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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

May Clarkson, “La violence” (1996)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de May Clarkson, “La violence”. Un article publié dans l’ouvrage sous la direction de Louise Guyon, DERRIÈRE LES APPARENCES. Santé et conditions de vie des femmes. Chapitre 9, pp. 149-170. Avec la collaboration de Claire Robitaille, May Clarkson et Claudette Lavallée. Québec : Ministère de la Santé et des Services sociaux, novembre 1996, 384 pp. [Autorisation accordée par l'éditeur du Québec le 17 octobre 2006.]

Introduction  

Définition de la violence 

 

Ce chapitre aborde un thème qui a été longtemps occulté, voire nié dans la société québécoise comme dans bien d'autres : celui de la violence faite aux femmes, dans un contexte socioculturel spécifique qui conditionne les rapports sociaux entre les sexes (gender relations). On ne parle donc pas de la violence fortuite (telle la violence exercée au cours d'un cambriolage), mais bien de celle qui est employée plus spécifiquement contre des victimes de sexe féminin, et qu'on peut définir de la façon suivante : « la force physique ou verbale, la coercition ou la négligence exercées à l'égard d'une personne de sexe féminin, de façon à lui occasionner des problèmes de santé physique ou psychologique, de l'humiliation ou une privation arbitraire de liberté, et de façon à perpétuer la subordination féminine » (Heise, 1993, traduction libre). 

On s'intéresse donc ici, d'une part, à la violence exercée envers une femme par un ou des inconnus, parce qu'elle est une femme ; on peut penser par exemple au harcèlement sexuel, à l'agression sexuelle, voire à des cas aussi extrêmes que celui du massacre de jeunes femmes à l'École polytechnique de Montréal en décembre 1989. D'autre part, on s'intéresse également à la violence physique, sexuelle ou psychologique exercée par des connaissances ou des proches, et, bien souvent, par un conjoint, un partenaire de vie ou un amoureux. [1] 

MacLeod (1987) décrit ainsi la femme victime de violence conjugale : « Celle qui a perdu sa dignité, son autonomie et sa sécurité, qui se sent prisonnière et sans défense parce qu'elle subit constamment ou de façon répétée des violences physiques, psychologiques, économiques, sexuelles ou verbales. » (p. 8) 

Une telle description s'inspire principalement des témoignages de femmes violentées, et ne préjuge pas des intentions de l'agresseur. L'Ontario Medical Review (1986) va plus loin, en définissant la violence conjugale envers les femmes comme « l'abus physique ou psychologique infligé par un homme à sa partenaire, afin de la contrôler ou de l'intimider ». 

Quant aux agressions à caractère sexuel, Khouzam et Rousseau (1993) en donnent la définition générale suivante : « Une agression à caractère sexuel est un acte de domination, d'humiliation, de violence. Elle se produit dès qu'on impose à une personne, contre sa volonté, des attitudes, des paroles, des gestes à connotation sexuelle, en utilisant l'intimidation, le chantage, la violence verbale, physique ou psychologique. » (p. 839)

 

Une prise de conscience difficile 

La prise de conscience du problème de la violence faite aux femmes a été longue et difficile. Au Québec, les premières maisons d'hébergement et de transition pour femmes violentées sont apparues au début des années soixante-dix, grâce à l'action de groupes de femmes sensibilisées à la question, et le premier centre spécialisé dans l'aide aux victimes d'agression sexuelle a vu le jour en 1975. En 1985, le ministère de la Santé et des Services sociaux a manifesté, par sa Politique d'aide aux femmes violentées, sa volonté d'intervenir face à un tel problème et en 1986, les ministères de la Justice et du Solliciteur général (devenu depuis ministère de la Sécurité publique) publiaient à leur tour leur Politique d'intervention en matière de violence conjugale. Il n'en reste pas moins que c'est l'effort des groupes de femmes qui a finalement alerté l'opinion publique et amené les gouvernements à légiférer dans ce domaine. 

Malgré les progrès réalisés dans la reconnaissance du problème, il reste encore plusieurs étapes à franchir. À titre d'exemple, on se heurte parfois à la réaction suivante : « Oui, d'accord, la violence envers les femmes existe... mais dans notre milieu, dans notre pays, c'est un phénomène plutôt rare, pour ne pas dire extrêmement marginal ! »

 

Évaluer la prévalence de la violence 

Jusqu'à tout récemment, on disposait de peu de données permettant d'évaluer la prévalence des diverses formes de violence faite aux femmes, et les quelques efforts en ce sens se heurtaient à une forte dose de scepticisme : les groupes ou les personnes qui dénonçaient, chiffres à l'appui, la violence faite aux femmes, étaient accusés de crier au loup trop fort et trop souvent. Si on obtient des prévalences élevées, entendait‑on, c'est parce qu'on manque de rigueur scientifique... la méthodologie d'enquête est défectueuse... ou encore, parce qu'on définit la violence de façon trop large, jusqu'à y inclure des comportements bénins ! 

L'enquête sur la violence envers les femmes, menée par Statistique Canada en 1993, constitue donc à cet égard un apport précieux. D'une part, comme le souligne l'organisme, il s'agit de la première enquête du genre, dans le monde entier, à être réalisée. D'autre part, « l'enquête portait uniquement sur les actes considérés comme une infraction en vertu du Code criminel du Canada » (Statistique Canada, 1993, p. 2). 

Compte tenu de l'excellente réputation nationale et internationale de l'organisme, dont la rigueur scientifique n'est généralement pas mise en doute, les chercheurs et les intervenants en matière de violence auraient plutôt tendance à se sentir soulagés... Enfin, des renseignements « crédibles », se dit‑on, sur la prévalence du problème, et une définition qui devrait être acceptable pour tous, puisqu'on ne tient compte que des comportements pouvant être sanctionnés par les lois du pays ! La présentation des sources de données et de la méthodologie utilisée (que l'on trouvera en annexe) dans les diverses enquêtes devrait permettre à la lectrice ou au lecteur de se faire une idée juste de la rigueur de la démarche.


[1] Des hommes peuvent également être victimes de violence conjugale ou d'agression sexuelle ; toutefois, il semble, selon la documentation scientifique et l'avis de la plupart des intervenants, que la violence exercée par une femme à l'égard d'un conjoint non violent constitue un phénomène plutôt rare. Quant aux agressions sexuelles, on verra qu'elles touchent deux fois plus de femmes que d'hommes, et que l'agresseur est presque toujours de sexe masculin.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 28 juillet 2007 8:42
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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