RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Les sciences sociales contemporaines »

La pensée économique depuis Keynes. Historique et Dictionnaire des principaux auteurs.
DEUXIÈME PARTIE: DICTIONNAIRE, (1993)
Présentation


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Michel Beaud et Gilles Dostaler, La pensée économique depuis Keynes. Historique et Dictionnaire des principaux auteurs. DEUXIÈME PARTIE: DICTIONNAIRE, pp. 211-605. Paris: Les Éditions du Seuil, septembre 1993, 605 pp. [Autorisation accordée le 26 juin 2003 par M. Gilles Dostaler de diffuser ses publications en libre accès dans Les Classiques des sciences sociales.]

[11]

La pensée économique depuis Keynes.
Historique et Dictionnaire des principaux auteurs.

Présentation

Cet ouvrage porte sur la pensée économique depuis la Théorie générale de Keynes. Il s'adresse à tous ceux qui cherchent à se retrouver dans le foisonnement de la pensée économique contemporaine. Il vise particulièrement les étudiants et les enseignants en économie et en sciences sociales, mais aussi les économistes spécialisés, qui, surtout familiers avec les auteurs et les débats liés à leur domaine, trouveront ici un instrument de travail et de référence pour les autres champs de recherche.

Presque toutes les histoires de la pensée économique s'arrêtent à Keynes ou à la révolution keynésienne. Elles consacrent tout au plus un chapitre, une conclusion ou une postface aux développements ultérieurs. Or, depuis la Théorie générale, un demi-siècle s'est écoulé, riche de développements et de débats, avec des transformations marquées du paysage de la pensée économique : d'abord, sur fond d'interventionnisme, l'affirmation et la diffusion du keynésianisme, puis, après une manière d'apothéose, un reflux, correspondant à la montée du libéralisme et de nouveaux courants de pensée. On assiste aussi, tout au long de cette période, à une formalisation et une mathématisation croissantes de la théorie économique.

Pendant ces cinquante-six années, la production de livres et d'articles en économie est considérablement plus abondante que ce qui avait été publié des origines de la pensée économique à la parution du livre de John Maynard Keynes [1]. Les anciens courants et écoles de pensée se sont renouvelés, de nouveaux sont apparus, tandis que s'opéraient regroupements, fusions ou scissions. Les domaines de spécialisation — élaborations et approfondissements théoriques ou applications à des [12] champs particuliers — se sont multipliés. Avec le mouvement de formalisation et de mathématisation, la nature même de la littérature théorique s'est transformée.

Ainsi, autant il était relativement facile de se retrouver dans la diversité des doctrines et des théories jusqu'à la guerre et même jusqu'à l'immédiat après-guerre, autant, depuis les années soixante, cela devient sans cesse plus difficile. Il existe évidemment de nombreux livres ou articles qui traitent d'un aspect ou l'autre du développement de la pensée économique contemporaine [2]. Il existe aussi, sous diverses formes, des présentations des thèses d'auteurs importants de cette période.

Cet ouvrage vise à rendre compte de l'ensemble des mouvements qui ont marqué l'évolution de la pensée économique depuis la révolution keynésienne. Principalement axé sur ce qui constitue le corpus central de la science économique contemporaine, donc sur les analyses, les thèmes et les débats fondamentaux, il vise à en donner une présentation globale et systématique, avec le triple objectif d'en rendre la matière accessible à un public large, d'offrir aux spécialistes un ensemble d'informations rigoureusement contrôlées et de dégager quelques voies de compréhension.

Parmi les difficultés que suscite un travail de ce type, celle qui a dicté le choix de la forme que nous avons adoptée est la suivante : la période étudiée est caractérisée par la diversité des courants de pensée, mais aussi par des convergences, des recouvrements, des glissements - parfois partiels, parfois temporaires - qui rendent les frontières floues ou mouvantes. En outre, les auteurs évoluent au cours de leurs trente, quarante ou cinquante années d'activité : nombre d'auteurs ont eu des itinéraires singuliers, certains hors de toute école, d'autres avec des cheminements s'étant traduits par plusieurs appartenances successives. Quant à ceux dont les trajectoires individuelles sont restées liées à une école et une seule, étant admis qu'au cours de la période le paysage de la pensée économique a changé, leur place dans le tableau et la manière dont ils sont perçus ont évolué.

