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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Yves Bélanger, “L’État québécois et l’administration de la main-d’oeuvre.” Un article publié dans l'ouvrage sous la direction de Yves Bélanger et Laurent Lepage, L'administration publique québécoise: évolutions sectorielles 1960-1985, pp. 129-172. Montréal: Les Presses de l'Université du Québec, 1989, 226 pp. Collection: Études d'économie politique. [L’auteur nous a accordé le 22 mai 2005 l’autorisation de diffuser en libre accès libre à tous l’ensemble de ses publications dans Les Classiques des sciences sociales.]

[129]

Yves Bélanger

L'État québécois et l'administration
de la main-d’œuvre
”.

Un article publié dans l'ouvrage sous la direction de Yves Bélanger et Laurent Lepage, L'administration publique québécoise : évolutions sectorielles 1960-1985, pp. 129-172. Montréal : Les Presses de l'Université du Québec, 1989, 226 pp. Collection : Études d'économie politique.

Remarques méthodologiques [129]
Introduction [129]
Les obstacles auxquels s'est heurtée la politique de la main-d’œuvre [133]
a) Les compétences constitutionnelles québécoises [133]
b) Les luttes de pouvoir à l'intérieur de la bureaucratie [135]
c) La problématique de la main-d’œuvre dans la politique de l'État québécois [138]
d) Le difficile ajustement aux réalités régionales [142]

L'administration de la main-d’œuvre et l'interventionnisme de l'état, la phase d'émergence, 1960-1968 [145]
Le règne de la direction générale de la main-d’œuvre : l'emploi et la formation confrontés à l'administration du travail, 1968-1982 [149]
a) La nouvelle mission de l'emploi : l'échec [149]
b) L'intégration à l'immigration [155]
c) La sécurité du revenu contre l'emploi [159]
La constitution du Ministère de la main-d’œuvre et de la sécurité du revenu ou le triomphe de la sécurité du revenu, 1982-1986. [165]
a) Les perspectives régionales [169]

Conclusion [171]

REMARQUES MÉTHODOLOGIQUES

Certaines données de ce texte ont été recueillies au cours d'une série d’entrevues réalisées pendant l'été 1986. Ces entrevues ont été menées auprès de hauts fonctionnaires et de membres de cabinets politiques. Nous tenons à remercier ces personnes de leur collaboration.

INTRODUCTION

La dégradation des conditions économiques générales qui a frappé l'économie québécoise au cours des dix dernières années a fait émerger de nouvelles priorités au sein de la machine d'État. Ainsi la lutte au chômage est-elle une préoccupation croissante des instances politiques et administratives du gouvernement. Des dizaines de programmes impliquant plusieurs centaines de millions de dollars ont été créés et ont donné naissance à de nouveaux outils d'intervention économique. En fait, le champ de la main-d’œuvre est apparu comme un des principaux domaines d'expérimentation de l'interventionnisme moderne. Cela fait en sorte que le ministère de la Main-d’œuvre et de la Sécurité du revenu (MMSR), qui a la responsabilité de ces programmes au sein du gouvernement québécois, est devenu le troisième organe administratif provincial en importance. Pourtant nous ne connaissons que très peu de chose sur la nature de ses activités et le long processus qui a mené à sa mise sur pied en 1982. Les chercheurs québécois qui ont exploré le domaine de la main-d’œuvre ont surtout fait porter leur analyse sur la connaissance du marché du travail et les enjeux économiques ou politiques qu'y représente l'État. Très peu se sont intéressés à l'application des programmes et au cheminement des appareils administratifs.

[130]

Nous nous sommes donc fixés pour objectif de situer les grandes étapes de l'évolution des organisations au travers desquelles l'intervention de l'État québécois a pris corps. Nous espérons ainsi lever le voile sur un aspect peu connu de la politique de la main-d’œuvre et des enjeux qu'elle recouvre. En effet, nous verrons que l'orientation de cette politique a été grandement influencée par la synergie propre aux différentes composantes de la machine « État.

Dans le premier chapitre, nous nous attardons à la définition des grandes caractéristiques de la politique québécoise de la main-d’œuvre. Cet exercice d'aspect plus théorique a notamment pour objet de déceler les principaux obstacles auxquels la formulation de cette politique s'est heurtée. Cela nous permettra surtout de situer l'influence des facteurs administratifs dans le processus politique qui a présidé aux réorientations de l'intervention gouvernementale sur le marché du travail.

Le second chapitre est consacré à une étude rétrospective de l'administration québécoise dans le domaine de la main-d’œuvre. Par conséquent, il revêt un caractère plus descriptif. Ce chapitre est divisé en trois parties. La première (période 1960-1968) retrace l'origine des premiers programmes gouvernementaux en main-d’œuvre et les conséquences de leur regroupement administratif. La deuxième relate les nombreux rebondissements du dossier de la main-d’œuvre sous le long règne (1968 à 1982) de la Direction générale de la main-d’œuvre (DGM). Enfin, la troisième partie est consacrée à l'analyse des transformations qui ont résulté de la création, en 1982, du ministère de la Main-d’œuvre et de la Sécurité du revenu (MSR).

[131]

PARTIE 1

QU'EST-CE QU'UNE POLITIQUE
DE MAIN-D’ŒUVRE ?

Avant de passer à la définition de la politique de la main-d’œuvre, il serait peut-être opportun de nous interroger sur la notion de politique par opposition à celle de programme. Le programme renvoie à l'idée d'une intervention gouvernementale délimitée en vue, la plupart du temps, de répondre à des besoins particuliers. Par exemple, afin de soulager les méfaits de la crise de 1981-1983, les gouvernements fédéral et provinciaux ont mis sur pied plusieurs programmes de création d'emplois temporaires ou permanents. Parmi ceux-ci, mentionnons le Programme québécois de Bons d'emploi dont l'objectif principal était de fournir aux jeunes finissants un outil susceptible de leur faciliter l'accès au marché du travail. À cette fin, le programme prévoyait le versement, sous forme de subvention à l'employeur, d'une somme « argent équivalente à 75% du salaire hebdomadaire avec un maximum fixé à 150 $ par semaine et à 3 000 $ au total pour l'embauche de jeunes titulaires (âgés de moins de vingt-cinq ans) d'un diplôme du secteur général ou professionnel depuis au moins six mois. Ce programme a été conçu sur une base temporaire et devait prendre fin en 1984 mais il a été prolongé et modifié depuis.

Le concept de politique évoque pour sa part un ensemble coordonné de programmes. C'est donc à ce niveau que sont définis les objectifs globaux et la stratégie d'intervention de l'État dans un secteur donné. Ainsi, le projet de revitalisation de l'emploi élaboré par le gouvernement fédéral en 1985 intitulé La planification de l'emploi est un ensemble de programmes qui s'apparente à une politique de la main-d’œuvre. Par l'entremise de ses six programmes, cette politique poursuit, en s'appuyant sur diverses stratégies d'intervention en ce qui concerne l'emploi et la formation, des objectifs généraux consacrés principalement à l'adaptation de la main-d’œuvre aux besoins du marché canadien. Nous devons toutefois préciser que l'ensemble de programmes dont il est ici question revêt malgré tout un caractère inachevé, puisqu'il ne regroupe qu'une partie seulement des budgets administrés par le ministère de [132] l'Emploi et de l'Immigration du Canada. Plusieurs composantes importantes de l'intervention de ce ministère, comme le Programme d'assurance-chômage, n'y sont liées que très indirectement.

D'ailleurs, ce dernier exemple nous permet de préciser la nature du concept de politique de la main-d’œuvre. Aux fins du présent texte, cette politique est définie comme un ensemble coordonné de programmes où sont déterminés les grandes lignes et objectifs de l'intervention de l'État en matière d'utilisation et d'adaptation de la main-d’œuvre. Cette définition couvre donc un champ large de l'intervention de l'État. Elle regroupe l'ensemble des interventions destinées à gérer les ressources en main-d’œuvre au sein du marché du travail, impliquant conséquemment la synthèse ordonnée des programmes de création d'emplois, des programmes de soutien aux sans-emploi (chômage) et des programmes de formation de la main-d’œuvre. À la limite, cette politique peut adopter la forme d'une politique de gestion de l'ensemble de la main-d’œuvre active. La politique de la main-d’œuvre sert alors de cadre général à l'intervention gouvernementale en éducation, en relations du travail et en planification démographique. Dans une telle perspective, la politique de la main-d’œuvre joue un rôle stratégique qui en fait une des principales pierres d'assise de la politique économique et sociale de l'État.

Certains pays comme la Suède, l'Autriche ou l'Allemagne ont adopté après la Seconde Guerre mondiale une approche interventionniste du type social-démocrate qui a rendu possible la formulation d'une telle politique [1]. En Autriche, par exemple, la politique économique est élaborée en fonction des objectifs définis dans le cadre de la politique de la main-d’œuvre. Celle-ci est consacrée à la réalisation du plein emploi et exerce une influence déterminante sur tous les domaines d'intervention de l'État.

La politique de la main-d’œuvre peut donc épouser un contenu variable et jouer un rôle différent d'un pays à l'autre qui sont dès lors directement tributaires de la capacité de cet État et de ses forces politiques à attribuer un rôle prioritaire à cette politique. En général, plus le principe de l'intervention de l'État au sujet du marché est étendu dans son application, plus la capacité de définir des objectifs socio-économiques nationaux est grande. À l'inverse, cette capacité décroît en situation de libre marché. À un premier niveau, on peut ainsi associer les difficultés du Québec à se définir une politique de la main-d’œuvre à ses traditions plutôt libérales par rapport au contrôle des activités des agents économiques, notamment dans le domaine hautement stratégique des relations du travail. Les caractéristiques du marché nord-américain et les conceptions administratives de la chose publique y ont en fait créé un [133] environnement hostile à la planification étatique sous toutes ses formes [2], constituant du même coup un obstacle de taille à la mise en place d'un cadre politique en matière de gestion de la main-d’œuvre du type suédois ou autrichien. D'autres embûches relatives cette fois à la dynamique propre de la politique intérieure canadienne contribuent à en rendre la réalisation difficilement praticable.

Les obstacles auxquels s'est heurtée
la politique de la main-d’œuvre


L'administration québécoise a été confrontée à quatre grands types d’obstacles dans sa démarche en vue de définir des objectifs en matière d'encadrement et de gestion de la main-d’œuvre québécoise. Il s'agit :

a) des limites de ses compétences constitutionnelles ;
b) des luttes de pouvoir à l'intérieur de la bureaucratie ;
c) de l'incapacité de dégager des objectifs politiques sectoriels cohérents ;
d) de l'inadéquation des structures administratives régionales.



a) Les compétences constitutionnelles québécoises

En vertu de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, le contrôle des grands leviers économiques de l'État, les ressources naturelles mises à part, relève du gouvernement fédéral et l'administration de l'éducation dépend des législatures provinciales. Selon le texte donc, les principaux outils indispensables au contrôle des flux économiques qui concernent l'emploi sont entre les mains du gouvernement fédéral, alors que le secteur de la formation qui est à la base de la qualification de la main-d’œuvre est sous la responsabilité des administrations provinciales. D'entrée de jeu, les conditions de ce partage impliquent donc un partage formel des compétences. Dans les faits, le cheminement historique du Canada a donné naissance à une dynamique plus confuse. L'avènement du keynésianisme, notamment, a incité l'État fédéral à étendre son rayonnement dans le champ de la formation. L'adoption en 1937 de mesures destinées à encadrer la formation des chômeurs a ouvert une brèche [134] dans ce secteur et amené le fédéral, ultérieurement, à concurrencer directement les provinces. Il a suivi une démarche similaire dans le dossier social avec la mise en place du Programme d'assurance-chômage en 1940 puis du Programme d'allocations familiales, des pensions de vieillesse et d'assurance-hospitalisation. En contrepartie, surtout après 1960, la plupart des provinces ont adopté différents programmes de soutien aux entreprises et à la création d'emplois, dont la conséquence la plus manifeste a été de morceler le pouvoir d'intervention dans les économies provinciales. Dans un tel contexte, les démarches entreprises progressivement au début des années 1970 en vue « intégrer les différents mécanismes « encadrement de la main-d’œuvre se sont rapidement heurtées aux prétentions des deux niveaux de gouvernement et ont donné lieu à l'exercice d'un rapport de force.

La présence simultanée de deux machines d'État dans le champ de la main-d’œuvre, l'une fédérale et l'autre provinciale, a également eu pour résultat tangible d'amener la mise en place de deux structures bureaucratiques concurrentes. Depuis la création du ministère de l'Emploi et de l'Immigration du Canada en 1965, les institutions fédérales chargées de définir la politique de la main-d’œuvre ont surtout poursuivi des objectifs reliés au développement, à la mobilité des ressources en main-d’œuvre et au soutien des chômeurs (par le Programme d'assurance-chômage). À la suite de la constitution du ministère de la Main-d’œuvre et de la Sécurité du revenu en 1968, le gouvernement québécois n'a travaillé que de façon symbolique à la formulation d'une politique de la main-d’œuvre québécoise pour concentrer ses efforts de façon plus empirique dans le champ de la formation. C'est dans ce dernier secteur que la concurrence fédérale/provinciale a été la plus vive. Cette concurrence s'est manifestée non pas en ce qui a trait à l'exécution de la politique, rôle qu'Ottawa a reconnu d'emblée aux provinces, mais plutôt à celui de définition du cadre politique général et du financement des programmes. L'administration provinciale, déjà rivale des Centres de main-d’œuvre du Canada dans le domaine du placement, s'est ainsi vu offrir un rôle réduit de relais administratif et de dispensateur de services dans le secteur de la formation professionnelle.

