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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte d'Hubert Van Gijseghem, “La complice du serpent ou le malaise qu'inspire le désordre de la conduite féminine.” in Revue québécoise de psychologie, vol. 6, no 1, 1985, pp. 31-52. [Le 30 janvier 2014, l'auteur, Hubert Van Gijseghem, nous accordait son autorisation formelle de diffuser, dans Les Classiques des sciences sociales, en accès ouvert et gratuit à tous, toutes ses publications.]

[31]

Hubert Van Gijseghem, Ph.D. [1]

psychologue, professeur émérite, Université de Montréal

La Complice du Serpent
ou le malaise qu'inspire
le désordre de la conduite féminine.


In Revue québécoise de psychologie, Vol. 6, N° 1, 1985, pp. 31-52.

Résumé
Introduction
Le stéréotype féminin
Le stéréotype appliqué à la délinquante
Les voix dissidentes
Les troublantes différences phénoménologiques
Le mystère, le danger et la peur
L'hypothèse de la séduction précoce comme élément étiologique d'un désordre spécifique.
Conclusion
Abstract
Références


Résumé

Le désordre de la conduite féminine est étudié, la plupart du temps, à partir du "Stéréotype féminin ». Dans cet article nous dénonçons cet état de choses. Pourtant le stéréotype est responsable de l’étrange malaise, sinon de la peur, que l'on a devant le méfait féminin. S'il est vrai que l'homme a peur de la femme et surtout de la femme délinquante, il est vrai aussi que cette dernière, dans son enfance, a été souvent victime de séduction de la part de l'homme. Il s'agit peut-être là d'un élément important dans la genèse de la présumée "spécificité » du méfait féminin.

« I give you death - the hundred million deaths that are muttered under Yggdrasill’s ash. I give you Medusa and Stheno and Euryale. I give you the harpies and the witches, and the Fates. I give you the woman in pants, and the new religion : she-popery. I give you Pandora. I give you Proserpine, the Queen of Hell. The five-and-ten-cent - store Lilith, the mother of Cain, the black widow who is poisonous and eats her mate... »
Wylie (1942, p. 216)

INTRODUCTION

Chaque fois qu'on traite de la « femme », on semble le faire dans le but de circonscrire le spécifique de la femme par rapport à l'homme. Ce dernier d'ailleurs, tout universel qu'il est, ne paraît pas être marqué par un tel « spécifique » : Homme est déjà synonyme d'humain dans l'acception linguistique. [32] Ainsi, si l'on traite d'adolescence il faudra ajouter « féminine » si l'on vise celle de la femme. Ou encore, si l'on annonce un exposé sur la délinquance, on s'attendra à voir traiter de la masculine, à moins qu'on ait pris soin de spécifier qu'il s'agira de la féminine. En fait, en matière « humaine », en dehors de telles spécifications, il est de fortes chances qu'on décrive le phénomène masculin. « Et la fille... et la femme ? » demandera-t-on. On répondra : « Ah, elle, c'est différent ! » L'expression a fait du chemin : « les filles c'est différent ». Le sens de cette assertion se précise quand les mâles, en s'échangeant des clins d'oeil, y ajoutent : « et vive la différence ! » En effet, on renvoie au sexe, (cf. Novick, 1962). Comme si, quand on traite de la fille ou de la femme, on avait immédiatement en tête qu'il s'agit bel et bien de l'objet du désir masculin - ou mieux encore de cet être qui « provoque » le désir de l'homme. Le stéréotype féminin fait d'emblée lever des images sexuelles. La « femme » est emprisonnée dans un corps qui sert.

Dans ce qui suit nous voulons rappeler quelques facettes de ce fameux stéréotype féminin bien qu'une abondante documentation en fasse état depuis l'avènement de la littérature dite féministe. Ce rappel a toutefois pour but de démontrer, dans un deuxième temps, que le stéréotype s'applique non seulement au comportement « normal » et souhaité de la femme, mais aussi au comportement non-souhaité, par exemple, sa délinquance. En fait, c'est de la délinquance de la femme qu'il sera principalement question dans ce texte. Si ce phénomène est d'habitude étudié en fonction du stéréotype, donc totalement vu comme « sexuel » on n'entend pas moins quelques voix dissidentes parmi les observateurs. Nous voudrions indiquer notre sympathie envers ces voix dissidentes et même y ajouter. Néanmoins, tout en dénonçant le stéréotype et tout en appuyant sa suppression, nous ne pourrons pas éviter de rester perplexe : des différences phénoménologiques importantes entre l'agir de la femme et celui de l'homme ne peuvent être ignorées. Un regard sur ces différences nous conduira non seulement à la « mystique féminine » dont parlait Betty Friedan (1963), mais encore au « mystère » féminin avec tout ce que ce terme évoque d'angoissant et de menaçant. Si enfin, la femme et surtout la femme délinquante sont perçues comme menaçantes et dangereuses, il nous semble clair qu'elle soient aussi victimes. La délinquante particulièrement, dans son enfance, a été victime de séduction de la part de l'homme. Et là, par la force des choses, on est encore renvoyé au« sexe ». Même si l'impact d'une telle séduction précoce n'est pas clairement connu et donne lieu à des opinions pour le moins partagées, nous la soupçonnons de revêtir une importance certaine sinon déterminante pour la saisie du prétendu « spécifique » de la fille délinquante.

Nous sommes conscients d'étaler dans ce texte une argumentation circulaire proche de l'hyperbole. Nous commençons par nous inscrire en faux contre une conceptualisation par trop teintée par le stéréotype féminin, pour en proposer finalement une autre qui emprunte largement à ce même stéréotype. En guise d'auto-défense, signalons la distinction fondamentale [33] suivante : conceptualiser les causes de la compulsion d'agir est une chose ; conceptualiser les causes de l'une ou l'autre forme spécifique d'un tel agir en est une autre. Dans le premier cas, nous dénonçons l'influence du stéréotype, dans le second nous ne saurions éviter d'en tenir compte.

LE STÉRÉOTYPE FÉMININ [2]

Nous vivons, au moins depuis le début de l'histoire écrite, dans ce qu'on appelle le régime patriarcal. Néanmoins, le patriarcat n'explique pas grand chose en autant qu'il renvoie au piège de l'oeuf et de la poule : la différence des rôles inhérents au sexe relève-t-elle du patriarcat ou est-ce le patriarcat qui relève de la perception séculaire des rôles dévolus au sexe ? En tout cas, parler du patriarcat, c'est référer à un pouvoir. Simone de Beauvoir (1949) dira que le pouvoir sera attribué non pas au sexe qui engendre mais à celui qui tue [3]. On dit bien : « Les filles les guenilles, les gars les soldats ». Soldat Napoléon l'affirmait déjà : « Anatomie est destinée ». Destinée à quoi ? Destinée à concevoir, à mettre au monde, à nourrir, à éduquer, à servir. Chez les peuples primitifs, s'il faut en croire Françoise Héritier (1978), seules les femmes stériles peuvent accéder au pouvoir. Mais encore doivent-elles nier d'abord leur féminité tout entière comme le faisaient les Amazones Dahomiennes quand, parvenues au pouvoir politique, elles déclaraient : « mais nous sommes dorénavant des hommes, pas des femmes ». (Herskovits, 1938, vol. 11, p. 85). Selon les apparences, la femme serait donc destinée à n'être au monde qu'en tant que « femme ». « Elle engendre, écrira encore Simone de Beauvoir, dans la généralité de son corps et non dans la singularité de son existence ». Christiane Olivier ajoutait récemment (1980, p. 95) : « L'homme...laissera de lui une autre trace ; la femme, elle, n'a pas d'autre lieu où imprimer sa trace que sa descendance. Comme si l'on demandait aux hommes d'avoir tous le même métier ».

