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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Jean COPANS, “Une crise conceptuelle opportune.” Un texte publié dans la revue Politique africaine, le carnet de la revue, no 26, mai 2013, pp. 1-14, un numéro intitulé : “Classes, État, Marchés.” Avant-propos du numéro. Paris : Karthala. [Autorisation formelle accordée par M. Jean Copans le 12 décembre 2016 de diffuser ce texte dans Les Classiques des sciences sociales, en libre accès à tous.]

[1]

Jean COPANS

anthropologue et sociologue,
professeur émérite de l’Université de Paris Descartes


“Une crise conceptuelle opportune.”

Un texte publié dans la revue Politique africaine, le carnet de la revue, no 26, mai 2013, pp. 1-14, un numéro intitulé : “Classes, État, Marchés. Avant-propos du numéro. Paris : Karthala.

De tous les « objets » des études africaines, l'État contemporain est le plus fantomatique : tout le monde en parle mais personne ne sait finalement de quoi il s'agit. Les rapports entre structures et idéologies précoloniales, coloniales et postcoloniales restent encore la plupart du temps à l'état d'esquisse. Les distinctions entre voies dites capitalistes et voies dites socialistes ressortissent à l'invective idéologique, à l'inventaire des droits de l'homme à l'européenne et non pas à l'enquête empirique. Mais ces remarques bien générales ne doivent pas nous cacher la profonde différence des approches françaises et des approches anglophones dans ce domaine. Ces divergences devraient susciter un débat de fond. Il n'est encore qu'embryonnaire. J. Giri discute bien les écrits de G. Hyden... parce que Politique africaine a publié un texte de lui et R. Sandbrook s'extasie devant le modèle ivoirien à cause du Fauré-Médard [1], mais c'est peu.

Du côté anglophone, une perspective néo-libérale « libertaire » très politique est en train de remplacer la critique marxiste ou dépendan-tiste, vigoureuse et imaginative, malgré son économisme d'il y a dix ans [2]. Le retour au marché et à la démocratie politique permettent certes de démystifier le développement étatique du dernier quart de siècle, mais les luttes sociales qui fascinaient les politistes des années 1970 (voir les premiers travaux de R. Sandbrook lui-même) [3] ne font plus recette. Par contre, les Français se sont jetés sur la culture, le populaire, renonciation, les jeux des acteurs anthropologiques. Là aussi on remarque comme une dissolution de l'État dans une société civile chaleureuse, religieuse et tribale (au bon sens du terme toutefois) à souhait. Et pourtant les appareils perdurent et « dysfonctionnent » avec une efficacité remarquable. R. Sandbrook est peut-être le meilleur exemple de cette évolution, à la différence de R. Bates, K. Hart ou G. Hyden [4], car son œuvre personnifie parfaitement ce passage de l'intérêt pour les luttes de classe, le radicalisme politique, à l'indécision théorique du statut de l'État et donc des stratégies de classe. Le texte que l'on peut lire [2] dans ce numéro est un résumé avant la lettre de son dernier livre, The Politics of Africa's Economic Stagnation [5]. La recherche du véritable et bon État capitaliste qui symbolise tout ce courant ou cette atmosphère idéologique est un fantasme trop répandu pour qu'on n'essaie pas d'en comprendre les raisons et surtout les impasses.

L'orientation générale de ces réflexions porte sur les relations entre l'État, le marché et la paysannerie. L'État est inefficace et empêche le développement de véritables relations de marché dans l'espace agricole. Les paysanneries ne sont pas encore rentrées dans la logique de l'accumulation (même si une accumulation se fait à partir de l'agriculture, grâce à des positions dominantes dans l'appareil d'État). Les États sont donc préoccupés avant tout par l'accaparement et l'accumulation de surplus.

L'analyse politique met en lumière la centralité de l'État. Mais c'est un non-État, un pseudo-État. Il doit en effet tout faire et en même temps il n'arrive à rien, car il ne représente aucune classe digne de ce nom. Il ne produit pas ce qu'il a produit dans toutes les autres civilisations : l'accumulation productive, l'économie dite de marché et une hégémonie de classe.

Si l'État n'est pas capitaliste, c'est qu'il est avant tout et uniquement une machine politique. Evidemment le marché devient lui-même un enjeu et, un instrument politique. De ce fait la subordination de l'économie nationale (étatique et de marché) aux besoins et politiques de la consolidation étatique peut mettre en danger le fonctionnement même de l'économie [6]. S'il y a une crise en Afrique, ce n'est pas parce qu'il n'y a pas d'économie de marché mais parce que l'économie fonctionne selon le bon vouloir de l'État et non des relations d'échange marchand. Si l'on va plus loin, on s'aperçoit qu'il existe d'autres formes et moyens pour la circulation des biens, de l'argent et... des charges [4] politiques : ce sont les marchés dits marchés parallèles, marchés noirs, informels, clientélistes. L'économie de marché est certes réglementée, contrôlée par l'État mais ce n'est pas la seule sphère des échanges : il existe toute une constellation de marchés, à la fois complémentaires et contradictoires.

Il convient d'aller plus loin et de découvrir le jeu des forces sociales, et d'abord les mécanismes de la représentation politique. L'erreur de perspective de R. Sandbrook, comme des autres auteurs que nous avons cités, est d'en rester aux superstructures politiques. Il n'y a aucun doute que le tableau est désolant et désespérant. Mais ces politistes, car ce sont tous des politistes ne l'oublions pas, en restent au stade d'analyses globales comme celles des théoriciens du développement, de la dépendance ou de la lutte des classes. Il était bon de démolir les paradigmes précédents, mais il ne fallait pas en conserver les défauts méthodologiques et idéologiques.

