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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

La morbidité des populations régionales et ses déterminants sociaux. Étude d'un fait social (mai 1999)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Charles CÔTÉ et Daniel Larouche, La morbidité des populations régionales et ses déterminants sociaux. Étude d'un fait social (mai 1999). Chicoutimi: la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Saguenay-Lac-Saint-Jean, mai 1999, 194 pages. Texte reproduit intégralement avec l'autorisation de la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Saguenay-Lac-Saint-Jean. [Autorisation accordée par Charles Côté de diffuser tous leurs travaux en 2002.
Introduction

Dans les travaux qu’elle mène depuis 1990 sur la mesure du besoin des populations, la Régie du Saguenay-Lac-Saint-Jean a démontré que le manque relatif d’emplois au sein des populations locales et régionales agit sur un ensemble de phénomènes mesurables affectant ces populations. 
Leur bilan démographique et leur structure d’âge.
Leur niveau de pauvreté.
Leurs caractéristiques sociales : niveau de scolarité, qualité de logement, etc. 

Ces travaux ont aussi démontré le caractère chronique des écarts existant entre les régions tant au plan du manque relatif d’emploi que des phénomènes mesurés. Les impacts récurrents du mode d’allocation et des écarts de répartition des dépenses publiques - en particulier celles du secteur de la santé qui s’avère le principal poste de dépenses - ont été décrits et expliqués eu égard : 

Au maintien des écarts interrégionaux de disponibilité d’emploi et des phénomènes sociaux en découlant. 

Aux effets mesurables des disparités de ressources sur l’inaccès géographique des populations aux services et sur les flux de clientèles déterminés par ces écarts. 

Le tableau synoptique présenté à l’annexe 5 résume les faits démontrables et démontrés au fil des ans, à partir des données officielles publiées et vérifiables. 

Dans l’optique des discussions entretenues jusqu’à 1995 sur le sujet, il apparaissait clair pour la Régie-02 que l’ensemble des faits démontrés qualifiait carrément le besoin des populations régionales, le besoin étant par définition ce qui est nécessaire à l’existence [des populations] et qui s’obtient par de l’argent (Le Petit Robert). À cet égard, une démarche d’analyse - commandée par le MSSS - à un groupe d’experts internationaux présidé par M. André-Pierre Contandriopoulos sur les méthodes du ministère et les propositions de la Régie-02 en matière d’allocation de ressources aboutissait à un résultat éloquent. Les conclusions du groupe d’experts affirmaient, d’une part, la nécessité en cette matière de choisir des critères suffisamment transparents pour être expliqués et compris, commentaire qui visait probablement les propositions ministérielles d’alors[1]. L’autre conclusion des experts, concernant l’approche soumise par la Régie-02, laissait sur le questionnement fondamental suivant. 

Extrait du rapport du Comité [d’experts internationaux] sur l’allocation interrégionale des ressources, Québec, 7 décembre 1995, p. 12. 

« 2.6 Une répartition équitable des ressources sans objectif de soutien au développement social des régions 

Il est clair que la méthode de répartition des ressources développée par le Ministère ne vise pas à soutenir ou à faciliter le développement socio-économique des régions. Devrait-elle le faire? La question a été soulevée lors des trois (3) premières journées de séminaire du comité sans qu’on n’y apporte de réponse. Nous nous limiterons donc, ici, à replacer les termes de ce débat. 

Quel rôle doivent jouer les investissements collectifs, notamment ceux faits dans le système de soins, pour éviter l’appauvrissement et la désintégration des localités? En maintenant un certain niveau d’investissements collectifs, peut-on ralentir ou renverser le processus de désintégration des localités? Y a-t-il un seuil à partir duquel les effets redistributifs auraient un impact sur la dynamique socio-économique des communautés? Le développement socio-économique d’une région peut-il et doit-il reposer principalement ou en partie sur des emplois dans le secteur public? Comment peut-on s’assurer que de tels investissements jouent véritablement un rôle dans la dynamique socio-économique des régions? 