Cette civilisation qui est la nôtre a depuis longtemps décidé de voir la personne du sexe féminin, comme « femme » - femme éternelle, sans début ni fin, comme une entité mal circonscrite dans un vaste plasma géniteur. Seul l'homme peut se singulariser, réaliser l'Oeuvre pour le dire comme les Alchimistes.

En filigrane se sont édifiés en lois quasiment naturelles les rôles [34] sociaux, les stéréotypes, les attentes sociétales et, les attentes les plus terribles de toutes : celles des parents. À ce propos, l'histoire porte une longue barbe. Les frères Grimm le disaient déjà : « Il était une fois un meunier qui avait une bien jolie fille. Quand elle fut grande, il souhaita qu'elle n'eut plus de souci et qu'elle fût bien mariée... » Oui, les parents collaborent au tracé du destin : puisse leur fille être douce, soumise, s'intéresser aux poupées, aux tâches domestiques ; être belle-et-se-taire, chaste et passive, propre et enjôleuse ; un tantinet fragile, donc protégeable ; bien fonctionner en classe de manière à se préparer un bel avenir. Puisse cet avenir lui réserver un mari, lui permettre d'être une bonne maîtresse de maison, une bonne mère, une bonne éducatrice et une bonne épouse. Si, par surcroît, elle possède quelque métier, elle pourra toujours « retourner sur le marché du travail », de manière à supporter (un peu) le mari dans sa lourde tâche : faire vivre sa famille dont il prétend être le réel géniteur.

Mais si telle fille n'est rien de tout ça, en ce qu'elle ne correspond pas à ces attentes parentales et - comme on l'attend du garçon - se montre agressive et active, ambitieuse et affirmative, dominatrice et débrouillarde, alors on l'étiquette de « garçon manqué »... Il n'y a donc qu'une alternative : entrer dans le moule des attentes parentales ou bien devenir un être tronqué, manqué, hybride, rejetable et regrettable...

Malgré l'actuelle remise en question des conceptions séculaires, les magazines pour femmes et les attentes subliminales des parents continuent de plus belle à charrier une connivence claire à l'égard du stéréotype. Les nouveaux parents s'exclament : « oui, oui, on a eu une belle grosse fille...on se reprendra ! » « Enfin, ils ont eu leur garçon », chuchoteront les confidents, à la prochaine naissance. Même les mères, elles-mêmes pourtant anciennes filles, jouent le jeu. Christiane Olivier l'affirme avec conviction : la mère ne se complaît pas dans sa fille comme elle se complaît (se complète ?) dans son fils.

Regardons ses manières de materner : les recherches de Brunet et Lézine ne montrent-elles pas que les garçons sont allaités jusqu'au quinzième mois, alors que les filles seraient sevrées vers le douzième. La tétée du fils dure en moyenne quarante-cinq minutes ; celle de la fille, vingt-cinq minutes. (Olivier, 1980). « L'anatomie n'est pas véritablement le destin. Le destin vient de ce que les hommes font de l'anatomie », prétend Stoller (1975). Christiane Olivier va plus loin : « ce que la mère fait de l'anatomie ! » Si la mère joue le jeu, la fille ne le joue pas moins. Elle accepte d'emblée le double standard, comme Shacklady Smith (1978) l'a indiqué encore récemment dans le cas des jeunes britanniques. On retrouve le même phénomène chez nous, d'après une recherche menée pour le compte du Gouvernement du Québec (1978) : en Secondaire V, 74% des filles identifient comme valeur principale le fait d'avoir des enfants et de bien les élever. Selon nos propres recherches, même la population délinquante d'âge équivalent perçoit la femme idéale sous les traits de l'épouse soumise et [35] de la mère dévouée, et cela malgré le fait que ces jeunes seraient en révolte contre les valeurs établies s'il faut en croire des observateurs avertis.

Bref, le garçon, c'est le faiseur, l'accomplisseur, le producteur et l'on attendra tôt de lui qu'ii amorce ces rôles. La fille sera l'épouse, la mère. S'il fallait toutefois qu'elle empoigne prématurément ce destin, on la traiterait de « petite garce » ou de dévergondée. Il y a bien longtemps déjà, Ruth Benedict (1934) parlait de cette épineuse discontinuité dans la vie des filles. Pour sa part, le garçon, du berceau jusqu'au tombeau, est appelé à faire. Quant à la fille, on lui apprend très tôt que pour elle « c'est différent ». Entre-temps, on ne manquera pas de l'envoyer quand même à l'école et à l'université tout comme le garçon... Du moment qu'elle se prépare au mariage. Ainsi vont les rôles et les attentes, les perceptions et les expectatives véhiculées par de multiples messages dont certains parfois accusent une note contradictoire.

LE STÉRÉOTYPE APPLIQUÉ
À LA DÉLINQUANTE


Et quand tout ne tourne pas rond dans la vie des filles, ou dès que surviennent des problèmes, les observateurs accourent et les docteurs discourent cherchant à qui mieux mieux la plus sûre explication. Tout comme son avenir est précisément anticipé à partir de« son être dans le monde comme femme », la non-réalisation de ce devenir sera interprétée à la lumière du même postulat. En effet, les problèmes de l'adolescence féminine sont toujours référés au domaine de la sexualité. La délinquance de la fille a toujours été vue comme une délinquance sexuelle et cela même dans la littérature récente, bien que de façon plus subtile.