Le pseudo-anthropologisme de G. Hyden a été maintes fois critiqué [7]. R. Sandbrook, pourtant attentif jadis à la construction et à l'expression de classe, tombe dans le même défaut d'identification superficielle des classes ou groupes en présence. Il reste prisonnier d'un réflexe européo-centriste.

Tout provient en effet d'une vision déformée de l'évolution historique en général et de l'évolution du capitalisme en particulier. Pour commencer, nous ne devrions jamais parler d'une évolution sociale irrationnelle. Cela ne veut pas dire que toute évolution est « naturelle » et « fonctionnelle ». Mais il existe une logique sociale des causes et des effets ; l'histoire ne se répète pas et toute évolution doit s'apprécier en fonction de ses caractères propres. La plupart des commentaires évoquent les « mauvaises politiques », la mauvaise gestion et le comportement non capitaliste. Ce sont là des effets et non des causes [8]. D'ailleurs le peu de sérieux de cette vision des choses est confirmé par l'attitude moralisatrice des raisonnements en question [9].

Mais le plus important relève de la conception même de l'échelle des phénomènes historiques à l'ampleur mondiale, comme le développement du capitalisme. Nous n'avons pas encore l'habitude d'une véritable perspective historique dans les études africaines, surtout pour la période dite moderne et contemporaine de cette histoire. Au mieux [5] connaissons-nous quatre siècles d'histoire précoloniale [10] ; l'époque coloniale en tant que telle n'a duré qu'un siècle et l'indépendance n'a qu'un quart de siècle (une génération !). Si l'on compare l'histoire de l'Afrique moderne à celle du monde occidental, il s'agit encore d'une histoire conjecturale [11]. L'accélération de l'histoire, comme on dit, a troublé les chercheurs et ils confondent diagnostic (avec tout ce que cela implique de conjoncturel) et analyse.

Nous pouvons aller encore plus loin et mettre en lumière les causes plus théoriques de ces aveuglements. L'ethnocentrisme des théories globales concernant l'explication de l'expansion capitaliste est avéré, qu'il s'agisse des théories développementalistes, marxistes, dépendantistes, mondialistes à la Wallerstein. Des théories mises au point en Europe et pour l'Europe peuvent être appliquées aux pays de la périphérie, mais il faut garder présent à l'esprit le fait que toute théorie est une construction sociale et idéologique, et donc relative [12]. Cette incompréhension épistémologique est un des obstacles les plus puissants à la modulation en termes d'analyse interne ou externe [13]. En adoptant une perspective plus libérale que son radicalisme marxisant précédent, R. Sandbrook a, sans le vouloir, accru son européanisme et donc l'idéologisme de ses positions.

Le capitalisme en Afrique doit être conçu comme un résultat historique spécifique, comme un capitalisme partiellement ou largement, selon les cas, africain. La variété des infrastructures sociales et culturelles, la conjoncture historique de la dépendance ne permettent pas une répétition du schéma classique : marchés-villes-révolution agricole / État / révolution industrielle. Même si les lois du capitalisme sont universelles, elles ne fonctionnent que partiellement et localement. Enfin les idéologies du développement, de la dépendance ou de la révolution mondiale sont si puissantes et prégnantes que les théories s'en trouvent contaminées au-delà de tout recours [14].

Il nous faut donc beaucoup d'histoire mais aussi beaucoup d'anthropologie sociale (ou de sociologie) pour comprendre la crise et la stagnation africaine. Reprenons l'argument central qui porte sur les relations entre l'État et les producteurs agricoles. L'accumulation en Afrique [6] noire passe à l'extérieur de la production et même parfois à l'extérieur de la sphère de la circulation. Il faut prendre toute la mesure de cette réalité et surtout essayer d'en trouver les causes profondes. Ce processus apparemment dénaturé de l'accumulation (si on le compare encore une fois au modèle soi-disant classique de l'histoire européenne) est un produit de la lutte des classes entre les deux grandes forces sociales des sociétés africaines, l'État et les paysanneries. Il faut donc en venir à la description et à l'analyse de leurs rapports de force, des mécanismes de la représentation et de la délégation politique, au contenu de la culture et de l'action politique. La position dominée et marginalisée des paysanneries s'explique par leur soumission politique, par leur cooptation et donc leur "enfermement" dans la sphère de la réglementation étatique. Au contraire de G. Hyden, nous pensons que le paysan est à la fois capturé par l'État et prisonnier de l'arène politique que définit ce dernier. Les causes d'une telle situation sont bien entendu historiques.

Je me servirai, pour mener ma démonstration sur ce point, des analyses de R. Tangri concernant les mouvements paysans anticoloniaux [15]. Il remarque d'abord que

« les revendications paysannes étaient plutôt limitées dans leur ampleur, à la fois par le nombre des participants et par l'étendue des territoires concernés... La paysannerie de l'Afrique coloniale — au contraire des gros producteurs de cultures de rente — n'a pas été capable de se transformer en groupe d'importance et encore moins en classe à la conscience de classe claire. C'est un autre groupe — la petite-bourgeoisie africaine et les éléments scolarisés — qui a fourni les moyens d'une meilleure interprétation du monde et qui a procuré une direction aux masses rurales » [16].

