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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Hubert Gerbeau, “La liberté des enfants de Dieu.
Quelques aspects des relations des esclaves et de l'Église à la Réunion
” (1980)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article d'Hubert Gerbeau, “La liberté des enfants de Dieu. Quelques aspects des relations des esclaves et de l'Église à la Réunion”. Un article publié dans Problèmes religieux et minorités en Océan indien. Table ronde IHPOM, CHEAM, CERSOI. Sénanque, mai 1980, pp. 45-95. Institut d'histoire des pays d'outre-mer, Université de Provence. Études et documents, no 14, 1981. [Autorisation formelle accordée par l’auteur le 28 février 2008 de diffuser cet article dans Les Classiques des sciences sociales.]

Introduction

Dans un colloque dont les deux axes de réflexion sont les minorités et les questions religieuses, il nous a semblé que le problème de la religion des esclaves de Bourbon Pouvait se rattacher à l'un et à l'autre débat. En jouant sur le mot "minorité", il serait aisé de dire que, pour l'esclave, elle est éternelle ; l'âge adulte ne lui est reconnu que par l'affranchissement. L'infantilisation du captif, son humiliation, sont conçues par les lois et la société coloniales comme l'un des remparts de l'ordre. Insérés dans une population chrétienne, ces "enfants" vont-ils recevoir le message évangélique ? Y aura-t-il volonté de christianisation de la part des autorités administratives, des maîtres, du clergé ? Ne doit-on, a priori, se demander si de la fin du XVIIème au milieu du XIXème siècle il est envisageable qu'une majorité d’esclaves de Bourbon aient eu la possibilité de vivre chrétiennement et de recevoir une formation religieuse ? Une réponse affirmative signifierait que l'institution servile y a été particulièrement originale. Si l'on retient comme seul critère le baptême, tous les esclaves qui vivent dans l'île sont-ils chrétiens ? Si quelques autres exigences s'ajoutent à celle-ci, que devient le nombre de fidèles véritables ? Dépasse-t-il à certains moments et en certains lieux le niveau d'une infime minorité ? 

À la demande de l'Académie de la Réunion, et en hommage à Mgr. Mondon, nous avons présenté à Saint-Denis, en avril 1980, quelques réflexions sur ce sujet. Nous essayons d'en développer aujourd'hui la substance. Il y a plus de quarante ans, Herbert Mondon fait une communication sur "l'Esclavage et le clergé à Bourbon (Aperçu historique)" [1]. L’histoire de la Réunion en est alors à ses balbutiements l'auteur peut s'appuyer sur quelques ouvrages anciens et sur les premières recherches d'Albert Lougnon, mais il n'a pas le loisir d'explorer les dépôts d'archives ; et les travaux des Pérotin, Barassin, Scherer, Wanquet et quelques autres sont encore à venir. En trente pages Mgr. Mondon trace les principales étapes du peuplement de Bourbon., de son histoire religieuse et des rapports du clergé avec les esclaves. À notre arrivée à la Réunion, en 1968, ce texte est l'un des premiers qui nous ait introduit à la connaissance de l'île, tout en nous invitant à méditer sur un problème historique fondamental. [2] 

Au moment où se réunit ce colloque, nous n'avons pas connaissance du travail que Claude Prud'homme est en train de rédiger sur l'Église réunionnaise au XIXe siècle mais nous avons eu l'occasion d'en suivre les étapes préliminaires et pensons que la contribution apportée au sujet sera essentielle [3]. 

Naïve ou outrecuidante, une question nous obsède : l'étude des esclaves est-elle plus aisée que leur gouvernement ? La tentation première de l'historien comme du maître est de simplifier le propos. L'esclave s'achète, s'entretient, s'use, se vend, ou se perd. Il est rouage -voire moteur- de l'économie. La familiarité de l'institution servile, qu'elle soit pratique de vie ou pratique d'archives, pousse à ne considérer d'abord qu'une nature dans l'esclave, celle d'outil de production. Mais, quotidiennement, une nature irréductible, celle d'homme, dérange l'ordre des ateliers et les schémas d'explication. Cette ambivalence n'est confortable ni pour le maître ni pour l'historien, qui constatent qu'on peut privilégier tels types d'esclaves ou tels documents mais qu'il est impossible de commander absolument aux uns et aux autres. vus de près, parfois Passés au tamis d'une lecture au second degré, d'innombrables textes montrent comment ce dialogue entre les deux natures est perçu par les négociants, les Propriétaires, les administrateurs, les prêtres -parfois par les esclaves eux-mêmes, ces faux silencieux- et comment il modifie la réalité institutionnelle et économique de l'esclavage. Pour illustrer ce dualisme, aucun champ n'est sans doute plus riche à fouiller, dans le domaine colonial européen, que celui de la christianisation de l'esclave et de ses conséquences.


[1]       Publiée dans le Bulletin de l'Académie de l'Île de La Réunion, vol. 15, 1938, p. 3-33.

[2]       Problème que nous avions déjà abordé à propos d'un ouvrage d'A. GISLER, L'esclavage aux Antilles françaises : XVIIe-XIXe siècles : contribution au problème de l'esclavage. Fribourg (Suisse), Ed. universitaires, 1965, 213 p. Notre compte-rendu a paru sous le titre "Un mort-vivant : l'esclavage", in Présence Africaine, Paris, no 61, 1er trim. 1967, p. 180-198. On trouve aussi quelques réflexions sur ce sujet in GERBEAU (H.), Les esclaves noirs. Pour une histoire du silence. Paris, Éd. A. Balland, Coll. R. 1970, 217 p., en particulier aux p. 82-107, 129-131 et 165-166. À noter que, dans les deux cas, le style est volontairement polémique et que les références sont surtout puisées dans le domaine antillais.

[3]       Cette note, ajoutée postérieurement à la soutenance de la thèse de 3e cycle de C. Prud'homme, nous permet de préciser qu'elle s'intitule "La Réunion - 1815-1871 - Un essai de chrétienté", et compte vii-616 p. dactyl. Préparée sous la direction du Professeur Gadille, elle a été soutenue le 15 décembre 1980 à l'Université de Lyon III, devant un jury présidé par le Professeur MIEGE. C. Prud'homme avait envisagé primitivement de centrer son étude sur l'époque de Mgr. Desprez et Mgr. Maupoint, c'est à dire sur le Second Empire. Il a bien voulu nous demander notre accord pour étendre sa recherche à la première moitié du XIXe siècle (période que nous étudions nous-même en vue de la soutenance d'une thèse d'État intitulée "Esclavage et société coloniale : la Réunion de 1815 à 1860".) Fondées sur des sources en partie complémentaires et sur des axes d'approche différents, ces deux thèses devraient s'éclairer mutuellement. Le lecteur qui souhaiterait obtenir des informations très complètes -et parfois très neuves- sur la vie religieuse réunionnaise peut dès maintenant se reporter au travail de C. Prud'homme. Pour les parties communes de nos recherches, nos conclusions sont très voisines. Précisons que, limité par le cadre de ce petit exposé, nous laissons de côté bien des aspects pour lesquels nous disposons de sources abondantes ; on en retrouvera la matière dans notre thèse.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 27 juillet 2008 19:28
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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