Toujours est-il que les experts s'amènent pour observer cette fille. Les uns fouillent ses chromosomes et y trouvent forcément quelque anomalie susceptible d'expliquer sa bifurcation du rôle naturel qui la prédestinait à la maternité, à la passivité, bref à la féminité. D'autres se penchent sur les facteurs mésologiques - sociaux et culturels - qui auraient pu orienter sa rébellion vers la transgression des valeurs inhérentes à sa « nature sexuelle » : tout comme le garçon enfreindra la valeur de la « production » en volant ou en détruisant celle des autres, la fille, elle, dont la valeur sociale est la « reproduction », enfreindra donc cette valeur en couchant avec le premier venu au grand désespoir de maman, papa et monsieur le juge. Surgissent aussi dans le décor, ceux qu'on appelle freudiens (dont je suis, ce qui ne devrait pas m'empêcher de les railler un tant soit peu aussi.) Ils se mettent eux aussi à l'ouvrage de l'interprétation dans l'exact même champ d'expertise que les précédents. À force de voir l'agir délinquant féminin comme étant de nature essentiellement sexuelle, ils ont tôt fait d'en trouver la source et les raisons dans son développement psycho-sexuel. Certains, comme Erikson (1964) à l'instar de Freud lui-même, situent l'essence de la féminité dans la nature. On pensera ici aux fameuses recherches d'Erikson sur ce qu'il appelle le « inner womanhood » et à partir desquelles [36] il tente de démontrer le caractère inné du désir féminin de créer un foyer. En jouant avec des blocs, les petites filles fabriquent spontanément des enceintes ou délimitent des espaces clos. Dans des circonstances analogues, les garçons dressent des tours, façonnent des espaces en vue d'actions bien précises et mettent en chantier des patrons ludiques qui « prennent de la place ». Cette observation ne tient toutefois pas compte de ce que les enfants « apprennent leur leçon » bien avant de pouvoir créer des scénarios à l'aide de blocs ! Erikson serait sans doute gêné par les résultats de recherches statistiques selon lesquelles les filles, plus que les garçons, sont enclines à la fugue, toutes choses étant égales par ailleurs (Rush, 1972). De toute façon, quelles que soient les approches théoriques de la « nature féminine », il n'en demeure pas moins que la fille qui fait des folies est d'emblée perçue comme plus malade que k garçon (Shacklady Smith, 1978), car son agir non seulement contrevient à la loi prise au sens strict, mais encore transgresse le rôle que lui ont présumément prescrit son anatomie et sa « nature ». Quant au garçon délictueux, il pourrait tout simplement être la victime d'une influence criminogène, ou disposer d'un sens excessif de la débrouillardise. Ici, pas de cassure cosmique !

Pour déborder Erikson, référons aux psychanalystes qui ont marqué toute une génération d'étudiants en sciences humaines, en matière de délinquance juvénile féminine sinon en matière d'adolescence. Par exemple, Bios (1957, 1969) évite le concept de « nature », mais il n'en explique pas moins les problèmes de l'adolescence féminine à partir de la conjoncture psycho-sexuelle. Comme plusieurs, il fait coïncider le début des troubles féminins avec l'avènement de la puberté, donc à cette époque où l'adolescente, bouleversée par la poussée d'un instinct sexuel effervescent, tend à régresser vers la mère pré-oedipienne. Là où cette tendance se réalise, les filles s'en défendent soit par une excessive hétérosexualité qui contrecarre la panique homosexuelle, soit par une sexualité diffuse et indifférenciée qui coïncide avec le désir de rapprochement à l'égard de la mère. D'autres s'agripperont à la configuration oedipienne : pour s'épargner à la fois la régression et la panique incestueuse, elles pratiquent une hétérosexualité défensive voire incontrôlable. Leurs ébats peuvent tout aussi prendre un sens d'agression vis-à-vis de la mère rivale que celui d'une revanche punitive à l'égard du père trop peu complice. Néanmoins, remarquons-le nous ne quittons guère la couchette !

Que dire de cette autre hypothèse due à Kaufman (1959), selon laquelle la délinquance féminine coïnciderait avec la première menstruation ? En tout cas, cette vision des choses colle encore au sexe ! La délinquance féminine y sera conçue comme une tentative de réparation, puisque ia menstruation, en tant qu'événement-écran, renvoie au trauma de la castration et/ou à la rupture de la dyade mère-enfant. Mais de par sa phénoménologie, elle renvoie surtout au présumé rôle procréateur !

On pourrait allonger la liste des auteurs. Pour éviter de donner dans la revue de littérature, on se contentera de synthétiser par un constat tout [37] simple : dans ce domaine, les efforts de conceptualisation et les avenues théoriques ont été cantonnés dans le« paradigme » sexuel.

LES VOIX DISSIDENTES

Toutefois, d'autres voix se sont graduellement fait entendre. Celle des statistiques d'abord, qui, aussi boiteuses qu'elles puissent être, nous informaient de ceci : quantitativement parlant, le sexe n'est pas impliqué dans la plupart des méfaits féminins. Le délit le plus fréquent consiste bel et bien dans le vol sans violence (Chesney-Lind, 1973,1978 ; Bertrand, 1979).

Il y eut également l'abondant écho des voix féministes qui disposent là d'une fort belle cause. Evidemment, le premier bastion théorique à démolir tenait dans la « nature nécessairement et essentiellement sexuelle » de l'agir délictueux féminin. Florence Rush (1972) intitule un article à haute teneur polémique : The Myth of Sexual Delinquency, et les manifestes se suivent à un rythme effarant ; ils sont par ailleurs fort bien documentés. L'argumentation de base tourne autour de l'observation, vérifiée et revérifiée, à l'effet que, peu importe ce que l'adolescente fait ou plutôt « méfait » - incorrigibilité, vagabondage, désobéissance aux parents, c'est-à-dire tout ce qu'on appelle communément les status offenses - tout cela est proprement et rapidement étiqueté comme étant de la délinquance sexuelle. (Chesney-Lind, 1978). Les premiers à promouvoir l'étiquette sont les parents eux-mêmes très inquiets du devenir de leur fille et surtout de l'avenir de son rôle prédestiné : devenir une épouse et une mère exemplaires. Dès lors, policiers, juges, éducateurs, tous parents eux-mêmes, sont préoccupés de la même valeur, du même rôle et du même « bien » pour la fille. Sont si préoccupés d'ailleurs que, lorsqu'une fille est ramassée pour vol à l'étalage, pour vagabondage ou pour « incorrigibilité » la première investigation de la situation est souvent un examen vaginal et pelvien (Chesney-Lind, 1978 ; Rush 1972). Si l'ouverture s'avère béante on retrouvera dans le dossier : « délinquance sexuelle ». Et on parlera de délinquance sexuelle et de dévergondage pour la fille là où l'on n'inscrira jamais ces épithètes dans l'éventuel dossier des garçons qui étaient pourtant nécessairement impliqués dans cet agir sexuel. Mercier (1979) le disait récemment ainsi : « De nos jours encore, un garçon qui s'adonne à la copulation est débrouillard, la fille qui partage ses ébats est une garce ».

Compte tenu du stéréotype de la « fille rangée » qui retient tant la préoccupation parentale et sociale, la tendance protectrice est incomparablement plus forte à l'égard de la fille qu'à l'égard du garçon. Sur la foi de la littérature consacrée à cette question, la moitié des jeunes prévenues aboutissent à la Cour suite à des actes qui, s'ils étaient posés par un adulte, ne seraient pas jugés criminels. Seulement un cinquième des garçons subissent le même sort.

Tout ne tourne-t-il pas autour de la protection contre nous savons [38] quoi ? Le directeur d'une institution bien connue et qui reçoit des filles délinquantes nous confiait que la première chose faite, suite à l'arrivée d'une pensionnaire, consiste à « lui foutre un stérilet dans le ventre ». -« Toutes ? », lui demandions-nous -« Toutes », répond-il, en soulignant d'un geste non équivoque. Pas de commentaires sur sa philosophie de la délinquance féminine ou sur sa conception de la protection.

