec/Amérique, 1994, 2003, 588 pp. Collection: DÉBATS. Une édition numérique réalisée par Pierre Patenaude, bénévole, professeur de français à la retraite et écrivain, Chambord, Lac—St-Jean. [Le 9 octobre 2004, M. Louis Balthazar nous a autorisé à diffuser toutes ses publications dans Les Classiques des sciences sociales.]

[505]

Louis BALTHAZAR

Les relations internationales
du Québec
.”


Un texte publié dans l’ouvrage sous la direction d’Alain-G. Gagnon, Québec: État et société. Tome II, cinquième partie: “La territorialité, la mondialisation et les relations internationales”, chapitre 22, pp. 505-535. Montréal: Les Éditions Québec/Amérique, 1994, 2003, 588 pp. Collection: DÉBATS. Une édition numérique réalisée par Pierre Patenaude, bénévole, professeur de français à la retraite et écrivain, Chambord, Lac—St-Jean.


Parmi les États non souverains, le Québec est sans conteste celui qui exploite le plus vaste réseau de représentations internationales. Grâce à ses 6 délégations générales, 5 délégations, 6 bureaux, 9 antennes et 4 services spécialisés hors délégation [1], il se situe en tête des quelque 350 entités politiques fédérées qui exercent une juridiction sur un territoire donné à l'intérieur d'un État souverain. Son rayonnement se situe sur les 5 continents à partir de quelque 20 pays.

Cette activité internationale ne date pas d'hier. Dès les premières années de la Confédération canadienne, en effet, le Québec envoie des agents d'immigration [506] temporaires dans divers pays. En 1882, il délègue son premier agent général à Paris, Hector Fabre. Des missions seront créées par la suite au Royaume-Uni et en Belgique. En 1940, une loi sur les agents généraux prévoit des représentations dans divers pays pour les fins du commerce extérieur et du tourisme et un bureau est créé à New York [2]. Notons aussi que la plupart des premiers ministres du Québec ont voyagé à l'étranger.

Ce n'est toutefois qu'à partir des années 1960, dans le cadre de la Révolution tranquille, que les relations internationales du Québec prennent l'ampleur qu'on leur connaît aujourd'hui. Ce chapitre s'arrêtera sur les facteurs à l'origine de cette relance spectaculaire et sur la définition du statut international qui en est résultée pour examiner ensuite la dimension américaine de la politique québécoise, ses autres extensions en Europe et ailleurs dans le monde et enfin les aspects administratifs de cette politique.


LES ORIGINES DE LA RELANCE
DES ANNÉES 1960


Quatre facteurs sont à l'origine de la nouvelle effervescence internationale des années 1960. D'abord et avant tout, l'atmosphère même de la Révolution tranquille. On sait à quel point le changement de gouvernement au Québec a stimulé l'exploration de nouvelles avenues pour la politique québécoise. Contrairement à ce qu'on pourrait croire cependant, ce n'est pas le Parti libéral du Québec (PLQ) qui avait inscrit le projet d'ouverture d'une délégation à Paris à son programme électoral. C'est bien plutôt l'Union nationale, sous la direction d'Antonio Barrette, qui avait inclus cet article parmi ses engagements, sans trop insister. On peut penser que la visite du président de Gaulle à l'hiver de 1960 y était pour quelque chose. Le PLQ s'était engagé, pour sa part, à créer un ministère des Affaires culturelles dont Georges-Émile Lapalme devait être le premier titulaire. Or, c'est à la suite d'une rencontre, plus ou moins planifiée, entre Lapalme et André Malraux à Paris à la fin de l'été 1960 qu'on a pris la décision d'ouvrir une maison du Québec dans la capitale française et enclenché par là un processus de rayonnement international [3].

Les événements de la Révolution tranquille n'ont pas peu contribué à la mise en branle des relations internationales du Québec. Par exemple, la nationalisation de toutes les compagnies productrices d'énergie électrique en 1962 a [507] nécessité un appel particulier de capitaux américains en vue de financer l'opération et, en conséquence, le renforcement de la présence du Québec dans la capitale financière des États-Unis. La réforme du système d'éducation et la création d'une commission d'enquête à cet effet ont inévitablement suscité un regard sur l'extérieur et en particulier des voyages en France et dans les autres pays francophones. La nouvelle affirmation de l'autonomie québécoise dans la Confédération canadienne a amené le Québec à revendiquer le renouvellement de ses compétences et tout naturellement leur extension à l'international. Le Québec ne pouvait pas s'affirmer comme une société distincte, comme « l'expression politique du Canada français », selon l'expression souvent employée par Jean Lesage, ou encore comme un État national sans chercher à refléter cette image à l'étranger.

Un second facteur propice à l'éclosion des relations internationales réside dans le climat général de l'époque sur la scène internationale. On n'insistera jamais assez là-dessus : la Révolution tranquille du Québec ne se serait pas poursuivie avec autant de succès si elle n'avait pas pris place dans un tel cadre international. Durant les premières années de cette décennie, on s'affairait à remettre beaucoup d'idées en question un peu partout dans le monde. Aux États-Unis, une nouvelle administration, celle de John F. Kennedy, entendait donner un nouveau dynamisme à la diplomatie américaine. En France, le retour au pouvoir du général de Gaulle renforçait la volonté française de redorer son blason et de projeter une image de modernité. L'Europe était en pleine construction. Même dans l'Église catholique, régnait un climat de renouveau dans le cadre du Concile du Vatican II. Dans le tiers-monde, la décolonisation battait son plein et suscitait l'accession de plusieurs pays jusque-là inconnus à l'indépendance et à une présence internationale.

De plus, apparaissait déjà clairement une nouvelle définition des relations internationales. La politique étrangère ne pouvait plus être la chasse gardée des diplomates en raison de la prolifération des relations dites transnationales échappant au contrôle des gouvernements. Déjà un grand nombre de secteurs d'intervention gouvernementale ne pouvaient plus s'entendre hors du contexte international. On ne pouvait plus penser l'économie, les relations de travail, l'éducation, l'environnement, la culture et combien d'autres champs appartenant jusque-là à la politique intérieure sans jeter un regard sur d'autres régions du monde, voire engager un dialogue avec l'étranger. Les spécialistes américains ont inventé une expression pour caractériser ces questions se situant à la frontière de la politique intérieure et de la politique étrangère : intermestic politics. Il s'agit en fait de ce que Thomas A. Levy a caractérisé comme « l'internationalisation de la politique intérieure et l'intériorisation des relations internationales [4] ». [508] C'est en raison de ce phénomène que plusieurs États fédérés non souverains se sont mis à établir des contacts divers avec d'autres entités politiques au-delà de leurs frontières, soit pour promouvoir leurs exportations, soit pour attirer des capitaux, soit encore pour stimuler des échanges culturels et autres. Ainsi, d'autres provinces canadiennes, sans doute plus discrètement que le Québec et sans revendiquer quelque statut international, ont aussi ouvert des bureaux aux États-Unis, en Europe, en Asie.

Il faut souligner que la tradition canadienne se prête assez bien à ce genre d'incursions de la part des provinces. C'est là le troisième facteur qui a pu favoriser l'émancipation internationale du Québec. La Constitution canadienne ne fait aucune mention explicite de la politique étrangère, et pour cause. Au moment de sa promulgation, le Canada était toujours une colonie dont l'autonomie était limitée par l'autorité impériale en matière de relations internationales. Il fallut attendre 1923 avant que le Dominion puisse conclure un traité sans la présence de représentants de Londres, 1927 avant qu'il ouvre une mission diplomatique hors de l'Empire et 1931 avant d'obtenir la souveraineté complète de par le statut de Westminster.

La politique étrangère canadienne, même si elle avait connu de grands succès après la Deuxième Guerre Mondiale, était encore relativement jeune et fragile. Au Québec, on pouvait lui reprocher, vers 1960, de ne pas suffisamment tenir compte de sa population francophone puisque les diplomates canadiens s'étaient formés dans le cadre de la tradition britannique et peu d'entre eux s'exprimaient bien en français. On pouvait aussi contester la légitimité des activités internationales canadiennes dans des matières de compétence provinciale et revendiquer, à cet égard, un rôle propre pour le gouvernement provincial.

Cette situation prit une allure dramatique dans la mesure où les quelques Québécois francophones qui s'étaient taillé une place au sein du service extérieur canadien ont été divisés entre eux quant à l'attitude à adopter à l'égard des nouvelles prétentions internationales du gouvernement du Québec. Une minorité d'entre eux ont déploré ouvertement leur situation à l'intérieur de la diplomatie canadienne et certains ont offert leurs services à l'État québécois. Le plus illustre d'entre eux, Jean Chapdelaine, qui avait été ambassadeur au Brésil, en Suède et en Égypte, devint, en 1965, délégué général du Québec à Paris, un poste qu’il a occupé pendant plus de 10 ans.

D'autres diplomates francophones ont voulu demeurer à Ottawa pour recueillir les fruits des efforts incessants qu'ils avaient déployés pour donner un caractère plus bilingue et plus représentatif à la politique étrangère canadienne. [509] Parmi ceux-là, Marcel Cadieux est celui qui s'est illustré davantage au sein du ministère à cette époque. Après avoir livré une lutte amère au Québec, qui en quelque sorte tirait le tapis sous les pieds de cette courageuse équipe de francophones et délégitimait leur rôle, il devait accéder au sommet de la pyramide de son ministère en devenant sous-secrétaire d'État entre 1964 et 1970, une période critique de tension entre Ottawa et Québec en matière de relations internationales. On comprend facilement que ces antagonismes persistants entre frères d'armes ont pu contribuer à ces tensions.

Si le Québec a pu profiter d'une situation juridique mal définie, d'un fédéralisme canadien qui est parfois apparu plutôt flexible et propice à la décentralisation, il a pu aussi susciter un certain durcissement de la part des représentants du gouvernement fédéral, qui sont devenus ombrageux et déterminés à renforcer le rôle d'Ottawa dans la politique étrangère. De Lester B. Pearson (1963-1968) à Pierre E. Trudeau (1968-1979 ; 1980-1984), un changement net d'orientation s'est opéré, dans le sens d'une nouvelle affirmation et d'une nouvelle rigidité de la part du gouvernement central du Canada. La pénible revendication québécoise d'un statut international devait en subir les contrecoups.