Mais cette relation s'est affaiblie au cours de ces dernières vingt-cinq années après l'indépendance : les paysans ont été « la majorité silencieuse de l'Afrique » [17].

« Il s'en est suivi que non seulement les paysans ne sont plus représentés que par des individus provenant d'une autre origine sociale (les politiciens de l'élite rurale) mais que les organisateurs ruraux ont pu, grâce à leur rôle de direction, détourner l'agitation paysanne des intérêts politiques propres à la paysannerie vers leurs propres intérêts politiques personnels ».

Enfin les gouvernements ont systématiquement entretenu ce processus de démobilisation politique des masses rurales.

[7]

Cette absence d'unité sociale et culturelle, le divorce entre la paysannerie et la direction politique d'origine rurale ont été l'un des instruments les plus efficaces du pouvoir politique. Toutefois cela m signifie pas que l'agriculture — et donc les producteurs paysans — ne sont pas au cœur des préoccupations politiques et idéologiques. Ainsi, la Côte-d'Ivoire ou le Kenya ont pu connaître des relations fort différentes entre le pouvoir et la paysannerie. Dans le cas de la Côte-d'Ivoire, c'est le président F. Houphouët-Boigny qui est le « Premier Planteur » du pays. Tout le système politique est envahi par une idéologie « paysanne » ou « ruraliste » [18]. Les politiciens, qu'ils soient ou non d'origine rurale, doivent conserver des liens formels avec la campagne. A. Dubresson nous a récemment expliqué dans ces pages que l'économie villageoise de plantation sert d'instrument à l'identité nationale et que de nombreux moyens « politiques » sont utilisés à cette fin [19]. Quant au Kenya, malgré le modernisme de son économie, il reste culturellement et politiquement centré sur la campagne, et le leitmotiv des dirigeants politiques est le lien entre le citoyen et son shamba (sa terre). On a même justifié la récente décision de la semaine de cinq jours (décision du 1er mai 1986, rapportée en avril 1987) par le besoin des citadins de retourner cultiver leurs champs pendant le week-end.

Du coup, la paysannerie n'a plus aucun moyen d'expression autonome. Les représentants politiques ruraux savent que leur position est plus fondée sur une manipulation interne de l'appareil d'État que sur une relation directe avec leur circonscription électorale. Au Sénégal, le multipartisme ne modifie pas fondamentalement ce mécanisme, malgré le radicalisme populiste ou marxiste-léniniste d'un grand nombre de partis. En Afrique du Sud, les stratégies et luttes contre l'apartheid passent encore, malheureusement, par les villes et l'industrie, et non pas par la campagne [20]. Et même au Mozambique, des recherches récentes ont prouvé que l'échec de l'État socialiste est profondément lié à la politique antipaysanne de fait qu'il a menée depuis l'indépendance [21].

Il y a bien des classes à la campagne et les paysans se font bien entendre, de temps à autre, et sous des formes parfois originales et certainement politiques [22]. Mais leurs dirigeants — ou représentants politiques — sont de plus en plus intégrés à un milieu social et culturel qui ne peut se reproduire que grâce à une véritable expropriation [8] politique des masses rurales. Tout changement des conditions de production agricole est bien un problème politique, non pas de politique économique ou agricole d'un appareil d'État insuffisamment capitaliste ou bureaucratique, mais un problème politique d'initiative et d'autonomie des producteurs eux-mêmes.

R. Sandbrook, encore une fois, comme tous les auteurs que nous avons cités, suggère des solutions ou du moins des problématiques « constructives ». Ce sont souvent des solutions de bon sens mais qui deviennent utopiques dans la mesure où l'histoire va dans le « mauvais sens ». C'est le retour au « small is beautiful », au rôle des ONG, du secteur informel et des solutions communautaires. Le politique, à la fois réformiste et populiste, reste un apanage des interventions extérieures. Est-ce vraiment un changement politique ? Est-ce que l'échelle des phénomènes change leur nature ?

Dans son livre, The Politics of Africa's Economic Stagnation, R. Sandbrook évoque trois issues à la crise : soit on évite l'État, soit on libère les marchés, soit on reconstruit l'État. Tandis que les deux premières solutions prennent appui sur des mouvements sociaux actuellement perceptibles, la troisième, évoquant le cas de la Côte-d'Ivoire, n'élimine pas l'éventualité de l'apparition de bureaucraties nationalistes et modernisatrices dirigées par des hommes politiques éclairés (far-sighted). Le politologue préfère un gouvernement personnel de bon aloi au désordre destructeur si répandu [23].

L'illusion politique n'est pas un instrument d'analyse et on peut se demander rétrospectivement si les notions ou concepts utilisés sont bien adéquats à la lumière de propositions si quelconques. L'expropriation politique des masses, la nature prédatrice des systèmes étatiques ne seront pas transformées par une volonté purement politique et idéologique. Aucune solution « radicale » disponible et les États socialistes de la deuxième génération, comme ceux de la première, sont des échecs. Pour le moment, le mouvement social n'est ni autonome ni homogène [24]. Les transformations ne peuvent venir que de l'exacerbation interne des contradictions économiques et étatiques. Il faut que l'accumulation se poursuive, mais à l'extérieur de l'agriculture. Et c'est ce qui est en train de se passer avec l'accélération de toutes les formes d'aide et d'assistance internationales. Une nouvelle structure politique de dépendance internationale s'instaure qui exproprie encore plus les producteurs directs. On peut regretter que cet élément particulier ne soit pas perçu par nos « nouveaux politologues ». Certes R. Sandbrook a raison de rappeler que « les Africains doivent rechercher des solutions domestiques à la crise actuelle » [25]. Mais nous pouvons penser que, dans un mouvement justifié de refus des explications mondialistes [9] et globalisantes qui n'expliquent rien en réalité, nous sommes passés à une période d'admiration silencieuse du statu quo. Après tout que peuvent-ils faire ? Que pouvons-nous faire ?