Tout ceci, bien sûr, légitime la thèse des féministes. On devrait ajouter que ces auteurs, à l'instar d'auteurs « classiques », ne manquent pas de critiquer les statistiques selon lesquelles l'éventail des délits féminins serait moins large que celui des délits masculins, selon lesquelles également les méfaits féminins seraient essentiellement différents. Pollak (1950) estimait déjà qu'on négligeait de prendre sérieusement en considération l'étendue, aussi bien quantitative que qualitative, des actes criminels féminins. Bien qu'à son époque le féminisme fut encore dans l'oeuf et malgré son appartenance au sexe masculin, Pollak expliquait l'errance statistique par le caractère clandestin de la délinquance féminine. Marie-Andrée Bertrand (1979) parlerait « du manque de visibilité » de cette criminalité. Plusieurs autres auteurs se rallient : la nature des gestes ou des actes délictueux est fonction des opportunités, des apprentissages sociaux et du vernis culturel. Nous soutenons fermement ce point de vue et, au risque de nous répéter, nous ajouterions que les formes, les modes d'expression, les couleurs du geste délinquant changent au gré des modes, des normes et des conjonctures sociales d'une époque ou d'une région, comme au gré des schèmes théoriques et des intérêts de l'observateur. Mais la dynamique de la délinquance n'en reste pas moins la même.

Récemment, (1980) nous avons émis l'hypothèse selon laquelle chez la femme comme chez l'homme délinquants, on retrouve une dimension de la personnalité qui demeure fondamentalement identique. Ce point de vue était déjà au moins insinué par plusieurs autres auteurs (Chesney-Lind, 1978 ; Kratcoski & Kratcoski, 1975 ; Markley, 1974 ; Sandhu, 1977 ; Wise, 1967). Au-delà des formes et des expressions spécifiques de l'agir-symptôme, on observe une structure de base analogue. Comme Yochelson et Samenow (1976) l'ont éloquemment démontré : sous les manifestations concrètes, on peut discerner les mêmes types de raisonnements, la même pensée magique, les mêmes stratégies défensives et la même recherche d'exaltation, de « high ». Une telle infrastructure semble reposer sur des expériences infantiles comparables et donc sur un scénario de base analogue. Cette inlassable recherche de l'état « high » ou d'exaltation vise à rapatrier l'état archaïque de toute puissance, lequel renvoie à la communion narcissique inhérente à la dyade primitive dont le délinquant ne parvient pas à faire son deuil. Cette infrastructure typique apparaît comme une variante du narcissisme pathologique au même titre que certaines narcomanies, perversions, recherche extatique, bref au même titre que d'autres troubles de caractère narcissiques (Bursten, 1973 a et b ; Kohut, 1971 ; Leaff, 1978 ; Reid, 1978). Nous ne déploirons pas davantage ici cette [39] conceptualisation ou plutôt cette hypothèse à propos du fond et de la genèse de la soi-disant « structure-délinquante ». Cela a été fait ailleurs (Van Gijseghem, 1980,1982).

LES TROUBLANTES DIFFÉRENCES
PHÉNOMÉNOLOGIQUES


Il serait toutefois trop facile de balayer du revers de la main toutes les différences ou tous les aspects spécifiques inhérents à la phénoménologie de l'agir masculin et féminin. Il est peut-être vrai que le vol sans violence soit, quantitativement du moins, le méfait le plus important chez la fille, tout comme chez le garçon mais il n'en demeure pas moins que subsistent de troublantes différences. En tout cas, on peut souligner que les nouveaux conceptualisateurs, y inclus les féministes, demeurent éminemment branchés sur le thème du sexe quand ils abordent la délinquance féminine !

En thérapie de groupe (nous faisons cette expérience depuis quinze ans en milieu de rééducation féminine), les filles évoquent leur passé, leur période de « high ». Bien sûr, elles ont subi l'influence des normes parentales et sociétales de sorte qu'on puisse s'attendre à ce qu'elles évaluent comme relevant du mal ce qui, dans leur passé, s'avère relié au sexe. Néanmoins, l'insistance est louche. Voler, fumer, frapper, brûler, tout cela n'est que de la petite bière pour elles. Ce qui a véritablement affecté leur image aux yeux des parents, de la société et surtout à leurs propres yeux, c'est leur désordre sexuel. On ne peut vraiment parler de culpabilité dans ce cas. Il s'agit de quelque chose de beaucoup plus profond, de quelque chose qui n'a pas de nom ou, du moins, de quelque chose que nous ne sommes pas encore parvenus à nommer. Serait-ce seulement le poids de la norme sociétale quant à ia sexualité qui pèserait si fort ? On peut en douter. La violence et l'intensité de leur sentiment indiquent qu'une partie vitale de leur identité s'est trouvée profondément ébranlée, une part qui s'attache à plus creux que l'assimilation des apprentissages sociaux fussent-ils initiés dès le berceau. Il semble qu'il existe une différence phénoménologique de taille entre la superficielle copulation de l'adolescent et la séduction précoce dont la future délinquante est souvent la victime. On y reviendra plus loin.

Certaines autres observations attirent également l'attention. Rappelons le lien entre ce que Pollak (1950) appelle les « phases génératives » et l'agir plus ou moins délinquant chez la femme. Arrêtons-nous sur quelques statistiques qui en valent bien d'autres. Woddis (1957) cite une ancienne étude d'un dénommé Cooke à l'effet qu'à Paris, sur l'ensemble des crimes de violence imputables aux femmes dans l'intervalle d'une année, pas moins de 84% des inculpées se trouvaient en période pré-menstruelle. Déjà Lombroso, en 1916, mentionne quelque part que 71% des femmes arrêtées pour désordres publics se trouvaient en période menstruelle. Le Grand de Saulle, cité lui aussi par Pollak, décèle parmi les auteurs féminins de vol aux étalages parisiens 63% des femmes menstruées. Pollak met [40] également en relief une série de statistiques du genre non seulement pour ce qui concerne le vol à l'étalage, mais aussi le meurtre, l'incendie criminel et d'autres types de méfaits. Entre autres la grossesse, la ménopause, etc… y apparaissent comme des périodes propices aux agirs délictueux. Kaufman étal. (1959) disent bien que, dans la menstruation la femme perd quelque chose - son sang, symboliquement aussi son enfant, son pénis, sa mère...Elle veut donc se faire restitution : ce qu'elle perd de son corps, elle le restaure, au magasin à rayons, dans son sac à main. Mais ça, c'est une hypothèse. En fait, les statistiques ne prouvent rien du tout. Elles indiquent tout au plus que la femme qui pourrait bien voler tout le temps ne se fait prendre que pendant ses périodes menstruelles particulièrement propice à la nervosité, donc à une diminution de la vigilance.