Enfin, le quatrième facteur, et non le moindre, peut-être même le plus important aux yeux de certains analystes, c'est le rôle tout à fait particulier joué par la France. Le général de Gaulle, de retour au pouvoir à Paris depuis 1958, avait fait une visite au Canada en 1960. Il avait été reçu à Québec et en avait gardé l'impression d'une francophonie vivante et dynamique. D'après le témoignage de Georges-Émile Lapalme, il avait immédiatement donné des instructions à son ministre de la Culture, André Malraux, dans le but d'établir des liens avec le Québec [5]. On peut donc dire que l'ouverture de la maison du Québec à Paris en 1961 avait été grandement souhaitée et préparée au plus haut niveau de la hiérarchie politique française. Par la suite, on a surveillé de très près, en France, l'évolution de la Révolution tranquille au Québec. Ainsi, dès que fut créé le ministère québécois de l'Éducation, au printemps de 1964, la première personne à rendre une visite toute personnelle au nouveau titulaire, Paul Gérin-Lajoie, fut l'ambassadeur de France au Canada, Raymond Bousquet [6]. Il en résulta un projet d'entente entre la France et le Québec en matière d'éducation qui fut signé en 1965, avant même qu'Ottawa intervienne pour inclure cette entente dans un accord-cadre. La doctrine Gérin-Lajoie s'inscrit dans la foulée de cet événement.

C'est encore le chef de l'État français qui, après avoir reçu en grande pompe les premiers ministres Lesage et Johnson à l'Élysée et avoir conféré au Québec un [510] statut diplomatique particulier, débarque solennellement à Québec, parcourt le chemin du Roy le long de la rive nord du Saint-Laurent et lance un message d'émancipation du haut de balcon de l'hôtel de ville de Montréal, le 24 juillet 1967.

C'est toujours la France qui pousse le Gabon à inviter le Québec, à l'exclusion du gouvernement canadien, à une conférence internationale des pays francophones portant sur l'éducation, en 1968. Enfin, la France joue un rôle non équivoque dans l'acquisition par le Québec d'un statut international au sein de la francophonie.

Ce quatrième facteur comporte cependant, tout comme le précédent, un caractère aléatoire. En effet, tout comme le Canada n'est plus le même pays après l'accession de Pierre Trudeau au pouvoir, la France ne devait plus faire preuve d'une ardeur aussi soutenue dans la promotion du Québec après le départ du général de Gaulle. Les deux premiers facteurs, la conscience nationale du Québec et la croissance de la paradiplomatie, sont sans doute ceux qui maintiennent la continuité de la diplomatie québécoise et qui légitiment toujours ses manifestations.

Il n'en demeure pas moins que le statut international du Québec a été obtenu et maintenu dans le contexte triangulaire des relations avec Ottawa et Paris. Cela est apparu très nettement d'abord en 1965 dans l'énoncé justificatif de la présence internationale du Québec, ensuite au moment des deux accords qui consacrent cette présence en lui donnant un statut, et encore au cours des années, dans les efforts que nécessite le maintien de cette présence.


LE STATUT INTERNATIONAL DU QUÉBEC

C'est Paul Gérin-Lajoie qui, le premier, a énoncé d'une manière explicite et, en quelque sorte, définitive les raisons légitimant le rôle international de l'État québécois. Son discours, prononcé devant le corps consulaire de Montréal, le 12 avril 1965, est devenu une sorte de doctrine permanente pour le gouvernement du Québec. En vertu de cette doctrine, les prolongements externes des compétences d'une province canadienne relèvent du gouvernement de cette province tout autant que ses aspects internes. Le gouvernement chargé de mettre en œuvre une entente internationale se doit de conclure et de signer lui-même cette entente.


« Il n'y a, déclarait Gérin-Lajoie, aucune raison que le fait d'appliquer une convention internationale soit dissocié du droit de conclure cette convention. Il s'agit de deux étapes essentielles d'une opération unique. Il n'est plus admissible, [511] non plus, que l'État fédéral puisse exercer une sorte de surveillance et de contrôle d'opportunité sur les relations internationales du Québec [7]. »


Le gouvernement fédéral réagit aussitôt à cette prise de position en déclarant que la prétention québécoise était tout à fait inadmissible, en raison de l'indivisibilité de la souveraineté dont seul l'État canadien était le détenteur. On admettait volontiers que les provinces puissent être associées aux négociations qui conduisent à des traités et être responsables de leur exécution, mais on affirmait bien haut la compétence exclusive d'Ottawa en matière de politique étrangère. Le ministre des Affaires extérieures d'alors, Paul Martin, émit une déclaration écrite dès le 20 avril 1965 :


« Le Canada ne possède qu'une personnalité internationale au sein de la communauté des nations. Il n'y a aucun doute que seul le gouvernement canadien a le pouvoir ou le droit de conclure des traités avec d'autres pays [...] [8] »


Par la suite, au moment où le Québec recevait une invitation exclusive du Gabon à participer à une conférence internationale portant sur l'éducation, le gouvernement fédéral réagit fermement en rompant ses relations diplomatiques avec l'État qui avait osé traiter le Québec comme un acteur international autonome et en publiant deux brochures qui établissaient la juridiction unique de l'État canadien en matière de conférences internationales, de traités et autres instances diplomatiques [9].

Plus de 30 ans plus tard, cette question n'est pas résolue. Le Québec continue d'affirmer son droit à l'extension internationale de ses compétences constitutionnelles, notamment dans une loi de l'Assemblée nationale de décembre 2000, sur « l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec ». Le plan triennal 2001-2004 du ministère des Relations internationales du Québec réfère encore à la doctrine Gérin-Lajoie comme à l'expression fondamentale de sa légitimité internationale [10].

De son côté, le gouvernement canadien n'a jamais cessé de prétendre à son rôle unique en matière de diplomatie, tolérant tout au plus une présence [512] internationale québécoise qu'il entend toujours encadrer et superviser plus ou moins étroitement. Le Québec n'a jamais tenté d'ailleurs, si l'on excepte sa participation à la fameuse conférence de Libreville en 1968, de faire vraiment cavalier seul et d'ignorer la politique canadienne. Ainsi, toutes les représentations québécoises n'ont été créées qu'avec l'assentiment d'Ottawa. Le gouvernement fédéral se fait fort d'exercer son pouvoir discrétionnaire d'émission des visas nécessaires à la résidence de fonctionnaires québécois à l'étranger et de se faire reconnaître par la grande majorité des gouvernements étrangers comme le seul véritable représentant de tous les citoyens canadiens, y indus les Québécois.

Le Québec a donc dû manœuvrer sur la scène internationale en tenant compte, à tous les instants, de la réaction canadienne à ses prétentions. En d'autres termes, si la France a largement contribué à faire une place particulière au Québec dans les instances de la francophonie, cela n'a pu se produire sans le consentement du gouvernement fédéral.

Le statut international du Québec n'a donc été atteint que sous la forme d'un compromis.

L'Agence de coopération culturelle et technique (ACCT) a été créée à Niamey en avril 1970, à l'instigation de la France, comme une institution internationale permanente devant stimuler les efforts des pays entièrement ou partiellement francophones pour accroître l'usage de la langue française au moyen d'échanges divers en matière de culture et d'éducation et pour encourager la coopération entre ces pays. Dès le départ, il était impensable que le Québec n'en fasse pas partie. Il était tout aussi impensable que le Canada n'y joue pas un rôle de premier plan. L'affaire du Gabon s'était réglée assez rapidement à la satisfaction du gouvernement canadien, le petit État d'Afrique reconnaissant bientôt son erreur et sa mauvaise appréciation des sources financières majeures de la coopération avec le Canada. Le général de Gaulle, pour sa part, ne pouvait plus se permettre d'audace après ses déconvenues de mai 1968 et il devait bientôt abandonner ses fonctions, en mars 1969. Son ami le premier ministre Johnson est décédé en septembre 1968 et Pierre Trudeau était confirmé à la tête du Canada par une victoire électorale en juin de la même année. Robert Bourassa allait prendre le pouvoir à Québec en avril 1970, avec un mandat qui ne laissait guère de place aux grandes manœuvres internationales. Le triangle politique Pompidou-Trudeau-Bourassa était beaucoup moins propice aux percées internationales québécoises que celui de de Gaulle-Pearson-Johnson.

C'est dans ce nouveau contexte que Trudeau croyait venir à bout du Québec en imposant une présence canadienne unique à l'ACCT. Il fallut donc beaucoup de persévérance de la part des fonctionnaires québécois et de leurs contreparties parisiennes pour en venir au compromis qui allait déterminer les modalités d'une présence québécoise et conférer au Québec, fût-ce à l'intérieur d'une [513] délégation canadienne, un rôle propre et un statut international. Ce compromis fut atteint en vertu d'un accord entre Québec et Ottawa, le ler octobre 1971, et s'est traduit par l'adoption de l'article 3.3 de la charte de l'Agence :


« Dans le plein respect de la souveraineté et de la compétence des États membres, tout gouvernement peut être admis comme gouvernement participant aux institutions, aux activités et aux programmes de l'Agence, sous réserve de l'approbation de l'État membre dont relève le territoire sur lequel le gouvernement participant concerné exerce son autorité et selon les modalités convenues entre ce gouvernement et celui de l'État membre [11] ».


Le statut international du Québec demeure donc bien encadré par l'État membre canadien et ne peut être vraiment opérationnel sans un minimum de concertation entre les gouvernements d'Ottawa et de Québec. Cette concertation s'est manifestée au gré des rencontres internationales et des actions du Québec à l'étranger. Elle a été parfois pénible, parfois totalement inexistante, comme dans le dossier du Sommet des pays francophones sous Trudeau. Ce projet avait été conçu dès les années 1960 par le président du Sénégal, Léopold Senghor, et avait reçu l'appui du premier ministre du Canada, qui y voyait l'occasion d'une présence canadienne unique dans une organisation d'États souverains dont les objectifs globaux devaient se situer bien au-delà des compétences d'une province. Grâce à la France, encore une fois, une francophonie qui aurait exclu le Québec ne fut pas créée [12].