Jusqu'au début des années 1980, la province de Québec a centré sa stratégie sur l'accroissement de sa présence dans ce champ et a ainsi contenu les ambitions fédérales. Toutefois, depuis ce temps, le gouvernement fédéral est parvenu à imposer un cadre politique et budgétaire qui délimite les règles et certaines modalités de l'intervention des provinces dans les secteurs de la formation professionnelle, de l'aide au recyclage et dans d'autres domaines reliés à la création d'emplois. Les contraintes financières imposées par la conjoncture et l'approche intransigeante d'Ottawa dans le dossier des accords fiscaux n'ont laissé que peu de choix à l'ensemble des provinces en général et au Québec en particulier. Le jeu politique actuel tend donc à attribuer le rôle de « définisseur de politique » au gouvernement fédéral. En fait, les accords sur la formation professionnelle de 1982-1985 et les accords Canada-Québec sur la [135] planification de l'emploi de 1985 ont établi un rapport entre Ottawa et Québec qui ne laisse plus planer de doute sur le rôle prépondérant du fédéral.

b) Les luttes de pouvoir à l'intérieur de la bureaucratie

La dynamique des relations fédérales-provinciales influe également sur les relations internes de la machine administrative québécoise. Au cours des années 1970, l'administration des programmes d'emploi et de formation a été secouée par des luttes de pouvoir qui ont mis en scène différents ministères engagés dans l'aménagement des ressources humaines. De façon générale, ces luttes ont eu pour enjeu principal la définition d'un cadre politique aux interventions de l'État dans le champ de la main-d’œuvre et l'attribution du rôle de maître d’œuvre dans l'application des programmes à une seule entité ministérielle.

Le secteur de la formation présente une situation plus complexe. En effet, depuis l'adoption de la Loi sur la qualification professionnelle (1969), la responsabilité administrative des programmes de formation a été contestée à de nombreuses reprises par le ministère de l'Éducation du Québec (MEQ). Le MEQ a contrôlé l'infrastructure matérielle et les ressources professorales appelées à donner les cours en formation professionnelle et a tenté de miser sur cet avantage pour s'arroger une part substantielle du financement consenti à ce dossier. Ce ministère a en outre poursuivi différentes démarches destinées à intégrer la formation professionnelle à l'ensemble plus large de la formation aux adultes, dont l'administration relève depuis 1966 de sa Direction générale de l'éducation des adultes. Cette dernière a donc cherché à modeler la formation professionnelle à ses programmes et aux institutions du réseau de l'éducation. De cette approche a résulté une conception de la formation orientée non pas vers les besoins particuliers de la clientèle mais vers la formation générale. Par opposition, dès la formulation des premiers programmes en formation et la mise sur pied des Commissions de formation professionnelle (CFP), le ministère du Travail et de la Main-d’œuvre (MTM) a orienté son intervention vers la satisfaction de besoins précis et le recyclage. À cette fin, par exemple, il a mis en place différents programmes de formation en milieu de travail et d'apprentissage qui ont donné lieu à la constitution d'un réseau d'enseignement parallèle directement contrôlé par les CFP. Ainsi, nous avons assisté à une chaude lutte entre les établissements du réseau scolaire et les CFP pour contrôler les fonds affectés à la formation. La mise en forme d'une nouvelle politique de formation par Emploi et Immigration Canada (rapport Axworthy) [3] [136] au début des années 1980 a obligé le Québec à résoudre le conflit MEQ/MTM. Un nouveau partage de la mission gouvernementale a ainsi été établi en 1984. Ce partage est fondé sur quelques principes qui n'éliminent toutefois pas toutes les ambiguïtés du régime antérieur. Les principes sont les suivants :

  • La reconnaissance du caractère permanent de l'éducation.
  • Le recours aux institutions du réseau de l'éducation.
  • La reconnaissance du ministère de la Main-d’œuvre et de la Sécurité du revenu comme maître-d’oeuvre de la politique de formation. Ce principe implique le transfert des budgets en éducation permanente vers les instances du MMSR.
  • Le transfert progressif des immeubles et de l'équipement détenus par les CFP vers les institutions du réseau scolaire.
  • La mise sur pied d'un Comité ministériel auquel participent le MEQ, le MMSR et trois autres ministères. Ce comité a pour mission d'orienter l'action de l'État en éducation des adultes.
  • La formulation d'un cadre politique d'intervention qui reprend les grandes lignes de la politique fédérale en faveur d'une formation en fonction des besoins de l'économie, tout en réaffirmant les préférences québécoises en faveur d'une formation plus générale.
  • L'attribution d'un rôle accru aux CFP, et la mise en place de structures de concertation.

Ce compromis semble indiquer un déplacement du centre de gravité en direction des instances du MMSR et principalement vers les CFP. Il maintient toutefois une certaine confusion autour du rôle du MEQ qui demeure responsable de l'équipement et des ressources humaines. La constitution du Comité ministériel permet au MEQ de garder un accès aux instances chargées de définir le cadre politique. Le choix clairement énoncé dans l'entente en faveur de la revalorisation du rôle des régions laisse entrevoir un autre lieu de friction potentiel entre les structures des deux ministères (CFP-Centre du travail du Québec/commissions scolaires). On peut donc présumer que le contentieux administratif sur la formation professionnelle n'est pas encore résolu, bien qu'il ait évolué en direction de la mise en place d'une filière administrative unique.

Par ailleurs, le MTM a eu maille à partir avec le ministère de l'Immigration du Québec (MIQ) entre 1974 et 1977. Cet épisode du dossier de la main-d’œuvre a donné suite à la publication par le MIQ d'un projet de regroupement de différents services en vue de constituer un ministère des [137] Ressources humaines. Le projet impliquait notamment l'intégration de la Direction générale de la main-d’œuvre, ci-devant responsable des programmes « emploi, de placement et de formation auprès du MTM. Nous exposons plus loin les détails de cet affrontement. Retenons pour l'instant que l'enjeu du projet était la mise en forme d'une politique intégrée de gestion des ressources humaines sous la responsabilité du MIQ. Le MTM s'est opposé avec énergie à cette proposition en invoquant la nécessité de maintenir le lien entre la main-d’œuvre et le secteur des relations du travail. Le projet a été définitivement abandonné quelques mois après l'élection du gouvernement du Parti québécois.

Cet abandon peut être interprété comme l'expression d'une certaine convergence d'intérêt entre les membres du cabinet et la haute fonction publique. Le projet du MIQ avait en effet soulevé très peu d'enthousiasme au sein de la haute fonction publique. On peut également comprendre cette décision en la mettant en relation avec les options politiques et choix administratifs du Parti québécois. Rappelons en premier lieu que la dynamique intrinsèque au rôle d'opposition avait amené le Parti québécois à s'opposer au projet quelques mois seulement avant le déclenchement des élections. En outre, le Parti québécois véhiculait à l'époque une stratégie politique centrée sur une conception très keynésienne (d'inspiration social-démocrate) de l'intervention sociale de l'État. La confrontation de son idéologie aux contraintes du pouvoir a fait émerger des sensibilités politiques plutôt axées sur le problème de l'accès aux programmes sociaux, où l'emploi et la formation ne se sont vu aménager qu'un rôle de soutien complémentaire.

Sur un autre plan, la création des super ministères d'État en 1976 a influé sur le climat administratif dans le dossier de la main-d’œuvre. En effet, dès sa création, le ministère d'État aux Affaires sociales (MEAS), dont la mission était précisément de coordonner le secteur social tout en lui assurant une plus grande cohérence d'action, est devenu un des concurrents les plus menaçants du ministère du Travail et de la Main-d’œuvre. Le rattachement administratif du MEAS au Conseil des ministres a placé ce ministère en position pour créer un pouvoir parallèle d'intervention en main-d’œuvre, actif dans le domaine de la création d'emplois et dans celui du retour au travail des bénéficiaires de l'aide sociale (BAS). Quoi qu'il en soit, la position stratégique du MEAS au sein du Conseil des ministres et la prestance de son ministre titulaire, Pierre Marois, au Comité ministériel permanent du développement social (CMPDS), a créé un pôle politique influent où ont été dessinées les grandes lignes de l'intégration de l'intervention de l'État en main-d’œuvre à la nouvelle politique sociale de l'État, en fonction notamment des impératifs budgétaires édictés par le Conseil du trésor [4]. C'est par exemple sous l'égide du MEAS qu'ont été menés les travaux du Groupe d'étude sur la sécurité sociale [138] (GESR) où ont été précisément définis les paramètres de l'actuelle politique de la main-d’œuvre québécoise.

Il ne faudrait donc pas penser que le processus de formulation de la politique de la main-d’œuvre s'est réalisé dans l'harmonie. L'imprécision qui a plané sur le mandat du MTM et, plus fondamentalement peut-être, sur le sens même de l'intervention de l'État dans le champ de la main-d’œuvre a donné naissance à une dynamique de concurrence interministérielle qui a débouché sur divers conflits. Ces conflits, en provoquant des révisions successives de la mission sociale et économique des programmes de main-d’œuvre, ont mené à l'assujettissement de ces programmes aux impératifs sociaux et budgétaires de l'État. En effet, le MTM n'a pu résister aux pressions exercées par la politique du MEAS et a dû se résigner en 1981 à la fusion des Centres de main-d’œuvre et des Bureaux d'aide sociale. Le ministère du Travail et de la Main-d’œuvre transformé en ministère du Travail, de la Main-d’œuvre et de la Sécurité du revenu (MTMSR) est alors devenu le troisième organe administratif en importance du gouvernement québécois. Il ne restait plus qu'un pas à franchir pour créer un ministère de la Sécurité du revenu, il le sera en 1982 avec le départ des services rattachés à l'administration des relations du travail.

La principale source de conflit et de paralysie du dossier de la main-d’oeuvre entre 1960 et 1982 n'a cependant pas été d'origine externe mais plutôt d'origine interne au ministère du Travail et de la Main-d’œuvre. En effet, pendant vingt-deux années, les différentes instances rattachées à l'administration des programmes de la main-d’œuvre se sont heurtées aux intérêts des organes du Ministère chargés d'encadrer le secteur des relations du travail. Nous devons ajouter à cela que la place effective du dossier de la main-d’oeuvre a été grandement influencée par l'inégalité du rapport de force entre les missions contradictoires du Ministère. Le caractère souvent impératif, urgent et pragmatique des interventions en relations du travail a eu pour effet de reléguer au second plan les dossiers reliés à la main-d’œuvre et d'ainsi confiner la Direction générale de la main-d’œuvre, chargée d'acheminer ces dossiers auprès de la direction du Ministère, dans un rôle de laissé-pour-compte.

En conclusion, il apparaît incontestable que la capacité de l'État à définir une politique propre à la main-d’œuvre a été lourdement hypothéquée par les luttes entre organisations et par l'éparpillement des outils d'intervention et de planification.

c) La problématique de la main-d’œuvre
dans la politique de l'État québécois


Nous avons précédemment affirmé que le gouvernement québécois a été jusqu'à récemment incapable de dégager des orientations et des objectifs politiques cohérents en matière d'utilisation et de préservation de la main-d’œuvre. Nous pourrions ajouter à cela que le problème de ressources auquel [139] les différentes instances responsables de l'application des programmes se sont confrontées découle de cette incapacité. Contrairement à plusieurs États sociaux-démocrates qui, dans l'après-guerre, ont articulé leur politique économique autour de l'objectif du plein emploi, le Canada a fait le choix implicite entre 1945 et 1970 de concentrer sa stratégie économique en direction des politiques sociales. En fait, les programmes sociaux ont été conçus comme des moyens privilégiés d'intervenir dans l'économie en vue d’assurer une forme de redistribution des richesses et de servir d'instruments de régulation économique. Cette approche peut être interprétée comme la conséquence, premièrement de l'incapacité de dégager un consensus fédéral-provincial en vue de doter le pays d'une politique économique homogène et cohérente et, deuxièmement, de l'absence de volonté d'intervenir en vue de contrôler directement le marché, ce qui aurait impliqué notamment la mise en place d'un système de planification national.

Dans ce contexte, les interventions directes dans le domaine de la main-d’œuvre ont joué un rôle plutôt conjoncturel. Ainsi, la plupart des programmes d'emploi adoptés avant 1975 ont été conçus en fonction de l'accès aux programmes de l'assurance-chômage (Programme des travaux d'hiver, Canada au travail, etc.). Leur rôle a donc été complémentaire et leur conception, dépendante des orientations de la politique sociale.

Mais à partir du milieu des années 1970, l'État a concentré ses efforts sur la réduction du fardeau financier représenté par les programmes sociaux. Différents mécanismes de contrôle des dépenses et de sélection de l'accès aux programmes ont été introduits à cette fin et ont progressivement donné naissance à une nouvelle politique sociale articulée autour du concept clé de la sécurité du revenu. Depuis, les programmes sociaux sont perçus comme les composantes d'un « filet de sécurité sociale » destiné à assurer un soutien minimum aux personnes dans le besoin en évitant de faire obstruction au marché du travail ou de le parasiter. Plusieurs fonctionnaires ont acquis la conviction que la générosité des programmes sociaux est à l'origine de comportements économiques pervers [5]. D'une part, ces programmes attireraient un plus grand nombre d'individus au sein de la population active. D'autre part, ils inciteraient les petits salariés à se retirer du marché du travail. La hausse du taux de chômage et du nombre des bénéficiaires des programmes sociaux serait ainsi directement imputable à ce processus.

La réforme des programmes de main-d’œuvre entreprise au début des années 1980 fait partie d'une démarche destinée à atténuer l'impact de ces phénomènes et à inciter les bénéficiaires des grands programmes sociaux, comme le Programme d'assurance-chômage ou celui de l'aide sociale, à [140] réintégrer le marché du travail. Bien qu'elle soit toujours reliée à la politique sociale, la mission des programmes de main-d’œuvre s'inscrit par conséquent dans une perspective qui n'est plus passive et accessoire mais au contraire active et située au centre de la stratégie économique de l'État.

Ainsi, tous les programmes d'emploi créés au Québec depuis 1980 ont été conçus de façon à se consacrer principalement au retour au travail des assistés sociaux. De même, la révision des objectifs des programmes fédéraux en formation, à laquelle le Québec souscrit depuis 1982, a mené à un resserrement de la problématique gouvernementale en faveur du retour au travail des bénéficiaires de l'aide sociale, notamment en centrant l'effort de formation en fonction des besoins du marché du travail.