LE MYSTÈRE, LE DANGER ET LA PEUR

Reste que ces fonctions dites « typiquement féminines » ont toujours été entourées de mystère, de tabou et de vague crainte ce qui est difficilement compréhensible sans faire appel aux plus ombrageux archétypes qu'un Jung aurait pu inventer. Et dans la façon dont nous regardons la fille, la femme et surtout leurs méfaits, il y a peut-être plus de tout cela que nous ne voudrions bien le croire. En parcourant le journal La Presse, édition du 12 février 1982, un titre nous frappe : « Un jugement qui a fait jurisprudence : la tension prémenstruelle l'a conduite jusqu'au meurtre de son amant ». Le journaliste rapporte le cas d'une femme qui, ayant perpétré ce meurtre, fut jugée, condamnée, puis remise en liberté sur la foi de l'influence morbide que lui infligeait sa tension menstruelle. Ce jugement en est un parmi plusieurs. Depuis qu'ils ont été rendus par les tribunaux de Grande-Bretagne à cette époque, ces jugements font jurisprudence. Ils sont fondés sur de vagues explications d'ordre médical et il ne semble pas que de telles justifications pseudo-scientifiques aient été soumises à quelque critique.

Les références aux « coïncidences » reliées au cycle génital des femmes sont omniprésentes dans la littérature. Les Simone de Beauvoir (1949), Mary Chadwick (1932,1933), Madeline Gray (1967), Hélène Deutsch (1945), Mary Douglas (1966, 1975), Young & Bacdayan (1965), Briffault (1927), Lederer (1968) ont tour à tour relevé que cette étrange alchimie corporelle fait de la femme une sorte de sorcière, bien qu'on ne précise jamais d'où vient le danger qu'elle représente. Cette thématique abonde dans la mythologie classique, contemporaine et populaire. Que d'étranges superstitions et que de bizarres rituels autour de la menstruation que Simone de Beauvoir nomme la seule fonction excrétrice qui distingue la femme de l'homme ! La période menstruelle et tout particulièrement le sang menstruel ont toujours été investis de puissances occultes, magiques, terrifiantes. Même dans nos contrées occidentales, des femmes menstruées évitent encore de faire du beurre, de la mayonnaise, du vin ou du pain, même du tricot, tant les guette le danger de voir échouer leurs efforts. Puis-je encore évoquer le guerrier d'un autre âge qui trempait son glaive dans le [41] sang menstruel pour lui garantir la victoire, ou qui détournait son regard des yeux de la menstruée de crainte qu'il en perde sa puissance. Castration ! dirait le psychanalyste orthodoxe... Peu importe, il reste que la femme se range du côté du mystère ; elle est investie d'un pouvoir magique et dangereux. N'était-ce pas Ève qui se faisait complice du serpent ? De simple complice elle est rapidement devenue le serpent. Celle dont on craint la ruse, la traitrise, et...la langue ! Dans le mythe Grec de Pandore c'est encore la femme qui, ouvrant le panier secret et frappé d'interdiction, lâche tous les maux de la terre. Quel héros mythique ou légendaire n'a pas cogné un jour contre la perfidie d'une femme ?

Et c'est encore cette perfidie, ce caractère « clandestin » qui est invoqué par Pollak comme raison du fait que, par exemple le méfait féminin soit autant sous-estimé. Elle cacherait tellement bien son jeu qu'on la voit et qu'on la croit sans crime, du moins dans les statistiques. Les spéculations auxquelles il recourt pour tenter de comprendre ce phénomène illustrent en elles-mêmes la perception menaçante qu'on a du fait et du méfait féminin. Entre autres, il rappelle bien que la femme a une longue expérience en matière de clandestinité. De mère en fille, elle apprend à masquer ses sentiments, y compris ceux de la révolte et du déplaisir. Ce qui ne fait que confirmer la perception d'être moins directe que l'homme, cachotière, dangereuse, et arrivant à ses fins par des moyens détournés. Pollak ira jusqu'à expliquer l'attitude paternaliste et condescendante de l'homme envers le femme comme étant de nature purement défensive : l'homme a peur de la femme. Est-ce parce qu'un jour il fut totalement dépendant d'une femme toute-puissante (et donc dangereuse) : sa mère ? [4] Est-ce parce qu'il court encore le risque permanent de tomber dans les mains d'une autre femme toute-puissante : la séductrice ? Bernard Shaw le disait bien : « on raconte que la femme attend que l'homme la provoque, qu'elle se tient passivement en attente ! En attente !... Comme l'araignée qui guette sa proie ! » (1903) [5]. Et l'Ecclésiaste de dire : « ...j'ai trouvé plus amère que la mort la femme dont le coeur est piège et un filet et dont les mains sont des liens ; celui qui est agréable à Dieu lui échappe, mais le pécheur est pris par elle » (7,26). Ce qui conduisait Tertullien à affirmer avec force que « le royaume des cieux est grand ouvert aux eunuques » (cité dans Lederer, 1968). Oui, l'homme a peur de la femme. Ce même Lederer que nous venons de citer a voué un livre entier à cette peur viscérale qu'il a appelé Gynophobia ou la peur des femmes.

Maryse Choisy dans son adorable livre Psychoanalysis of the prostitute (1961) dit fort à propos : « D'avoir emprisonné la femme dans une fonction [42] si étroite, d'avoir restreint sa vie spirituelle, d'avoir fait d'elle, comme le dit le proverbe arabe, une maîtresse la nuit, une mule le jour... que l'homme a dû la craindre ! » [6] Dans un contexte anthropologique cette même idée a été particulièrement développée et élaborée par les Whiting (1965, 1975).

Bien des hypothèses ont été avancées pour expliquer cette peur. Freud (1918) en avait parlé en invoquant la possibilité que l'homme, en prenant sa lassitude post-coïtale comme preuve, ne craigne que la femme l'affaiblisse et que la féminité ne déteigne sur lui.

Plus proche de nous, Erika Jong (1974) croit que cette peur est inspirée par la supériorité sexuelle que possède la femme : contrairement à l'homme son potentiel orgasmique est illimité. Nancy Friday (1981) évoque le motif économique pour restreindre le désir (et le pouvoir) féminin. Elle réfère à la clitoridectomie et à la philosophie sous-jacente à celle-ci... « on croyait les femmes être des créatures voraces dont les appétits devaient être étouffés sinon l'oeuvre de l'homme, i.e. l'édification d'un pays, ne pouvait être réalisé » [7] et cela était déjà l'opinion de Jean Chrysostome pour qui « toute la sorcellerie est due aux appétits charnels des femmes qui ne sont que des créatures insatiables », (cité dans le Malleus Maleficarum). Mais d'autres auteurs réfèrent moins à l'avidité et l'insatiabilité sexuelle de la femme qu'au totalitarisme de la Mère, voire de la déesse Mère. C'est surtout le point de vue de Lederer (1968) et particulièrement de Gabrielle Rubin (1977) qui, dans Les sources inconscientes de la misogynie dira qu' : « il fallait... avant de pouvoir maîtriser la nature, renoncer au lien fusionnel avec la Mère, et la désacraliser » [8]. Mais il ne reste aucun doute que, l'argument du « sexe comme porte de l'enfer » a toujours prévalu.