Il faudra attendre les années 1980 et l'avènement d'un gouvernement conservateur dirigé par Brian Mulroney, dans un climat de conciliation entre Ottawa et Québec, pour que soit atteint un compromis permettant la tenue de Sommets des chefs d'État et chefs de gouvernement de la francophonie. Il suffisait de reprendre essentiellement la formule de 1971 en lui ajoutant des clauses relatives aux questions qui ne relèvent pas des compétences du Québec. Ainsi, en vertu d'une entente convenue le 7 novembre 1985 entre les gouvernements de Brian Mulroney et de Pierre Marc Johnson, la règle suivante devait s'appliquer au déroulement des Sommets de la francophonie :


« Sur les questions relatives à la situation politique mondiale, le premier ministre du Québec est présent et se comporte comme un observateur intéressé. Sur les questions relatives à la situation économique mondiale, le premier ministre du Québec pourra, après concertation et avec l'accord ponctuel du premier ministre du Canada, intervenir sur celles qui intéressent le Québec.
[514]
[…]

Pendant la deuxième partie, le gouvernement du Québec participe aux débats et aux travaux à part entière, selon les modalités et la pratique suivies à l'Agence de coopération culturelle et technique (ACCT) [13] ».


L'atmosphère de conciliation n'a pas survécu au gouvernement Mulroney. Le Parti libéral du Canada reprit le pouvoir en 1993 et la politique de Trudeau visant à limiter le plus possible l'action du Québec à l'étranger devait refaire surface sous la gouverne de Jean Chrétien. Cette politique valait autant pour des gouvernements fédéralistes que pour les gouvernements du Parti québécois (PQ), bien que l'opposition fédérale ait été plus forte à l'endroit d'un gouvernement québécois souverainiste.

Dans son Livre blanc de 1995 sur la politique étrangère, le gouvernement canadien énonce ses objectifs comme si le Canada n'était pas vraiment une fédération. Nulle part dans ce document il n'est fait mention des prérogatives et compétences des gouvernements provinciaux, notamment en matière d'éducation, ne fiât-ce que dans l'application des ententes internationales conclues par le Canada. Les provinces n'y sont mentionnées que comme l'une des instances, parmi d'autres, de la société canadienne [14] et non pas comme l'un des deux paliers de gouvernement de ce pays, comme en fait foi la Constitution canadienne. On va même jusqu'à faire allusion à « notre système d'éducation [15] » sans aucune référence aux divers systèmes provinciaux du pays. On y énonce trois objectifs de la politique canadienne : promouvoir la prospérité et l'emploi, protéger la sécurité canadienne dans un monde stable et projeter les valeurs et la culture canadiennes dans le monde.

C'est ce troisième objectif qui fait problème pour le gouvernement québécois. Il s'exprime entre autres ainsi : « Faire rayonner la culture canadienne et faire la promotion des industries canadiennes de la culture et de l'enseignement, pour qu'elles demeurent concurrentielles au pays et à l'étranger, sont des objectifs fondamentaux de la politique canadienne [16] ». Aussi, dans son plan stratégique 2001-2004, le ministère des Relations internationales du Québec s'inscrit en faux contre la formulation précédente. Après avoir rappelé que le Québec collabore volontiers aux deux premiers objectifs du gouvernement canadien dans le plein respect des compétences fédérales exclusives, les responsables québécois écrivent : « la formulation de cet objectif en matière [515] d'enseignement, de culture et d'identité n'a nullement été convenue avec le gouvernement du Québec, alors que ces sujets sont d'abord et avant tout de sa compétence [17] ». Le document poursuit en se réjouissant toutefois que, dans la pratique, il arrive au ministère québécois d'unir sa voix à celle du gouvernement canadien dans la promotion de la diversité culturelle.

Le ministère fédéral se défend parfois de sa prétention à l'exclusivité sur la scène internationale en alléguant qu'il se doit de promouvoir l'unité canadienne à l'étranger et donc de s'opposer à tout ce qui y fait entrave. On accuse alors un gouvernement du PQ de s'employer à faire la promotion de la souveraineté du Québec hors de ses frontières. Il n'est pas sûr que cette accusation soit fondée, si l'on excepte la courte période préréférendaire de 1994-1995, sous la gouverne de Jacques Parizeau. Par la suite, surtout durant les années Bouchard (1996-2001), le gouvernement québécois a cherché plus à rassurer ses partenaires qu'à les gagner à sa cause, comme cela était le cas sous René Lévesque. Dans le plan stratégique de 2001, à tout le moins, il n'est fait aucune mention de l'option de la souveraineté.

Le statut international a été conforté par l'importance nouvelle qu'on accorde à la paradiplomatie, c'est-à-dire la diplomatie pratiquée hors des instances souveraines, tout particulièrement par des États non souverains. Ils ne sont plus rares ces États, membres ou non de fédérations, qui se manifestent sur la scène internationale par des représentations officielles et par la conclusion d'ententes avec d'autres États, souverains ou non. Certains d'entre eux, comme les communautés et régions belges, les cantons suisses, se voient même reconnaître des compétences internationales par leur constitution. D'autres, comme certaines régions espagnoles (Catalogne, Pays basque) ou allemandes (Bavière et autres), établissent des relations en quelques endroits dans le monde. Le statut du Québec devient donc renforcé par la présence de ces nouveaux partenaires. C'est de ce type de statut limité et dépourvu de tout caractère officiel que le Québec doit se contenter dans sa diplomatie sur le continent américain, qui correspond de plus en plus à un intérêt primordial.


LA DIMENSION AMÉRICAINE

C'est un fait indéniable que la relation la plus importante, la plus pressante, la plus immédiate pour le Québec est celle qu'il se doit d'entretenir avec son voisin géant, les États-Unis. Non seulement s'agit-il de la superpuissance [516] qu'aucun acteur international ne peut ignorer, c'est encore le seul État (si l'on excepte les provinces canadiennes) avec lequel le Québec partage une frontière, qui est en voie de devenir de plus en plus poreuse. C'est celui avec lequel les échanges économiques ont atteint, en 2001, près de 86 % du total du commerce international et sans doute aussi celui dont la culture et les institutions affectent le plus profondément toute la société québécoise.

C'est là une réalité que les Québécois ont souvent voulu ignorer ou du moins négliger. Pour des raisons historiques et culturelles reliées à l'identité et au caractère particulier du Québec francophone, on a voulu insister davantage sur les liens qui rapprochent la société québécoise de la France et de la francophonie. Cela était et continue d'être sans doute essentiel au maintien et au développement du Québec. Ce l'est d'autant plus sur le plan international, étant donné la signification de la France comme rampe de lancement d'une diplomatie québécoise. Ce qui est moins acceptable, c'est qu'on ait tenté parfois d'occulter l'américanité du Québec, c'est-à-dire son inévitable insertion dans le tissu géographique de l’Amérique.

Les relations du Québec en Amérique du Nord, notamment avec les États-Unis, sont pourtant devenues multiples, diverses et intenses. Paradoxalement, dans un État dont le gouvernement central ne reconnaît aucun autre véritable partenaire que le gouvernement canadien, les représentants du Québec ont dû faire preuve de beaucoup de diplomatie, le plus souvent davantage que les diplomates canadiens bien accrédités. Ces derniers, il est vrai, doivent s'efforcer constamment de combattre la tendance profonde des Américains, même en haut lieu, à ignorer leurs voisins du Nord, à les tenir pour acquis, voire à les considérer comme s'ils faisaient partie d'un même pays. Cela vaut aussi pour les Québécois, qui, en outre, apparaissent davantage comme étrangers et bizarres aux yeux des Américains quand ils se mettent à affirmer une culture distincte. Dans un pays où la maîtrise d'une langue étrangère est peu répandue, l'affirmation québécoise d'une langue officielle autre que l'anglais n'est pas facilement comprise, en dépit des progrès énormes de la langue espagnole dans plusieurs États de l'Union. Il a donc fallu que les représentants québécois s'appuient le plus souvent sur les institutions diplomatiques canadiennes, tout en faisant valoir le Québec comme une société distincte, en défendant les intérêts propres à cette société et en travaillant à la promotion de ses produits auprès des Américains.

Dès 1940, le Québec avait établi un modeste bureau à New York pour des fins commerciales et touristiques. Ce bureau fut rehaussé en délégation générale en 1962, à la faveur de l'ouverture du Québec au monde et tout particulièrement dans le contexte de la nationalisation des compagnies privées d'électricité, qui nécessitait un appel à des capitaux américains. On n'a pas cru devoir étendre cette présence à d'autres régions avant quelques années. On l'a fait d'abord en [517] raison d'un vieux rêve d'Amérique française, dans le cadre d'un service du Canada français outre-frontière. Le premier ministre Jean Lesage a voulu porter un message québécois aux cousins de la Nouvelle-Angleterre et renouer avec la lointaine Louisiane. C'est donc d'abord à Lafayette, mais aussi à Chicago qu'on a établi d'autres représentations en 1969. Car les impératifs économiques eurent tôt fait de l'emporter sur ces préoccupations culturelles et des délégations ont été mises sur pied en 1970 à Boston, Los Angeles et Dallas.

Le premier ministre Robert Bourassa s'est intéressé aux États-Unis, comme on pouvait s'y attendre, en raison de la priorité que son gouvernement accordait au développement économique, notamment au gigantesque projet de la Baie-James, qui s'appuyait pour une grande part sur l'intérêt des financiers américains et des importateurs d'électricité. C'est René Lévesque cependant qui devait lancer ce qu'on a appelé l'Opération Amérique, une entreprise d'intensification de la présence du Québec aux États-Unis et de rapprochement auprès d'interlocuteurs américains. Depuis les années de la Deuxième Guerre mondiale au cours desquelles il avait œuvré comme Journaliste au sein des forces armées américaines, Lévesque avait conservé une prédilection pour les États-Unis. Aussi croyait-il, dès son entrée en fonction à la tête d'un gouvernement du PQ, pouvoir et devoir exprimer franchement son projet d'indépendance du Québec auprès des milieux économiques américains. Son discours à l'Economic Club de New York, en janvier 1977, n'obtint pas l'effet escompté. Il ne parvint qu'à susciter plus d'inquiétudes au sein des élites américaines quant aux intentions de son gouvernement. C'est dans la foulée de cette déconvenue que fut lancée en 1978 l’Opération Amérique, qui consistait à multiplier les contacts de toutes sortes avec des Américains au moyen de visites ministérielles, d'invitations de journalistes et de manifestations culturelles et autres dans les territoires desservis par les délégations. Il ne s'agissait plus de persuader du bien-fondé de l'option du PQ, ce qui apparaissait dorénavant comme une tâche irréaliste, mais plutôt de les rassurer quant aux effets prévus des actions du gouvernement. Il fallait démontrer le caractère profondément pacifique de la société québécoise, son ouverture à l'économie de marché, le dynamisme de ses institutions et un engagement ferme de s'en remettre à la démocratie pour tout changement important. Cette opération s'est soldée par un certain succès, car Washington s'en est tenu à une attitude non interventionniste au moment du Référendum de 1980.