Les membres du comité n’ont pas de réponse à apporter à ces questions. Mais ils sont convaincus qu’il ne faut pas pour autant les repousser du revers de la main, spécialement dans le contexte actuel de reconfiguration du réseau. Cette reconfiguration va entraîner des fermetures d’établissements et des pertes d’emplois qui, autant au centre-ville de Montréal que dans les localités rurales, risquent de provoquer des cycles accélérés de désintégration sociale. Que fait-on face à ces problèmes? Comment peut-on aider ces communautés? Ce sont là des questions auxquelles collectivement nous nous devons de trouver des réponses. »

À l’évidence, les besoins de populations considérés sous leurs manifestations économiques (la pauvreté) et démographiques (les pertes démographiques) leur étaient évidents. Ce qui posait problème à leur yeux était l’absence de correspondance entre ces manifestations du besoin des populations et la nécessité de faire servir l’argent public de la santé aux services voués aux personnes malades. L’ouvrage, présenté ici part de ce questionnement et livre les résultats obtenus depuis lors sur le rapport existant ou non, entre le critère d’allocation proposé par la Régie-02, l’utilisation de service et la morbidité des populations régionales. 

Au cours des discussions intervenues en 1995 sur les critères ministériels de répartition du financement de la santé, la Régie-02 a démontré que les critères alors mis de l’avant par le MSSS équivalaient, pour l’essentiel, à allouer le financement régional sur la simple proportion de 65 ans et plus de chaque population régionale. 

De ces échanges, deux autres faits ressortaient qui ont servi de point de départ aux travaux et aux résultats présentés ici. D’une part, les professionnels du MSSS ont alors admis qu’aucune vérification scientifique du lien entre le besoin et le recours aux services des populations régionales n’avait été réalisée[2]. La réalité on l’a pas regardée fut-il affirmé sans détour. D’autre part, les interlocuteurs du comité MSSS-Régie d’alors nous invitaient, dans la finalisation des travaux menés par notre régie, à vérifier s’il existait un lien entre le manque d’emploi au sein des populations et le niveau de recours aux services de celles-ci. En effet, comment pouvait-on accréditer un « indicateur de besoin » qui ne sache pas être aussi un indicateur du besoin en services? 

La publication qui suit fait donc un état fidèle des travaux qui ont été réalisés depuis lors pour vérifier quels indicateurs rendent mieux compte de la propension des populations régionales à utiliser les services lourds de santé, après s’être préalablement assuré de la consistance des faits de recours aux services. Partant des meilleurs indicateurs identifiés, l’effort consiste ensuite à comprendre et à expliquer les présomptions de causalité entre certains indicateurs, le recours aux services et la mesure du besoin des populations. La démarche a finalement consisté à vérifier aux plans théorique, méthodologique et factuel la cohérence du modèle explicatif élaboré. 

L’élaboration de cet ouvrage 

La réalisation de cette étude repose entièrement sur la disponibilité et le traitement de banques de données exceptionnelles dont dispose le Québec (Med-Écho) et le Canada (recensements) de même que sur l’exploitation des systèmes d’information conçus à partir de celles-ci. Notre démarche s’appuie aussi sur l’apport compréhensif et explicatif de plusieurs disciplines scientifiques dont certaines paraissent, a priori, disjointes quant à leur objet propre : notamment la génétique, la biologie, la médecine de santé publique, la psychiatrie, la psychologie, diverses disciplines des sciences sociales, la démographie, et enfin l’écologie. Par ailleurs, la connaissance empirique des régions du Québec, et de leur évolution s’avère un atout si non indispensable, tout au moins fort utile pour juger du caractère plausible ou non de certains résultats et hypothèses. 

Les activités d’études et de validation menées pendant deux (2) ans ont été réalisées selon la séquence suivante. 

À partir des données contenues dans les banques de données fiables du MSSS et dans les limites des objets étudiés, nous avons d’abord établi la description exhaustive des faits de la réalité afférents à notre régime de santé et démontré leur généralité, dans le temps et dans l’espace. Nous avons ensuite dégagé de cet ensemble de faits, ceux qui suscitent des pistes pouvant mener à des hypothèses explicatives sur ce qui se vérifie dans la réalité. 

Secondement, nous avons procédé à la validation de chaque hypothèse auprès de scientifiques reconnus, faisant autorité dans chacun des champs disciplinaires impliqués[3]. Les scientifiques ont été rencontrés individuellement d’abord sur la base d’une présentation formelle assortie d’un questionnement identique soumis à chacun. Ont ensuite été tenues des plénières où les représentants des champs disciplinaires rencontrés individuellement étaient invités à se prononcer sur un modèle explicatif théorique corroboré par la description des faits de la réalité et par les connaissances en rendant compte dans leurs champs disciplinaire propres. Enfin, plusieurs séminaires publics ont soumis le modèle théorique à l’examen de représentants des disciplines énoncées et d’autres domaines provenant du milieu scientifique et du réseau. 