C'est dans ce sens que nous voudrions citer un extrait d'un tout petit livre qui a figuré, à coup sûr, sur les rayons de toutes les bibliothèques des collèges québécois. Écrit en 1926 par un jésuite, appelé Hoenaert [9], ce livre porte le titre Le combat de la pureté et s'adresse « à ceux qui ont vingt ans ». Bien qu'il fût balayé par la révolution tranquille, ce manuel a connu plusieurs éditions. Nous citons quelques extraits d'un chapitre intitulé le « Péril féminin », d'ailleurs fort documenté aux sources classiques, bibliques et patristiques. Il est frappant de voir jusqu'à quel point ce texte fait penser, de par son ton et de par son contenu, à une partie du Malleus Maleficarum, publié en 1486 par les révérends dominicains Kraemer et [43] Sprenger et qui, pendant des siècles, a servi de triste bible à la chasse à la sorcière menant au bûcher des millions de femmes [10].

Lisons Hoornaert :

Jeune homme, tu vas t'embarquer sur
la mer du monde...
Prends garde aux requins
Prends garde surtout aux sirènes.
Beaucoup sont séduits...
Chez nombre de femmes, la ruse
serpentine l'emporte terriblement
sur la simplicité colombine.
Dès lors, tu dois les fuir comme le
serpent : « Tamquam a facie colubri »
(comme devant l'apparition de la vipère).
Dans beaucoup de cas, la vraie responsable
c'est la jeune fille qui se prête
complaisamment à la passion du jeune homme
(il ne pourrait pas, si elle ne voulait
pas) ou même c'est elle qui positivement
le provoque. Ce n'est pas Joseph qui
tenta la femme de Putiphar, mais la femme
de Putiphar qui tenta Joseph...
Elles sont câlines et félines
Dents blanches, âme noire.
Leur coeur est plus truqué qu'une
machine de théâtre...
Un homme risquant le jeu d'amour
n'en remontra jamais à une femme en
fait de ruses : elle est là sur
son terrain propre.
Et, quelquefois, si grande est
l'astuce féminine que l'on comprendrait
presque l'exclamation sauvage rapportée
[44]
dans « Sappho » lorsque le vieux sculpteur
Caoudal apprend que Jean Gaussin a quitté
son amante ; « Le sculpteur eut un rire féroce.
Bravo ! Je suis content ! venge-nous, mon
petit ; venge-nous de ces coquines. Et qu'elles
pleurent les misérables. Tu ne leur feras
jamais autant de mal qu'elles en ont fait. »
Au reste, les femmes, même excellentes,
restent souvent impressionnables, changeantes.
Mentent-elles ? Je n'oserais pas le
dire. Elles ont plutôt des
convictions successives...
Défie-toi, ami, de celles qui
semblables à l'antique magicienne
Circé, ont le don redoutable de
changer les hommes en bête et
de faire comme elles « des hommes-pourceaux ».
Défie-toi des ensorceleuses
de leurs sourires
et aussi de leurs larmes
C'est leur stratagème
Cela leur coûte si peu ces larmes !
Quand un homme en verse, c'est son
âme qui pleure
Quand une femme en verse, souvent,
ses yeux seuls se mouillent
Elle pleure (pas trop, du reste pour
ne pas enlever le fard) et, de ces
pleurs faciles et sans conséquence,
elle sort plus fraîche
comme une pelouse après la fine
ondée si légère...
Défie-toi...
Défie-toi, ami, non seulement
de la femme, mais même de
l'adolescente.
La jeune fille ayant encore les
cheveux flottants sur les épaules
peut être experte dans l'art des
agaceries...

[45]

Tu as voulu recommencer
l'aventure de Samson et Dalila
Elle t'a dévirilisé
Elle a stérilisé ta pensée et ton
action
Tu n'es plus qu'un efféminé...

Qui peut nier tout ce qui reste de ce message dans la mentalité contemporaine ? Nous sommes peut-être loin de l'époque où l'on refusait de reconnaître une âme à la femme ou, lui en concédant une, on la jugeait perverse tant que le mariage n'allait pas l'ennoblir (Duby, 1978). On retrouve un peu partout des vestiges de l'argument de « perversité » : la femme battue a dû « le mériter », penseront le policier ou le juge avec un sourire en coin. Certaines « bonnes » blagues font encore le plaisir des convives mâles hilares : « Donne à ta femme une volée par jour. Si tu ne sais pas pourquoi, e//e le sait ». Qui peut oublier l'explosion de rires à la Chambre des communes quand, quelque part en 1982, les élus du peuple prenaient connaissance du fait que dans leur pays, le Canada, dix pourcent des femmes se font battre par leurs amis. La « blague » a fait la une dans tous les journaux nationaux. De même, les victimes du viol sont regardées avec suspicion : « elle a dû l'agacer ». Voici un petit article du journal Le Devoir, le 5 octobre 1982, intitulé : « Trente pourcent de viols imaginaires ? » Citons : « Cette année, près de 4,000 femmes au Canada auront déclaré à la police avoir été violées, mais la police estime qu'environ 30% de ces cas de viols sont imaginaires, ou que les soi-disant victimes font erreur ou mentent délibérément (...). Les enquêteurs n'ont pas retenu comme sérieux les éléments de preuves apportés par les victimes ». En effet,... elle a dû l'agacer !

Transmis par le journal La Presse (13 décembre 1982), voici en quels termes un juge britannique acquitte un violeur : « Une femme qui dit non ne veut pas nécessairement dire non. Il ne suffit pas de dire non... Si elle ne veut pas, elle n'a qu'à fermer les jambes ». Le même article raconte un acquittement analogue : « la victime s'était rendue coupable de négligence en faisant de l'auto-stop ». Le magazine Time, dans son édition du 5 septembre 1983, rapporte le cas du juge Berkos qui a pratiquement acquitté un homme arrêté pour cinq viols. Dans une entrevue le juge explique sa largesse : « l'homme... ne blessait pas les femmes physiquement en leur fracassant le crâne comme on voit des fois. Par exemple, il ne leur découpait pas les seins (He didn't cut their breasts off, for instance) ». Pour le juge Berkos un viol sans que la femme y perde la vie, un bras ou un sein, il n'y a clairement « rien là » !

En 1960, Albert Reiss étudiait 1,500 cas de sentences judiciaires adressées à des adolescents filles et garçons et concernant des méfaits sexuels. Il a relevé les observations suivantes : généralement, le juge ne condamne pas le garçon quelle que soit la nature « déviante » de son geste. Toutefois, ii identifie généralement la fille comme étant la cause du désordre [46] sexuel du garçon. Enfin, le juge refuse carrément d'entendre les plaintes de la fille et de sa famille.

Sur cette toile de fond, nous amorçons la dernière partie de nos réflexions.

L'HYPOTHÈSE DE LA SÉDUCTION PRÉCOCE
COMME ÉLÉMENT ÉTIOLOGIQUE
D'UN DÉSORDRE SPÉCIFIQUE.