C'est au cours de ces années qu'a été formulée par le président américain Jimmy Carter ce qu'on a appelé la mantra de la politique américaine à l'endroit du mouvement souverainiste québécois : 1) Les États-Unis expriment leur nette préférence pour le maintien de l'unité canadienne ; 2) Ils n'entendent pas cependant intervenir dans le débat autour de cette question au Canada, laissant aux Canadiens le soin de régler entre eux leurs problèmes internes ; 3) Les États-Unis [518] respecteront la volonté des Canadiens s'exprimant dans un verdict démocratique. (On prend bien soin de ne pas préciser dans quelle mesure on respectera la volonté démocratique des seuls Québécois au cours d'un référendum.) Le gouvernement québécois s'est satisfait de cette mantra dans la mesure où elle assurait une grande discrétion de la part des Américains. Plusieurs se sont employés d'ailleurs à l'époque, tant chez les amis du Canada aux États-Unis que dans les milieux canadiens très près des Américains, à exercer des pressions en vue de susciter une intervention américaine musclée qui aurait pu influer sur la population québécoise. À Washington, on a résisté à ces pressions par crainte qu'une intervention eût produit un effet contraire de celui escompté.

Le gouvernement québécois a connu moins de succès dans sa tentative d'établir une présence politique à Washington. À peine a-t-on réussi à créer en 1978 un bureau de tourisme dénué de toute visée politique, car Ottawa s'est toujours fermement opposé à ce qu'une province soit représentée dans la capitale américaine en faisant valoir la nécessaire indivisibilité de la diplomatie canadienne dans l'univers complexe des institutions nationales des États-Unis où se jouent des intérêts majeurs pour l'ensemble du Canada. En refusant d'octroyer des visas et en gagnant le pouvoir exécutif américain à sa cause, le gouvernement canadien a réussi à limiter la présence québécoise aux fonctions du tourisme et d'un monitoring discret de la part du conseiller aux affaires nationales de la délégation générale de New York.

Après la défaite référendaire, l'Opération Amérique fut maintenue, non plus pour rassurer les Américains quant au projet souverainiste, qui n'était plus à l'ordre du jour, mais pour attirer des investissements, surtout dans la difficile conjoncture de la récession de 1982. On a vu un Jacques-Yvan Morin, à la tête du ministère des Affaires intergouvernementales (MAI) pendant la courte période entre la démission de Claude Morin et la réorganisation ministérielle de 1983-1984, sillonner les capitales américaines avec un discours fort bienveillant envers les dirigeants économiques et politiques du pays voisin et manifestant une nouvelle sensibilité québécoise à l'insertion nord-américaine. Par la suite, Bernard Landry, devenu ministre du Commerce international puis des Relations internationales, s'empressa lui aussi de renforcer les liens américains en matière d'économie, entrevoyant déjà le libre-échange.

Le retour de Bourassa au pouvoir à la fin de 1985 n'a donné lieu à aucune rupture quant à cette campagne d'ouverture économique. C'est avec enthousiasme que le gouvernement libéral a apporté son appui à l'Accord de libre-échange de 1988, avec le concours de l'opposition officielle. On a vu aussi le ministre John Ciaccia (1988-1994) voyager fréquemment aux États-Unis, cherchant à corriger la désinformation dont le Québec était l'objet, surtout quant aux rapports avec les populations autochtones.

[519]

Le gouvernement de Jacques Parizeau s'est livré à son tour à une sorte d'Opération Amérique en vue du Référendum de 1995, mais avec moins de retenue et de subtilité qu'au temps de René Lévesque et de Claude Morin. Du côté américain, la prétendue neutralité manifestée en 1980 s'est atténuée pour faire place à des interventions plus spécifiques en faveur de l'unité canadienne.

Lucien Bouchard, une fois au pouvoir, s'est appliqué à rassurer comme on le faisait à la fin des années 1970 et à mettre tout en œuvre pour conforter l'image d'un Québec dynamique et profondément engagé dans les échanges économiques intenses avec les États-Unis. Les liens entre le premier ministre et ses partenaires gouverneurs d'États ont été renforcés [18].

Encore en 2001, le Québec entreprend une grande campagne de rayonnement culturel aux États-Unis, particulièrement à New York. L'Opération Amérique est donc devenue une entreprise permanente. Elle a porté des fruits. L'ouverture des marchés américains due à l'Accord de libre-échange a contribué à faire croître les échanges commerciaux avec les États-Unis de façon spectaculaire. Le Québec s'est aussi créé un réseau de sympathisants aux États-Unis en encourageant, au cours des années 1980, la création d'une association d'études québécoises, l'American Councilfor Quebec Studies, et en multipliant ses appuis à divers intervenants francophones ou francophiles aux États-Unis comme les professeurs de français.

Les délégations fermées abruptement en 1996 à Boston, Chicago et Los Angeles (pour une raison d'économie fort discutable) ont toutes trois été rouvertes durant l'année 2000-2001. On a créé un nouveau bureau à Miami, en raison de la vocation panaméricaine de cette ville. Le bureau de tourisme de Washington est encore ce qu'il était lors de sa création en 1978. C'est toujours à partir de la délégation générale de New York que le Québec exerce sa fonction politique limitée.

Durant toutes ces années, il faut signaler que Washington a voulu maintenir un poste diplomatique dans la capitale québécoise. En dépit du fait que les États-Unis ne se veulent partenaire politique que du seul État souverain du Canada, ils n'en conçoivent pas moins une sorte de relation politique discrète avec le Québec. Le consulat général de Québec n'a pas d'autre fonction, puisqu'on a voulu s'en tenir à cinq autres consulats généraux dans l'ensemble du Canada (Halifax, Montréal, Toronto, Calgary et Vancouver). Il n'y a donc aucune raison autre que politique qui puisse justifier une seconde présence diplomatique dans la province de Québec. Selon l'expression d'un consul général en 1991, les diplomates américains en poste à Québec sont « les yeux et les oreilles de [520] Washington », un témoignage d'une volonté de conserver d'une manière non officielle des liens particuliers avec le Québec.

Somme toute, malgré l'absence de reconnaissance politique officielle, les relations américano-québécoises sont donc devenues très complexes au fil des ans. Si le Québec est peu présent à Washington, à est en revanche de plus en plus actif dans des institutions régionales comme la Conférence annuelle des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre et des premiers ministres de l'Est du Canada, le Conseil des gouverneurs des Grands Lacs ainsi que la Commission des Grands Lacs. Le Québec est aussi membre associé du Council of State Governments et s'intéresse aux activités de la National Governors Association.

De plus, le gouvernement du Québec suit de très près les dossiers économiques qui sont d'un intérêt majeur pour sa population, notamment lorsque le Congrès des États-Unis tente d'imposer des restrictions aux exportations canadiennes en dépit de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). L'inclusion du Mexique dans cet accord et le projet de créer une Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) ont contribué à valoriser les relations du Québec avec les pays d'Amérique latine.

Dès 1979, à la faveur d'un gouvernement fédéral conservateur plus conciliant, sous la direction de Joe Clark, on avait ouvert une délégation générale à Mexico et une délégation à Caracas. Un bureau d'immigration existait déjà à l'intérieur de l'ambassade du Canada à Buenos Aires depuis 1977. Les intérêts québécois à cette époque tenaient surtout aux affinités culturelles et au fait que de nombreux immigrants de ces régions étaient attirés par le Québec. De plus le Canada était déjà présent à l'Organisation des États américains (OEA) en qualité d'observateur. Par la suite, en raison de l'adhésion du Canada à l'OEA en 1989 et surtout de la mise en œuvre de l’ALENA en 1974 et d'un accord de libre-échange canado-chilien en 1997, les échanges économiques avec ces pays ont crû considérablement et sont appelés à croître davantage si la ZLEA voit le jour en 2005.

On a lancé en 2000 la Décennie québécoise des Amériques en vue de susciter des percées dans les pays de l’Hémisphère, en particulier au Mexique, mais aussi dans d'autres pays comme l'Argentine où le Québec a une délégation, au Chili où existe une antenne québécoise, qui pourrait être rehaussée tout comme au Brésil où le Québec devrait être représenté bientôt.

On a aussi mis sur pied l'Office Québec-Amérique pour la jeunesse (OQAJ), sur le modèle de l'Office franco-québécois qui a tellement favorisé les communications avec la France. On a introduit dans le système d'éducation québécois l'apprentissage d'une troisième langue qui devrait être le plus souvent l'espagnol.

Les liens avec l'Amérique latine sont en faveur dans beaucoup de milieux québécois. Même si le projet de la ZLEA suscite beaucoup d'inquiétude et [521] d'opposition, il est remarquable que le grand mouvement de contestation à l'entour du Sommet d'avril 2001 à Québec se situe tout de même dans une atmosphère de rapprochement et de solidarité avec les peuples des deux continents américains.

L'américanité du Québec est donc un fait accompli au ministère québécois des Relations internationales. Les autres dimensions de la diplomatie n'en sont pas pour autant négligées. La France, la francophonie, l'Europe, l’Asie, le Moyen-Orient constituent des pôles d'intérêt et d'activités.


LES DIMENSIONS EUROPÉENNES
ET AUTRES


Ce sont d'abord la France et la francophonie qui constituent l'axe majeur des relations internationales du Québec hors des Amériques. Comme on l'a vu, c'est la relation avec la France qui a permis au Québec de jouer un rôle majeur dans les institutions multilatérales de la francophonie. La délégation générale de Paris demeure donc, à ce titre, la plus importante de tout le réseau international québécois. Le Québec maintient aussi, à Paris, une délégation aux affaires francophones et multilatérales.

