Introduction
Entre les recensements de 1971 et de 1986, le nombre de familles monoparentales au Québec a augmenté de 67%, comparativement à 10% chez les familles biparentales. En 1991, parmi les familles où l'on retrouve un ou plusieurs enfants, une sur cinq est monoparentale ; c'est donc dire que la proportion de ces familles a doublé depuis 1971 (Bernier et al., 1994 ; Statistique Canada, 1992). Des changements importants avaient marqué les modes de vie familiaux québécois au cours des années soixante-dix, le plus marquant étant l'augmentation des ruptures d'unions, suivi de loin par les naissances hors mariage (Dandurand, 1987 ; Le Bourdais et Rose, 1986). Autrefois résultante de la situation de veuvage, les familles monoparentales sont aujourd'hui plus jeunes comparativement, tant par l'âge du parent responsable que par celui des enfants, et elles sont plus souvent sous responsabilité féminine (Dandurand, 1982).
Ces modifications aux structures familiales ont été lourdes de conséquences, particulièrement pour les femmes et leurs enfants qui se sont retrouvés, dans la plupart des cas, dans des situations économiques précaires. Par exemple, selon une étude faite auprès des familles monoparentales, en 1987, les femmes chefs de familles monoparentales étaient moins scolarisées, touchaient des revenus deux fois moins élevés et se retrouvaient, plus souvent que les autres mères, dépendantes de l'aide sociale : quatre fois sur cinq dans le cas des mères célibataires et deux fois sur cinq chez les séparées et les divorcées (Jutras et al,. 1989). La monographie sur les familles monoparentales, faite à partir des résultats de l'enquête Santé Québec 1987 (Bellerose et al.,., (1989) montrait que les femmes chefs de familles monoparentales étaient plus pauvres, se percevaient en moins bonne santé et présentaient des indices de santé physique et psychologique plus détériorés que les autres femmes. Le rapport du Conseil national du bien‑être social (1995) insiste sur la pauvreté des mères seules (60% d'entre elles seraient pauvres) et de leurs enfants (64% de pauvreté) ; ces familles se classent au premier rang des familles les plus pauvres, bien avant les femmes âgées vivant seules.
Par ailleurs, dans leur introduction à la monographie de Santé Québec consacrée aux familles québécoises, les auteurs signalent : « La hausse des ruptures d'union, jointe à la progression des unions libres, a également favorisé, dans un deuxième temps, la montée d'un autre type de famille, les familles recomposées, dont les statistiques officielles du recensement camouflent, encore aujourd'hui, l’existence parmi l'univers plus large des familles biparentales. » (Bernier et al., 1994, p. 4) (Desrosiers et al., 1993) Ces deux formes de familles (monoparentales et recomposées) ont certains points en commun : elles résultent des ruptures d'unions antérieures, elles comprennent plus souvent des enfants en bas âge, elles sont organisées autour de la mère et de ses enfants et impliquent la présence plus ou moins régulière du père biologique dans la vie des enfants (Dandurand, 1994).
Dans sa revue de la littérature sur les problèmes sociaux associés à la monoparentalité, Dandurand (1994) insiste sur le fait que la monoparentalité n'a pas un visage unique : « Tous les foyers monoparentaux ne vivent pas des problèmes sociaux et, quand ils connaissent des situations problématiques, ce n'est ni avec la même intensité ni de la même manière qu'ils les vivent. » (p. 522) Et l’auteure arrive à la conclusion suivante : « L’origine des problèmes sociaux que vivent une partie des foyers contemporains dirigés par un parent seul réside moins dans la structure familiale comme telle, la famille monoparentale, que dons le fait que cette structure familiale soit encore mal adaptée à la société dans laquelle elle s'est pourtant développée. » (p. 541)
L'enquête sociale et de santé (1992-1993) a adopté une typologie des familles qui permet de dégager les nouvelles formes d'organisation des familles québécoises. La situation des mères monoparentales peut ainsi être mise en relation, de façon plus précise, avec celle des mères des familles biparentales, qu'elles soient « intactes » ou « recomposées » (figure 14.1).
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