Nous avons vu que l'opinion des tenants de l'appareil judiciaire et des gens soi-disant avertis est fortement colorée à la fois par un double standard et par des relents d'archétypes millénaires. En plus, quand nous recevons dans nos institutions des filles délinquantes au passé terrifiant, nous ne pouvons qu'être ébranlés par l'exercice précoce et effarant de leur sexualité. (Ne sommes-nous pas partie prenante de la même civilisation marquée au coin du « danger » que représente la sexualité précoce de nos filles ?). Certes, on reconnaîtra chez elles tous les signes de ce que nous appelons délinquance : structure caractérielle, recherche de high, percée magique, attitude de « tout ou rien », désir d'exploitation, séduction, faible considération envers autrui, illusion d'invulnérabilité, personnalité éventuellement psychopathique, etc... etc.. N'empêche que nous avons envie de dire avec Florence Rush (1972) : « Whatwas Mary's offense ? » Elle était violée, sexuellement assaillie, suspecte d'une grossesse inexistante et, malgré crimes et injustices perpétrés contre sa personne, c'est Marie plutôt que ses agresseurs qui se trouve stigmatisée par l'étiquette : « tendency to act out sexuality ». Nous avons bien affirmé plus haut que la structure délinquante chez la fille était fondamentalement la même chez ie garçon, et nous n'avons pas changé d'idée en cours de route, du moins pour ce qui concerne celles qu'on a convenu d'appeler les « vraies délinquantes » (ce qui exclut les délinquances de type névrotique, occasionnel, réactionnel, restitutionnel, psychotique...). Malgré tout, nous ne saurions ignorer l'importance de l'élément distinct qui caractérise la fille dont la citation de Rush nous met sur la piste : la séduction précoce dont la petite fille est victime. Nos propres recherches et celles de plusieurs autres découvrent que la majorité des filles institutionnalisées a été séduites par un adulte durant l'enfance. C'est souvent là, d'ailleurs, le contenu de leurs premiers souvenirs. Cette séduction, posée par un voisin, un inconnu, un ami de maman, le grand-père ou le père est généralement survenue avant l'âge de six ou sept ans et la période de « victimisation » a duré des mois, souvent des années. Le terme « victimisation » réclame quelque nuance. D'après ce que nous savons de la femme dans notre société où elle est toujours virtuellement perçue comme une propriété de l'homme - et objet à servir - il est possible que toute petite fille qui né jouit pas d'une protection familiale optimale, tôt ou tard, et la plupart du temps tôt, soit sollicitée, avec une plus ou moins grande insistance et/ou violence, à servir d'objet sexuel. Il faut également ajouter qu'une petite fille qui porterait déjà en elle le besoin de créer l'état d'excitationn proto-délinquante puisse être précisément celle [47] qui « succombera » à de telles avances, fût-ce d'une manière extrêmement ambivalente. L'adulte qui s'avance, sera toujours, aux yeux de cette petite fille, porteur d'une promesse. Promesse d'être un bon parent ou, mieux encore, promesse d'être une bonne mère qui fera couler un lait chaud et vivifiant d'un sein intarissable.

Le milieu familial qui facilite le sevrage du désir de toute-puissance et donc de l'excitation continue permet peut-être davantage à l'enfant de résister au leurre. La fille délinquante a souvent poussé dans un milieu familial qui ne lui laissait pas le choix de résister ou de succomber. Là-dessus les statistiques sont éloquentes : un tiers des adolescentes délinquantes en rééducation ont eu, avant la puberté, leur père comme partenaire sexuel (Van Gijseghem, 1975). Ces chiffres coïncident avec ceux d'autres chercheurs (v.g. Lemay, 1973).

À cet égard, je me dois au moins d'évoquer l'hypothèse de Christiane Olivier (1980) : la petite fille tôt délaissée affectivement par sa mère se prêterait aux avances de n'importe qui. Contrairement au petit garçon littéralement gavé par une mère aimante, la petite fille, elle, devient une proie facile pour le prétendu « substitut maternel ». Par surcroît, perdante dans les bras d'une mère trop neutre à son égard, elle se donne l'illusion de se retrouver « gagnante » dans ce lien substitut, sexualisé très tôt par la force des choses.

Même dans les cas de délinquance franche, c.a.d. la où la recherche inlassable du high narcissique était préalablement présente, tout nous porte à croire que l'événement sexuel précoce a laissé des marques sérieuses. Toutefois, il est difficile de préciser nettement les effets de cet événement. On pourrait s'imaginer d'une part que cette« pénétration » laisse des traces au niveau de l'image corporelle et donc de l'identité. Mais on peut objecter à cela que, s'il est vrai que la pénétration de la part du « sein maternel » est bienfaisante et rencontre le désir de l'enfant, il pourrait en être de même dans le cas d'une pénétration du « pénis paternel » ! Nous ne partageons toutefois pas cette objection comme on verra dans ce qui suit.

On pourrait, d'autre part, invoquer l'importance pour le développement de l'enfant d'un renoncement à son désir sexuel envers l'adulte-parent. On sait que ce renoncement confirmera chez l'enfant la reconnaissance du « tiers » donc du père (du moins dans notre culture). Avec la reconnaissance de cette « tierce considération » viendra également la capacité d'attendre, la mise en échec de la toute-puissance ainsi que de la pensée magique, l'accès à la culture, le respect des générations...Là encore, on peut objecter que bien des enfants n'accèdent pas à ces qualités malgré le fait qu'une séduction précoce ne soit pas venue perturber leur développement.

La destruction de la configuration triangulaire (et avec elle de la structure [48] surmoïque) n'est donc pas spécifique à la situation de la séduction précoce. Il faut bien ajouter que dans le « milieu naturel » de la fille délinquante, souvent le triangle oedipien a peu de chances d'édifier sa propre configuration. Autrement dit, seul un milieu passablement évolué permet à sa descendance de trianguler ou d'accéder à l'oedipe, et cela est rarement le cas du milieu qui favorise ou facilite la séduction précoce. Déjà, la distance verticale entre les générations dans un milieu où règne la « promiscuité enfant-adulte » est sérieusement compromise et, conséquemment, la pensée magique y est omniprésente. (Bien sûr, ici comme ailleurs, l'exception confirme la règle).

Par ailleurs, il est difficile de maintenir l'hypothèse selon laquelle la séduction précoce laisse des traces indélébiles sur l'estime de soi de la jeune fille. S'il est généralement admis que la perception d'être irréversiblement « mauvais » soit plus forte chez la fille délinquante que chez le garçon délinquant (on attribue cette présumée différence au double standard moral) néanmoins, cette opinion nous apparaît douteuse. Nos observations indiquent plutôt que tant les garçons que les filles se perçoivent simultanément « tout bons et tout mauvais », « tout-puissants et tout dépourvus », « tout tout et tout rien ». Sauf pour les cas de conflit névrotique, il faut, à notre avis, chercher la conséquence de la victimisation sexuelle précoce ailleurs que dans l'identité négative.