Au cours des années 1970, une décennie de consolidation pour les relations internationales du Québec [19], même après le départ de de Gaulle, la relation avec la France n'a cessé de s'intensifier. Le gouvernement de Robert Bourassa (1970-1976), tout fédéraliste fût-il, s'est appliqué à protéger son accréditation au sein de la francophonie et à conserver des liens particulièrement étroits avec la France. Dans son obsession d'une fugace et incertaine « souveraineté culturelle », Bourassa a voulu resserrer les liens avec la France, comme en font foi les accords élaborés avec le premier ministre Chirac en 1974 [20].

Par la suite, René Lévesque a été aussi soucieux, à sa manière, de valoriser la relation particulière avec la France. Il fut reçu en grande pompe par le président Valéry Giscard d’Estaing et fait grand officier de l'ordre de la Légion d'honneur en 1977. Le président français s'engageait alors à appuyer le Québec « le long de la route que vous déciderez de suivre ». On est aussi convenu, de part et d'autre, que les premiers ministres français et québécois se rendraient visite mutuellement une fois par année [21].

[522]

Cette mise en scène des années 1970 ne sera jamais officiellement remise en cause, bien qu'elle puisse être quelque peu perturbée. La relation avec la France, grâce à la solidité des diverses institutions bilatérales auxquelles elle a donné lieu, est toujours demeurée primordiale pour le Québec. Durant la période libérale de 1985 à 1994, cependant, les relations franco-québécoises ont été moins brillantes, plus espacées quant aux visites officielles. La tradition des rencontres annuelles de premiers ministres a été brisée pour diverses raisons plus ou moins valables. Le ministre des Affaires internationales, John Ciaccia, pour un, semblait très peu porté à voyager en France.

Avec l'entrée en scène d'un premier ministre francophile et voué à la cause de l'indépendance du Québec en 1994, la relation avec la France reprend toute sa signification. Jacques Parizeau se rend à Paris, quelques mois après son élection et recherche activement les appuis à la cause de la souveraineté. Il les obtient de celui qui était alors président de l'Assemblée nationale française, Philippe Séguin, voire, d'une manière plus voilée, de Jacques Chirac qui allait remporter les élections présidentielles de mars 1995. L'engagement de Valéry Giscard d'Estaing trouvait son écho quelque 18 ans plus tard [22].

Depuis la défaite référendaire, l'ardeur semble retombée. Non pas que rien soit modifié dans l'arsenal des échanges divers qui ont été institutionnalisés. Non pas que la France remette en question, de quelque manière, son appui inconditionnel au statut international du Québec. On a vu toutefois un président Chirac plus soucieux d'établir des liens solides avec Jean Chrétien qu'avec Lucien Bouchard ou Bernard Landry. Quant au premier ministre, Lionel Jospin, le moins qu'on puisse dire est qu'il n'a rien eu à voir avec les amitiés québécoises alimentées surtout par les gaullistes. Au cours d'une visite au Canada en 1998, il a semblé plus fasciné par le multiculturalisme canadien que par l'identité québécoise, bien qu'il ait fini par reconnaître les vertus de l'interculturalisme propre au Québec.

Malgré tout, les liens déjà tissés sont tellement étroits, les populations sont devenues tellement rapprochées les unes des autres que la France demeure bel et bien le partenaire majeur et toujours la voie par excellence du rayonnement international du Québec. Pensons seulement au fait qu'environ 500 000 Français visitent le Québec chaque année, que les artistes québécois sont connus plus que jamais partout dans l'Hexagone et qu'un grand nombre d'entreprises françaises sont concentrées au Québec, plus que partout ailleurs en Amérique du Nord [23]. Des contacts particuliers sont aussi toujours fréquents dans les milieux ministériels, notamment en matière de culture et d'éducation.

[523]

La francophonie est toujours le milieu par excellence de l'activité multilatérale du Québec. Dans la mesure où il existe maintenant une véritable organisation internationale des pays francophones avec son secrétariat général, le Québec y conserve jalousement son statut de gouvernement participant et y poursuit des politiques alimentées par l'évolution de la conjoncture, comme par exemple la promotion de la diversité culturelle, l'affirmation des principes de la démocratie dans un contexte de mondialisation accélérée. Cette activité se poursuit toujours dans le cadre du triangle franco-canadien-québécois, dans une atmosphère parfois harmonieuse, parfois difficile, alimentée par les antagonismes à l'intérieur de la fédération canadienne.

Le Québec s'intéresse de plus en plus à l'ensemble de l'Europe, tout particulièrement à l'évolution des institutions de l’Union européenne, que beaucoup de Québécois considèrent comme un modèle de partage des souverainetés. Le gouvernement du Québec ne jouit pas encore d'un accès direct à ce niveau où se prennent de plus en plus de décisions affectant les pays européens particuliers. Plusieurs accords ont été conclus entre le Canada et l'Union européenne. Le Québec insiste auprès du gouvernement fédéral « afin qu'il reconnaisse l'importance d'accepter tout l'apport du Québec dans la mise en œuvre de ces accords, ce qui est loin d'être le cas actuellement », selon le ministère québécois des Relations internationales [24].

Parmi les pays européens, le Royaume-Uni occupe une place de choix, en raison de rapports historiques soutenus depuis plus de 200 ans. C'est le Parlement britannique qui a d'abord reconnu la spécificité du Québec en 1774 et inspiré le parlementarisme québécois depuis ses débuts en 1792. La culture québécoise, en raison d'une longue histoire coloniale et des origines d'une partie importante de la population du Québec, est imprégnée de traditions britanniques. Après Paris, Londres est sans doute la capitale européenne où les Québécois se retrouvent le plus volontiers. Le Royaume-Uni est aussi un partenaire économique important, le plus souvent le deuxième après les États-Unis. Toutes ces raisons, ajoutées à l'attention particulière que porte le Québec à l'évolution du statut de l'Écosse et du Pays de Galles, confèrent à la délégation générale du Québec à Londres une fonction toute spéciale.

La Belgique constitue une relation privilégiée pour le Québec qui y a établi une délégation générale dès le début des années 1970. De fortes relations bilatérales multisectorielles sont poursuivies avec les deux grandes communautés, Wallonie-Bruxelles et flamande. L'Agence Québec-Wallonie-Bruxelles pour la jeunesse organise plus de 800 stages par année. De plus, la Belgique offre [524] au Québec un modèle de décentralisation en matière de relations internationales en garantissant le droit des communautés de signer des traités internationaux dans les domaines de leur compétence.

L'Allemagne, surtout depuis la réunification qui en fait de loin le pays le plus populeux et le plus puissant de l'Europe, est aussi un pôle d'attraction pour les relations internationales du Québec. Le dynamisme économique allemand fait de ce grand pays un partenaire aussi prestigieux que le Royaume-Uni et la France, une source d'investissements considérables et un débouché pour les produits québécois. Le Québec a été longtemps représenté à Düsseldorf, au cœur de la zone industrielle rhénane. Depuis 1989, toutefois, c'est la Bavière qui intéresse davantage. Des accords ont été conclus avec ce land jaloux de son autonomie, fier de sa prospérité économique. Le Québec y a établi un bureau à Munich.

L'Italie est aussi considérée par le Québec comme une grande puissance économique, le pays d'origine de plusieurs Québécois et où se sont établis des liens multiples en raison d'affinités culturelles et de la tradition catholique. Le Québec ne maintient pour le moment qu'une agence culturelle à Rome.

L'Espagne a suscité un intérêt particulier depuis qu'elle s'est jointe à l'Union européenne et surtout depuis que des régions autonomes se sont vu octroyer des compétences élargies, à l'instar du Québec dans la fédération canadienne. Les liens avec la Catalogne se sont développés considérablement durant la dernière décennie du XXe siècle. Le Québec y a établi un bureau à Barcelone.

Ailleurs dans le monde, si l'on excepte les relations privilégiées avec les pays membres de la francophonie et l'immigration, les relations du Québec portent surtout sur des dossiers économiques. En Asie, au premier chef, les Québécois, comme tant d'autres, sont attirés par une évolution économique fulgurante dans certains pays, même si cette évolution a connu de sérieux ralentis en fin de siècle. Le Québec maintient une délégation générale à Tokyo depuis 1973, compte tenu de la puissance économique considérable du Japon et des perspectives attrayantes d'investissements japonais au Québec. Tokyo est aussi la capitale culturelle la plus prestigieuse de l'Asie et un lieu d'échanges dans le domaine de l'éducation. La Chine, en raison de son ouverture économique spectaculaire au cours des dernières décennies du siècle, a été l'objet d'un intérêt soutenu de la part du Québec. Plusieurs voyages y ont été organisés et des bureaux ont été mis sur pied à Beijing et à Shanghai. Le Québec maintient aussi des antennes dans d'autres régions asiatiques, à Séoul, à Manille, à Kuala Lumpur et à Hanoï.

En Afrique et au Moyen-Orient, les échanges sont modulés par la présence de certains pays de cette région dans la francophonie, par des intérêts économiques, notamment dans les pays d'Afrique du Nord et en Afrique du Sud, et par la présence au Québec de communautés issues de ces pays.

[525]

Voilà un réseau de relations plutôt impressionnant pour un État non souverain de taille modeste comme le Québec. Compte tenu des incertitudes et des tâtonnements inévitables au cours de cette complexe entreprise, l'administration des relations internationales du Québec s'est souvent révélée erratique. Il a été particulièrement difficile d'intégrer toutes les opérations dirigées vers l'étranger à l'intérieur d'une même agence.


LES ALÉAS DE L’ADMINISTRATION

Voyons d'abord quelle a été l'évolution de l'administration des relations internationales à l'intérieur de l'État québécois pour ensuite nous arrêter à la diversification des fonctions propres à ces relations.

Il faut noter d'abord un fait assez révélateur du caractère incertain et aventuriste de la relance des relations internationales au cours des années 1960. Ces relations n'ont pas relevé d'un ministère propre avant 1967. Comme elles avaient eu dans le passé une fonction étroitement économique, les premières maisons du Québec à l'étranger ont été placées sous la responsabilité du ministère de l'Industrie et du Commerce. C'est pourtant le ministre de l'Éducation qui signe la première entente importante du Québec en 1965 et qui énonce la doctrine de légitimation du nouvel élan international du Québec. Cette même année, une autre entente est signée avec la France par le ministre des Affaires culturelles. Rappelons, à cet égard, qu'à l'origine de l'ouverture d'une maison du Québec à Paris il y avait eu la création de ce ministère par Georges-Émile Lapalme et la rencontre de ce dernier avec André Malraux. Enfin, le ministère des Affaires fédérales-provinciales créé en 1961 est celui qui est le plus activement engagé dans les relations internationales. Son sous-ministre, Claude Morin, figure d'ailleurs, avec Paul Gérin-Lajoie, comme cosignataire de l'entente de 1965 [25].