Il en est de même en ce qui concerne le clivage, aussi ancien que la pensée économique, entre libéraux et interventionnistes. Il faut se garder ici de tout réductionnisme. D'une part, si beaucoup d'économistes conservent la même position doctrinale tout au long de leur vie, d'autres ont pu changer de camp, soit du libéralisme à l'interventionnisme, tels Hansen ou Robbins, soit à l'inverse, à la manière des ex-jeunes keynésiens [13] se convertissant au libéralisme dans les années quatre-vingt. D'autre part, cette frontière doctrinale traverse bien des regroupements : celui des économistes mathématiciens et formalisateurs comme celui des économistes plus littéraires, et celui des adeptes de la théorie pure comme celui des économistes travaillant sur les réalités plus concrètes.

Bref, pour présenter l'évolution de la pensée économique contemporaine, sont à la fois nécessaires la mise en perspective des courants de pensée, de leur évolution et des débats qui se nouent entre eux et la présentation des auteurs, avec leur spécificité et leur cheminement. C'est pourquoi on trouvera dans ce livre :

  • d'abord un historique, dans lequel sont présentés, en évitant les simplifications, les avancées et les tournants majeurs, les écoles, les courants et les débats situés dans le mouvement d'ensemble, et dans lequel sont mis en scène les auteurs qui ont joué un rôle majeur ou significatif ;

  • ensuite, un dictionnaire des auteurs : cent quarante-cinq auteurs y sont étudiés ; pour chacun, des éléments biographiques, une bibliographie de ses principaux travaux publiés, une analyse de ses contributions à la pensée économique et, finalement, une sélection des études qui lui ont été consacrées, sont successivement présentés ;

  • enfin, après une bibliographie générale, un index permet de retrouver tous les auteurs cités (ceux qui sont retenus dans le dictionnaire, mais aussi ceux qui ne s'y trouvent pas, mais qui sont nommés dans la présentation historique, ainsi que les auteurs des ouvrages et articles cités).


L’historique

Il n'y a pas de lecture du réel, il n'y a pas de recherche, sans grille de lecture. Une des grilles de lecture longtemps prédominante peut être résumée de la manière suivante. Avec la publication de la Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, Keynes a marqué le début d'une mutation majeure de la science et des politiques économiques ; le keynésianisme et l'interventionnisme ont atteint une manière d'apogée dans les années soixante ; mais les premières manifestations et le déploiement de la crise facilitèrent la contre-offensive libérale, qui bénéficia du soutien de justifications théoriques assez disparates.

Cette grille de lecture apparaît quelque peu fruste. D'abord, la Théorie générale inclut des intuitions, des analyses, des interprétations que d'autres auteurs avaient, indépendamment ou non de Keynes, produites [14] dans les années vingt et trente. Cela étant, sous le même nom de keynésianisme, des systèmes d'analyse et de pensée profondément différents, parfois divergents, se sont développés, avec des interférences et parfois des combinaisons très diversifiées impliquant d'autres courants et écoles.

Ensuite, derrière la grande mutation keynésienne, laquelle conserve toute sa portée, il s'en est produit une autre : la mathématisation de l'économie, qui s'est traduite à la fois par le développement des recherches et de la modélisation économétriques et par un renforcement de l'axiomatisation et de la formalisation, y compris en l'absence de tout souci de chiffrage ou de vérification empirique.

Enfin, une bipolarisation, certes ancienne, est devenue majeure : d'un côté, un ensemble voué à l'élaboration théorique, et au sein duquel le pôle de l'équilibre général et les travaux néoclassiques — rationalité substantielle et référence à l'équilibre — occupent une place essentielle ; et de l'autre côté, un ensemble consacré à la compréhension et à l'interprétation des phénomènes et des dynamiques économiques, et qui s'est largement polarisé autour de la vision de Keynes, puis de la macroéconomie à fondements keynésiens.

Notre lecture de l'évolution de la pensée économique contemporaine peut donc être schématisée comme suit. Malgré ses ambiguïtés, l'importance de la Théorie générale est double : comme construction théorique prétendant remplacer l'ancienne approche classique anglaise et comme justification théorique de l'interventionnisme (chapitre 1). Au moins autant que l'œuvre d'un homme et de l'équipe réunie autour de lui, elle est l'expression d'idées et de recherches en cours à l'époque de sa publication, face notamment au contexte de la grande crise (chapitre 2). Elle va très vite se concrétiser par le renouvellement des approches, des outils d'analyse et des politiques économiques : mais là où l'on voit habituellement une victoire du keynésianisme, c'est principalement l'interventionnisme qui triomphe (chapitre 3).