Enfin, nous ne sommes pas plus solidaire de l'hypothèse (par exemple : Pelsser, 1982) à l'effet que la délinquance masculine ait un caractère agressif et la féminine un caractère dépressif. Selon cette hypothèse le garçon déploierait un agir visant à détruire l'autre et la fille un agir visant à se détruire elle-même. Cet énoncé réfère clairement à une différence perçue comme fondamentale entre homme et femme. Evidemment, il y aurait une certaine logique à relier la « délinquance dépressive chez la femme ou, autrement dit, une délinquance où l'agressivité est tournée contre soi » à un événement perturbateur tel que la victimisation précoce. Tourner contre soi l'agressivité reviendrait alors à répéter compulsivement le trauma infligé dans un but d'intégration ou de solution tardive. Plusieurs auteurs font d'ailleurs ce lien. Dès lors, la tentation est grande de maintenir ce dualisme qui donne à la séduction précoce le statut de facteur étiologique. Cependant, nous ne croyons pas à la position qui fait tourner l'agressivité mâle vers l'extérieur, l'agressivité féminine vers l'intérieur. Nous pensons plutôt que ces deux formes d'agressivité se retrouvent selon des proportions comparables dans les deux sexes. Le vandalisme masculin tout autant que la prostitution féminine s'en prennent autant aux autres qu'à leurs auteurs, fût-ce symboliquement.

Ce qu'on peut dire à propos de la séduction précoce avec un degré de certitude raisonnable, c'est qu'elle pousse la fille dans une avenue comportementale qui constitue - elle l'aura compris - une source de puissance facile, toujours à portée de la main, universellement reconnue mais malheureusement [49] pour elle, universellement exploitée. En effet, l'événement sexuel précoce lui aura appris que, même petite petite, elle exerce le pouvoir réel d'une « marchandise en demande ». Rien n'assure qu'elle hésitera par la suite à marchander l'illusion de ce pouvoir, dut-elle y laisser des plumes. Par contre, l'accroissement notoire du taux de prostitution masculine nous fait de nouveau nous perdre en conjoncture : y aurait-il eu, là aussi, séduction précoce ?

Il n'y a peut-être pas lieu de faire de la séduction précoce un facteur étiologique d'importance dans la psychologie des délinquantes. Il est encore moins question de réintroduire une psychologie féminine à partir du destin anatomique ou des fonctions dites « féminines ». En réalité, il est tout aussi difficile d'évaluer l'impact précis de l'exploitation sexuelle précoce que de mesurer le sens du désarroi de la fille - et de la femme - devant cette « corporalité » dont Simone de Beauvoir disait qu'elle « la range - à ses yeux - dans une catégorie inférieure et mutilée » (1969).

Malgré tout, cette séduction précoce, si fréquente dans l'histoire des délinquantes ne cesse de nous interroger.

CONCLUSION

La littérature féministe, fort à propos d'ailleurs, a effrité des tabous, dénoncé des stéréotypes et fracassé des mythes. Cependant, beaucoup de questions demeurent. Nous croyons avoir indiqué dans ce texte que le phénomène de la délinquance féminine a toujours été regardé à travers des lunettes teintées par le stéréotype culturel. Par conséquent, on en a fait une « délinquance de femme ». Si toutefois on parvient à discerner dans l'être humain une condition psychique à l'origine de l'« attitude délinquante » qui débouche éventuellement sur des actes délinquants ponctuels, alors on devra bien se rendre compte qu'il n'y a pas de « délinquance de femme ». En fait, cette « attitude de base » ainsi que ses causes se ressemblent fort, qu'il s'agisse de l'homme ou de la femme. Par contre si on regarde la nature des actes posés, leur phénoménologie, on ne peut éviter de recourir au stéréotype, puisque, en fait, la nature et la forme de cet acte empruntent fatalement aux rôles socio-culturels. C'est dans ce contexte qu'on doit reconnaître que la délinquance de la femme dérange davantage que celle de l'homme en autant qu'elle transgresse nos attentes envers la femme de notre société. Quand, en plus, à tort ou à raison, on juge « sexuelle » la délinquance féminine et ce, en conformité avec le stéréotype féminin, on la range du côté du dangereux, du mystérieux, d'où le titre de la présente réflexion... Et pourtant, si on regarde les faits, la délinquance féminine, même celle qu'on peut qualifier de sexuelle, relève bien plus du registre de la victime que celui de la sirène ou de l'ensorceleuse. Nous ne nous sommes pas attardés dans ce texte aux institutions patriarcales qui la victimisent au départ. Nous avons plutôt voulu souligner la situation de la séduction précoce comme élément de victimisation. Dans un tout autre [50] contexte, celui de l'hystérie, Freud, à la fin du siècle précédent, croyait à la séduction précoce comme facteur étiologique. Plus tard, il a dû se rendre compte qu'il ne pouvait s'agir de séduction réelle mais phantasmée. Toutefois, pour ce qui est de la délinquance féminine authentique, nous sommes de plus en plus porté à croire que là, contrairement à l'hystérie « freudienne », la séduction précoce est on ne peut plus réelle.

ABSTRACT

Most of the time, féminine misconduct has been studied through spectacles coloured by the « feminine stereotype ». In this text we denounce this point of view. Yet, the stereotype seems to be responsible for the uneaseness we feel before female crime. If there is truth in the assertion that men are afraid of women and of their delinquency, it is also true that, often, delinquent women have been, in their childhood, victims of male séduction. This could be an important factor in the genesis of the presumed « specifici-ty » of female misconduct.

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[1] Texte modifié de la conférence d'ouverture du congrès : "Cette fois... l'adolescente », organisé conjointement par l'Association Canadienne de la Santé mentale de Sherbrooke et de la Faculté d'Éducation de l'Université de Sherbrooke. Université de Sherbrooke, 8 et 9 octobre 1982.

[2] Nous évitons ici de donner une définition de ce qu'on appelle : "le stéréotype féminin". Tout le monde sait, au moins intuitivement, à quoi on réfère avec ce terme, c.a.d. à beaucoup de choses. Par conséquent, dans le présent texte, il renverra parfois au concept de la « bonne épouse - bonne mère », d'autres fois à celui de l'objet sexuel et d'autres fois sans doute encore à des facettes différentes de cette notion.

[3] Dans son livre récent, Peggy Reeves Sanday (1981) s'inscrit en faux contre cette affirmation pourtant devenue classique.

[4] « The spectacle of the female devouring her young in the firm belief that it is for their own good is too old in man's legend to be overlooked by any but he most flimsily constructed society » disait cyniquement Wylie dans son Generation of vipers (1942).

[5] Cité par Rubin (1977). Il est à remarquer que le « Man and Superman » de Shaw est littéralement truffé de tels propos comme d'ailleurs le reste de son oeuvre (1931).

[6] Notre traduction.

[7] Notre traduction.

[8] Nous soulignons

[9] Ce nom flamand signifie en français « cornard » ou « cocu ». Mais il n'y a sûrement pas de lien...

[10] Parce que le Malleus parlait bel et bien des femmes ; encore au 17e siècle un évêque italien assurait que : « pour un nécromancien ou un magicien, il fallait compter dix mille femmes sorcières ; la raison majeure de cet état de choses restant l'extrême malice du démon, plus enclin à s'adresser aux dames ; deuxièmement la nature même des femmes ; troisièmement, leur crédulité ; quatrièmement, leur vanité, cinquièmement leurs sentiments extrêmes d'amour et de haine et enfin leur terrible inclinaison à pécher », (selon Briffault, 1927, cité par Lederer, 1968).



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 20 février 2015 16:13
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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