Le ministère des Affaires intergouvernementales (MAI) est créé le 12 avril 1967 par le premier ministre Daniel Johnson en vue de conférer une certaine unité à la politique québécoise de relations internationales. L'entreprise demeure cependant partielle puisque les ministères déjà engagés dans des opérations à l'extérieur n'abandonnent pas leurs responsabilités. Notons aussi que le nouveau ministère va coiffer pendant une quinzaine d'années les relations fédérales-provinciales aussi bien que la politique extérieure, deux dossiers assez différents en dépit des liens évidents qui les rapprochent fréquemment.

[526]

En 1974, un autre pas important est franchi dans cet effort de consolidation administrative des relations internationales. Robert Bourassa, soucieux d'efficacité dans l'organisation gouvernementale, établit le MAI sur des bases plus solides en lui intégrant les programmes internationaux d'autres ministères. La Loi sur le ministère des Affaires intergouvernementales constitue encore la base du mandat du présent ministère des Relations internationales (MRI). Cela est explicité dans le plan stratégique 2001-2004, qui rappelle que cette loi, actualisée à plusieurs reprises depuis 1974, « édicte que la ministre des Relations internationales a le mandat de planifier, d'organiser et de diriger l'action du gouvernement à l'étranger ainsi que de coordonner les activités, au Québec, de ses ministères et organismes en matière de relations intemationales [26] ».

Cette volonté de donner au ministère une vocation d'agence centrale est révélatrice d'une certaine maturité de la politique québécoise en matière de relations internationales. Tous les ministères des Affaires étrangères des grands pays industrialisés cherchent à imposer leur mainmise sur le volet international des politiques, surtout à une époque où se manifeste une interpénétration croissante des politiques intérieures et extérieures. En effet, la plupart des ministères sectoriels des gouvernements modernes, conscients des ramifications internationales de leurs politiques, ont tendance à se constituer leurs propres services extérieurs, de telle sorte que le ministère chargé du rayonnement international d'un État en vienne à perdre le contrôle, voire la notion même de l'ensemble des actions internationales de cet État. Ainsi, au début des années 1970, au moins cinq ministères se faisaient fort de patronner des programmes dirigés vers l'étranger : l'Éducation, la Culture, les Affaires sociales, l'Industrie et le Commerce et l'Immigration. Les trois premiers voient leurs programmes internationaux intégrés au MAI dès 1975, à la suite de la loi de 1974. Les deux autres, en 1977, sous le gouvernement Lévesque. Cette époque est donc celle « où le MAI établit son ascendant au sein de l'appareil gouvernemental. En un mot, il devient un rouage essentiel des activités internationales du Québec [27] ».

Les structures administratives n'en demeurent pas moins foncièrement aléatoires et souvent trompeuses. Shiro Noda, qui s'est penché attentivement sur l'organisation des relations internationales du Québec au cours des années 1970, rappelle que « le schéma mécanique et impersonnel qu'est l'organigramme gouvernemental exprime une réalité éminemment humaine, inspirée de considérations autres que le simple souci d'efficacité administrative [28] ». Luc Bernier, [527] écrivant sur la politique internationale du Québec dans une perspective d'administration publique, reprend cette considération en énonçant, d'une manière peut-être un peu trop péremptoire, que « s'il y eut institutionnalisation des relations extérieures du Québec, ce fut plus le résultat de circonstances favorables, de la chance et de retournements de situation que d'un processus planifié ... [29] »

Tout laisse penser qu'une « réalité éminemment humaine » a présidé à la transformation administrative qui a été opérée en 1983. C'est à ce moment que fut créé un nouveau ministère consacré au commerce international. En elle-même, cette décision est difficilement justifiable. S'il est légitime de séparer la fonction du commerce extérieur dans un grand pays, comme le Japon, par exemple, qui s'est donné son fameux MITI, on voit mal comment il faille instituer deux centres de décision des politiques extérieures dans un petit État non souverain comme le Québec. Même le ministère canadien du Commerce international, créé aussi à cette époque, est intégré à la structure du ministère des Affaires étrangères. Il semble donc que les pressions exercées par le talentueux ministre d'État au développement économique, Bernard Landry, aient été un facteur essentiel de la décision québécoise de scinder les fonctions du MAI.

L'année suivante, en 1984, on sépare les affaires fédérales-provinciales des affaires internationales, ce qui est beaucoup plus justifiable. Il en est résulté cependant un ministère des Relations internationales dont le mandat devenait considérablement réduit. En cette époque de récession économique et de décroissance des effectifs de l'État, cette réduction n'avait rien pour contribuer à rehausser le moral des fonctionnaires du ministère. Extraire le volet économique d'une politique extérieure qui s'était considérablement élargie de ce côté laissait un mandat peu reluisant au nouveau ministère essentiellement politique : le rayonnement culturel, diminué par une réduction des budgets, ne suffisait guère à donner du lustre au nouveau MRI. Il faut dire cependant que l'affectation de la même personne à la tête des deux nouveaux ministères (Commerce extérieur et MRI) a contribué à réunir les deux fonctions séparées.

Les libéraux prennent le pouvoir en décembre 1985. Cette fois-ci, deux ministres différents sont affectés aux deux ministères internationaux. Comme le PLQ de Robert Bourassa se donne pour mission d'accentuer encore les politiques économiques et de rationaliser la présence internationale du Québec par ses retombées en matière d'investissements et de création d'emplois, la division apparaît plus caduque que jamais. La décision est donc prise en 1988 de remanier une fois de plus l'administration des relations internationales. Un nouveau ministère est créé qui réunit le commerce extérieur et la politique internationale. On l'appelle ministère des « Affaires internationales » en soulignant qu'il s'agit [528] bien d'affaires au sens étroitement économique du mot (business plutôt que affairs).

À prime abord, on a pu penser que c'en était fait de la tradition d'une forte présence internationale. D'autant plus que les titulaires du nouveau ministère, d'abord Paul Gobeil, issu tout droit du milieu des affaires et apparemment peu porté vers la diplomatie, puis John Ciaccia, qui ne s'était pas davantage intéressé à ce domaine, se faisaient fort de respecter entièrement la prétention du gouvernement fédéral à exercer une compétence exclusive en politique extérieure. Pourtant ces deux ministres ont pris goût à la fonction et n'ont pas cherché à réduire sensiblement la représentation du Québec à l'étranger. John Ciaccia, en particulier, qui fut ministre des Affaires internationales de 1989 à 1994, a voyagé plus qu'aucun de ses prédécesseurs, parcourant tous les continents, cherchant surtout à faire valoir les intérêts économiques du Québec mais aussi, à l'occasion, livrant de vigoureux plaidoyers en faveur des positions québécoises dans la fédération canadienne et du caractère distinct de la culture du Québec.

Deux exercices importants ont été effectués durant ces années de gouverne libérale. D'abord, une évaluation du réseau de représentation à l'étranger dans un souci évident d'efficacité, de rendement et d'une meilleure détermination des cibles d'intervention. Le rapport soumis en 1988 ne recommande pas de modifications majeures des représentations. Il se contente de suggérer le déplacement de quelques bureaux ou délégations et insiste fort pertinemment sur le renforcement de la politique dite d'affaires publiques qui consiste à mieux faire connaître le Québec à l'étranger et à corriger au besoin les distorsions que subit son image [30].

Ensuite, un énoncé politique est produit en 1991, dans la veine de celui livré par le gouvernement du PQ en 1985 [31]. Contrairement à ce dernier, on s'applique à y distinguer la nécessaire politique des affaires internationales dans un monde d'interdépendances croissantes de la politique étrangère qui, en bonne orthodoxie fédéraliste, doit être laissée au gouvernement fédéral. Il n'en découle pas cependant que le Québec doive diminuer ses activités. Bien au contraire, on énonce une multitude d'objectifs d'interventions internationales aux chapitres de l'économie, de la culture, de la langue et des communications, de la science et de la technologie, des ressources humaines, des affaires sociales et de l'environnement, du rayonnement et même des relations intergouvernementales et institutionnelles. Le document, le plus volumineux qu'un gouvernement québécois ait jamais produit en matière de relations internationales, élabore une [529] politique fondée sur les partenariats et une approche intégrée. Il ne remet aucunement en cause la présence du Québec aux quatre coins du globe [32].

On peut donc conclure que, durant ces années de gouvernement libéral, les discontinuités évidentes ont été moins importantes que les continuités, comme cela avait été le cas, d'ailleurs, durant la décennie précédente. On pourrait même dire que la fusion des fonctions économiques et culturelles a produit d'heureux résultats. Comme l'écrit Luc Bernier,


« il est possible que ces... efforts de planification stratégique aient en fin de compte été surtout utiles pour l'exercice qu'ils représentaient. En discutant des façons d'arrimer la mission culturelle et la mission commerciale, le MAI [ministère des Affaires internationales] en est venu à cimenter sa culture [33] »


Le retour du PQ au pouvoir en 1994, sous la direction de Jacques Parizeau, dans un contexte préréférendaire, signale une certaine réorganisation administrative. Bernard Landry revient à la tête du ministère fusionné, auquel on adjoint celui de l'Immigration et des Communautés culturelles. Pour l'essentiel cependant, l'administration n'a pas été modifiée en profondeur. Un an et demi plus tard, avec l'arrivée de Lucien Bouchard en janvier 1996, on procède encore une fois et, semble-t-il, toujours pour des raisons humaines, la scission entre les fonctions commerciales et les autres. Bernard Landry est à la tête de tous les ministères économiques, y compris l'Industrie, le Commerce, la Science et la Technologie, dont relèvera le commerce extérieur. On crée à nouveau un ministère des Relations internationales. L'histoire se répète et la coordination entre les fonctions économiques et politiques n'est pas évidente.