Parallèlement à cette mutation, une autre, peut-être plus fondamentale, se produit avec le développement de l'économétrie et de nouvelles techniques d'analyse mathématique, la mathématisation de l'économie et la reformulation de la théorie de l'équilibre général (chapitre 4). Cette mathématisation contribuera à infléchir et peut-être à changer la nature de la pensée économique. Elle contribuera à ce que la macroéconomie keynésienne soit, dans ce qui fut nommé la synthèse néoclassique, repensée en équilibre, débouchant ainsi sur l'élaboration de grands modèles macroéconomiques, qui, même s'ils se réfèrent à Keynes, ne font plus aucune place à certaines de ses intuitions et hypothèses essentielles (chapitre 5). Elle fera aussi en sorte que les grandes écoles macro-économiques [15] qui débattent, et parfois s'affrontent, dans les années soixante-dix et quatre-vingt, travaillent dans un cadre fondamentalement commun, ce qui à la fois exacerbe les oppositions, mais atténue les différences (chapitre 8).

Dans l'après-guerre, face à la réémergence de la démarche néoclassique et à la prééminence du keynésianisme de la synthèse, on assiste à un regain des hétérodoxies, souvent avec le projet de mieux rendre compte des économies contemporaines, et cela tant dans les traditions post-keynésiennes, néo-ricardiennes, institutionnalistes et marxistes, que du fait d'auteurs s'efforçant d'ouvrir de nouvelles voies (chapitre 6). Mais la crise révèle les limites d'un interventionnisme qui a longtemps été qualifié de keynésien : les traditions libérales resurgissent après une longue traversée du désert. Les critiques de l'État et des politiques économiques actives se multiplient, avec différents supports théoriques parmi lesquels émergent notamment les travaux de M. Friedman et du courant monétariste (chapitre 7) et leur prolongement, la nouvelle macroéconomie classique, laquelle se pose en prétendante à la succession des différentes macroéconomies d'inspiration keynésienne (chapitre 8). Aujourd'hui, alors que l'approche néoclassique s'est à nouveau imposée comme pôle de référence impossible à ignorer en théorie économique, de nouvelles voies sont ouvertes pour échapper à son irréalisme : nouvelles réflexions sur le marché, la firme, l'organisation et la rationalité et nouvelles tentatives pour construire une économie à dimension historique, sociale, voire éthique (chapitre 9).

Le dictionnaire des auteurs

La partie dictionnaire nous a obligés à opérer des choix. Le point de départ de la période étudiée est la publication de la Théorie générale en 1936 [3]. Et comme un recul suffisant est nécessaire, notamment pour tenir compte des appréciations et des réactions de la profession sur les œuvres publiées, nous avons pris en compte les économistes ayant produit l'essentiel de leur œuvre ou publié au moins une œuvre marquante entre 1936 et 1980. C'est ainsi que des économistes ne figurent pas dans la section dictionnaire, alors même que certains de leurs travaux sont mentionnés dans les derniers chapitres de la partie historique.

Il a fallu également opérer des arbitrages dans le cas d'économistes dont le travail s'est déroulé à la fois dans l'entre-deux-guerres et pendant, [16] parfois après, la Seconde Guerre mondiale. Nous avons alors distingué ceux qui avaient produit l'essentiel de leur œuvre avant ou après la date de publication de la Théorie générale. Pour les premiers, nous avons choisi de ne pas les mentionner dans le dictionnaire ; c'est par exemple le cas de Beveridge, Hawtrey, Keynes lui-même, Knight, Lindahl, von Mises, Robertson, Rueff, Schumpeter, Simons ou Viner.

Ensuite, pour les économistes correspondant à la période choisie, nous avons eu à apprécier, parmi plusieurs centaines, lesquels devaient être retenus. Le critère a été d'avoir publié au moins une œuvre marquante entre 1936 et 1980, c'est-à-dire un livre ou un article qui a apporté une contribution majeure à la théorie, à l'analyse ou à un débat significatif, dans le domaine de la pensée économique. C'est dire qu'on pourra ne pas trouver, dans le dictionnaire, des enseignants qui ont joué un rôle majeur dans la formation de générations d'étudiants, des auteurs qui ont essentiellement publié des ouvrages de vulgarisation ayant connu de très grands succès, des hommes politiques et publics ayant contribué et à l'action et à la réflexion économiques.