Eh bien, pour commencer, creuser encore plus loin dans les fondations des politiques économiques africaines car, à n'en pas douter, certaines illusions ont la vie dure.

Cette première série de considérations [26] en appelle une seconde qui porte plus précisément sur les démarches scientifiques présentes... ou absentes de ce numéro. Mais tout d'abord, il convient d'ouvrir une parenthèse sur les conditions de fabrication du numéro lui-même. L'idée de départ, il y a deux ans, était de réunir et de confronter les résultats d'un certain nombre de recherches empiriques portant sur les classes sociales, les rapports entre ces classes et les pratiques sociales de et dans l'État [27].

Mais ce souci anthropologique rencontrait une préoccupation à la fois théorique, politique et éditoriale de la rédaction de Politique africaine, portant sur les rapports entre crises politiques africaines et crises des paradigmes théoriques africanistes [28]. À la suite de diverses péripéties éditoriales, en partie indépendantes de la volonté du responsable de ce numéro, ces deux objectifs d'analyse de réalités sociales spécifiques et de renouvellement des réflexions sur l'économie politique de l'État africain ont dû être traités conjointement. Cette rencontre a pris la forme d'un télescopage forcé plus que d'une confrontation méthodique. Mais l'exercice est stimulant et plein d'enseignements : il annonce, au-delà de ce qui peut apparaître comme un mélange des genres, une réflexion plus réaliste sur la politique africaine et sur la réalité sociologique de ses acteurs.

Partant des pratiques économiques des classes sociales et de leur passage de plus en plus obligé par l'État et, inversement, auscultant le contenu social des politiques économiques effectivement appliquées ou esquissées par les classes dans le pouvoir, on en venait à s'interroger [10] sur les classes au pouvoir et même sur le pouvoir lui-même. Ce retour au politique, à la notion de responsabilité, peut être illustré par l'ouvrage collectif édité par P. Chabal, Political Domination in Africa, qui déplace la discussion du terrain de l'économie politique vers celui du système et de la théorie du politique [29]. Cette dérive nouvelle est bien séduisante mais tout aussi eurocentrique que la précédente [30].

Appréhender l'État africain en termes d'économie politique, d'anthropologie économique et politique paraît pour le moment plus urgent et fructueux. Ainsi des recherches et des réflexions d'origines aussi différentes que celles de R. Sandbrook, J. Hartmann ou A. Morice semblent mettre en lumière des objets ou des non-dits qui risquent de faire grincer des dents. La subversion des politiques et pratiques économiques de l'État par « l'informalité », tout comme le conflit d'appareil (ou de classe) [31], se trouvent tout d'un coup comparés à des comportements de mafia (au sens sociologique et non pas moral). Depuis deux ans, le père B. Joinet analyse dans sa Lettre à mes supérieurs le système politico-économique de la Tanzanie et le processus dit de « libéralisation » à la lumière des pratiques informelles [32]. Review of African Political Economy, quant à elle, vient de consacrer trois numéros au marché, aux « magouilles » et à la démocratie en économie de crise [33]. On y trouve à la fois la conversion libérale et marchande (?) d'un Gavin Williams et la prise en considération théorique de la corruption comme élément intrinsèque de la reproduction sociale et de la domination politique [34].

R. Sandbrook, A. Morice, comme P. Dutkiewicz et R. Shenton, démontrent que les bases sociales et matérielles des groupes au pouvoir sont enracinées dans ces modes d'appropriation « familiale », « clientéliste », « informelle », que la recherche des classes hégémoniques, dominantes ou dirigeantes doit passer maintenant par l'intermédiaire de ces systèmes relationnels et symboliques à la fois. Pour reprendre l'image [11] d'E. Terray (suggérée par l'expérience ivoirienne), il faut prendre en considération aussi bien le système du climatiseur que celui de la véranda [35].

Tout débute par l'accumulation et la circulation marchande [36]. Certes les théories de l'articulation des modes de production, de la petite production marchande, sans parler de la dépendance ou de la périphérie, mirent au centre de leurs problématiques les effets de la circulation. Les réseaux sociaux n'étaient que des superstructures vides, les enveloppes de mystères véritablement économiques, une société civile mutile et encombrante. Mais petit à petit, les nouvelles problématiques renversèrent les perspectives : les stratégies familiales et domestiques [37], les réseaux de caste et de clientèle [38], les rapports aux appareils d'État eux-mêmes [39] sont conçus comme producteurs d'accumulations et non plus comme des dysfonctions plus ou moins précapitalistes. Des idéologies participent de ces stratégies, idéologies de la différence (le tribalisme) certes, mais surtout idéologies de la reproduction élargie, de l'alliance politique, de l'action de « classe ». La démarche de l'économie politique s'en allonge d'autant dans la longue durée (histoire), tout comme elle quitte les sommets de l'État (le débat kenyan des années 1970) pour saisir les mécanismes moléculaires des producteurs eux-mêmes.