Dans le Plan stratégique 2001-2004, cependant, il est fait grand état des fonctions d'intégration et de gestion du ministère des Relations internationales. Eu égard à l'intégration, en particulier, il est question de renforcer la cohésion de l'action internationale du Québec par le biais de la Direction des relations interministérielles et de l'action sectorielle, créée en 1999. On écrit encore :


« À l'étranger, les fonctionnaires affectés par les ministères sectoriels tel le ministère de l'industrie et du Commerce, ou encore d'organismes [sic] tel Investissement Québec, sont tous sous l'autorité du chef de poste, qui voit à la cohérence de l'action générale du Québec sur son territoire [34] ».

[530]

S'agit-il là de vœux pieux ? Peut-être non, encore une fois pour des raisons humaines. La forte personnalité de celle qui dirige le ministère des Relations internationales en 2001 (Louise Beaudoin était déjà présente à la consolidation du ministère durant les années 1970), jointe au fait que Bernard Landry est devenu premier ministre, peut laisser espérer que les fonctions économiques seront mieux reliées à l'ensemble des activités internationales du Québec. Il demeure cependant que les cultures ministérielles des fonctionnaires des deux ministères sont très différentes. Ceux qui traitent de commerce extérieur méprisent souvent les opérations proprement diplomatiques et protocolaires tandis que les personnes engagées dans des activités de politique et d'affaires publiques sont parfois peu au fait des dimensions économiques des questions. Raison de plus pour développer une meilleure coordination.

Ainsi donc, l'administration des relations internationales du Québec aura connu plusieurs changements administratifs. Le ministère en titre aura changé de nom à cinq reprises en 15 ans. C'est beaucoup pour un petit État. Il faut noter cependant la remarquable continuité d'une volonté de rayonnement extérieur de la part des divers gouvernements à travers différentes conjonctures et différentes conceptions de ce rayonnement. De plus, à travers les époques, les modalités de la politique extérieure du Québec se sont diversifiées. Il importe maintenant d'examiner cet élargissement fonctionnel.

La doctrine Gérin-Lajoie justifiait l'action internationale du Québec en fonction du prolongement inévitable de ses compétences d'État fédéré sur le plan international. Ces compétences apparaissaient particulièrement évidentes en matière d'éducation, de langue et de culture. Aussi les premières expressions d'une politique internationale québécoise se sont situées dans ces domaines. On a eu tôt fait, néanmoins, de prendre conscience que les intérêts propres au Québec s'étendaient à d'autres sphères, d'abord et avant tout la sphère économique. C'est là surtout qu'on pouvait faire accepter à la population les dépenses que suppose une politique internationale. C'est encore là que les effets de l'interdépendance n'ont pas cessé de se manifester depuis. Ensuite, le dossier de l'immigration est devenu tout à fait primordial pour une société dont le taux de natalité chutait de façon dramatique. On s'est aussi rendu compte, peu à peu, que rien de valable ne pouvait être fait à l'étranger si on ne se souciait pas de faire connaître le Québec, parfois de rehausser son image et toujours d'informer dans un monde où l'information est devenue une denrée majeure et indispensable. Enfin, en raison de la taille modeste du Québec et de la croissance des organisations multilatérales dans le monde, ce qui était vrai du Canada l'a été aussi du Québec. L'action internationale ne pouvait souvent se poursuivre que dans le cadre de la coopération et de la participation à des forums internationaux.

[531]

Au chapitre de l'économie, on connaît les préoccupations de Robert Bourassa à cet égard, dès son premier mandat (1970-1976), bien que l'intérêt de son gouvernement pour d'autres questions comme la prétendue « souveraineté culturelle » et le dossier des communications ait été considérable. Quant au gouvernement du PQ de René Lévesque, contrairement à certaines expectatives, il a accentué la fonction économique des relations internationales au point que les interventions relatives au commerce et à la croissance économique ont été plus nombreuses encore durant la période préréférendaire qu'au cours des années Bourassa [35].

La priorité accordée à l'économie s'est accrue encore par la suite. D'abord, après la défaite au Référendum de 1980 et la déconfiture constitutionnelle de 1981-1982, dans le contexte de la plus sérieuse récession économique depuis la Crise des années 1930, le gouvernement du Parti québécois s'est concentré sur les questions économiques et sur la stimulation de l'entreprise privée. Il s'en est même vu accuser d'avoir perdu son inspiration sociale-démocrate. C'est dans ce contexte que Jacques-Yvan Morin parcourait les États-Unis en quête d'investissements et que Bernard Landry inaugurait le ministère du Commerce international. Sans doute, le PQ des années 1980 gardait-il le cap sur les grands dossiers politiques internationaux, comme en fait foi l'énoncé de 1985, mais sa préoccupation économique devenait une composante majeure de son action internationale.

Au retour de Robert Bourassa, comme on l'a vu, cette préoccupation prend encore de l'ampleur au point de reléguer volontairement dans l'ombre les autres aspects des relations internationales. La politique d'affaires internationales de ce gouvernement était tournée presque tout entière du côté de l'économie. Cela est apparu très clairement dans l'énoncé de 1991 et dans les allées et venues des ministres Gobeil et Ciaccia.

Jacques Parizeau, bien que préoccupé d'abord et avant tout de réaliser l'indépendance du Québec, s'est aussi passablement intéressé aux questions économiques internationales. Économiste de profession, il ne pouvait pas ne pas accorder l'importance qui revenait à ces questions au moment d'entreprendre le grand tournant qu'il espérait. Notons encore que son ministre des Affaires internationales, Bernard Landry, partageait ces préoccupations.

Enfin, Lucien Bouchard s'est à son tour tellement concentré sur la piètre situation des finances publiques qu'il en a réduit l'action internationale du Québec à sa plus simple expression en supprimant plusieurs délégations et bureaux, les remplaçant par de simples antennes économiques et par des missions toujours prioritairement économiques.

[532]

Tout s'est donc passé comme si, dans les relations internationales du Québec, on redécouvrait sans cesse l'économie d'un gouvernement à l'autre ; comme si périodiquement on décidait à nouveau qu'il fallait mettre l'accent sur le dossier économique, donnant l'impression qu'on ne l'avait jamais fait auparavant.

Il n'en va pas tout à fait de même de l'immigration, une question dont on s'était assez peu soucié dans le passé. Ce n'est qu'à la fin des années 1960 qu'on a cru bon de créer un ministère consacré à ce dossier. Par la suite, le Québec est parvenu à conclure des accords avec le gouvernement fédéral en vue de jouer un rôle de plus en plus important en cette matière. Accords Andras-Bienvenue sous Bourassa, accords Cullen-Couture sous Lévesque, qui, peu à peu, permettent au Québec d'influer partiellement sur le cours des entrées d'immigrants sur son territoire. Le MAI n'a jamais été seul responsable de ce champ d'activité, mais il a dû s'en préoccuper de plus en plus. Des conseillers en immigration ont été mis en place dans la plupart des représentations québécoises. Là où le Québec n'était pas représenté, on a installé des services intégrés aux ambassades du Canada. L'immigration est donc devenue, au cours des années 1970, un enjeu majeur d'intervention internationale pour le Québec.

Ce dossier ne pouvait que prendre de l'ampleur par la suite. La compétence québécoise en matière de choix, d'accueil et d'intégration des immigrants faisait partie des conditions minimales exigées par le Québec au moment de l'accord constitutionnel du lac Meech. Même si cette entente a lamentablement échoué, les articles qui concernaient l'immigration ont fait l'objet d'une entente fédérale-provinciale en 1991, l'accord McDougall-Gagnon-Tremblay.

Tous les gouvernements québécois des 20 dernières années se sont penchés sur cette question. On a cherché notamment à recruter des immigrants « francophonisables » en plus grand nombre possible et de nouveaux services d'immigration sont apparus dans diverses ambassades du Canada, notamment à Hong-Kong, Vienne, Beyrouth et Rabat.

Un autre dossier d'une importance croissante, c'est celui de l'information. Des programmes d'affaires publiques ont été mis en œuvre au moment de l'Opération Amérique en 1978. Il devenait alors essentiel de susciter par divers moyens une meilleure connaissance du Québec. La diffusion des bulletins de nouvelles date de cette époque, de même que les visites organisées de journalistes et autres personnes influentes. Peu à peu, on a compris qu'il ne servait à rien de travailler à attirer des investissements ou à promouvoir nos produits si les gens ne nous connaissaient pas et pouvaient à peine situer le Québec sur une carte.

On l'a dit et redit, les nécessités de l'information se sont accrues de façon exponentielle durant les dernières années du XXe siècle. Pensons seulement à l'outil extraordinaire que représente le réseau Internet pour les communications [533] internationales. Le ministère des Relations internationales n'a pas tardé à se donner un site web, lieu d'informations multiples sur le Québec. On y trouve notamment des articles de journaux et de revues d'abord écrits en français et traduits en anglais et éventuellement dans d'autres langues.

La politique québécoise d'affaires publiques a connu des hauts et des bas. On a eu tendance parfois à la négliger et à la considérer comme superflue. Elle a tout de même progressé, fût-ce en dents de scie, et donné des résultats remarquables. Le Plan stratégique de 2001 en fait état : « On dénombre plus de 2 000 spécialistes qui s'intéressent au Québec dans les universités et les centres de recherche du monde. Leurs travaux ont un impact parfois considérable dans leur milieu et contribuent à faire connaître et apprécier le Québec [36] ». Une association internationale d'études québécoises a été mise sur pied en 1997 avec le concours du ministère et fonctionne maintenant d'une manière tout à fait autonome, selon des normes universitaires. Elle est parvenue à recruter plusieurs centaines de membres dans un grand nombre de pays.

Le Plan stratégique souligne encore les lacunes d'une information internationale sur le Québec qui souvent passe par le « prisme déformant » de données recueillies en langue anglaise à partir de Toronto ou d'Ottawa, où sont postés habituellement les correspondants étrangers. Cette constatation avait déjà été faite par un observateur américain quelque 20 ans plus tôt [37]. La diplomatie québécoise doit donc s'activer plus que d'autres à diffuser une information positive sur la réalité économique, politique et culturelle du Québec. On a créé à cet effet, au MRI, un programme particulier d'invitation de journalistes étrangers et un autre pour l'invitation et l'accueil de personnalités étrangères.