Enfin, le problème s'est posé pour de grands spécialistes des autres sciences sociales dont la réflexion s'est étendue à l'économie : démographes, sociologues, historiens, anthropologues ou philosophes [4]. Nous avons choisi de ne pas entrouvrir cette porte, craignant de ne plus savoir ensuite quand et où la refermer.

Une part d'arbitraire demeure certainement dans le choix des cent quarante-cinq auteurs, comme dans la longueur des commentaires sur chacun d'eux. Mais cet inconvénient est en partie compensé par le fait que nous avons été amenés à évoquer ou présenter, dans la partie historique, des dizaines d'autres auteurs.

Tel qu'il est, notre choix reflète, dans sa répartition géographique, l'enracinement actuel de la profession. Tour à tour espagnole, italienne, française et anglaise, l'économie politique est en grande partie désormais américaine. Il est donc normal que les économistes américains soient largement représentés dans notre échantillon. On remarquera toutefois que plus du tiers des économistes américains sont d'origine étrangère, en particulier d'Europe de l'Est. Plus largement, beaucoup d'économistes contemporains ont dû fuir le totalitarisme, tant sous la domination de l'Allemagne nazie que sous celle de l'URSS stalinienne, ce qui a entraîné, dans les pays concernés, un appauvrissement de la pensée économique. Après les États-Unis, c'est l'Europe de l'Ouest qui [17] est la mieux représentée, avec en tête la Grande-Bretagne, qui continuait à jouer un rôle dominant au début de la période qui nous occupe. On jugera certainement que nous avons omis, dans différents pays et en particulier dans nos pays d'origine, d'éminents collègues. Cela est inévitable dans ce genre d'entreprise. Il est évident en tout cas que certains pays, certaines régions du monde sont sous-représentés. Quoi qu'il en soit, nous aurons à cœur de parfaire nos choix pour des éditions ultérieures de cet ouvrage : les commentaires de nos lecteurs pourraient nous éclairer utilement.

Questions de méthode

L'histoire de la pensée, dans quelque domaine que ce soit, est une entreprise complexe et semée d'embûches. Convient-il de juger les œuvres passées à l'aune d'une vérité présente ? Faut-il privilégier la cohérence des écoles et des courants de pensée ou celle des œuvres des auteurs ? Devons-nous surtout chercher à comprendre pourquoi tel auteur a produit telle œuvre, en reconstruire la genèse historique, ou devons-nous plutôt en évaluer la cohérence logique et rationnelle ? Cette cohérence doit-elle être jugée en fonction de la vision du monde qui prévalait au moment de sa production ou en fonction de celle qui a cours aujourd'hui ? Cela renvoie d'ailleurs à quelques questions essentielles sur les rapports entre la création individuelle et l'évolution des idées, et entre cette évolution et l'histoire, qui hantent la pensée philosophique depuis ses origines et ne trouveront sans doute jamais de réponses définitives.

Les problèmes sont sans doute aggravés, dans le domaine de la pensée économique, du fait de la nature de son objet. Il est question, en effet, d'argent, de pouvoir, de rapports de force entre des individus et des groupes sociaux. Il est question de rapport entre la théorie et la politique. Il est parfois question de violence et de guerre. Il n'est donc pas étonnant que, depuis son origine, l'économie politique soit le champ de débats intenses, où la discussion rationnelle cède souvent le pas à l'anathème.

Nous ne prétendons évidemment pas avoir surmonté tous ces écueils et avoir échappé aux effets de nos propres positions intellectuelles, mais nous avons cherché à en minimiser l'influence en nous guidant avec certains principes. Nous refusons d'abord de juger la matière que nous avons sous les yeux à l'aune d'une orthodoxie quelconque. Ensuite, nous avons eu recours à une combinaison de l'histoire de la [18] pensée et de l'histoire des idées, dont rend mieux compte l'expression allemande de Geistesgeschichte, littéralement « histoire de l'esprit » [5]. Nous avons en effet cherché à identifier les questions centrales et les cohérences logiques de ce qui a structuré le paysage théorique à travers les différentes phases étudiées.