En troisième lieu, nous avons procédé à la validation mathématique de la théorie explicative en utilisant les méthodes pertinentes pour tester la validité de théories explicatives. Ce résultat a été également validé avec le concours d’un mathématicien faisant autorité dans sa discipline. 

Nous avons enfin recherché, dans la littérature scientifique, les travaux utiles en regard de la validité et de l’interprétation des faits déjà vérifiés et démontrés dans le cadre de nos travaux. 

Cette étude privilégie donc une approche basée sur les faits qui se vérifient dans la réalité et sur leur validité, avant que de s’autoriser d’une recension des discours véhiculés dans la littérature du domaine. Et lorsque les faits ne se trouvaient pas corroborés par le discours véhiculé dans la littérature, nous avons opté pour la réalité observée et vérifiée plutôt que pour l’érudition. 

Des constats qui interpellent sur le régime de santé du Québec 

La plupart des faits bruts qu’interrogent cet ouvrage, ne sont pas même rapportés dans la littérature québécoise contemporaine. Ce constat pourrait découler des particularités de notre régime de santé, ou encore du peu d’intérêt de la plupart des chercheurs et planificateurs institutionnels pour le traitement scientifique des immenses banques de données disponibles et accessibles, en lien avec les objets étudiés. Le Québec dispose, à cet égard, de banques de données, à la fois, pertinentes, diachroniques, exhaustives et probablement uniques dont le traitement donne accès aux faits bruts mis ici en évidence. Ces bases permettent ensuite de rechercher et de tester les explications convenant à la nature des faits, sous l’éclairage des théories scientifiques et par l’utilisation des méthodes appropriées. 

Voici trois (3) échantillons des réalités mises en évidence dans cet ouvrage, des questionnements qu’elles suscitent, et dont les réponses sont, sauf erreur, produites ici. 

Au Québec, à l’échelle des régions, il existe une relation systématiquement nulle entre le niveau de consommation de services et l’espérance de vie à la naissance des populations régionales. Or, cette réalité s’explique elle-même par une relation presque aussi inexistante entre l’espérance de vie et le niveau de morbidité des populations. Dans ce contexte, laquelle des deux (2) est la véritable mesure de l’état de santé des populations, l’espérance de vie ou le niveau de morbidité, et pourquoi? Question énorme, sachant que, contrairement à l’espérance de vie, seule la morbidité engage annuellement des milliards de dollars en coûts de système servant à la dispensation de services aux malades. 

On observe l’existence d’une corrélation systématique, s’élevant au-delà de 90 %, entre le niveau de morbidité des populations régionales et leur niveau de non-emploi. S’agit-il d’un simple rapport associatif ou, au contraire, d’une mesure exacte du rapport de causalité existant entre le niveau de non-emploi des populations et leur niveau de morbidité? 

Deux (2) facteurs sociaux suffisent pour expliquer 90 % de la variance du niveau de consommation de services des populations régionales en santé physique : leur niveau de non-emploi et leur structure d’âge[4]. Dans ce contexte, de quoi parle-t-on au juste lorsqu’on utilise les expressions « besoins des populations » et « état de santé des populations »? De la simple juxtaposition sur de grands ensembles de la somme des états de santé individuels? Ou d’une réalité débordant les limites implicites décrites par des catégories budgétaires et sectorielles; d’une réalité où la morbidité et la consommation de services de santé ressortiraient avec certaines autres manifestations structurées d’un déterminant commun? 

Les enjeux liés à cet ouvrage et qui engagent le cours des événements 

Nous sommes conscients des enjeux scientifiques qui se profilent à travers les résultats contenus dans cet ouvrage. En même temps, et malheureusement, nous avons trop souvent été témoins de l’utilisation d’arguments pseudo-scientifiques tantôt pour disposer sans autre forme de procès de résultats scientifiques incontournables, tantôt pour cautionner une décision, tantôt pour couvrir l’inertie administrative ou l’indécision politique. Conscients de telles embûches, nous avons pris toutes les précautions qui nous semblaient appropriées et réalisables pour éviter les biais scientifiques susceptibles d’entacher soit les résultats, soit leur interprétation. Précaution supplémentaire : nos résultats ont été confrontés au jugement de nombreux experts provenant des disciplines pertinentes aux contenus traités. 