Cette nouvelle façon d'aborder l'intervention de l'État pose différemment le problème de définition d'une politique de la main-d’œuvre. Cette politique n'a plus, comme au cours des années 1960, à se définir par rapport à l'utilisation maximale de la force de travail ou par opposition aux fluctuations cycliques de l'économie. Elle délimite maintenant son champ d'action en fonction de l'utilisation optimale et productive des ressources humaines disponibles. En ce sens, les différentes composantes de l'intervention de l'État dans le champ de la main-d’œuvre poursuivent des objectifs voisins de ceux de la politique de la sécurité du revenu avec toutefois une différence majeure. La politique de la sécurité du revenu s'est inscrite dans une démarche consacrée prioritairement à la réduction des dépenses sociales et au désengagement de l'État, laissant ainsi un espace plus grand et moins contrôlé au marché. À l'opposé, gérer la main-d’œuvre a jusqu'à maintenant été synonyme de redéploiement économique, de stratégie de croissance, de soutien aux entreprises, bref d'interventions directes de l'État sur le marché. Un profond dilemme subsiste donc.

Du point de vue économique, il est essentiel d'améliorer la performance de l'administration publique, la gestion économique de l'État et la performance des entreprises et de remettre au travail les chômeurs de longue durée. Ce sont des conditions essentielles pour améliorer les niveaux de vie des Canadiens et des Canadiennes. Mais encore faut-il choisir les bons moyens pour atteindre ces objectifs. La principale carence de la stratégie conservatrice c'est de reposer strictement sur le laisser-faire ; de faire le pari d'une solution unique aux maux économiques du Canada, c'est-à-dire une concurrence accrue des marchés [...]

Les réductions de la taille des gouvernements contribuent à la hausse du chômage, du moins à court terme ; comment s'assurer que la création d'emplois dans le secteur privé progresse [141] suffisamment et au bon moment pour absorber la main-d’œuvre ainsi mise en disponibilité ? [6].

Dans l'actuel contexte de désengagement (très manifeste dans le secteur de l'intervention économique directe de l'État et le secteur social), le domaine de la main-d’œuvre compte parmi les principaux lieux de recomposition de l'intervention de l'État. Cette recomposition peut et doit être interprétée et analysée dans la continuité de la gestion gouvernementale qui a caractérisé la période antérieure à 1975. En fait, elle s'effectue en grande partie par opposition au keynésianisme tel qu'il a été pratiqué à cette époque. Aucun gouvernement au Canada n'accepterait d'ailleurs de reprendre les expériences de contrôle des fluctuations de l'économie et les expériences de planification dans les domaines de l'emploi ou de la formation. Une telle approche serait inexorablement vouée à l'échec pour des raisons qui tiennent notamment aux contraintes du cadre fédéral canadien et aux limites du keynésianisme [7].

Les tendances décelables dans l'actuelle politique de la main-d’œuvre s'inscrivent dans une pratique générale de l'État qui élimine toute éventualité d’un retour à l'interventionnisme des années 1970 [8] :

  • Le centralisme économique, politique et administratif a cédé la place à une approche du partage des pouvoirs plus sensible aux disparités régionales.

  • L'État ne cherche plus tant à se donner des outils pour contrôler la demande qu'à réduire les frais inhérents au soutien des sans-emploi.

  • La relance de l'emploi ne passe plus comme dans le passé par la croissance de l'État mais par celle des entreprises privées en fonction des pressions exercées par le marché.

On ne peut, aujourd'hui, établir les paramètres d'une politique de la main-d’œuvre sans tenir compte de ces tendances. Nous définissions au début du présent article la politique de la main-d’œuvre comme « un ensemble coordonné de programmes où sont déterminés les grandes lignes et les objectifs de l'intervention de l'État en matière d'utilisation et de préservation de la main-d’œuvre ». Nous pourrions à ce stade ajouter à cette définition que la [142] formulation d'une telle politique remet présentement en question l'intervention économique directe de l'État comme instrument d'application de cette politique.

d) Le difficile ajustement aux réalités régionales

Nous avons souligné que l'échec du modèle économique keynésien au Canada tient en grande partie à son incapacité à résoudre le problème des disparités régionales. Depuis la fin des années 1960, les gouvernements fédéral et provinciaux ont tenté avec très peu de succès d'intégrer la problématique régionale à leurs structures centralisées. En fait, la réalité des disparités régionales a rendu caduques toutes les tentatives de redéfinir une politique de la main-d’œuvre au seul niveau des organismes centraux.

Pour contourner cet obstacle, les gouvernements fédéral et provincial du Québec ont rédigé différentes propositions de réforme administrative en direction d'une régionalisation plus poussée (mentionnons à cet effet la création des Municipalités régionales de comté, des Centres régionaux de services sociaux et de santé, etc.). Dans le secteur de la main-d’œuvre, ce processus a été alimenté au cours des dernières années par un approfondissement des déséquilibres régionaux, qui s'est notamment traduit par un affaissement des économies des régions ressources (Gaspésie, Côte Nord, Lac Saint-Jean...). L'émergence de mouvements de relance économique dans plusieurs régions à la suite d'initiatives d'organisations locales a amené les appareils centraux à réviser les programmes d'emploi et leur encadrement administratif. Parallèlement, plusieurs rapports gouvernementaux ont formulé diverses propositions de déconcentration de l'administration destinées à en accroître l'efficacité et à mieux adapter leur intervention aux besoins du milieu. Rappelons enfin que le gouvernement fédéral privilégie depuis quelques années une stratégie de création d'emplois et de soutien au chômeurs qui reconnaît en partie le caractère différencié des économies locales et régionales.

La convergence de ces différents facteurs a convaincu le cabinet québécois de la nécessité de réformer ses institutions. Pour les raisons mentionnées précédemment, cette réforme repose principalement sur la restructuration des CFP, auxquels le ministère a confié le rôle de maître d’œuvre des programmes de main-d’œuvre et de table de concertation en région. Les conseils d'administration des CFP ont plus particulièrement hérité de la responsabilité de consulter les partenaires sociaux régionaux sur toute question ou tout projet de main-d’œuvre particulier à la région. Cela devrait s'accompagner d'un transfert des responsabilités du MMSR vers les régions. Bien que la réforme ne semble pas impliquer une décentralisation du pouvoir [143] décisionnel, mais plus vraisemblablement une déconcentration de l'administration des services, nous devons signaler néanmoins qu'elle définit une nouvelle mission politique pour les CFP. Celles-ci sont notamment appelées à intervenir depuis la définition des besoins de main-d’œuvre, jusqu'à la gestion des programmes et à la négociation des accords Québec-Ottawa.

Cette réforme en est encore à un stade préliminaire et se heurte à différents obstacles relatifs notamment à l'étendue du transfert de responsabilités. Le MMSR constitue en effet une masse d'inertie considérable dont l'influence est difficile à déterminer avec exactitude, mais qui concerne tous les dossiers. Signalons simplement que la réforme a été acceptée pour ce qui est du principe en 1983. Or, quatre ans plus tard, les CFP n'ont toujours pas franchi le stade de la mise en place de leurs nouvelles structures. En outre, seulement deux des six programmes de l'entente Canada-Québec sont présentement administrés par elles.

Par ailleurs, les CFP font également face à la résistance de l'autre instance régionale en main-d’œuvre que constituent les Centres Travail-Québec (CTQ) créés en 1981 à la suite de la fusion des Centres de main-d’œuvre du Québec et des Bureaux d'aide sociale. Ces derniers ont accueilli plutôt froidement la décision du gouvernement provincial de ne leur reconnaître qu'une fonction accessoire dans le processus d'encadrement des interventions en région. Déjà, les ressources émanant des Centres de main-d’œuvre, avant leur fusion avec les Bureaux d'aide sociale, ont éprouvé d'énormes difficultés à s'adapter à leurs nouvelles responsabilités par rapport aux bénéficiaires de l'aide sociale. L'éventualité de n'être plus qu'un rouage administratif plus éloigné encore du Ministère a donc suscité une certaine controverse et incité les dirigeants de plusieurs CTQ à contester le projet de réforme des CFP. Cette résistance risque de modifier les modalités de la réforme et contribue actuellement à en freiner le rythme.

Les obstacles relatifs à la formulation et à la mise en application d'une politique de la main-d’œuvre sont donc nombreux. Non seulement impliquent-ils la capacité de se donner des objectifs politiques clairs, mais ils renvoient également, et peut-être même surtout, aux embûches inhérentes à l'organisation administrative de l'État. Le récit du cheminement qui a été celui de l'administration québécoise dans le champ de la main-d’œuvre est donc surtout celui des luttes internes au sein de la machine gouvernementale et de l'impact de ces luttes sur le processus politique.

[144]

[145]

PARTIE II

L'État québécois devant la gestion quotidienne
de la main-d’œuvre


L'administration de la main-d’œuvre
et l'interventionnisme de l'État,
la phase d'émergence, 1960-1968


Il est difficile de caractériser l'intervention de l'État dans le dossier de la main-d’œuvre pour la période des années 1960. Cette difficulté est principalement imputable au rôle ambigu qui est celui des programmes de main-d’œuvre à l'intérieur de la politique économique. La récession de 1958-1961 mit en effet en lumière l'inaptitude d’une approche uniquement fondée sur la manipulation des grands agrégats économiques - comme celle du gouvernement fédéral entre 1945 et 1960 [9] - à résoudre les problèmes relatifs aux fluctuations saisonnières de l'emploi et aux disparités régionales. Par ailleurs, cette récession permit pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale de prendre conscience de la lenteur et de la lourdeur des mécanismes de stabilisation. Ce constat amena notamment le gouvernement fédéral à recourir à des programmes d'emploi comme le Programme des travaux d'hiver ou celui de la construction des maisons en hiver pour soulager rapidement et ponctuellement les méfaits du chômage saisonnier dans les régions les plus défavorisées. Il adopta dans le même esprit en 1960 une nouvelle législation sur la formation professionnelle visant à mettre en place, sous la responsabilité des législatures provinciales, une infrastructure logistique [146] destinée à soutenir différents programmes de perfectionnement de la main-d’œuvre dans toutes les régions du pays. Par leur caractère novateur dans la manière d'aborder le problème du chômage, ces mesures annonçaient l'émergence d'une nouvelle façon de concevoir la gestion économique gouvernementale.

Le cabinet Lesage, qui n'avait à l'époque qu'une vision très partielle et très morcelée du dossier de la main-d’œuvre, fut donc interpellé presque immédiatement après la prise du pouvoir en vue d'adopter les mécanismes nécessaires à l'opérationnalisation des programmes fédéraux [10]. Rappelons que dans le secteur de l'emploi, le Québec s'en était remis jusqu'alors au secteur privé et à une politique un peu scabreuse (patronage) d'octroi des contrats gouvernementaux pour « régulariser » le marché du travail. En ce domaine, la récession de 1958 où le Québec fut confronté à des taux de chômage de près de 10% mit en lumière l'inefficacité absolue de cette approche, posant du même coup l'urgence d'une politique plus structurée en vue de mieux planifier le développement économique. Par ailleurs, la place effective occupée par l'administration provinciale dans le domaine du placement était modeste. Le Service de placement provincial, fondé en 1911 mais fortement concurrencé par le gouvernement fédéral à la suite de la création du Service national de placement en 1941, ne disposait en effet que de trente et un bureaux pour l'ensemble du territoire en 1960.

Ajoutons à cela que les propositions fédérales en matière de formation professionnelle survinrent au moment où le Québec amorçait à peine la réflexion sur son système d'éducation. La réforme de l'éducation entreprise sous la direction de Paul Gérin-Lajoie servit d'ailleurs de toile de fond à une remise en question de l'ensemble de l'action gouvernementale en matière de formation professionnelle [11]. Le gouvernement ne disposait en fait pour seul mécanisme d'intervention en ce domaine que d'un régime fort décrié de formation par l'apprentissage. Le mandat fut à cet égard confié à Arthur Tremblay, futur sous-ministre de l'Éducation, qui devait définir la trame d'une nouvelle politique de formation [12]. À la suite de son rapport, le Québec engagea des négociations avec le gouvernement central, redéfinit le rôle des commissions d'apprentissage et mit en branle un processus de représentation auprès des parties syndicale et patronale en vue de les amener à participer à la planification de l'emploi. Le gouvernement québécois profita du cadre établi par le Programme d'assistance à la formation professionnelle et technique fédérale (1960) pour se doter de son premier programme de formation [147] professionnelle (1961) [13]. Nous devons ajouter à cela que la place consentie au dossier de la formation professionnelle dans le débat sur la réforme de l'éducation était très modeste.

Au début des années 1960, les structures québécoises n'étaient adaptées ni à l'intervention directe dans le champ de l'emploi, ni à un encadrement distinct de la formation professionnelle. Les milieux politiques et certains hauts fonctionnaires comprirent alors rapidement l'importance des menaces posées à long terme par la politique fédérale. En conséquence, après une première phase que nous qualifions de « réactive », caractérisée par un comportement défensif, opportuniste et prudent de l'administration québécoise, le gouvernement provincial s'engagea dans une phase « d'émergence » du champ de la main-d’œuvre où les priorités politiques et administratives furent définies en fonction de l'accroissement de la présence des institutions québécoises en vue d'y préserver leurs compétences. Ces priorités furent également établies de façon à viser un accroissement de l'efficience et de la capacité d'intervention et de régulation de l'État québécois par rapport à l'économie provinciale [14].

La conséquence immédiate de ces décisions politiques sur l'organigramme du ministère du Travail fut de détacher l'emploi et la formation de l'administration des politiques d'accident du travail de laquelle ils relevaient, pour les confier à deux nouvelles directions ministérielles. La première, celle de l'emploi et de la main-d’œuvre, encadra le placement et le reclassement, alors que la seconde, celle de l'apprentissage et de la promotion professionnelle, regroupa les instances chargées des dossiers de l'apprentissage, de la promotion professionnelle et de la formation en entreprise.