Enfin, les relations internationales du Québec ont dû s'élargir très tôt vers les organisations multilatérales. Cela apparaissait comme une nécessité dans la mesure où le statut international du Québec se situait au cœur de l'ACCT. Une direction de la coopération internationale est apparue aussitôt au MAI. Le Québec a tenté de faire entendre sa voix dans tous les forums, de plus en plus nombreux, où étaient traitées des questions relevant de ses compétences constitutionnelles. Les résultats se sont souvent fait attendre et sont encore bien partiels aujourd'hui. L'intransigeance du gouvernement fédéral y est pour quelque chose.

Par le biais de la francophonie, le Québec a pu établir un ensemble de contacts auprès des membres de diverses organisations dont il n'est pas membre [534] comme l'Organisation des Nations-unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) et l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE). À cet égard, c'est encore une anomalie monumentale qu'une province canadienne, comme le Québec, responsable à part entière de l'éducation et en grande partie de l'évolution d'une culture particulière, ne puisse participer en aucune façon aux délibérations de l'UNESCO. Notons tout de même que la ville de Québec a abrité durant quelques années le secrétariat des villes du patrimoine mondial de cette organisation.

Le Québec est tout de même membre d'organisations multilatérales internationales qui ne s'adressent pas à des entités souveraines, comme, par exemple, la Conférence des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre et des premiers ministres des provinces de l'Est du Canada et d'autres récemment créées pour rassembler plusieurs États fédérés ou régions autonomes.

Dans la mesure de ses possibilités, le Québec cherche aussi à se faire entendre comme acteur distinct dans le dossier de la diversité culturelle qu'il défend vigoureusement tant en Amérique du Nord que sur d'autres continents, notamment au sein de la francophonie. Comme le gouvernement canadien exprime lui-même une volonté ferme de soustraire le monde de la culture à certaines exigences de la libéralisation des échanges économiques, il arrive souvent que le gouvernement du Québec travaille dans une certaine harmonie avec sa contrepartie fédérale. Il n'y a pas de raison pour que cela ne soit pas habituel et que le gouvernement canadien n'ouvre pas la porte toute large à l'affirmation québécoise d'une culture distincte et, en conséquence, à une présence québécoise propre au sein de délégations canadiennes. En toute logique, il est impensable que le Canada insiste sur l'originalité de la culture anglo-canadienne sans reconnaître en même temps le caractère spécifique de la culture québécoise. Ici comme ailleurs, on ne peut que regretter que des antagonismes artificiels aient été créés et entretenus.


CONCLUSION

Les relations internationales du Québec se sont donc développées au cours des quelque 40 dernières années avec une remarquable continuité. Des facteurs qui ont stimulé la relance de ces relations au cours des années 1960, deux ont un caractère stable et sont plus valables que jamais : le contexte d'un système international éclaté dans lequel la diplomatie ne peut plus être la chasse gardée des États souverains et la conscience permanente des Québécois de constituer une société distincte, une entité politique particulière avec ses intérêts propres à l'extérieur comme àl'intérieur. Les deux autres ayant trait au caractère de la [535] fédération canadienne et au rôle de la France étaient propres à une période donnée. Le Canada a beaucoup changé depuis ce temps et s'affirme davantage comme un État-Nation. La France ne joue plus le même rôle à l'endroit du Québec mais constitue toujours un partenaire essentiel et privilégié dans le réseau québécois.

Le statut international du Québec au sein de ce qui est devenu une solide organisation internationale, la francophonie, est toujours assuré, bien que le gouvernement canadien s'applique souvent, de manière indirecte, à le minimiser. En dépit de ces contraintes, le réseau de représentations internationales du Québec s'étend toujours sur divers points du globe, d'abord dans le continent américain mais aussi un peu partout dans le monde.

L'administration des relations internationales au sein du gouvernement québécois a connu ses failles, ses difficultés, ses hésitations. Elle est sérieusement limitée par l'absence d'un véritable service extérieur, mais eue donne lieu tout de même à une impressionnante diversification des fonctions reliées au rayonnement international. Le bilan est largement positif.


[15]

NOTES SUR
LES COLLABORATEURS


Louis Balthazar est professeur émérite au Département de science politique de l'Université Laval. En 2002-2003, il est titulaire par intérim de la Chaire Raoul Dandurand en études stratégiques et diplomatiques et professeur associé au Département de science politique de l'Université du Québec à Montréal. Il est également président de l'Observatoire sur les États-Unis. Ses recherches portent principalement sur la politique étrangère des États-Unis et sur les relations canado-américaines. Il est coauteur (avec Alfred O. Hero jr) de Le Québec dans l'espace américain (1999) publié dans la collection « Débats » et codirecteur (avec Louis Bélanger et Gordon Mace) de Trente Ans de politique extérieure du Québec, 1960-1990 (1993).



[1] « La délégation générale du Québec est une représentation [...] dirigée par un délégué général du Québec. Ce dernier est nommé par le gouvernement (décret du Conseil des ministres), par commission sous le grand sceau, dans tout pays qu'il désigne, pour représenter, sur le territoire qu'il indique, le Québec dans tous les secteurs d'activité qui sont de la compétence constitutionnelle du Québec ... »

« La délégation du Québec est une représentation [...] dirigée par un délégué du Québec. Ce dernier est nommé par le gouvernement (décret du Conseil des ministres) pour représenter, sur le territoire qu'il désigne, le Québec dans les secteurs qui lui sont attribués ... » « Le bureau du Québec est un établissement [...] sous la responsabilité d'un directeur, membre de la fonction publique québécoise, qui est nommé par la ministre des Relations internationales et agit comme représentant de cette dernière. »

« L'antenne est mise sur pied dans un pays étranger afin de fournir sur place des services au gouvernement du Québec, dans un ou des champs déterminés. L'administration peut lui demander de rendre certains services à des particuliers ou à des sociétés québécoises. L'antenne est dirigée par un résidant du pays et n'emploie pas de fonctionnaires du Québec. Elle n'a pas fonction de représentation. »

« Des services spécialisés, dans des domaines comme l'économie, la culture et l'immigration, peuvent se trouver à l'intérieur ou à l'extérieur des délégations. » (Ministère des Relations internationales, Le Québec dans un ensemble international en mutation. Plan stratégique 2001-2004, Québec, gouvernement du Québec, p. 6).

Voir aussi le site web du ministère des Relations internationales : www.mri.gouv.qc.ca

[2] Ministère des Relations internationales, Guide de la pratique des relations internationales, Québec, gouvernement du Québec, 2000, p. 5-10.

[3] Georges-Émile Lapalme, Le Paradis du pouvoir (mémoires), tome III, Montréal, Leméac, 1973, p. 47.

[4] Thomas Allen Levy, « Le rôle des provinces », in Paul Painchaud (dir.), Le Canada et le Québec sur la scène internationale, Québec, Centre québécois de relations internationales, Québec, Les Presses de l'Université du Québec, p. 144.

[5] Georges-Émile Lapalme, op. cit., p. 47.

[6] Paul Gérin-Lajoie, Combats d'un révolutionnaire tranquille, Montréal, Centre éducatif et culturel, 1989, p. 322.

[7] Cité par Claude Morin, L'Art de l'impossible. La Diplomatie québécoise depuis 1960, Montréal, Boréal, 1987, p. 28.

[8] Cité par Morin, op. cit., p. 29.

[9] Secrétariat d'État aux Affaires extérieures, Fédéralisme et relations internationales, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1968. Secrétariat d'État aux Affaires extérieures, Fédéralisme et conférences internationales sur l'éducation, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1968.

[10] Ministère des Relations internationales, Le Québec dans un ensemble international en mutation, p. 21.

[11] Cité par Morin, op. cit., p. 227.

[12] Voir Frédéric Bastien, Relations particulières. La France au Québec après de Gaulle, Montréal, Boréal, 2000.

[13] Cité par Morin, op. cit., p. 457.

[14] Le Canada dans le monde : énoncé du gouvernement, Ottawa, Communications Canada, 1995, p. 44.

[15] Ibid., p. 13.

[16] Ibid., p. 44.

[17] Ministère des Relations internationales, Le Québec dans un ensemble international en mutation, p. 23.

[18] Louis Balthazar et Alfred O. Hero Jr, Le Québec dans l'espace américain, Montréal, Éditions Québec Amérique, coll. « Débats », 1999, p. 311-312.

[19] Voir Shiro Noda, Entre l'indépendance et le fédéralisme. 1970-1980. La décennie marquante des relations internationales du Québec, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 2001.

[20] Ibid., p. 65-68.

[21] Ibid., p. 187-193 ; Bastien, op. cit., p. 152-154.

[22] Notons toutefois que le commerce avec la France représente à peine 1 % des échanges internationaux du Québec.

[23] Notons toutefois que le commerce avec la France représente à peine 1 % des échanges internationaux du Québec.

[24] Ministère des Relations internationales, Le Québec dans un ensemble international en mutation, p. 40.

[25] Noda, op. cit., p. 20.

[26] Ministère des Relations internationales, Le Québec dans un ensemble international en mutation, p. 1.

[27] Noda, op. cit., p. 207.

[28] Ibid., p. 207.

[29] Luc Bernier, De Paris à Washington. La politique internationale du Québec, Québec, Les Presses de l'Université du Québec, 1996, p. 19-20.

[30] Ministère des Affaires internationales, Évaluation du réseau de représentation du Québec à l'étranger. Rapport synthèse par M. Marcel Bergeron, Québec, gouvernement du Québec, 1988.

[31] Ministère des Relations internationales, Le Québec dans le monde ou le défi de l'interdépendance, Québec, gouvernement du Québec, 1985.

[32] Ministère des Affaires internationales, Le Québec et l'interdépendance. Le Monde pour horizon. Éléments d'une politique d'affaires internationales, Québec, gouvernement du Québec, 1991.

[33] Bernier, op. cit., p. 127.

[34] Ministère des Relations internationales, Le Québec dans un ensemble international en mutation, p. 57.

[35] Louis Balthazar, Louis Bélanger et Gordon Mace (dir.), Trente ans de politique extérieure du Québec, 1960-1990, Québec, Centre québécois de relations internationales, Le Septentrion, 1993, p. 70.

[36] Ministère des Relations internationales, Le Québec dans un ensemble international en mutation, p. 51.

[37] Stephen Banker, « HowAmerica Secs Quebec », in Alfted O. Hero Jr. et Marcel Daneau (dir.), Problems and Opportunities in U.S.-Quebec Relations, Boulder, CO, Westview Press, 1984, p. 181.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 31 décembre 2012 9:56
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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