Par contre, nous sommes aussi conscients des enjeux politiques que soulèvent nos résultats : ces enjeux nous apparaissent infiniment plus considérables et conséquents que les enjeux proprement scientifiques. Sans que toutes les dimensions de la réalité ne soient véritablement apparentes, ce qui est rendu visible à travers la dimension sanitaire, c’est le destin de populations entières qui est traité ici. La dimension sanitaire n’étant que le reflet de ce qui se passe à d’autres niveaux; démographique, socio-économique, etc. À cet égard, notre seule préoccupation a été de savoir si les faits et leur signification sont objectivement vrais ou objectivement faux. Certaines conséquences administratives et politiques découlant du fait qu’on donne suite ou non ont été traitées à la toute fin de l’ouvrage : notamment l’impact de la réforme de la santé sur le niveau de besoin des populations et sur le processus de vieillissement des clientèles. 

Il faut être conscient des conséquences s’il fallait que des arguments non scientifiques ou fondés sur les impressions du moment, servent de caution à des décisions ayant pour résultat objectif d’accroître des misères sans espoir assorties de morts sélectives selon la population d’appartenance. 

La composition de l’ouvrage 

Cet ouvrage comprend deux parties. La première traite des sujets qui intéressent la recherche scientifique proprement dite portant sur le niveau de besoin des populations en santé. On y relate les événements, les hypothèses, les vérifications théoriques, les démonstrations fondées sur les faits et les constats jalonnant la production des résultats de la recherche qui fut entreprise et réalisée pour donner suite à l’interrogation du comité d’experts rencontré en 1995. 

Cette première partie est subdivisée en trois chapitres : traitant tour à tour de la validation d’indicateurs du niveau de consommation de services des populations régionales; de l’élaboration d’un modèle explicatif de leur niveau de consommation; et enfin de la validation statistique de ce modèle explicatif. Ce modèle permet d’isoler les diverses composantes de la consommation et de distinguer, pour chaque région, la contribution des facteurs tels les déterminants sociaux de la santé des populations, leur structure d’âge, leur niveau de morbidité, de même que la « performance » des diverses instances impliquées dans la production des services. 

La seconde partie de l’ouvrage traite de la comparaison entre ces résultats et le discours qui se tient dans la littérature du domaine. On y retrouve la comparaison entre ceux-ci et les propositions universellement admises et faisant consensus en épidémiologie, chez les praticiens du domaine, et même dans l’opinion publique. Notamment sur le rapport entre les facteurs sociaux et la morbidité; sur les véritables déterminants de la maladie qui mettent en cause la pauvreté des populations auxquelles les gens appartiennent respectivement; sur le pont qui fait le lien entre les facteurs sociaux et les facteurs biologiques via les « déclencheurs des maladies multifactorielles », sur la morbidité considérée comme un tout, indépendamment des causes organiques. 

Cette seconde partie traite également de la littérature académique québécoise portant sur le sujet. On y constate que celle-ci évolue à contresens du discours universellement admis ailleurs qu’au Québec; un discours qui s’appuie sur de faux postulats, contredits comme tels tant par le discours qui se tient dans la communauté scientifique internationale, que par les faits qui se vérifient dans la réalité québécoise elle-même. Cette seconde partie traite enfin des conséquences en découlant au plan décisionnel, et qui ont été constatés dans le prolongement de la réforme du réseau de service actuellement en cours; en particulier l’accélération du vieillissement des clientèles en milieu hospitalier. 


[1]   L’annexe 7 présente, de façon synthétique, les paramètres alors mis de l’avant par le MSSS pour la répartition interrégionale des ressources du secteur de la santé.

[2]   Réunion du Comité MSSS-Régies sur l’allocation des ressources, le 15 décembre 1995. Voir l’extrait en annexe 6.

[3]   On trouvera, en annexe 4, une liste sommaire des personnes consultées et des séminaires tenus.

[4]   Ces deux (2) critères sont utilisés comme indicateurs fondamentaux dans l’étude de la Standard and Poor’s sur l’avenir économique des vingt-cinq (25) principales agglomérations urbaines du Canada, étude publiée en décembre 1997. La Standard and Poor’s est une des firmes de cotation les plus reconnues dans l’évaluation de la solvabilité économique à long terme des gouvernements.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 25 mars 2006 18:41
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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