Les voies de l'accumulation passent bien entendu par celles de l'exploitation, de la soumission, de la dépossession, de la marginalisation. Les réflexions de ces dernières années sur le secteur informel ont d'ailleurs suggéré la force centripète des réseaux et stratégies en cause : la « sortie » ne se fait pas que par le haut. Les processus de division du travail et des travailleurs (et travailleuses), de prolétarisation sont lents. Nous pensons que la prolétarisation est un phénomène complexe et qu'il faut prendre maintenant en considération la proto-prolétarisation féminine [40]. Les classes laborieuses et ouvrières africaines sont plurielles : les contextes ethniques, familiaux, résidentiels, idéologiques interviennent dans la production et la reproduction de ces catégories sociales [41]. En un premier temps, ce renversement de perspective (par rapport [12] au néo-marxisme messianique) semble sous-estimer l'État et les rapports de production. Mais il n'en est rien. Les hypothèses de M. Burawoy sur les politiques de la production (élaborées initialement à partir du cas zambien, ne l'oublions pas) réintroduisent la production, l'État et la politique [42]. Plusieurs études récentes confirment la pertinence de ces analyses qui relient systèmes de production politiques de l'État et formes de résistance ou de conscience ouvrière [43].

La production et la reproduction des groupes et classes deviennent à la fois un objet de recherches empiriques et l'enjeu de nouvelles explications inspirées en partie par le marxisme, mais un marxisme délesté de ses interprétations euro-(et capitalisto-) centriques. Toutefois l'État, les rapports de force politique, les circuits de l'économie marchande comme lieux d'accumulation ou de différenciation sont indissociables des mécanismes sociaux quotidiens. D'un même mouvement, apparemment contradictoire et en tout cas difficile à maîtriser tant au niveau des « faits » que des concepts, les recherches actuelles construisent des objets de plus en plus microsociologiques ou anthropologiques et les relient concrètement (la preuve empirique 1) à des processus politiques et économiques d'amplitude temporelle ou spatiale considérable.

L'État se trouve mis en cause par plusieurs processus contradictoires qui lui sont à la fois propres et extérieurs. L'État ne se reproduit pas en tant que tel, de même qu'il n'est pas le seul instrument des puissances étrangères, ou de mythiques classes dominantes. Il contribue à la reproduction de certains groupes, internes ou externes à ses appareils, mais ce faisant, il met en branle des mécanismes de reproduction élargie utilisés et parasités par diverses stratégies « locales » (de groupes ou classes) de façon destructive ou constructive. Il existe comme une course de vitesse entre les politiques (nationales ou internationales, peu importe) qui assurent la reproduction de l'ensemble étatique, et plus largement de l'espace économique national (infrastructures, maintien de l'ordre, institutions de formation, instruments de cooptation idéologique) et celles qui visent à assurer la reproduction (le plus possible élargie) d'un secteur, donc d'un groupe particulier, du champ politique et économique. R. Bâtes, K. Good, R. Sandbrook, A. Morice, P. Dutkiewicz et R. Shenton et G. Kitching éclairent, chacun à leur manière, cette contradiction irrépressible.

Certes, les hypothèses de ces chercheurs sont loin d'être compatibles, [13] mais elles opèrent un double décentrage de l'État et des économies qui rend caduques les perspectives développementalistes ou néo-marxistes sommaires : elles suggèrent une forme de disjonction ou de non-correspondance immédiate et expressive entre rapports de pouvoir et rapports de production [44]. Néanmoins les contradictions anthropologiques dont l'État est l'enjeu (les intérêts de classe, les lois marchandes de l'accumulation) ne doivent pas cacher les contradictions de l'État lui-même.

L'article de J. Hartmann relève d'un genre que Politique africaine ne semble pas apprécier particulièrement. Il fallait pourtant détruire les illusions... françaises à l'égard du socialisme tanzanien en prouvant l'intérêt porté par ce dernier au capital privé [45]. Mais l'auteur ne nous éclaire pas suffisamment sur la nature des groupes sociaux qui s'expriment par l'intermédiaire du Parti, du gouvernement ou du Président. L'analyse tripartite introduit le conflit et la dynamique, mais il lui manque une profondeur plus anthropologique pour transformer fondamentalement et positivement les débats tanzaniens [46]. Cela dit, cette thèse renouvelle très largement les idéologismes latents de la science politique tanzanienne et introduit une forte dose d'empirisme [47]. La célébration des vingt ans de la Déclaration d'Arusha a d'ailleurs été l'occasion d'une nouvelle confrontation des empiristes et des théoriciens, des pragmatiques et des idéologues [48]. Les aventures de la Déclaration d'Arusha sont loin d'être terminées !

Ce renouvellement des interrogations, cette lucidité modeste se retrouvent aussi au Zimbabwe. Certains chercheurs se « contentent » de démontrer empiriquement (et non plus idêologiquement) l'illusion de la socialisation des forces productives dans les coopératives de production ou l'inutilité sociale du parti unique [49]. Certes, ces mêmes auteurs contribuent [14] à une économie politique (néo-marxiste) en bonne et due forme du Zimbabwe [50]. Mais il y a toujours place pour une économie politique de ce genre, si Von en juge par l'ignorance des responsables de l'État quant à la vulnérabilité et à l'état réel de l'économie de leur pays [51].