Pour les auteurs étudiés, nous avons été soucieux à la fois de les saisir dans leur spécificité et de les situer, dans chaque phase principale, par rapport aux lignes de force et aux axes d'évolution de la pensée économique : ce qui nous a conduits à recourir à la méthode de la « reconstruction historique ». Cela nous a amenés à constater combien sont fragiles, incertaines et sujettes à discussion les multiples classifications et taxonomies utilisées dans la période contemporaine ; tant il est, finalement, exceptionnel qu'un auteur s'identifie strictement et d'une manière univoque, à un courant, les fondateurs et chefs d'école, eux-mêmes, étant souvent revendiqués par plusieurs courants.

Questions sémantiques

Une des difficultés que nous avons rencontrées lors de la rédaction de ce livre est d'ordre sémantique. Des mots essentiels pour parler de la pensée économique contemporaine sont employés dans des acceptions très diverses, au point qu'il règne parfois la plus grande confusion dans les discussions.

Il en est ainsi, par exemple, pour l'adjectif keynésien, employé au moins dans trois acceptions profondément différentes. On l'utilise d'abord pour qualifier ce qui concerne l'œuvre et la pensée de Keynes. On l'utilise [19] aussi pour caractériser ce qui se réfère au corpus central de la révolution keynésienne : or l'œuvre de Keynes a fait l'objet de lectures profondément différentes ; la révolution keynésienne recouvre des apports multiples et parfois disparates ; et ces deux réalités sont liées par des rapports complexes et parfois contradictoires. Enfin il est un troisième sens, le plus fréquent sans doute, dans lequel le qualificatif de keynésien est utilisé par les politologues, sociologues et autres analystes autant que par des économistes : il s'agit de tout prolongement ou développement théorique, toute mesure ou politique économique, ayant une relation même très lâche avec tel ou tel apport de Keynes ou de la révolution keynésienne. On se trouve donc à parler d'une réalité multiple et contradictoire avec un mot qui lui-même a des contenus qui peuvent différer.

Les mêmes difficultés surgissent avec l'expression de néoclassique. Pour certains, elle est associée à la révolution marginaliste, perçue par ses auteurs, et notamment Jevons, comme une rupture avec la pensée classique ; mais ce terme a été forgé pour marquer au contraire la continuité entre la pensée classique et la révolution marginaliste ! D'une manière plus générale, la théorie néoclassique est un vaste corpus, assez éclectique, qui contient à la fois la théorie de la détermination des prix par l'interaction de l'offre et de la demande, la théorie quantitative de la monnaie et la loi de Say ; Keynes a attaqué explicitement ces deux derniers éléments, qu'il qualifiait, lui, de « classiques ». On a aussi appelé, à partir des années cinquante, à la suite de Samuelson, « synthèse néoclassique » la conciliation (apparente ou réelle) entre la vision traditionnelle à fondements microéconomiques et la macroéconomie keynésienne. Pour d'autres encore, le mot néoclassique est employé un peu comme un fourre-tout permettant de mettre, en gros, tout ce qui est plus libéral que keynésien, ce qui conduit certains par exemple à situer parmi les néoclassiques un auteur comme Friedrich Hayek qui, pourtant, rejette plusieurs des hypothèses fondamentales de la pensée néoclassique. Chez d'autres, au contraire, préoccupés de méthodologie, le terme de néoclassique renvoie à quelques hypothèses telles que la rationalité des agents et l'équilibre sur les marchés. En ce sens, le modèle d'équilibre général de Walras, perfectionné par Arrow et Debreu, constituerait la quintessence de l'approche néoclassique ; mais Walras, pas plus au demeurant qu'Arrow ou Debreu, n'a jamais prétendu en tirer de conclusion politique justifiant plutôt le libéralisme que l'interventionnisme.

Nous aurons, dans le texte qui suit, à tenir compte de l'usage que les auteurs que nous étudions font de ces différents mots ainsi que de la manière dont ils se qualifient eux-mêmes ou dont ils sont désignés par leurs pairs, leurs critiques ou les historiens de la pensée.