Grâce à cette réforme, le ministère du Travail franchit une étape importante dans la reconnaissance d'un certain particularisme à la gestion de la main-d’œuvre. Nous devons en effet rappeler que la relation entre l'intervention sur le marché de l'emploi et l'administration des relations du travail est un sujet de débat qui mobilisa beaucoup d'énergie au début des années 1960. Les nouveaux programmes de main-d’œuvre étaient déchirés entre plusieurs orientations politiques (intégration à la politique sociale, intégration à la politique du travail, fusion avec la politique d'immigration, politique autonome de la main-d’œuvre) qui donnèrent lieu à divers affrontements entre administrations. Invité à prendre position dans le débat, le Bureau international du travail (B.I.T.) conclut, après consultation de ses membres, que le lien avec les relations du travail était plus évident et plus [148] fonctionnel, notamment parce que, affirmait-il, les politiques d'emploi étaient forcément tributaires des conditions de travail et surtout de l'engagement des partenaires sociaux responsables de l'établissement de ces conditions par voie de négociation. On remarquera ici l'influence des expériences sociales-démocrates européennes. L'objet de la politique du travail, reprit le Conseil économique du Canada dans son premier exposé annuel, devait être d'ajuster l'offre et la demande de travail en fonction de l'utilisation maximale des ressources humaines sur le marché du travail. L'efficacité de la politique de la main-d’œuvre dépendait par conséquent de la mobilité des travailleurs. Cette politique devait donc relever d'un organisme rattaché non pas à des ministères à vocation sociale ou économique mais du ministère du Travail, avec un accès direct aux plus hautes instances du ministère de façon que les priorités de l'emploi soient partie intégrante de la politique du travail. Le Conseil ajouta :

pour qu'un service public de placement soit véritablement efficace, il faut que les personnes directement affectées par son fonctionnement aient l'occasion de le conseiller [15].

Le Conseil recommanda donc au cabinet fédéral de meure en place des mécanismes de consultation susceptibles de garantir un contact permanent avec des représentants patronaux et syndicaux. Les dimensions beaucoup trop modestes et la juridiction limitée [16] du ministère fédéral du Travail amenèrent cependant le gouvernement central à écarter cette avenue pour lui préférer, en 1965, l'intégration au nouveau ministère de la Main-d’œuvre et de l'Immigration.

Pour les mêmes raisons, le cabinet québécois, conscient de sa vulnérabilité juridictionnelle en matière d'emploi, fit le choix de maintenir le lien administratif avec le ministère du Travail. Il était cependant d'ores et déjà acquis qu'une refonte en profondeur des structures du ministère s'imposait en vue d'assurer au dossier de l'emploi les ressources susceptibles de faire contrepoids aux instances rattachées à l'administration des relations du travail. Quelques années de sensibilisation aux problèmes de l'emploi et de la formation de la main-d’œuvre suffirent donc à en faire un enjeu économique, politique et administratif. À la veille de l'élection de 1966, le Parti libéral du Québec (PLQ) mit de l'avant une proposition visant à créer un ministère de la Main-d’œuvre et de l'Immigration québécois. Mais sa défaite mit rapidement un terme au projet.

[149]

La nouvelle direction du ministère du Travail profita néanmoins de la révision de sa loi organique en 1968 pour proposer une réforme des structures responsables de la main-d’œuvre et la mise sur pied d'un centre de recherches et d'études sur le travail et la main-d’œuvre. Cette réforme fut à l'origine de la création de la Direction générale de la main-d’œuvre (DGM) dont le mandat reprit les grandes lignes du projet piloté auparavant par les libéraux. En vue de mettre en relief sa nouvelle mission en gestion de la main-d’œuvre, l'Assemblée nationale changea le nom du ministère qui devint le ministère du Travail et de la Main-d’œuvre.

Le cheminement poursuivi au Québec entre 1960 et 1968 dans le dossier de la main-d’œuvre fut donc marqué par un désir d'étendre le rayonnement de l'État, d'occuper ses champs de compétence et de donner à la machine administrative québécoise de nouveaux outils d'intervention économique et de planification des ressources humaines. Comme le montre la suite des événements, la décision de confier le mandat d'administrer les programmes et de définir la politique de la main-d’œuvre au ministère du Travail ne fut cependant pas une décision heureuse. Elle enferma le dossier de la main-d’œuvre dans une structure qui ne lui attribua ultimement qu'une influence accessoire sur la direction du ministère.

Le règne de la direction générale de la main-d’œuvre :
l'emploi et la formation confrontés
à l'administration du travail, 1968-1982


a) La nouvelle mission de l'emploi : l'échec

La Direction générale de la main-d’œuvre fut constituée quelques mois avant l'adoption de la Loi du ministère du Travail et de la Main-d’œuvre et fut, dès sa création, accusée par l'opposition parlementaire de n'accorder qu'une attention très accessoire à l'urgence de l'adoption d'une politique de la main-d’œuvre [17]. Le ministre Maurice Bellemare riposta à cette critique en publiant, quelques semaines après le débat en chambre, les grandes lignes du mandat de la DGM où il spécifiait notamment que la tâche principale du nouvel organe devait être d’élaborer :

un ensemble coordonné de programmes d'utilisation et de préservation des ressources de main-d’œuvre dans le but de faire concourir l'emploi de ces ressources aux objectifs visés de [150] croissance économique et d'élévation du niveau de vie de la population québécoise [18].

Ce mandat comprenait quatre volets principaux. Il devait d'abord mentionner l'objectif du plein emploi. Il fut aussi défini en fonction de l'amélioration de la production, de la redistribution géographique de la main-d’œuvre et de l'intégration du travailleur à son milieu de travail. De façon plus explicite, la DGM hérita de la tâche d'élaborer une politique de placement, d'orientation, de reclassement, de formation professionnelle, de « liaison entre entrepreneurs et travailleurs » [19] et de la responsabilité d'encadrer la formation et l'administration des déplacements de la main-d’œuvre. Ce projet fit également ressurgir l'urgence de définir une stratégie de plein emploi adaptée aux besoins du Québec [20]. Il offrit en outre de nouvelles perspectives aux commissions d'apprentissage [21] en faisant miroiter l'éventualité de responsabilités additionnelles dans le champ de la formation. La mise sur pied d'une Commission d'étude sur la formation (commission Laird) alloua ultérieurement une crédibilité accrue à cette déclaration d'intention. Finalement, le projet de réforme énonça la nécessité de rechercher des mécanismes susceptibles d'assurer la communication entre le ministère et les partenaires sociaux, non plus seulement en relations du travail mais également par rapport à la mise en œuvre d'une éventuelle politique d'emploi. L'approche à laquelle le ministère adhéra sembla donc s'inscrire simultanément dans l'axe de la politique sociale de l'État et dans la perspective de la reconnaissance des spécificités régionales.

En vue de mieux éclairer le cadre politique qui accompagnait la réforme de 1968, rappelons les grandes lignes du contentieux social. Depuis le début des années 1960, le gouvernement québécois était à la recherche d'une stratégie susceptible de lui assurer l'initiative dans l'élaboration d'une politique sociale québécoise. Un mandat d'élaborer une ligne de conduite fut confié à la commission Castonguay-Nepveu dont le rapport, déposé en 1970, préconisait notamment la mise en place d'un régime du revenu minimum garanti [22]. L'emploi y sera perçu comme une des composantes de la nouvelle problématique sociale, comme un moyen de soutenir plus efficacement les efforts de l'État en vue de contrôler les fluctuations de l'économie et de soulager le problème du désœuvrement. C'est dans cette perspective par [151] exemple que le gouvernement fédéral instaura le Programme initiative locale et le Programme perspectives jeunesse. Le Québec emboîta le pas en 1972-1973 avec l'adoption du Programme d'aide au travail et du Programme de subvention au placement étudiant [23].

En ce qui concerne le dossier régional, le Québec récolta après 1968 les retombées des expériences du milieu des années 1960 dont celles du Bureau d'aménagement de l'Est du Québec et du Conseil d'orientation économique du Québec. Le constat de l'incapacité des instruments macroéconomiques à résoudre les problèmes de disparité régionale amena le gouvernement à débattre de décentralisation, de régionalisation et surtout à restructurer ses programmes en vue d'intervenir plus efficacement sur le plan régional. On révisa ainsi les instruments traditionnels de redistribution du revenu pour leur préférer des mécanismes d'intervention plus directs, orientés vers le soutien à l'entrepreneurship et les programmes régionaux de création d'emplois.

C'est dans ce contexte de remise en question de l'orientation de l'ensemble de l'intervention de l'État que la DGM s'attaqua en 1968 à la rédaction de sa politique. Un comité sur la formation fut mis sur pied pendant que, parallèlement, un groupe de hauts fonctionnaires entreprit la rédaction d'un livre blanc. Le premier résultat concret de cette démarche mena à l'adoption en 1969 de la Loi sur la formation et la qualification professionnelle de la main-d’œuvre [24]. Une des conséquences principales de cette nouvelle législation fut de remettre l'administration et l'encadrement de la formation professionnelle à des instances sectorielles régionales, les Centres de formation professionnelle (CFP), placés sous la responsabilité des parties patronales et syndicales par l'entremise de comités consultatifs régionaux. De plus, la loi introduisit de nouvelles règles en matière de licenciements collectifs et attribua un rôle plus actif aux Centres de main-d’œuvre québécois (CMQ). La réforme de 1968 donna donc lieu, dans une première étape, à la mise en place d'une structure organisationnelle plus élaborée et plus cohérente que celle qui existait auparavant. Us fonctionnaires de la DGM étaient ainsi en droit d'espérer un certain soutien de la part du sous-ministre et du ministre responsable.

Dans un premier temps, leurs espoirs furent comblés. En effet, les engagements publics du ministre Pierre Laporte et du sous-ministre Robert Sauvé [25], après l'élection de 1970, donnèrent l'impression d'une volonté politique d'octroyer une place plus importante à la main-d’œuvre en général. [152] Signalons toutefois que cette ouverture ne semblait pas partagée par toutes les instances du ministère du Travail. Une bonne partie des ressources du ministère était en effet affectée à des tâches d'intervention conjoncturelle dans le règlement des conflits de travail ou dans le processus de reconnaissance des unités d'accréditations syndicales. La nature même de ces tâches imposait au ministère un rôle d'arbitre-médiateur duquel découlait une conception très pragmatique de son intervention politique. L'emploi fut conséquemment perçu comme une préoccupation de seconde importance pour laquelle peu d'énergie et, surtout, peu de temps furent disponibles [26]. Bien que le poids physique de la Direction générale de la main-d’œuvre ne cessa de croître pour représenter environ 33% des effectifs et près de 50% du budget du MTM après 1975, elle ne parvint jamais à se défaire de cette image de « parent pauvre ».

La place réelle occupée par la DGM lui fut durement rappelée en 1971 par le successeur de Pierre Laporte, le ministre Jean Cournoyer. Le dépôt du livre blanc sur la politique de la main-d’œuvre [27] était devenu, aux yeux des dirigeants de la DGM, un moyen d'assurer un caractère prioritaire à leurs dossiers au cabinet du ministre et une ligne de conduite susceptible de donner consistance à la réforme entreprise trois ans plus tôt. Or, la stratégie du ministre, conforme à celle de l'ensemble du cabinet, avait préalablement été établie au lendemain de la crise d'Octobre avec pour cible principale l'inauguration des travaux du projet hydro-électrique de la baie James. Le livre blanc qui, à la suite d'une critique sévère de la politique fédérale, proposait une approche fondée sur la mise en valeur des ressources humaines par la voie de l'harmonisation de la politique du Ministère aux besoins du milieu, se situait sur un registre si différent et si incompatible avec cette stratégie qu'il demeura sans suite. Pourtant comme le soulignent avec beaucoup d'à-propos Diane Bellemare et Lise Simon-Poulin [28], jamais dans son histoire la position du gouvernement québécois n'a-t-elle été aussi nette dans ce dossier. Le projet de livre blanc proposait un cadre politique qui aurait pu lui permettre de devancer [153] le gouvernement fédéral dans la mise en place de mécanismes de planification de la main-d’œuvre [29].

Le seul secteur qui retint l'attention du gouvernement fut celui de la formation, à propos duquel la DGM avait élaboré neuf mesures [30] destinées à rapatrier sous son autorité l'ensemble des programmes en formation professionnelle [31]. Un comité interministériel de régie pédagogique auquel participa le ministère de l'Éducation fut formé en 1971 et l'on signa un accord sur le partage des responsabilités entre les deux ministères [32].

Néanmoins, la position objective occupée par la DGM dans la formation demeura ambiguë. En vertu de la loi, la plus grande part des budgets affectés à la formation étaient sous le contrôle des commissions de formation professionnelle (CFP) en région qui, rappelons-le jouissaient d'une certaine marge d'autonomie. Quelques CFP adoptèrent d'ailleurs une attitude souvent vindicative à l'endroit des fonctionnaires du ministère. Pour comprendre la raison d'être d'une telle attitude, nous devons la situer dans le cadre de la nature particulière des activités des CFP. Au début des années 1970, la formation encadrée par les CFP concernait principalement les métiers de l'industrie de la construction et, dans une moindre mesure, certains secteurs régis par décret comme l'automobile et la coiffure. Or, à partir de 1968, l'industrie de la construction s'engagea dans une expérience de syndicalisation sectorielle unique en Amérique du Nord [33]. La formation, tout comme le placement ou la qualification, devint un enjeu de pouvoir pour les organisations syndicales et patronales. Ce n'est qu'en 1974-1975, à la suite de l'enquête de la commission [154] Cliche [34] que la DGM se résoudra à resserrer les contrôles administratifs sur ses centres régionaux.

Il ne restait somme toute qu'un corridor étroit à l'intérieur duquel la DGM pouvait encore espérer se donner des orientations compatibles avec les objectifs du livre blanc. Un effort fut fait en 1972 en vue d'occuper le champ de la qualification et d'ainsi y précéder le gouvernement fédéral, mais la tournée de consultation provinciale menée à cette fin déboucha à nouveau sur des recommandations qui demeurèrent apparemment sans suite. L'intervention de la DGM prit en conséquence la direction d'actions ponctuelles et d'initiatives personnelles. Signalons toutefois l'adoption du Programme de retour au travail des assistés sociaux qui fait acte d'une préoccupation à l'endroit du régime d'aide sociale dont le rôle sera ultérieurement déterminant pour la politique de la main-d’œuvre québécoise et la mission de la DGM [35].

On peut à cet égard assimiler la trajectoire suivie entre 1968 et 1975 à un démarrage plus ou moins raté. Certes, l'État québécois disposait d'un certain nombre d'outils d'intervention et d'analyse du marché du travail. Ces outils n'offraient cependant pas suffisamment d'emprise sur l'économie québécoise pour permettre de planifier avec efficacité les ressources en main-d’oeuvre. En fait, la machine québécoise ne pouvait prétendre à une quelconque efficience que dans le seul secteur de la formation qu'elle ne dominait que partiellement. Dans le domaine de l'emploi et de la lutte au chômage, les programmes de la DGM ne représentaient tout compte fait qu'un complément marginal aux grands programmes fédéraux administrés par le ministère de l'Emploi et de l'Immigration du Canada et la Commission de l'assurance-chômage. Dans un tel contexte, la décision de tabletter le livre blanc de 1971 consacrait l'état d'infériorité du MTM par rapport à son vis-à-vis fédéral. Il apparaissait en outre maintenant évident qu'aucune politique de la main-d’œuvre ne pourrait voir le jour sans une modification substantielle des relations entre la DGM et les autres composantes du MTM [36].

Quoi qu'il en soit, cette impuissance ne tarda pas à susciter la convoitise et à provoquer l'émergence de projets alternatifs dans d'autres constituantes de l'État québécois. La menace la plus sérieuse émergea en 1975 à la suite du dépôt d'un livre blanc sur l'immigration par Lise Bacon dont le [155] titre, évocateur, est Pour une politique de la population : Livre blanc sur les ressources humaines [37].

b) L'intégration à l'immigration

Rappelons en guise de préambule à l'étude de ce dossier qu'en 1974-1975 le ministère de l'Immigration du Québec (MIQ) se cherchait une vocation. Depuis sa création en 1968 [38], il s'était heurté à l'intransigeance du gouvernement fédéral pour lequel l'immigration constituait un important outil de contrôle du développement économique [39]. Dans ce contexte, le livre blanc québécois représentait une tentative d'élargir sa mission et de se donner une assise politique susceptible d'obliger Ottawa à lui aménager une place dans le jeu des relations fédérales-provinciales [40].

L'intérêt du MIQ pour la gestion de la main-d’œuvre représentait également une tentative d'adapter l'administration québécoise à la structure fédérale. En effet, au moment où le MIQ déposa son livre blanc, Ottawa travaillait à une réforme de ses institutions visant à renforcer la cohésion de ses programmes d'emploi et de chômage en vue notamment d'y intégrer des mesures destinées précisément à l'immigration [41]. L'objectif du MIQ était donc de s'assurer un rôle d'interlocuteur provincial unique vis-à-vis le fédéral.

Concrètement, le projet du MIQ consistait en une proposition destinée principalement à regrouper l'ensemble des services consacrés à l'administration des programmes chargés d'encadrer les différentes catégories de la population québécoise, en vue de former un ministère des Ressources humaines. Le livre blanc préconisait notamment le regroupement des services d'immigration, [156] ceux de la démographie et de la famille (MAS) et ceux de la main-d’œuvre (MTM) [42].

Le dossier de la fusion fut cependant suspendu à la veille des élections de 1976. La fonction même d'opposition parlementaire à laquelle le Parti québécois était confiné depuis 1970 explique probablement en partie son opposition de principe au projet. Néanmoins, au moment de la formation de son premier cabinet, le premier ministre René Lévesque confia la direction du MIQ et du MTM au même ministre, soit Jacques Couture. Une des premières décisions du ministre fut d'abandonner les trois projets de loi concernant la fusion inscrits au feuilleton par les libéraux [43], pour relancer la consultation à l'intérieur des instances gouvernementales [44].

Cette consultation offrit au MTM de nouvelles tribunes pour publiciser son opposition. Le MTM fit valoir deux arguments principaux. En premier lieu, il mit en doute la pertinence de confier la gestion de la main-d’œuvre à un ministère aux compétences constitutionnelles contestées et vulnérables. En second lieu, il réaffirma l'absolue nécessité de maintenir en contact permanent les dossiers de la main-d’œuvre et des relations du travail [45], pour conclure que la fusion ne pouvait ultimement que mettre en péril la paix industrielle en donnant avantage à la politique d'immigration. Or, le MTM se percevait encore à l'époque comme une des composantes administratives les mieux placées pour formuler une politique d'emploi basée sur la concertation, grâce notamment à son rôle d'intermédiaire entre les employeurs, les travailleurs et leurs associations.

La mobilisation de ressources à l'intérieur du MTM en vue de résister à l'offensive du MIQ, en replaçant la DGM sous les feux de la rampe, attira à nouveau l'attention générale sur l'absence de politique globale en matière de gestion et d'encadrement de la main-d’œuvre. Le rapport annuel de 1974-1975 du NITM mentionne l'existence d'un comité interministériel chargé d'élaborer une telle politique. Au moment de la publication du rapport, ce comité avait réalisé un premier inventaire de l'ensemble des programmes de main-d’œuvre. Par ailleurs, dix comités se virent confier le mandat de formuler des [157] propositions concrètes susceptibles de baliser l'intervention du ministère [46]. Cette nouvelle tentative, bien qu'elle amena Québec à réaffirmer ses velléités d'autonomie dans le cadre de la Conférence fédérale-provinciale de 1976, demeura une fois de plus sans lendemain.

Certains élus convaincus de la nécessité d'élargir l'emprise de l'État québécois sur son économie entreprirent, à partir de ce moment, la mise en forme d'une nouvelle génération de programmes d'emploi hors des cadres établis par le MTM. Ainsi, dès sa création, le Programme de stimulation de l'économie et de soutien de l'emploi (PSESE), qui devint l'Opération solidarité économique (OSE), et qui représentait le résultat du regroupement de vingt-sept activités de création d'emplois réparties dans différents ministères, fut placé sous la responsabilité d'un comité interministériel chapeauté par le ministère d'État au développement économique où le ministère du Travail et de la Main-d’œuvre brilla par son absence [47]. Le Programme de création d'emplois communautaires (PECEC) intégré à OSE fut pour sa part confié à l'Office de planification et de développement du Québec (OPDQ) [48].

Ce morcellement des programmes de main-d’œuvre et plus particulièrement de programmes d'emploi s'explique également par la présence des superministères d'État mis en place après l'élection de 1976. Dans le cas qui nous intéresse, la présence du ministère d'État aux Affaires sociales (MEAS) dirigé par Pierre Marois a contribué à jeter une certaine confusion dans le dossier de la main-d’œuvre et de ses relations au secteur social. Rappelons qu'en disposant de cabinets politiques autonomes, avec pour mandat explicite d'élaborer de grandes orientations politiques susceptibles d'assurer une certaine cohésion sectorielle à l'intervention de l'État, les ministères d'État se sont manifestés très rapidement dans la plupart des dossiers importants. La présence de ces nouvelles entités administratives provoqua plusieurs luttes de pouvoir [49]. Par exemple, on s'interroge encore [158] aujourd'hui sur les raisons qui ont amené le MEAS à confier l'administration du Programme PECEC à l'Office de planification et de développement du Québec (OPDQ) et non pas au MTM. Cette décision s'explique probablement en partie par le caractère communautaire et régional du programme que le gouvernement du Parti québécois souhaitait vivement encourager et avec lequel la DGM n'était pas familiarisée. On peut penser sur un autre plan que le passage de Pierre-Marc Johnson au MTM, déjà considéré à l'époque comme un rival potentiel de Pierre Marois à la succession de René Lévesque, n'a probablement pas non plus été étranger à cette décision.

Par ailleurs, le dossier des relations MTM/MEAS doit être analysé dans le contexte plus large de la centralisation du pouvoir au profit du Conseil des ministres et au détriment des ministères sectoriels. La création des grands ministères d'État en 1976 marquait en fait une étape importante dans le long processus de la concentration du pouvoir au sein de l'administration québécoise. D'autres étapes avaient été préalablement franchies au cours des années précédentes avec la mise sur pied du Conseil du trésor et du Comité des priorités. La constitution des ministères d'État qui héritèrent de la tâche « animer et d'orienter les travaux de six comités ministériels permanents [50], offrait théoriquement un accès complémentaire au contrôle des activités des ministères sectoriels tout en proposant une façon d'aborder le problème de la coordination, de l'harmonisation et de la planification de l'intervention gouvernementale. En outre, les comités ministériels présentaient l'avantage d'être éloignés des organismes administratifs et de n'être assujettis qu'aux instances politiques de l'État. La menace était toutefois que les ministres « État ne se satisfassent pas d'une fonction de coordonnateur et que la tentation soit grande pour eux de rechercher des moyens d'exercer leur influence directement sur les administrations sectorielles ou, à défaut, de créer une administration parallèle.

C'est un peu ce qui s'est produit dans le domaine social et dans celui de la main-d’œuvre. Pendant les cinq années où il a occupé le siège de ministre d'État aux affaires sociales, Pierre Marois a cherché à établir des contacts directs avec les fonctionnaires du MTM. Par ailleurs, en acceptant de confier l'administration du PSESE/OSE et du PECEC à des organismes directement rattachés au Conseil des ministres, le MEAS s'est donné des moyens plus [159] directs d'en régir l'application. Le MEAS a donc été l'artisan d'un processus de concentration du pouvoir et du contrôle du Conseil des ministres au détriment du MTM. L'intérêt porté successivement par le MIQ et le MEAS au secteur de la main-d’œuvre permet de constater qu'il a existé tout au long des années 1970 un besoin réel pour l'État québécois d'élargir son emprise sur le marché du travail.

Cette remarque nous permet de mieux mesurer l'impact du refus de la direction du MTM de soutenir le projet de livre blanc élaboré par la DGM en 1971. Ce refus a eu pour conséquence de priver l'État québécois d'un outil de gestion économique tout en bloquant pendant près de dix ans, d'après une stratégie uniquement défensive, toute possibilité de confier cette réalisation à une autre entité administrative. La somme des pressions qui se sont ainsi exercées a donné lieu à un mouvement tendanciel en faveur du statu quo au sein du MTM, dans un contexte qui aurait pourtant été très favorable à la multiplication des programmes et à la mise en place de nouveaux mécanismes de planification de l'emploi. Il appert en effet que cette période cruciale de la politique économique québécoise et canadienne qui s'est inscrite sur la toile de fond des contrôles anti-inflationnistes, des coupures budgétaires et de la réduction des programmes sociaux, fit du secteur de la main-d’œuvre un des lieux de recomposition de la stratégie d'intervention de l’État. L'absence d'un leadership dynamique à l'échelle de la politique québécoise eut dans ce contexte un effet centripète, entraînant un morcellement encore plus prononcé des programmes. Au seuil des années 1980, le pouvoir apparut plus éparpillé encore qu'au moment de la création de la DGM en 1968. L'absence d'objectifs en matière d'encadrement du marché du travail qui résulta de cet éparpillement plaça la DGM dans une position de grande vulnérabilité lorsque s'amorça le débat sur la décroissance de l’État et la redéfinition de la politique de sécurité du revenu.

c) La sécurité du revenu contre l'emploi

Avant de nous engager dans l'étude de l'impact de la politique de la sécurité du revenu sur le secteur de la main-d’œuvre rappelons quelques grandes données de la conjoncture. L'économie québécoise était en situation de crise larvée depuis 1975, elle sera en crise ouverte à partir de 1981. Une des conséquences de cette crise a été de hausser de façon substantielle le fardeau social et, plus particulièrement, d'entraîner dans un mouvement de croissance soutenu les programmes de chômage et d'aide sociale. L'État fédéral, par exemple, a tenté de soulager son Programme de chômage par diverses réformes en 1975, en 1978 et en 1980. Ces réformes l'ont amené à abandonner tout effort en vue d’étendre la mission sociale du programme pour se replier sur une gestion plus [160] proche du principe sélectif de l'« assurance » [51]. Parallèlement, Ottawa a procédé à la fusion de la Commission de l'assurance-chômage et des centres de main-d’œuvre en vue d'assurer un retour au travail plus rapide des bénéficiaires. Différentes mesures ont été adoptées à cette fin et un nouveau système d'information mis en place.

À Québec, la réforme a été plus laborieuse. Rappelons en premier lieu que la pierre d'assise du régime social québécois est le Programme d'aide sociale et que ce programme doit en principe être accessible à toute personne dans le besoin, sans autre forme de sélection. Or, la dégradation de la situation économique et le resserrement de l'accès au chômage ont eu pour conséquence un accroissement considérable des bénéficiaires de l'aide sociale (BAS). Au nombre de 195 000 en 1971, les BAS sont passés à 203 000 en 1975 pour franchir la barre du demi-million en 1980. Cette croissance se poursuivra jusqu'en 1986. Le régime avait été conçu, disait-on, pour les personnes inaptes à travailler. Or, en 1980, le Conseil des ministres estimait à 53,6% la proportion de bénéficiaires aptes au travail. Le régime d'aide sociale assumait donc, dans les faits, une part substantielle des frais de la crise et devenait une menace à l'« équilibre » budgétaire de l'État. La révision des objectifs du programme en vue d'inciter un plus grand nombre de bénéficiaires à retourner au travail s'imposa donc comme un impératif financier qui entraînera le secteur de la main-d’œuvre à sa suite.

L'année 1980 a marqué une étape importante dans le cheminement conjoint des dossiers de l'emploi et de l'aide sociale. Le cabinet a en effet confié à deux groupes d'étude la mission de le conseiller sur une éventuelle réforme de son système de sécurité sociale. Le Groupe de travail sur la révision du Programme d'aide sociale dirigé par Émile Dubois (Conseil des ministres), [52] - auquel participèrent également des représentants du Conseil du trésor, du MAS et du MTM - et le Groupe de travail sur la sécurité du revenu présidé par l'économiste Pierre Fréchette de l'Université Laval, ont tous deux développé une analyse de l'aptitude au travail des BAS orientée vers le regroupement des ressources du réseau de l'aide sociale et de celles des Centres de main-d’œuvre.

Le groupe Fréchette s'attarda plus particulièrement à l'étude de la sécurité du revenu et du concept de revenu minimum garanti (RMG) avec pour trame centrale l'abandon du principe de l'universalité, la réduction du coût des programmes et leur simplification.

Le système actuel est la résultante des choix passés effectués au fil des ans. Il est important de se rendre compte que, [161] pour un coût total donné de la sécurité du revenu, il serait possible de prendre des orientations assez différentes du système actuel. En fait, il est véritablement possible de faire des choix sur le plan de l'orientation générale de la sécurité du revenu : tout dépend de l'importance relative que l'on accorde à chaque objectif [53].

Or, quels étaient ces objectifs ? Idéalement, il devrait être possible d'avoir un seul programme de sécurité du revenu qui encourage au travail tout en étant redistributif [54].

L'accent mis sur la sélectivité des programmes et la réforme du régime de fiscalité s'harmonisait en outre ici à l'objectif d'améliorer la qualification des travailleurs par la formation professionnelle et la création directe d'emplois [55]. Sur le plan administratif, le document prêchait en faveur du regroupement des services à l'intérieur d'une nouvelle entité, soit un ministère de l'Emploi et de la Sécurité du revenu.

L'impact de la révision proposée par le Conseil des ministres fut majeur et déterminant dans l'orientation de la politique de la main-d’œuvre après 1980. Les recommandations des deux rapports furent discutées à tous les niveaux de l'appareil d'État québécois et donnèrent lieu ultimement à un resserrement empirique de la problématique de la sécurité du revenu autour de la question du retour au travail des BAS.

On doit à cet égard signaler l'influence majeure qui a été celle du Conseil du trésor dans ce dossier. Vers la même époque, le Conseil du trésor établit en effet certaines priorités dans la réduction des dépenses sociales de l'État qui reprirent l'objectif d'inciter plus activement, et avec des moyens contraignants accrus, les bénéficiaires de l'aide sociale aptes au travail à réintégrer le marché du travail. À ce même moment, le Conseil du trésor mena diverses études destinées à mettre au point une procédure de récupération des trop-payés et d'identification des fraudeurs. Une problématique plus claire sera ultérieurement publiée dans le livre blanc sur la fiscalité [56].

Les pressions du Conseil du trésor obligèrent le MTM à prendre position :

Ce document a pour objectif d'énoncer l'opinion du ministère du Travail et de la Main-d’œuvre sur la question des bénéficiaires de l'aide sociale qui sont aptes au travail. Il s'agit d'un sujet d'une grande importance eu égard aux implications sociales, économiques et financières. Il faut mesurer les conséquences psycho-sociales que supportent tous les individus [162] concernés directement ou indirectement par la situation d'oisiveté et de dépendance sociale dans laquelle se retrouve une partie non négligeable de toute la population du Québec. De plus, la non-utilisation des capacités productives de plus de cinq cent mille Québécois et Québécoises constitue une perte énorme pour l'économie québécoise. Enfin, l'État affecte une importante partie de ses ressources budgétaires pour assurer la subsistance de plus d'une centaine de millions de ménages familiaux et non familiaux dont le chef est apte au travail. Cette question des bénéficiaires de l'aide sociale aptes au travail mérite donc un examen très attentif [57].

Le MTM critiqua néanmoins sévèrement certaines prémisses du rapport sur la sécurité du revenu [58] en rappelant les contraintes de la conjoncture économique et la nécessité d'investir dans les programmes de création directe d'emplois et de formation en vue de soulager le problème du sous-emploi. Concrètement, la mise en place des Programmes intégration de jeunes au travail (PUE) et retour au travail (PRET) confirmèrent le recentrement de la problématique gouvernementale autour de la réinsertion des assistés sociaux [59]. C'est peut-être à ce moment que l'absence de politique et de stratégie claire par rapport au marché du travail se fit le plus sentir. Faute d'alternative et devant leur incapacité de rédiger une contre-analyse susceptible d'éviter le glissement vers la sécurité du revenu, les fonctionnaires de la DGM se retrouvèrent à court d'arguments et sans soutien politique au Bureau du ministre et au Conseil des ministres.

La décision administrative la plus lourde de conséquences dans ce dossier, et qui lui a fait franchir un point de non-retour, a certainement été celle de modifier le mandat du MTM en 1981 en vue de créer le ministère du Travail, de la Main-d’œuvre et de la Sécurité du revenu. Ce nouveau ministère fut confié à Pierre Marois, ex-ministre d'État au Développement social. Sous sa direction, les services de la main-d’œuvre et de la sécurité du revenu s'engagèrent dans un vaste processus de réorganisation administrative dont la clé fut la fusion des Centres de main-d’œuvre québécois aux Bureaux d'aide [163] sociale. Cette fusion ne fut pas réalisée sans résistance et mobilisa l'essentiel des énergies et des ressources du Ministère pendant près de douze mois.

Une des conséquences les plus tangibles de la fusion fut d'insuffler une nouvelle poussée aux effectifs de la DGM. Au cours de l'année financière 1980-1981, les effectifs totaux (permanents et occasionnels) y atteignirent 1 140 personnes/année. Après la fusion avec les services de sécurité du revenu, ils passèrent à 2 940 personnes/année. Le budget fit un saut quantitatif encore plus impressionnant, en passant de 100 millions de dollars en 1979-1980 à 1364 millions de dollars en 1981-1982 [60].

La fusion fut également à l'origine de la création de deux nouvelles directions ministérielles. La première, la Direction générale des politiques et programmes de main-d’œuvre et de sécurité du revenu, hérita de la tâche de concevoir, de développer et d'évaluer les programmes. La seconde, la Direction générale des opérations, se vit confier le réseau de service à la clientèle. La mission des fonctionnaires fut également révisée au cours de 1981-1982 par trois modifications à la loi et sept amendements réglementaires dont l'objectif fut de mettre en pratique les nouvelles orientations « sociales » du ministère.

Ainsi, à partir de 1981, la sécurité du revenu a clairement dominé l'ordre du jour du ministère et a constitué la trame principale de son approche en matière de main-d’œuvre [61]. Signalons qu'au moment de l'intégration main-d'œuvre-sécurité du revenu, le ministère a également obtenu la responsabilité des dossiers de l'assurance-maladie, des allocations familiales, du régime des rentes, de la gestion des programmes de soutien aux revenus des autochtones découlant des accords de la Baie James et de l'administration des services de reclassement de la main-d’œuvre. L'addition de ces responsabilités vint appuyer le développement du secteur de la sécurité du revenu au détriment de celui de la main-d’œuvre.

Le début des années 1980 a également été troublé par les remous du dossier de la formation professionnelle. En effet, à la suite de la publication des rapports Allmand [62] et Axworthy [63], le gouvernement fédéral annonça son intention de réformer ses programmes de formation professionnelle en vertu desquels les programmes québécois avaient été élaborés, en vue principalement d'adapter les activités de formation aux besoins du marché. Le gouvernement fédéral envisageait également de s'assurer la haute main sur l'orientation des programmes qu'il finançait en échange d'un accroissement substantiel de son [164] soutien financier. Ces deux documents devinrent conséquemment les déclencheurs d'une réorientation de l'ensemble de la politique fédérale de main-d’œuvre.

Bien que des préoccupations semblables à l'endroit de la formation aient été débattues au sein du MTM avant la publication des énoncés politiques fédéraux [64], le ministère québécois sentit ses propres programmes menacés et confia à une commission d'enquête (commission Jean) la tâche de le conseiller sur l'orientation à donner à sa propre politique de formation des adultes, y compris la formation professionnelle. Cette démarche visait manifestement à faire contrepoids à la politique fédérale. Une première analyse des accords signés pour la période 1982-1985 indique toutefois que les grandes orientations du rapport Axworthy survécurent aux négociations entre les deux gouvernements [65].

En vue de compléter notre description de la mission du MTM à la suite de la fusion de 1981, mentionnons son rôle dans l'administration des programmes de création d'emplois. Au début de 1982, le ministère gérait quatre programmes, soit le Programme de retour au travail (PRET), le Programme d'aide au travail (PAT), le Programme d'intégration des jeunes en emploi (PIJE) et le Programme des services externes de main-d’œuvre (SEMO). Signe des temps, ces quatre programmes s'adressaient de façon exclusive ou partielle aux bénéficiaires de l'aide sociale [66]. La dégradation rapide des conditions économiques en 1981-1982 amena ultérieurement le Québec à adopter une nouvelle série de mesures temporaires dont le Programme de bons d'emploi, le Programme de création d'emplois temporaires (PCET) et Chantier Québec [67].

[165]

Le seul grand principe politique qui fut maintenu de façon symbolique à la suite de la réorientation du cadre politique de la main-d’œuvre fut celui de réaliser le plein emploi. Jusqu'en 1981, cet objectif ne fut cependant poursuivi que de façon sporadique. Bien qu'aucune stratégie précise ne fut établie à ce sujet dans le contexte de 1981, ce thème refit surface peu de temps après l'élection [68]. Une équipe d'universitaires réputés pour leurs travaux dans les domaines de l'emploi [69] reçut le mandat explicite de réfléchir sur l'éventuel contenu d'une politique de plein emploi. Un projet demeuré confidentiel fut soumis aux hauts fonctionnaires du ministère qui, sauf quelques rares exceptions, lui réservèrent un accueil plutôt froid, voire incrédule.

La trajectoire du mandat de la DGM entre 1980 et 1982 fait donc état de l'érosion continue de la conception économique keynésienne qui dominait depuis 1968 et sa substitution par des principes économiques consacrés en priorité à la réduction du fardeau financier de l'État. Par rapport à la politique de la main-d’œuvre, ce déplacement des centres d'intérêts a entraîné les programmes d'emplois et de formation dans une direction qui a remis en question la nature de leur articulation à la politique sociale. En 1968, les programmes d'emplois avaient pour objectif de soutenir de façon plutôt accessoire les programmes sociaux. En 1982, ils devinrent l'outil par lequel l'État se proposait de limiter la croissance de ces mêmes programmes. La mission des Programmes d'emplois changea donc de façon radicale pour s'adapter aux nouvelles contraintes dictées par la politique de sécurité du revenu.

La constitution du ministère de la main-d’œuvre
et de la sécurité du revenu ou le triomphe
de la sécurité du revenu, 1982-1986.


Sous l'angle administratif, la décision du 16 décembre 1982 de scinder le ministère du Travail et de la Main-d’œuvre et de la Sécurité du revenu peut être interprétée comme l'aboutissement logique de la démarche entreprise en 1980. Non seulement l'association main-d’œuvre et sécurité du revenu représentait-elle une composante très importante du MTMSR, qui reléguait au [166] second plan le secteur des relations du travail, mais l'orientation des activités de la DGM dessinée par la réforme de 1981 avait objectivement contribué à creuser l'écart entre les services de la main-d’œuvre et ceux du travail. En supplantant la relation main-d’œuvre-travail, la sécurité du revenu imprimait une direction aux activités de la DGM qui n'avait plus que très peu de chose en commun avec les autres services du Ministère. Conséquemment, l'attitude des hauts fonctionnaires du ministère du Travail, qui ne firent pas obstruction à la scission - eux qui avaient pourtant résisté avec énergie six ans plus tôt devant l'offensive du ministère de l'Immigration - n'étonna pas.

Une lecture plus politique de la décision du premier ministre de scinder l'ancien MTMSR permet cependant de mettre en relief certaines rivalités internes du cabinet. Jusqu'à son départ, le ministre Pierre Marois resta une des figures politiques québécoises les plus sensibilisées aux problèmes sociaux et donc, un des opposants les plus acharnés à la réduction des dépenses et à l'atrophie de la présence physique de l'État dans le champ social. Son cabinet caressait en outre le projet de mettre sur pied une structure de concertation permanente faisant appel à la participation des principaux partenaires sociaux. La réalisation d'un tel projet, dans le cadre du MTMSR, aurait très certainement contribué à accroître son influence au sein du gouvernement et celle de son ministère dans l'État québécois. Pour des raisons qui n'ont certainement pas été étrangères à cette menace, René Lévesque ne confia pas la concertation au successeur de Pierre Marois, soit Pauline Marois, mais à son ancien adjoint parlementaire Robert Dean. Nommé ministre délégué à la concertation avec pour mission d'élaborer une politique de plein emploi, celui-ci reçut le soutien logistique du Secrétariat des conférences socio-économiques qui devint le Secrétariat à la concertation. Robert Dean s'associa certains membres de l'équipe de recherche sur la concertation formée en 1981 au MTMSR et mit en place une structure d'échange permanent entre les partenaires sociaux, baptisée la Table nationale sur l'emploi (TNE). Cette dernière adopta une structure tripartite (État-patronat-syndicat), mais privée, conçue de façon à laisser entière liberté d'action à ses participants sur la place publique. Les travaux de la TNE qui en étaient encore à un stade préliminaire au moment de l'élection de 1985 furent abandonnés par la suite par le cabinet Bourassa [70].

Le ministère de la Main-d’œuvre et de la Sécurité du revenu hérita pour sa part de l'ensemble des tâches administratives rattachées à la gestion des programmes sociaux liés au revenu et aux programmes d'emploi. Diverses réorganisations administratives successives amenèrent le Ministère à se doter de cinq directions générales (planification, programmes, systèmes réseau Travail-Québec, formation professionnelle et administration) engageant des  [167] effectifs totaux de 4 500 fonctionnaires et un budget global de près de 3 milliards de dollars [71].

Cependant, nous devons préciser qu'au MMSR, les programmes de sécurité du revenu mobilisèrent près de 90% du budget. Seulement 315 millions de dollars furent affectés à la formation et au développement de l'emploi. Ce rapport très inégal entre la sécurité du revenu et l'emploi tend à confirmer l'hypothèse selon laquelle, en 1982, la main-d’œuvre est devenue le parent pauvre du nouveau Ministère. Le MMSR reconnaissait lui-même devant la commission Beaudry, en 1985, avoir abandonné toute ambition de publier une politique de la main-d’œuvre pour établir sa stratégie autour d'un nombre réduit d'objectifs particuliers, tels l'intégration des femmes au marché du travail et la rédaction dune politique d'éducation des adultes [72].

Le MMSR cherchera notamment à récupérer l'initiative dans le dossier de la formation et tentera de se faire reconnaître comme le maître d’œuvre de la politique de formation des adultes. À cet effet, le MMSR, le ministère de la Condition féminine et le MEQ ont signé en 1984 un document où sont mentionnés quelques grands principes et orientations générales. Le rôle du MMSR établi dans le document demeure ambigu à plusieurs égards et semble plutôt être principalement un rôle d'exécutant [73].

Par ailleurs, le MMSR a poursuivi la politique de création d'emplois temporaires entreprise au début de la récession de 1981 [74]. La part réelle de la main-d’œuvre dans l'ordre des préoccupations du MMSR apparaît donc maintenant modifiée en ce qu'elle reflète le caractère dominant des programmes de sécurité du revenu. Les sensibilités du sous-ministre en titre entre 1982 et 1985 ont d'ailleurs contribué à alimenter le déséquilibre. Rappelons en effet que Pierre Saraut avait fait ses classes au ministère des Finances. Or, les priorités de ce ministère établies dans le Livre blanc sur la fiscalité sont précisément exprimées par rapport à la réforme du régime de sécurité sociale formulée en 1980 [75].

Un des derniers sursauts du dossier de la main-d’œuvre est venu rappeler aux institutions québécoises la présence et les visées de l'État fédéral. Dans le contexte du « beau risque » de 1984-1985 (à la suite de l'élection des [168] conservateurs au parlement fédéral et de la révision de l'option fondamentale du Parti québécois), la ministre fédérale de l'Emploi et de l'Immigration, Flora McDonald, a proposé à ses homologues provinciaux un projet de planification concertée de l'emploi en vue d'éliminer la concurrence entre les programmes fédéraux et provinciaux. Le MMSR a accepté d'ouvrir le dialogue pour constater que le changement de style du gouvernement fédéral n'avait en rien modifié ses ambitions d'établir son hégémonie dans ce dossier stratégique. L'objectif du MEIC n'était pas de déléguer ses compétences mais, à l'opposé, de profiter du momentum établi par l'élection de 1984 et de la confusion à l'intérieur des rangs de l'administration québécoise et du parti au pouvoir pour imposer sa propre politique de gestion de la main-d’œuvre. Après quelques rencontres seulement, les représentants provinciaux et fédéraux se sont confrontés à nouveau à l'absurdité du partage constitutionnel canadien et à l'impossibilité, dans un tel cadre, d'élaborer une politique de la main-d’œuvre susceptible de concilier les intérêts du Québec et ceux du reste du Canada. Ces échanges ont néanmoins débouché sur la signature d'un accord impliquant le regroupement de certains programmes fédéraux et quelques modestes ententes de collaboration dans l'application de six nouveaux programmes fédéraux sur le territoire québécois [76].

Au moment de la prise du pouvoir, le gouvernement Bourassa ne nous a fourni que très peu d'indications sur l'avenir que ce dernier entendait réserver au dossier de la main-d’œuvre. Les libéraux n'ont manifestement pas l'intention de renoncer aux démarches entreprises sous le gouvernement Lévesque en matière de sécurité du revenu, comme en témoigne la récurrence de leurs interventions sur la réforme de l'aide sociale. La ligne de conduite établie dans le rapport Gobeil à l'été 1986 [77] partage en cette matière les mêmes objectifs que le Livre blanc sur la fiscalité des particuliers de 1984.

Mais bien que la politique de sécurité du revenu libérale s'inscrive dans le prolongement de celle du Parti québécois, des éléments de rupture se manifestent par contre du côté de la participation des partenaires sociaux. Visiblement, les libéraux ne croient pas aux vertus de la concertation. Les activités de la TNE sont gelées depuis la prise du pouvoir. Le rapport Gobeil propose l'abolition du Conseil consultatif du travail et de la main-d’œuvre (CCTM), de l'Institut national de productivité (INP) et de Corvée-habitation. La page de la concertation est tournée et, avec elle, sombre le rêve d'une politique consensuelle orientée vers le plein emploi [78].

[169]

Les prises de position du PLQ qui permettent d'entrevoir des modifications au dossier de la main-d’œuvre concernent plutôt la formation. Les travaux de la sous-commission du Parti libéral [79] sur le travail et la main-d’œuvre ont en effet porté presque exclusivement sur cette question et font état d'une approche sensiblement identique à celle que le MMSR a déjà adoptée dans le cadre des accords de 1982-1985.

a) Les perspectives régionales

Nous devons toutefois souligner que le MMSR a amorcé en 1983 [80] une réforme majeure de ses structures en formation qui a impliqué une restructuration des CFP. Les CFP se sont vu confier de nouvelles responsabilités en matière d'évaluation des besoins et de planification des ressources en main-d’œuvre. De plus, les CFP ont hérité de la tâche d'établir une structure de participation des partenaires sociaux. Cette mission, en plus de mieux adapter la formation professionnelle aux besoins du marché, leur permet d'aspirer au rôle de maître d’œuvre régional des services de main-d’œuvre [81].

La réforme administrative en direction des régions a franchi une nouvelle étape à l'occasion de la signature de ces accords. Nous avons mentionné précédemment que le Québec entrevoyait en 1982 certains avantages à déléguer une part accrue des responsabilités vers ses instances régionales. Or, les modalités de l'entente de 1985 ont renforcé le rôle des Commissions de formation professionnelle, en leur confiant la responsabilité de l'application des programmes en région. Cette décision est elle-même venue consolider les orientations mentionnées précédemment [82]. Dans l'ensemble, ce processus converge donc vers la mise en place d'une structure administrative [170] décentralisée où les CFP feraient office de guichet régional dans le champ de la main-d’œuvre [83].

L'avenir semble donc plus prometteur du côté de la réforme des institutions. La tendance actuelle en direction d'une revitalisation du rôle des CFP en région annonce peut-être le début d'une nouvelle ère pour les programmes de main-d’œuvre. Premièrement, d'après les ententes signées avec le ministère de l'Éducation, il n'y aura plus de double structure de formation. En effet, les établissements scolaires assumeront la responsabilité logistique des programmes placés sous la gouverne des CFP avec pour mandat d'en étendre l'accès à la formation aux adultes. Deuxièmement, on peut imaginer qu'à la suite des accords de 1986, les CFP deviendront éventuellement le point de chute, et donc le point de coordination, d'un plus grand nombre de programmes d'emploi. Si, comme on le propose actuellement, cette coordination s'appuie sur la planification des besoins dans un cadre régi par les entrepreneurs et les représentants des associations de salariés, les CFP occuperont alors une place stratégique dans la politique de soutien économique des deux paliers gouvernementaux et seront peut-être en mesure de rendre cette intervention plus efficace.

La rédaction d'une politique intégrée de la main-d’œuvre redevient concevable. Il sera peut-être possible de dégager à l'échelle régionale des lignes directrices susceptibles de rallier l'appui des partenaires sociaux. Il serait également peut-être imaginable dans un tel cadre de contourner les problèmes liés au partage des compétences entre le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral. Encore faudrait-il toutefois que les régions se voient reconnaître le pouvoir nécessaire à la mise en place de politiques régionales différenciées. Pour l'instant, le jeu politique régions-État provincial-État fédéral n'a pas permis de définir cette marge d'autonomie. Par ailleurs, on s'interroge encore sur la contribution exacte qui sera celle des CFP dans le processus de formulation du cadre politique. Il est acquis toutefois que cette contribution ne sera effective que dans la mesure où elle ne risquera pas de mettre en cause la cohérence de l'intervention gouvernementale sur l'ensemble du territoire québécois.

 [171]

CONCLUSION

Pour Allan Moscovitch, l'État-providence n'aurait pas été capable de s'adapter à la nouvelle réalité de l'emploi des années 1960 et 1970 à la suite du gonflement accéléré de la population active et de l'apparition de formes nouvelles d'emploi [84]. Les structures politiques et administratives de l'État keynésien n'auraient pas été en mesure de faire face au changement et de réaliser le plein emploi. Dans cette optique, l'absence d'objectifs collectifs en matière d'utilisation des ressources humaines serait la conséquence du dépassement des modèles mis en place après la Seconde Guerre mondiale. On peut donc affirmer que le keynésianisme a débouché sur un échec. Nous pensons cependant qu'une grande partie de cet échec est imputable à des facteurs qui n'ont que peu de chose à voir avec la modification de la composition de la population active. À un premier niveau, nous devons intégrer à notre analyse une série de contraintes reliées à la conjoncture économique mondiale et continentale. La grande perméabilité de l'économie canadienne et sa dépendance accrue à l'endroit du marché américain dressent des limites vite atteintes à sa politique économique. Le Canada ne jouit en cela que d'une marge de manœuvre limitée dont l'efficacité réside plus dans sa capacité de mettre en valeur ses avantages comparatifs (ou d'en créer) que de soutenir son marché intérieur où chaque intervention pose inévitablement le problème de l'équilibre régional et crée souvent plus d'obstacles qu'elle n'en élimine. Le keynésianisme tel qu'il a été appliqué de 1945 à 1975 a été conçu comme un modèle fermé de soutien à la consommation qui a contribué à creuser le fossé entre les régions.

Les contraintes inhérentes à la structure politique canadienne ont créé un deuxième niveau de difficulté à la réalisation du plein emploi. Les conditions du partage des compétences entre l'État provincial et l'État fédéral sont telles qu'il était impossible avant 1980 de mettre en place une politique de la main-d’œuvre intégrée à l'échelle du pays non plus d'ailleurs qu'à celle de chaque province ou région. C'est en partie pour cette raison que les gouvernements ont orienté leur stratégie de planification économique en direction des programmes sociaux, sans mécanisme de contrôle sur l'emploi. L'offensive centralisatrice du gouvernement fédéral au début des années 1980 a contribué en cela à modifier les conditions du rapport de force et a établi un cadre au passage du welfare state au workfare state. En effet, le gouvernement fédéral domine présentement la scène dans le domaine de la formation comme dans celui de l'emploi et fait de plus en plus office de « définisseur de politique ».

[172]

Enfin, nous pensons avoir démontré dans le présent texte que les rivalités administratives qui ont découlé des choix politiques gouvernementaux ont constitué un troisième niveau d'obstacle à la politique de la main-d’œuvre. Entre 1960 et 1982, le dossier de la main-d’œuvre a en effet été secoué par des luttes de pouvoir qui ont mis en présence des organisations aux objectifs et aux intérêts très divergents. Ces conflits ont eu pour conséquences de morceler le contrôle du secteur et de rendre difficilement praticable tout effort de regroupement des programmes et mesures destinés au marché du travail. Nous avons également démontré que l'impuissance du gouvernement québécois peut s'expliquer par la décision prise en 1968 de rattacher l'administration de la main-d’œuvre au ministère du Travail. Une fois la phase de mise en place des structures franchie, cette union a donné lieu à une relation de pouvoir inégale où la Direction générale de la main-d’œuvre s'est vu attribuer un rôle de second plan. Par conséquent, ses efforts périodiques en vue de définir et de délimiter clairement son champ d'intervention n'ont mené nulle part. Dans ce sens, la décision en 1982 de rattacher la main-d’œuvre à la sécurité du revenu peut être interprétée comme la conséquence des échecs répétés, en vue de jeter les bases d'une politique québécoise de la main-d’œuvre. Cet objectif chimérique a, à partir de cette date, cédé la place à des impératifs économiques beaucoup plus pragmatiques orientés notamment vers le retour au travail des bénéficiaires de l'aide sociale.

Le processus que nous venons de décrire offre cependant des perspectives organisationnelles qui permettent d'entrevoir un nouveau partage des pouvoirs entre les organismes centraux québécois ou canadiens et les instances administratives régionales. Dans la mesure où nous pouvons considérer le chômage et l'adaptation de la main-d’œuvre comme des problèmes dont les caractéristiques relèvent de la diversité des réalités économiques régionales, tout déplacement du centre de gravité du pouvoir décisionnel et organisationnel vers les régions ne peut être accueilli que favorablement. L'État pourra peut-être dénouer sur ce plan l'écheveau administratif duquel le dossier de la main-d’œuvre est prisonnier depuis maintenant près de trente ans. Peut-être également pourra-t-il y trouver de nouvelles façons d'imaginer son intervention et peut-être y rencontrera-t-il des interlocuteurs plus réceptifs en ce qui concerne des organismes intermédiaires. Il est encore trop tôt pour présumer des résultats de cette démarche mais nous devons reconnaître qu'elle est pleine de promesses.



[1] Pour un survol de ces différentes expériences voir D. BELLEMARE, et L. POULIN-SIMON, Le défit du plein emploi. Montréal, Éditions Saint-Martin, 1986.

[2] Il suffit de lire les résultats des différentes expériences de planification pour s'en convaincre. Voir par exemple J. BENJAMIN, Planification économique et politique au Québec, Montréal, PUM, 1974.

[3] Gouvernement du Canada, Du travail pour demain, les perspectives d'emploi pour les années '80, Ottawa, Chambre des communes, 1981.

[4] Pour une description du rôle du MEAS, voir L. BORGEAT et al., L'administration québécoise, Québec, PUQ/ENAP, 1982.

[5] Groupe de travail sur la sécurité du revenu, Vers une politique québécoise de revenue minimum garanti et de sécurité du revenu, Québec, Secrétariat général du Conseil exécutif, 1980, p. 87.

[6] D. BELLEMARE, et L. POULIN-SIMON, Le défi du plein emploi, Montréal, Éditions Saint-Martin, 1986, p. 471.

[7] Plusieurs économistes canadiens ont d'ailleurs abandonné les thèses keynésiennes pour leur préférer d'autres approches. Parmi celles-ci, mentionnons les stratégies orientées vers le soutien de l'offre, la restructuration industrielle, l'internationalisation, etc. Voir C. DEBLOCK, et D. PERREAULT, « La politique économique canadienne 1968-1984 », Conjonctures et politique, no 7, automne 1985.

[8] Comme l'ont récemment souligné Y. LAMONDE et J.-P. BÉLANGER dans l'Utopie du plein emploi, Montréal, Boréal Express, 1986.

[9] Ce dernier donna suite aux travaux de la Commission nationale sur l'emploi. Voir Gouvernement du Canada, The Royal Commission on Dominion-Provincial Relations, Ottawa, 1937-1939, 1940.

[10] Voir J. I. GOW, Histoire de l'administration publique québécoise, Montréal, Presses de l'Université de Montréal, 1986.

[11] La Loi sur l'apprentissage a été adoptée en 1944.

[12] Le rapport Tremblay n'a jamais été publié. Voir les références faites à ce rapport dans : Québec (province), Ministère du Travail et de la Main-d’œuvre, La politique du marché du travail, MTM, 1980 (ronéotypé).

[13] Le Programme de formation professionnelle et technique.

[14] Contrairement aux instances fédérales, la fonction publique québécoise s'est montrée très sensible aux préoccupations de l'Organisation de coopération et de développement économique sur la réforme des politiques classiques de placement et de formation en direction d'une véritable politique de la main-d’oeuvre intégrée d'inspiration keynésienne comme instrument de croissance et de contrôle économique.

[15] Conseil économique du Canada, Premier exposé annuel, objectifs économiques du Canada pour 1970, CEC, décembre 1964, p. 182.

[16] Cette juridiction ne s'applique qu'aux secteurs économiques sous responsabilité fédérale (communication, transport interprovincial, postes, etc.) et aux employés de l'État fédéral.

[17] Québec (province), Gazette officielle, jeudi 5 décembre 1968, pp. 4509 et suiv.

[18] Québec (province), ministère du Travail, Rapport annuel, 1968-1969, Québec, Ministère du Travail, p. 63.

[19] Québec (province), ministère du Travail, Rapport annuel, 1966-1967.

[20] La Loi fédérale sur la formation professionnelle aux adultes de 1967 relègue les provinces à un rôle d'exécutant en échange d'un financement entièrement assuré par le gouvernement fédéral.

[21] Au nombre de vingt-sept en 1965.

[22] Québec (province), Rapport de la Commission d'enquête sur la santé et le bien-être social, Québec, Éditeur officiel du Québec, 1970.

[23] Aux quelque 943 millions de dollars fédéraux (destinés au Québec) et 1,4 milliard de dollars provinciaux affectés à la sécurité, du revenu sont venues s'additionner diverses sommes d'argent explicitement consacrées à la création d'emplois.

[24] Le bill 49 donne suite à la loi fédérale sur la formation professionnelle de 1967.

[25] En poste de 1969 à 1971.

[26] Un bon exemple de cette problématique nous est fourni par le document de J. BARIL, « Les incidences du salaire minimum dans les secteurs à bas salaires et sur l'emploi en général », Travail Québec, vol. 11, no 3, mai 1975 : « Nous connaissons tous les obstacles qu'une convention collective peut créer au changement technique, à la mobilité des travailleurs et à leur perfectionnement. Des conditions de travail tels la durée du travail, l'allongement des vacances, l'âge de la retraite, les congés de perfectionnement ont une incidence directe sur les volumes de l'emploi. D'autres dispositions sur le perfectionnement, l'ancienneté, les formules de promotion, la description et la classification des emplois ont une répercussion directe sur la qualification de l'emploi » (pp. 133-134).

[27] Québec (province), ministère du Travail et de la Main-d’œuvre, Pour une politique québécoise de la main-d’œuvre, 1971 (ronéotypé).

[28] D. BELLEMARE et L. SIMON-POULIN, Le défi du plein emploi, Montréal, Éditions Saint-Martin, 1986, chapitre 7.

[29] Rappelons que la stratégie économique du gouvernement libéral fut orientée en 1970 vers la promotion de l'entrepreneurship autochtone, le développement des sociétés d'État et la Baie James. Les libéraux ne comptaient visiblement pas relancer le débat sur la planification ni reprendre les expériences de concertation syndicales-patronales. Ces derniers ont majoritairement associé les propositions du livre blanc à un modèle politique peu réaliste et difficilement négociable avec les autorités fédérales.

[30] 1) Programme de formation en entreprise ; 2) Programme de formation des adultes ; 3) Programme de formation des apprentis ; 4) Programme de formation des cadres ; 5) Programme de formation aux instructeurs en formation professionnelle ; 6) Programme de formation aux enseignants ; 7) Programme de formation agricole ; 8) Programme de formation aux Indiens ; 9) Programme visant à l'uniformisation des exigences de qualification entre les provinces.

[31] Une dizaine de ministères se partageaient plusieurs programmes et activités déterminés directement reliés au champ de la formation.

[32] En conformité avec le cadre établi par le programme fédéral de formation adopté en 1967 et en renégociation en 1971.

[33] Voir Y. BÉLANGER, Les entrepreneurs québécois dans l'industrie de la construction, mémoire de maîtrise, Département de science politique, Université du Québec à Montréal, 1977.

[34] Commission d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale dans l'industrie de la construction, Rapport, Québec, Éditeur officiel du Québec, 1975.

[35] Les arrêtés en conseil no 1371, 1981 et 3925 allouaient à la DGM la responsabilité d'administrer un programme de prime à l'embauche de bénéficiaires de l'aide sociale.

[36] Ironiquement la section du rapport du ministère en 1974-1975 qui traite de l'emploi s'intitule « Vers le plein emploi ». En 1975, le taux de chômage québécois est le plus élevé depuis 1945.

[37] Ministère de l'Immigration, Pour une politique de la population : Livre blanc sur les ressources humaines, MIQ, 1975.

[38] Le Ministère prenait la relève du service aux immigrants du ministère des Affaires culturelles (1965).

[39] M. LABELLE et al., Histoire et conditions de vie des travailleurs immigrants au Québec, Québec, CEQ, 1979.

[40] Cette démarche fut toutefois abandonnée quelques années plus tard.

[41] Des études annoncées à cette époque furent publiées au cours de 1977. Signalons parmi elles le document suivant : Assurance-chômage Canada, Étude d'ensemble du régime d'assurance-chômage au Canada, CAC, février 1977, (réforme Cullen). Par ailleurs, le projet de loi C-27 créant le ministère de l'Emploi et de l'Immigration, la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada, le Conseil consultatif canadien de l'emploi et de l'immigration et modifiant la loi de 1971 sur l'assurance-chômage fut adopté par la Chambre des communes le 19 juillet 1977.

[42] Voir Québec (province), ministère de l'Immigration, Livre blanc : population, main-d’œuvre et immigration, Québec, MIQ, 1975. Ce document rappelle en outre qu'en 1974 les effectifs du ministère fédéral comptaient 7 500 employés au Québec contre 200 à la DGM. Notons cependant le caractère exagéré de cette évaluation. En 1974, la DGM employait environ 500 personnes (incluant les CFP).

[43] Projets de loi nos 28, 29 et 30 (1976).

[44] Il créa à cette fin un comité chargé d'étudier la fusion en août 1977.

[45] Québec (province), ministère du Travail et de la Main-d’œuvre, Mémoire au Conseil exécutif, commentaires et opinions du MTM sur les recommandations de mémoire du 9-2-76, 18 décembre 1976 (ronéotypé).

[46] Québec (province), ministère du Travail et de la Main-d’œuvre, Comité D'allaire, Rapport synthèse, 2 mai 1977 (ronéotypé). Le document met en doute notamment la pertinence du maintien des CFP et propose une démarche en matière de formation fondée sur la récupération des programmes administrés par le gouvernement fédéral.

[47] Modeste au début (1977-1978) avec seulement 820 emplois créés, le programme devint une pièce majeure mais contestée de la politique de relance de l'économie après 1979. OSE fut considéré par plusieurs analystes comme un collage de programmes et une opération publicitaire fondamentalement constituée d'interventions de sauvetage d'entreprises et surtout de recensement des investissements publics. Voir P. FOURNIER, La concertation au Québec, étude de cas et perspectives, Québec, Les publications du Québec, 1985.

[48] Selon un relevé réalisé en 1981, le gouvernement québécois disposait de 115 mesures d'emploi réparties dans vingt-six ministères.

[49] Voir L. BORGEAT et al., op. cit., chapitre 3. Québec (province), Centre de recherches statistiques sur le marché du travail, Inventaire des mesures de main-d’œuvre et d'emploi aux gouvernements du Québec et du Canada en 1981-1982, Québec, CRSMT, 15 janvier 1982.

[50] Le Comité ministériel permanent du développement social (CMPDS) était formé du ministre d'État au développement social, du ministre du Travail, de la Main-d’œuvre et de la Sécurité du revenu, du ministre des Communautés culturelles, du ministre de la Fonction publique, du ministre de la Justice, du ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur, du ministre des Affaires sociales, du ministre de l'Éducation et de la ministre d'État à la condition féminine.

[51] Voir à ce propos M. PELLETIER, De la sécurité sociale à la sécurité du revenu, 1982.

[52] Groupe de travail sur la révision du programme d'aide sociale, Rapport préliminaire du groupe de travail sur la révision du programme d'aide sociale, Québec, Secrétariat général du Conseil exécutif, 1980.

[53] Groupe de travail sur la sécurité du revenu, Vers une politique québécoise de revenu minimum garanti et de sécurité du revenu, Québec, Secrétariat général du Conseil exécutif, 1980, p. 87.

[54] Idem, p. 91.

[55] Idem, pp. 145 et suiv.

[56] Québec (province), ministère des Finances, Livre blanc sur la fiscalité des particuliers, Québec, Gouvernement du Québec, 1984.

[57] Québec (province), ministère du Travail et de la Main-d’œuvre, La situation du marché du travail au Québec et ses conséquences sur le régime de l'aide sociale, 1980.

[58] Le MTM affirme : « Étant donné qu'il n'existe aucune pénurie de main-d’œuvre non qualifiée au Québec, il est tout à fait impossible de soutenir sérieusement que les bénéficiaires aptes et disponibles soient des individus qui ne veuillent pas vraiment travailler et que l'on doive caractériser en faisant appel au vocabulaire de la psychologie : comportement délinquant, immaturité affective, absence de motivation et d'intérêt, etc. », Idem, p. 9.

[59] Québec (province), ministère du Travail et de la Main-d’œuvre, La politique du marché du travail, Québec, MTM, 1980.

[60] Québec (province), ministère du Travail, de la Main-d’œuvre et de la Sécurité du revenu, Rapport annuel, 1981-1982, Québec, MTMSR, 1983.

[61] Avec pour clientèle cible privilégiée les jeunes assistés sociaux.

[62] Gouvernement du Canada, Du travail pour demain, les perspectives d'emploi pour les années '80, Ottawa, Chambre des communes, 1981.

[63] Groupe d'étude sur l'évolution du marché du travail, L'évolution du marché du travail dans les années '80, Ottawa, Emploi et Immigration Canada, 1981.

[64] Voir Québec (province), ministère du Travail, de la Main-d’œuvre et de la Sécurité du revenu, Stratégie d'intégration et de développement d'un programme de formation de la main-d’œuvre dans le cadre d'une politique de main-d’œuvre et d'emploi québécoise, 1981 (ronéotypé).

[65] La marge de manœuvre financière réduite du Québec a influé sur la stratégie québécoise et explique en partie l'accueil plutôt distant qui a été réservé en 1982 au rapport de la commission Jean. Les grandes lignes de conduite des accords de 1982 qui ont notamment fait valoir la nécessité d'orienter la formation professionnelle dans le sens des besoins du marché ont ouvert les horizons de la formation professionnelle sur le champ plus large de la formation des adultes. Voir Diane TREMBLAY, « Programmes d'emploi et la formation professionnelle ». dans Interventions économiques, no 11, automne 1983. Parallèlement, le Québec engagea un processus de décentralisation de la planification et de l'encadrement de la formation vers les régions.

[66] SEMO et PIJE sont en outre destinés aux clientèles cibles traditionnelles du ministère que sont les personnes handicapées et les jeunes. Dans le cas de PIJE, près de 50% des jeunes touchés sont des BAS. Dans celui de SEMO, cette proportion atteint 42%.

[67] Québec (province), ministère du Travail, de la Main-d’œuvre et de la Sécurité du revenu, Rapport annuel, 1981-1982, op. cit.

[68] Voir HEC, Le Québec économique dans un deuxième mandat, Colloque 1981, Montréal, HEC, 1981. L'économiste Pierre Harvey critiquera le caractère utopique du plein emploi dans le cadre du colloque de l'École des relations industrielles de l'Université de Montréal, Le plein emploi à l'aube de la nouvelle révolution industrielle, tenu en 1981.

[69] Lise Simon-Poulin, Diane Bellemare, Jack Weldon et Ginette Dusseault. Pour un survol de la problématique du groupe, voir L. SIMON-POULIN, Les assurances sociales, pour une sécurité du revenu des salaires, Montréal, IRAT, 1981.

[70] À propos de la TNE, voir Pierre FOURNIER, op. cit.

[71] En 1984-1985.

[72] Commission consultative sur le travail, Recueil des Aide-mémoires, mars 1985 (ronéotypé).

[73] Voir Québec (province), gouvernement du Québec, Un projet d'éducation permanente, énoncé d'orientation et plan d'action en éducation des adultes, 1984.

[74] Cependant, le ministère a délaissé progressivement les dossiers rattachés au travail comme semblent le confirmer son attitude distante par rapport au CCTM et l'abandon, en 1985, d'un nouveau projet de loi sur les licenciements collectifs.

[75] Québec (province), ministère des Finances, Livre blanc sur la fiscalité des particuliers, Québec, Gouvernement du Québec, 1984.

[76] Voir Emploi et Immigration Canada, La planification de l'emploi, Ottawa, MEIC, juin 1985.

[77] Groupe de travail sur la révision des fonctions et des organisations gouvernementales, Rapports, Québec, gouvernement du Québec, 1986.

[78] Voir Commission consultative sur le travail, Recueil des propositions, et Le travail, une responsabilité collective, Québec, Éditions du Québec, 1985.

[79] PLQ, Rapport de la sous-commission du Parti libéral sur le travail et la main-d’œuvre, Montréal, PLQ, 1984.

[80] À la suite de la publication d'une lettre du ministre aux CFP le Il juin 1983. Dans cette lettre, le ministre déclare, entre autres, confier aux CFP la gestion des responsabilités du MMSR des programmes de formation professionnelle.

[81] Québec (province), ministère de la Main-d’œuvre et de la Sécurité du revenu, DGFP, Restructuration des commissions de formation professionnelle, mai 1985 (ronéotypé).

[82] Québec (province), ministère de l'Éducation, Un projet d'éducation permanente, énoncé d'orientation et plan d'action en éducation des adultes, Québec, MEQ, 1984.

[83] Québec (province), ministère de la Main-d’œuvre et de la Sécurité du revenu, Restructuration des commissions de formation professionnelle, Québec, MMSR, 1985 (ronéotypé).

[84] A. MOSCOVITCH, « L'État-providence au Canada depuis 1975 », dans Diane BELLEMARE, et Céline ST-PIERRE, Les stratégies de reprise, Montréal, Éditions Saint-Martin, 1984.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 6 février 2020 6:36
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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