Le recours aux classes, aux réseaux, aux pratiques, aux conflits, aux marchand(age)s pour traduire l'État et ses politiques n'épuise pas, loin s'en faut, le contenu des langages, des symbolisations, des énonciations. L'expression politique garde encore ses privilèges comme en témoigne la vie politique togolaise « entendue » par CM. Toulabor [52]. La dissolution corrosive des langages politiques s'oppose, semble-t-il, à la sociologie plus prosaïque des acteurs en cause : élites, étudiants, ouvriers, etc. Faut-il alors s'inquiéter des disjonctions trop fortes qui s'établissent entre analystes des pratiques sociales et analystes des pratiques culturelles [53] ? S'agirait-il là d'un effet en dernière instance du pouvoir politique qui ne peut survivre que par la fascination qu'il exerce ? Fascination bavarde ou silencieuse, alors que perdure le cynisme ordinaire des mécanismes bien mesquins et domestiques de l'accumulation et de l'appropriation.

Dans le recueil dirigé par P. Chabal, le maître mot de la majorité des contributeurs est celui de accountability (responsabilité) de l'État vis-à-vis des acteurs politiques. Nous ne discuterons pas du bien fondé ou non de cette intrusion de la philosophie de l'histoire et de la politique. Mais le retour à l'essence du politique, cette volonté d'une tabula rasa des études africaines (car on examine aussi et à juste titre dans cet ouvrage la responsabilité des africanistes) [54] me laissent songeur après les errances « libérales-libertaires » de mes analystes de l'économie politique. Nous étions en effet partis d'une économie politique de la crise africaine. Cette crise interdirait l'apparition d'un État favorable au développement (capitaliste). L'État africain en quelque sorte n'assumerait pas ses responsabilités historiques. Pourtant les prérogatives de cet État semblent bien être utilisées et destinées à des fins de reproduction sociale.

Alors que demander de plus ? Et surtout à qui ?

J. C.


Dossier thématique établi par Jean Copans, CREDU

(Centre de recherche, d'échanges et de documentation universitaire, Nairobi)



[1] J. Giri, L'Afrique en panne, Paris, Kanhala, 1986 ; G. Hyden, « La crise africaine et la paysannerie non capturée », Politique africaine, 18, juin 1985, pp. 93-113 ; Y.-A. Fauré et J.-F. Médard (sous la direction de), État et bourgeoisie en Côte-d'Ivoire, Paris, Karthala, 1982.

[2] Voir, par exemple, le « Kenya Debate ». Pour un résumé en français, J. Copans, « Le débat sur l'expérience kenyane », Le Monde diplomatique, nov. 1981, pp. 19-20.

[3] Proletarians and African Capitalism : the Kenyan Case, 1960-1972, Cambridge, Cambridge University Press, 1975 ; R. Sandbrook and R. Cohen (eds.), The Development of an African Working Class : Studies in Class Formation and Action, Toronto, University of Toronto Press, 1976 ; The Politics of Basic Needs, Urban-Aspects of Assaulting Poverty in Africa, London, Heinemann, 1982.

[4] Voir, entre autres, R. Bates, Markets and States in Tropical Africa : the Political Basis of Agricultural Policies, Berkeley, University of California Press, 1980 ; R. Bates, Essays on the Political Economy of Rural Africa, Cambridge, Cambridge University Press, 1983 ; K. Hart, The Political Economy of West African Agriculture, Cambridge, Cambridge University Press, 1982 ; G. Hyden, No Shortcuts to Progress : African Development Management in Perspective, London, Heinemann, 1983.

[5] Avec J. Barker, Cambridge, Cambridge University Press, 1985.

[6] R. Bates, « Political Economy of Maize Crisis in Kenya », Kenya 1986, Washington, SAÏS, 11-12 april 1986, 131p. ; K. Good, « Systematic Agricultural Mismanagement : the 1985 « Bumper » Harvest in Zambia », The Journal of Modern African Studies, 24, 1, 1986, pp. 257-284.

[7] Cf. P. Geschière, « La paysannerie africaine est-elle capturée t » Politique africaine, 14, juin 1984, pp. 13-33 ; le compte rendu de « No Shortcuts to Progress » par M. Mamdani et la réponse de G. Hyden in, Social Science Research Review, vol. 1, 1, janvier 1985, pp. 79-99 ; le débat dans le Bulletin de liaison du CREDU, 15 septembre 1985, pp. 53-71 ; J. Copans, « The New Old Questions about State, Markets and Peasants », 9th SAUCC, 2-5 juin 1986, Dar es-Salaam, dactyl.

[8] Voir la critique de ce type de raisonnement par S. Berry, « The Food Crisis and Agrarian Change in Africa : a Review Essay », The African Studies Review, vol. 27, 2, June 1984, pp. 59-112.

[9] Dans son dernier livre, R. Sandbrook écrit par exemple à la page 128, « les gouvernements (africains) devraient (...), devraient (...), pourraient essayer (...) ».

[10] Voir, par exemple, les travaux de Ph. Curtin, I. Wilks, J. Vansina, E. Terray.

[11] Voir les synthèses de W. Freund, The Making of Contemporary Africa : the Development of African Society since 1800, Bloomington, Indiana University Press, 1984 ; et C. Coquery-Vidrovitch, Afrique noire : permanences et ruptures, Paris, Fayot, 1985, 441 p.

[12] Voir notre analyse du marxisme « africaniste » et africain, « The Marxist Conception of Class : Political and Theoretical Elaboration in the African and Africanist Context », ROAPE, 32, 1985, pp. 25-38.

[13] Voir l'exercice de B. Beckman qui raisonne selon cette alternative dans « Neo-colonialism, Capitalism and the State in Nigeria », in H. Bernstein and B. Campbell (eds.), Contradictions of Accumulation in Africa, Beverly Hills, Sage, 1985, pp. 71-113.

[14] Un excellent exemple du dévoilement de l'inconscient politique nous est fourni par l'analyse de G. Kitching du débat kenyan, dans « Politics, Method and Evidence in the "Kenya Debate" », in H. Bernstein and B. Campbell (eds.), op. cit., pp. 115-151.

[15] Politics in Sub-Saharan Africa, J. Currey, 1985.

[16] Op. cit., p. 14.

[17] Id., p. 92.

[18] A. Touré, « Paysans et fonctionnaires devant la culture et l'État », in Y.-A. Fauré et J.-F. Médard (eds.), op. cit., pp. 231-251.

[19] « Derrière la contradiction, l'État. Discours et pratique de l'aménagement du territoire en Côte-d'Ivoire », Politique africaine, 21, mars 1986, pp. 77-89.

[20] T. Lodge, Black Politics in South Africa since 1945, Longman, 1983, chapitre II, « Resistance in the Country-Side », pp. 261-294, ainsi que le n° 29 de Review of African Political Economy, 1984.

[21] Voir les travaux de C. Geffray, notamment C. Geffray, M. Pedersen, « Sur la guerre dans la province de Nampula. Éléments d'analyse et hypothèses sur ses déterminations et ses conséquences socio-économiques locales », Bulletin de liaison du département H, « Formes du politique », ORSTOM, 1987.

[22] Voir les articles sur ce thème dans Politique africaine, nos 11, 14, 22.

[23] Op. cit., p. 156, et tout le dernier chapitre, « Survival Strategies », pp. 145-157.

[24] J. Copans et R. Buijtenhuijs, « Le mouvement social en Afrique : un mouvement perpétuel », Politique africaine, 8, déc. 1982, pp. 3-7.

[25] Op. cit., p. 148.

[26] Largement inspirées de notre communication au 9e congrès de SAUCC (voir note 7), ces considérations ont servi à poursuivre une discussion des plus amicales engagée depuis 1984 avec R. Sandbrook. Les avatars de ce numéro m'ont conduit à mettre ces remarques en introduction et à placer la réponse de R. Sandbrook à la fin de son article. Ce dernier recommande la lecture d'une autre version révisée du texte qu'on peut lire ici, « The State and Economic Stagnation in Tropical Africa », World Development, vol. 14, 3, 1986, pp. 314-332.

[27] Il s'agissait pour partie des recherches suscitées à partir de 1983 dans le cadre de l'ATP du CNRS, « Politiques et stratégies de développement dans le Tiers-Monde ».

[28] Nous avons pu regretter à Politique africaine le silence (volontaire ou involontaire) de quelques récentes célébrations des sciences sociales françaises à l'égard de ce domaine de recherche. Que ce soit le fameux rapport de M. Godelier, Les Sciences de l'homme et de la société (1982), le numéro 200 du Magazine littéraire intitulé « Sciences humaines : la Crise » (1983) ou le tout dernier État des sciences sociales en France (La Découverte, 1986), l'analyse des politiques « autres » est totalement oubliée. La revue Esprit dans sa livraison sur « La Passion des idées » (n° 8-9, 1986) évoque enfin « La science politique et l'axe Nord-Sud » (pp. 91-92).

[29] Reflections on the Limits of Power, Cambridge, Cambridge University Press, 1986, 211 p. Notons que le texte de John Lonsdale, « Political Accountability in African Histoiy » (pp. 126-157), a été publié en feuilleton dans The Standard de Nairobi (26 janvier-1er février 1987) !

[30] Voir les discussions sur la notion de démocratie à partir de l'article de R. Sklar, « Democracy in Africa », in P. Chabal, op. cit., pp. 17-29.

[31] C'est-à-dire les stratégies de conservation et de reproduction des positions acquises.

[32] Voir A Letter to my Superiors, P.O. Box 280, Dar es-Salaam, Tanzanie. Neuf numéros parus à ce jour. Le sous-titre de la dernière lettre est très évocateur « The Liberalisation Debate : Miradi na mipango. Projects + "Combinazione" ».

Lire aussi, « Un réexamen de la petite production marchande » (sous la direction de J. Barker et G. Smith), Travail, capital et société, vol. 19, 1, 1986.

[33] Voir les nos 34, « Market Forces » (Dec. 1985), 35, « The Struggle for Spoils » (May 1986) et 37, « Oil, Debts and Democracy in Nigeria » (Dec. 1986).

[34] Voir la conclusion de « Marketing without Marketing Boards : the Origins of State Marketing Boards in Nigeria », ROAPE, n° 34, pp. 4-15. G. Williams écrit notamment : « Contre des institutions aussi corrompues et de telles pratiques monopolistiques, les socialistes devraient défendre la liberté du commerce » (p. 13). Lire par ailleurs l'excellente note de P. Dutkiewicz et R. Shenton, « Crisis in Africa : Increasing Role of the State, Diminishing Prospects for Reproduction », ROAPE, n° 37, pp. 108-115.

[35] « Le climatiseur et la véranda », in Afrique plurielle, Afrique actuelle, Hommage à G. Balandier, Paris, Karthala, 1986,  pp. 37-44. L'auteur précise que « ... les deux dispositifs instaurent une hiérarchie dans la société, mais de part et d'autre, c'est la même élite qui occupe le sommet de l'échelle » (p. 43).

[36] Les africanistes ont souvent regretté l'aspect sommaire des réflexions de F. Braudel sur les formes africaines de ces réalités historiques.

[37] S. Berry, Fathers Work for their Sons : Accumulation, Mobility and Class Formation in an Extended Yoruba Community, Berkeley, University of California Press, 1984.

[38] A. Morice, Les Forgerons de Kaolack : travail non salarié et déploiement d'une caste au Sénégal, Doctorat de 3e cycle, 1982, EHESS, Paris ; E. Grégoire, Les Alhazi de Maradi (Niger) : histoire d'un groupe de riches marchands sahéliens, Paris, Ed. de l'ORS-TOM, 1986.

[39] Voir les travaux de J.-L. Amselle sur les commerçants du Mali, et de P. Labazée sur ceux du Burkina-Faso.

[40] Voir mes articles, « Remarques sur la nature du salariat en Afrique noire » ; et « Des modes domestiques aux modes salariés : cycle de prolétarisation et proto-prolétarisation féminine. Réflexions à partir d'exemples africains », Cahiers ORSTOM (série Sciences humaines), 1987, (sous presse).

[41] M. Agier, J. Copans, A. Morice (sous la direction de), Classes ouvrières d'Afrique noire, Paris, Karthala, 1987.

[42] M. Burawoy, The Politics of Production, Factory Regimes under Capitalism and Socialism, London, Verso, 1985. Lire l'analyse de C. Casassus Montera, « La sociologie de Michael Burawoy : contrôle et consensus dans l'industrie », Sociologie du Travail, 1986, 2, pp. 202-208.

[43] Voir notamment J. Crisp, The Story of an African Working Class — Ghanaian miners' struggles - 1870-1980. London, Zed Books, 1984 ; D. Fashole Luke, Labour and Aarastatal Politics in Sierra Leone : A Study of African Working Class Ambivalence, New-York, University Press of America, 1984 ; et I.G. Shivji, Lavi, State and the Working Class in Tanzania, 1920-1964, London, J. Currey, 1986.

[44] On pourra néanmoins lire avec profit les réflexions plus orthodoxes de IX. Markovitz, « Continuities in the Study of the Organizational Bourgeoisie », ASA meeting, nov. 1986, 28 p., et l'introduction de S. Amin, « L'État et la question du développement » à P. Anyang Nyong'o (éd.), The Struggle for Democracy in Africa : the State and Popular Alliances, London, Zed Press, 1987.

[45] Ces illusions sont également mises à mal dans l'ouvrage de D. Martin, De la polyphonie politique — Structuration sociale, communication politique et innovation. Tanzanie 1981-1985, Paris, Presses de la FNSP, 1987.

[46] Voir les écrits de L. Cliffe, I. Shivji, M. Von Freyhold, C. Pratt, etc. Ce débat a connu plusieurs périodes depuis 20 ans, mais les règles restent les mêmes, bien que l'état d'esprit ait changé.

[47] Voir aussi la thèse de J. Hartmann, Development Policy-Making in Tanzania 1962-1982 : a Critique of Sociological Interpretations, University of Hull, 1983. On lira avec profit l'analyse de H. Campbell consacrée à l'économie politique tanzanienne, « The Tea-ching and Research of Political Economy in Africa with Special Reference to East Africa », Workshop on the discipline of political science and public administration (OSSEREA), April 1985, Nairobi, 35 p.

[48] Voir la conférence qui s'est tenue à Arusha du 16 au 19 décembre 1986 sur les 20 ans de la Déclaration. Voir aussi le n° spécial du Daily News du 5 février 1987 sur les dix ans du CCM et les vingt ans de la Déclaration.

[49] Voir C. Mumbengewi, « Agricultural Producer Cooperatives in Zimbabwe : some Problems and Prospects for Socialist Agricultural Development », 9th SAUCC, 2-5 June 1986, Dar es-Salaam, 30 p. ; et M. Sithole, « The One-Party or Multi-Party State : the Case of Zimbabwe », AAPS-DVPW Joint symposium on « Democracy and the One-Party State in Africa », Schmitten/ts, (oct. 1986).

[50] Zimbabwe, The Political Economy of Transition, 1980-1986, edited by I. Mandaza, Dakar, Codesria, 1986.

[51] Voir l'analyse de Africa Confidential, « Zimbabwe : Facing Sanctions », vol. 27, 25 (déc. 1986), pp. 6-7.

[52] Le Togo sous Eyadéma, Paris, Karthala, 1986, 332 p.

[53] Faut-il se remémorer l'ancien débat bien fumeux par moments entre les tenants de l'anthropologie sociale et ceux de l'anthropologie culturelle ?

[54] Voir notamment l'article de M. Staniland, « Democracy and Ethnocentrism », op. cit., pp. 52-70.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 17 février 2021 8:33
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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