[20]

Mais on peut difficilement faire un travail sérieux dans une telle confusion sémantique. C'est pourquoi, pour les plus importantes de ces expressions, nous chercherons d'une part à en préciser le sens et d'autre part à distinguer chaque fois que possible le type d'emploi que nous en ferons : dans le sens courant, dans le sens où des auteurs dont nous parlons l'ont utilisée ou dans le sens précis que nous aurons défini.

Les bibliographies

Les renseignements bibliographiques constituent évidemment un élément essentiel de cet ouvrage. Nous avons en effet voulu en faire un instrument de travail utile. Nous avons donc cherché à être à la fois cohérent, clair et le plus complet possible, sans pour autant viser à une impossible exhaustivité.

On trouvera évidemment, à la fin de l'ouvrage, une bibliographie générale des principaux ouvrages de référence, dictionnaires, encyclopédies, manuels, monographies et importants numéros de revues consacrés à la période étudiée, dans son ensemble ou sur tel ou tel aspect majeur.

On trouvera aussi, pour chaque auteur traité dans la partie dictionnaire, d'une part une sélection bibliographique de ses principaux ouvrages et articles [6], et d'autre part, un choix de publications le concernant. Parmi ces dernières, certaines sont données avec références complètes, et d'autres sous forme d'une abréviation renvoyant à un ouvrage de référence mentionné à la bibliographie finale. Lorsque l'auteur a publié un texte autobiographique, nous le mentionnons de nouveau dans cette section, sous forme de référence abrégée. Dans le cas où l'auteur traité a reçu le prix de sciences économiques en mémoire de Nobel, nous commençons par mentionner le numéro du Swedish [devenu Scandinavian] Journal of Economics où l'on trouve la proclamation du jury, un ou des articles le concernant et une bibliographie.

D'autres ouvrages et articles, d'intérêt plus ponctuel, ou encore d'auteurs ne figurant pas dans le dictionnaire, seront cités seulement au point du texte où nous les évoquerons, avec références complètes. Pour les autres, ils seront cités au texte, comme il est devenu usuel de le faire, [21] avec le nom de l'auteur et la date de publication (exemple : Blaug 1985) [7]. Le lecteur pourra retrouver l'ouvrage cité :

  • en se reportant d'abord à la bibliographie de la notice de l'auteur, pour ceux qui sont étudiés dans la partie dictionnaire ;

  • et, si l'ouvrage n'a pas été retrouvé de cette manière (ouvrage non cité dans la notice, ou auteur absent de la partie dictionnaire), en consultant la bibliographie générale à la fin de l'ouvrage.


Remerciements

Nous remercions le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) et le Programme d'aide financière aux chercheurs et créateurs de l'université du Québec à Montréal (PAFACC-UQAM) pour des appuis financiers qui nous ont aidés à réaliser ce travail.

Les auteurs dont les noms suivent nous ont communiqué des renseignements biographiques et bibliographiques les concernant, renseignements qui nous ont été précieux dans la préparation du dictionnaire. Nous remercions pour leur collaboration Irma Adelman, Armen Alchian, Maurice Allais, Samir Amin, Kenneth Arrow, Athanasios Asimakopulos, Joe S. Bain, Bela Balassa, Alain Barrère, Robert Barro, William Baumol, Gary Becker, Abram Bergson, Charles Bettelheim, Mark Blaug, Kenneth Boulding, Sam Bowles, Andras Brody, Martin Bronfenbrenner, Suzanne de Brunhoff, James Buchanan, Hollis B. Chenery, Robert Clower, Ronald Coase, Paul Davidson, Gérard Debreu, Harold Demsetz, Edward F. Denison, Evsey Domar, Anthony Downs, John Eatwell, Robert Eisner, Robert Fogel, André Gunder Frank, Milton Friedman, Celso Furtado, John Kenneth Galbraith, Pierangelo Garegnani, Nicholas Georgescu-Roegen, Richard M. Goodwin, Trgyve Haavelmo, Gottfried Haberler, Frank Hahn, Geoffrey Harcourt, Friedrich A. Hayek, Robert Heilbronner, Albert Hirschman, Terence Hutchison, Walter Isard, Dale Jorgenson, Charles Kindleberger, Lawrence Klein, Janos Kornai, Jan Kregel, Harvey Leibenstein, Axel Leijonhufvud, Wassily Leontief, William Arthur Lewis, Richard Lipsey, Ian M. Little, Robert Lucas, Edmond Malinvaud, Ernest Mandel, Thomas Mayer, Donald McCloskey, James Meade, Jacob Mincer, Hyman P. Minsky, Franco Modigliani, Michio Morishima, Douglas C. North, Alec Nove, [22] Luigi Pasinetti, Don Patinkin, Edmund Phelps, Henry Phelps Brown, Richard A. Posner, Walt Rostow, Paul A. Samuelson, Thomas Sargent, Anna Schwartz, Tibor Scitovsky, Amartya Sen, Herbert Simon, Hans Singer, Robert Solow, Michael A. Spence, George Stigler, Joseph Stiglitz, Paul Sweezy, Lorie Tarshis, James Tobin, Robert Triffin, Shigeto Tsuru, Gordon Tullock, Jaroslav Vanek, Raymond Vernon et Arnold Zellner.

Nous remercions ceux qui ont lu, en tout ou en partie, notre manuscrit à diverses étapes de sa préparation, nous ont suggéré des corrections ou offert des conseils quant aux moyens de venir à bout de cette longue entreprise, et notamment Edmond Blanc, Mark Blaug, Gilles Bourque, Marielle Cauchy, Antoine del Busso, Edward Elgar et Robert Leonard. Nous sommes évidemment les seuls responsables des défauts du produit final.

Nous remercions également les assistants de recherche qui nous ont aidés : Isabelle Bruston et François Plourde, au début de nos travaux, et Ianik Mardi, dont l'aide fut précieuse lors de la dernière étape de la préparation de ce manuscrit.



[1] Certains estiment que la production de cette période représente quatorze fois le stock d'ouvrages existant en économie en 1936. Voir G. Stigler, « The Literature of Economics : The Case of the Kinked Oligopoly Demand Curve », Economie Inquiry, vol. 16, 1978, 185-204.

[2] Voir la bibliographie générale à la fin du livre.

[3] Évidemment, dans la partie historique, il nous a fallu évoquer à diverses reprises des développements antérieurs.

[4] Par exemple, en vrac, Balandier, Bataille, Braudel, Lefebvre, Polanyi, Poulantzas, Sauvy.

[5] Voir à ce sujet M. Blaug, « On the Historiography of Economies », Journal of the History of Economic Thought, vol. 12, 1990, 27-37. Reprenant les catégories proposées par Richard Rorty (« The Historiography of Philosophy : Four Genres », in Philosophy in History : Essays on the Historiography of Philosophy, sous la direction de R. Rorty, J.B. Schneewind et Q. Skinner, Cambridge, Angleterre, Cambridge University Press, 1984, 49-75), Mark Blaug distingue, dans cet article, quatre démarches caractéristiques en histoire de la pensée économique : la Geistesgeschichte, la reconstruction historique, la reconstruction rationnelle et la doxographie. La Geistesgeschichte — histoire des pensées — cherche à identifier les questions centrales posées par les penseurs du passé, pour les situer dans les cohérences de leurs propres systèmes de pensée. La reconstruction historique, elle, cherche à rendre compte des pensées de ces auteurs, dans les termes mêmes où ceux-ci les avaient formulées et dans des présentations qu'ils auraient acceptées. Quant à la reconstruction rationnelle, elle vise à présenter les idées des auteurs dans le langage moderne, avec le souci de faire apparaître, par rapport à l'état actuel de la pensée, leurs erreurs, leurs apports et leurs lacunes. Enfin, la doxographie reformule les pensées des auteurs du passé de manière à les évaluer à la lumière d'une moderne orthodoxie.

[6] Lorsqu'il s'agit d'une œuvre cosignée, nous faisons suivre la date de « Avec », suivi du (des) nom(s) des coauteurs. Dans le cas où l'ordre des auteurs n'est pas alphabétique, nous faisons suivre le nom de l'auteur principal d'un astérisque, sauf s'il s'agit de l'auteur traité dans le dictionnaire. On aura ainsi, dans la bibliographie de Morgenstern : 1944. Avec John von Neumann, Theory of Games and Economic Behavior, Princeton University Press.

[7] Lorsque, pour la même année, il y a plus d'une publication, nous faisons suivre l'année par le premier mot principal du titre (si c'est un ouvrage) ou par les initiales de la revue (si c'est un article).


Retour au texte de l'auteur: Dernière mise à jour de cette page le dimanche 26 février 2023 9:52
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref