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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Denise Helly, “Minorités ethniques et nationales : les débats sur le pluralisme culturel.” Un texte publié dans la revue L'Année sociologique, vol. 52, no 1, 2002, pp. 147-181. [Autorisation accordée par l'auteur le 13 mars 2013 de diffuser ce texte dans Les Classiques des sciences sociales.]

[147]

Denise Helly

Chercheure, INRS culture - société

Minorités ethniques et nationales :
les débats sur le pluralisme culturel
.”

Un texte publié dans la revue L'Année sociologique,  2002, vol. 52, no 1, pp. 147-181.

Résumé / Abstract [147]
Introduction [147]

1. Les positions théoriques questionnées [148]
1.1. Le libéralisme politique classique [148]
1.2. Le républicanisme [149]

2. Les critiques [151]
2.1. Discrimination et égalité des chances [152]
2.2. Orientations culturelles minoritaires et inclusion symbolique [153]
2.3. La culture, un bien et un lien inhérents, inaliénables : les Communautariens [154]
2.4. Nation et ethnocentrisme [155]

3. Les minorités ethniques, immigrées [156]
3.1. Les réponses libérales [156]
3.2. Les répliques républicaines [161]

4. La nation et l'appartenance nationale [163]
4.1. Les « grands nationalismes » [163]
4.2. Les nations minoritaires [166]

5. Les contre-critiques [168]
5.1. Droits individuels et droits collectifs [168]
5.2. Balkanisation et relativisme culturel [170]
5.3. Le codage illusoire de la pluralité culturelle [171]

Conclusion. Le présent contexte [171]
Références [173]


RÉSUMÉ

Cet article présente la teneur et le contexte des débats politiques et académiques concernant le statut d'égalité des minorités ethniques et nationales durant les vingt dernières années. Il examine les arguments des trois principaux courants de pensée articulant ces débats, soit les courants libéral, républicain et communautarien, et il résume les fondements de leurs positions sur les enjeux distincts de l'égalité socio-économique et politique, de la reconnaissance symbolique et de la différence culturelle des minorités. Prenant appui sur la situation canadienne, une situation symptomatique des affrontements auxquels a donné et donne encore lieu la question des « droits » des minorités ethniques et nationales, cet article expose également les contre-critiques et les éventuelles failles des politiques de pluralisme culturel et leurs éventuelles failles pour finalement s'interroger sur l'avenir de ces politiques dans le contexte de la transformation des États providence curant les années 1990.

ABSTRACT

This article presents the tone and the context of political and academic debates concerning the status of equality for ethnic and national minorities over the last twenty years, by examining the arguments presented by the three principle currents of thought which have pronounced on these debates : liberal, republican and communitarian. It provides an overview of the basis for the respective positions, as well as their approaches to the specific stakes of socioeconomic and political equality, of symbolic recognition, and of cultural differences amongst minorities. Employing examples from the Canadian situation, which shows the types of conflicts which arose on account of questions relating to the « rights » of ethnic and national minorities, this article also offers an overview of the counter-criticisms, as well as the weaknesses of cultural pluralism policies in dealing with the future in the context of the transformation of the Welfare state since the 1990s.

INTRODUCTION

Depuis les années 1960, la diversité culturelle des sociétés civiles occidentales est devenue un objet de controverses publiques sous la pression de trois mouvements contestataires toujours actifs à la période actuelle, les mouvements féministes, nationalistes et ethniques, que ces derniers soient le fait de minorités historiques, noire et [148] autochtones, ou de minorités immigrées. Il s'ensuivit un large débat en philosophie politique mais aussi en sociologie sur le statut de la différenciation culturelle dans un système politique moderne, un débat dont ce texte tente de résumer la teneur en examinant les réponses apportées par différents courants théoriques à la demande d'égalité réelle par ces trois formes de contestation minoritaire.

1. Les positions théoriques questionnées

Le questionnement académique sur la différenciation culturelle s'est en fait centré sur une critique, parfois radicale, des postulats de la pensée libérale britannique classique [1] et, moindrement, sur les postulats de la pensée républicaniste et ce en raison de l'ouverture affirmée du libéralisme politique à l'égard de la diversité culturelle de la société civile.

1.1 Le libéralisme politique classique

Le libéralisme classique n'envisage pas l'homogénéité culturelle d'une société comme une réalité possible ou comme un objectif du pouvoir étatique. La diversité culturelle est inévitable, affirme-t-il, car la liberté de chacun de décider de sa vie crée de la diversité à l'infini. Mais, comme il n'existe aucun lien naturel entre les humains et aucune volonté inhérente en eux de vivre ensemble, les risques de violence et d'inégalité sont permanents et un compromis doit être trouvé afin que chacun accepte des entraves à l'exercice de sa liberté. Le seul lien collectif possible au sein d'une société ne peut donc être établi que par raison et négociation des divergences d'intérêts et de valeurs et chacun doit tester ses actions et idées à une réalité : son point de vue ne peut pas faire loi commune. Pour que cette négociation intervienne et perdure, les individus doivent être informés et faire preuve de vertus, modération en matière d'opinions et d'intérêts individuels, obéissance aux lois, tolérance, [149] respect de l'autonomie des autres. Rawls (1993) parle de reasonableness, de sens du raisonnable, du juste.

Selon cette vision, l'État ne peut pas intervenir dans la définition de valeurs religieuses, morales et culturelles communes et doit demeurer neutre par rapport aux valeurs spécifiques d'individus ou de groupes. Ce principe que maintiennent Nozick (1974), Dworkin (1981,1985), Galston (1980, 1991) et Rawls (1993), implique de distinguer une sphère où s'expriment librement des différences, la société civile et le domaine privé, et une sphère, publique, où se régulent les différences portant atteinte aux libertés des autres. Le politique, conçu comme l'État, est instrumental ; il sert la liberté de choix et la différence individuelles. Walzer (1980 : 24-29) écrit qu'il n'est que de l'administratif.

Cette conception, cependant, ne signifie nullement une volonté d'annulation des différences d'orientation culturelle individuelle. Les Libéraux ne nient pas l'enracinement historique et culturel de l'individu et voient, au contraire, en la pluralité culturelle de la société civile, une preuve du respect de la liberté de chacun. Leur raisonnement est autre (Holmes, 1993). L'individu a la capacité et le droit, sinon la responsabilité, de juger, d'accepter ou de refuser les valeurs, projets et normes de son environnement social et culturel. La modernité est la possible émancipation individuelle des attaches données par la naissance ou prescrites par la coutume ou une majorité ; c'est le droit à la dissidence culturelle, comme politique.

La définition libérale du politique construit une forme d'appartenance sociétale, la citoyenneté, comme inclusion égalitaire mettant l'accent sur l'autonomie et la sécurité de tout individu face à tout pouvoir, et sur la défense des libertés fondamentales. Cette défense convoie certes la formation d'inégalités criantes, mais celles-ci sont considérées moins importantes et nocives que le despotisme (Montesquieu, 1750/1949-51). L'affirmation de la préséance des libertés sur l'égalité est questionnée dès le XVIIIè siècle.

1.2. Le républicanisme

La pensée républicaine [2] adhère au principe du droit de se soustraire à l'interférence d'États et de communautés autoritaires, mais elle s'inquiète de deux points : la passivité des citoyens et les effets [150] sur l'égalité [3] de la marge d'action laissée à l'individualisme prédateur par le simple respect des libertés. La démocratie représentative risque de générer une indifférence à la vie publique et une confiscation du pouvoir par un corps spécialisé de bureaucrates et de politiciens. La morale de la tolérance, clé de voûte du contrat libéral, peut ne pas apparaître et les mécanismes de contrôle des élus et des minorités agissantes ne pas suffire. Les humains étant, par nature, passionnels, égoïstes et désobéissants, leur absence d'investissement de la vie en société et ses effets néfastes sur le contrôle de l'État et l'égalité entre individus doivent être contrecarrés. Il faut fomenter leur adhésion en leur inculquant un amour de la collectivité d'individus libres qu'ils constituent. Ce faisant, la vertu centrale en démocratie n'est pas la capacité de limiter sa liberté pour la voir respectée par les autres, mais de savoir placer l'intérêt collectif avant les intérêts et opinions personnels, et de refuser corruption, démagogie, autoritarisme et inégalités. L'amour du bien commun devient le pivot d'une morale civique voyant en la participation active à la vie publique un prérequis. Mais cet amour n'est pas naturel et les humains doivent être transformés en citoyens, éduqués par les institutions incarnant leur communauté politique.

Le républicanisme construit la citoyenneté comme une participation politique active et une morale publique étrangère au calcul raisonné libéral d'imposer des limites au désir individuel pour assurer les libertés et la prospérité de chacun. En insistant sur l'unité et l'égalitarisme de la collectivité politique, le républicanisme tend à considérer toute division du corps souverain du peuple comme nocive. Néanmoins, deux différences majeures et persistantes entre les courants français et anglo-saxon, ont un rôle important dans le traitement de la différence culturelle.

Le courant anglo-saxon considère le contrôle direct des affaires locales comme la forme d'endiguement d'un État fort et il voit dans des institutions de gestion locale, les lieux et agents de l'éducation au bien commun. Dans cette idée, s'ancrent la structure fédérale de la république américaine et la division des trois pouvoirs. Le courant français ne valorise pas le pouvoir local, affirme la primauté d'un État fort, central, mobilisateur de tous, en lien direct avec les [151] citoyens et fait d'institutions publiques, école, services publics, armée, les agents de l'éducation au civisme.

Par ailleurs, la laïcité est un enjeu fondamental du républicanisme français. Tout en reconnaissant la liberté des cultes catholique, protestante et juif, il conçoit la liberté de pensée non pas comme le droit de croire à des valeurs religieuses diverses mais plutôt comme le refus de toute transcendance (Baubérot, 1997 ; Nicolet, 1982). La question religieuse en demeure un objet de débats au long de l'histoire, qu'elle concerne les curricula et le personnel scolaires durant la lllème République, le patriotisme des Israélites au tournant du siècle, le statut des écoles privées confessionnelles périodiquement et, depuis dix ans, celui des organisations musulmanes. L'histoire et l'héritage philosophique expliquent ce fait [4]. Par contre, l'idée d'une transcendance divine n'est pas contraire à la pensée moderne anglo-saxonne. La monarchie britannique est anglicane, les libertés religieuse et civique sont souvent confondues par les Puritains (Pocock, 1967, 1975, 1999), des minorités religieuses opprimées dans le royaume fondent les premiers établissements de la Nouvelle Angleterre ; les Églises chrétiennes sont multiples, au Royaume Uni, aux États Unis et au Canada et les Constitutions américaine et canadienne invoquent Dieu. Ce statut historique et sociologique de la différence religieuse et l'importance des institutions locales pour le courant anglo-saxon ont un impact : l'existence de communautés culturellement différentes n'est pas contraire à la souveraineté populaire.

2. Les critiques

Les postulats libéraux et républicains sont fortement critiqués durant le XlXè siècle et le caractère fictionnel de l'égalité et de la liberté et ses effets de domination dénoncés. Revendications et insurrections ouvrières, contestations abolitionnistes et féministes, théories socialistes et marxistes mettent à jour leur dynamique d'hégémonie idéologique, la domination socio-économique des [152] « classes laborieuses » et le déni des droits politiques à des catégories sociales au nom de leur incapacité à mener des délibérations informées et argumentées. Faute d'accès au savoir et à la rationalité, les salariés pauvres, les femmes, les Noirs affranchis et les Autochtones sont renvoyées à l'univers de l'ignorance, de la passion et du préjugé. La distinction entre sphères publique et privée est de fait une création politique et le produit de rapports de force, quelle que soit la naturalisation dont elle fait l'objet. Les règles, entre autres, de la propriété et de la transmission des biens, ou celles définissant les relations entre parents et enfants, dites du domaine privé, ont été et demeurent grandement régies par les États. Ce caractère politique de la démarcation entre sphère publique, société civile et domaine privé hante les régimes démocratiques depuis près de deux siècles, d'autant plus que l'archétype du privé dans la pensée libérale est saisi comme la jouissance de la propriété et le goût du bonheur domestique, selon ce que Taylor dénomme « the sanctification of ordinary life » (1989). Mais, d'autres critiques s'amplifient à partir des années 1940 en Amérique du Nord. [5]

2.1. Discrimination et égalité des chances

Lors de leur interaction sociale, les individus mettent en scène et en acte des distinctions dissymétriques et hiérarchisées qui contreviennent à l'égalité des droits codifiés et produisent des inégalités. Des écrits et les mouvements noirs et féministes des années 1950-19605 montrent comment le racisme (Myrdal, 1944, Park, 1950 ; Moynihan, 1965 ; Parsons and Clark, 1965) et le sexisme assignent des statuts inférieurs et des chances inégales sur le marché du travail et sur la scène politique. Selon les postulats libéral et républicain, toute inégalité ne relevant pas de la différenciation des mérites individuels est illégitime et les États implantent une protection sociale dès la fin du XlXè siècle, des droits sociaux après-guerre pour protéger les individus de situations ne dépendant pas de leur capacité et volonté (chômage, vieillesse, invalidité), et des lois contre des formes de discrimination (sexe, race, origine nationale, religion). Les mouvements noirs et féministes aux États-Unis et francophone au Canada montrent le caractère illusoire de ces mesures vu la permanence [153] des préjugés négatifs à leur égard et le retard historique de leur promotion sociale et politique. Ils réclament des actions de l'État. Des programmes de réparation historique ou de discrimination positive sont adoptés aux États-Unis, au Canada [6], en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas pour accroître l'accès égalitaire des membres de minorités racialisées ou linguistiques aux institutions d'enseignement et à l'emploi dans les institutions publiques.

2.2. Orientations culturelles minoritaires
et inclusion symbolique


Durant les années 1950-1970, le débat porte sur les inégalités socio-économiques et politiques produites par les stigmatisations culturelle et raciale et sur leur caractère systémique, non aléatoire, inscrit dans la structure des occupations et des postes politiques et ne paraissant devoir s'effacer au fil d'une évolution positive des mentalités. À partir des années 1980, le débat se transforme. Les discriminations ethniques, religieuses, linguistiques et raciales ne sont plus objets de controverses sur l'égalité socio-économique et politique mais sur le droit d'exprimer sans préjudice social des orientations culturelles minoritaires, puis, durant les années 1990, sur leurs effets sur le sens d'appartenance à une société (Kymlicka et Norman, 2000 : introduction).

Il est désormais avancé que ces discriminations génèrent une non-reconnaissance des personnes stigmatisées comme des membres à part entière de la société et que la dite neutralité culturelle de l'État contribue à leur marquage symbolique négatif et à leur aliénation à l'égard de l'État et de la société. Cette situation engendre, par exemple, des affrontements sur la partialité de l'interprétation de l'histoire des États Unis et du Canada et sur le statut des immigrés en Europe occidentale à la suite de la quasi-fermeture des frontières durant les années 1970. Et l'idée de culture dominante prend de l'importance. Selon Williams (1973, 1980), une culture dominante est l'ensemble des interprétations, rarement explicitées et plutôt prises pour acquises, qui régissent les relations quotidiennes entre les personnes dans les principaux aspects de leur vie sociale. Néanmoins, [154] cette culture n'est jamais hégémonique, car d'autres représentations de la réalité existent, qui contestent sa légitimité (Roseberry, 1989 ; Thomas, 1994) et ouvrent un espace au conflit. Dans un système moderne, l'égalité est une des représentations qui créent un tel espace en permettant de pointer les contradictions entre le précepte idéal et la réalité sociale (Rancière, 1981,1995 ; Scott, 1985) [7]. Aussi, dans le domaine du traitement de la différence culturelle, le terme de majorité culturelle ou de charter group est-il utilisé pour rendre évidentes cette marge de contestation dans toute interprétation de l'univers physique ou social et la possibilité de l'existence de plusieurs majorités culturelles au sein d'une société. Des majorités construites à partir de référents différents (culture, langue, religion, orientation sexuelle, genre, race, origine nationale). Vu cette évolution du débat, le contrôle de la production de la culture comme matrice d'interprétation (école, média, narration historique), l'équilibre entre les libertés fondamentales et des valeurs majoritaires, ainsi que l'intervention étatique deviennent des questions centrales.

2.3. La culture, un bien et un lien inhérents,
inaliénables : les Communautariens


Au coeur du débat sur les minorités et les majorités culturelles, interviennent aussi fortement les critiques communautariennes (Maclntyre, 1981 ; Lasch, 1996,) qui accusent le libéralisme et le républicanisme de créer un individu désincarné et soit-disant rationnel. Un livre de Sandel, Liberalism and the Limits of Justice (1982), amorce la polémique en réponse à l'ouvrage A Theory of Justice (Rawls, 1971,) qui s'interroge sur le principe de justice aux États Unis à la suite des luttes des Afro-américains.

L'école communautarienne veut saper la notion de rationalité comme base du contrat politique. Elle fait de l'identité la résultante d'une expérience et non un choix personnel, délibéré, une stratégie. Elle réfute l'idée selon laquelle une personne est de nature une entité autonome, séparée, capable d'actions et de choix sans interférence des autres, une entité existant avant la société où elle exercerait sa rationalité. Une personne, affirme-t-elle, se construit et devient une entité individualisée uniquement dans l'interaction [155] avec d'autres et sa capacité d'être particulière doit toujours être confirmée par d'autres. L'inclusion dans une culture, dans un milieu, influence de façon cruciale, son bien-être en lui procurant un éventail de valeurs et de référents à partir desquels elle s'auto-identifie, et en lui assurant une appartenance collective non contestée. Elle constitue un bien primaire comme la liberté dans la mesure où elle lui permet de déterminer ses propres fins et où elle favorise son autonomie. La liberté n'est pas, comme le veulent Libéraux et Républicains, une compétence acquise à la naissance et à appliquer à diverses réalités, mais un trait acquis dans un milieu de vie. Selon cette thèse, dite social thesis, l'enracinement social et culturel d'une personne est nécessaire, constitutif, incontournable, et cet enracinement prenant des formes fort différentes, la neutralité culturelle de l'État se révèle un mythe, qui, en fait, conforte l'influence de majorités culturelles. L'État et la définition de la citoyenneté ne peuvent pas s'en tenir à l'affirmation que l'orientation culturelle est un choix et une affaire personnels.

2.4. Nation et ethnocentrisme

La notion de culture nationale ne pouvait échapper à la critique des effets de l'existence de majorités culturelles. Définie comme un phénomène culturel (Anderson, 1983 ; Smith, 1991) mettant de l'avant une expérience historique commune, distincte, des membres d'une société et se traduisant par le partage d'une généalogie, de qualités personnelles, d'usages, de langue(s), de héros, d'épisodes historiques, de territoire, de productions savantes et d'institutions, la culture nationale est critiquée pour n'être qu'une interprétation de l'histoire et du présent, une « sélection de traditions » (Williams, 1961 : 50-59). Cette nature partiale est pointée durant les années 1980 et surtout 1990, et ses effets cités sont un accès limité, sinon nul, des citoyens non-nationaux à des emplois et au corps des élus, un déni de leur reconnaissance comme membres à part entière de la nation, une érosion de leurs langues et cultures et leurs effacement ou statut second dans la narration historique, autant d'effets qui rendent instable, sinon factice, la neutralité culturelle de l'État moderne. Les possibles interprétations par la Cour suprême américaine de la séparation de l'Église et de l'État incluse dans la Constitution depuis 1791 illustrent souvent l'argument. Cette séparation peut signifier l'interdiction pour l'État d'accorder une préférence à une église, ou l'interdiction dans les établissements publics, tels que [156] les écoles et les cours de justice, de tout symbole ou pratique en appelant à une tradition religieuse qui se présenterait comme nationale (crèches de Noël, récitation de prières lors de la collation des grades). Dans le premier cas, une règle générale définit la portée de la loi, dans le second, l'interprétation tient compte de traditions sociales majoritaires (Sullivan, 1998).

3. Les minorités ethniques,
immigrées


3.1. Les réponses libérales

Des auteurs du courant libéral répondent aux critiques qui leur sont adressées et tentent, en fait, de légitimer les mesures étatiques adoptées durant les années 1960-1970, soit les programmes de réparation historique ou la politique multiculturaliste canadienne. Cette politique est introduite en 1971 avec l'objectif déclaré de renverser l'influence prépondérante de deux groupes dits fondateurs, canadien français et canadien anglais, mais, en fait, de contourner les demandes québécoises, autochtones et immigrées à un partage plus équitable du pouvoir. Elle tente de créer la représentation d'une société canadienne unifiée sur la base d'une nouvelle culture politique commune, enracinée dans la défense des libertés fondamentales, l'égalité des droits individuels, une histoire d'immigration modifiant sans cesse la composition culturelle de la société civile et une identité canadienne fluide, ouverte et opposée à toute idée d'assimilation ou de hiérarchie culturelles (Helly, 2000a, 2001).

—. Redistribution versus réparation,
redistributive justice versus reparative justice


Dans les débats qui s'enclenchent entre Libéraux et leurs critiques, les programmes d'action positive ne provoquent guère de débats universitaires aigus. Ils ne contreviennent pas à la logique de l’État-providence d’accorder des compensations à toute personne subissant un handicap hors de son contrôle et les controverses, surtout américaines, portent principalement sur le risque de multiplication de demandes de réparation de groupes d'intérêt et de clientèles émargeant au budget de l'État (Glazer, 1983). Young (1989, 1990) est connue pour avoir répondu à cette critique. Au nom de la justice sociale, elle argumente que seules les personnes subissant une forme d'exclusion ou de marginalisation sociales au nom de marqueurs culturels (Noirs, Hispanics, femmes, homosexuels, Autochtones) [157] sont éligibles et qu'il est aisé de les définir et de refuser les demandes d'un traitement spécial en vertu d'une simple différence culturelle. Mais, durant les années 1990, en dépit de leur utilité attestée par certains aux États Unis (Bowen et Bok, 1998), où ils furent appliqués à une échelle plus importante que dans tout autre pays, leur fonction égalitaire est réfutée, et ils sont taxés de discriminatoires pour les Euro-Américains.

—. Le droit à la protection d'une culture personnelle minoritaire

La question de la reconnaissance et de la promotion publique des différences d'orientation culturelle individuelle est, par contre, l'objet d'un débat plus acerbe et long. Pour certains, ce débat semble arriver à son terme à la fin des années 1990 [8] (Kymlicka and Norman 2000). Pour d'autres, il ne saurait se clore. Ainsi deux philosophes libéraux connus, Berlin (1992) et Gray (2001) rejettent le postulat de contrat rationnel, basé l'idée d'un consensus de tous sur la définition de la liberté d'expression, et ils affirment que chaque société a sa propre définition de cette liberté. Gray rappelle que la Grande Bretagne n'est pas un État théocratique, mais qu'il y existe un droit reconnu de voir les écoles organiser des sessions de religion, dont les athées sont dispensés s'ils le désirent. Aux États-Unis un tel droit violerait la distinction absolue entre État et religion. Cela veut-il dire que la Grande Bretagne permet une plus grande liberté de religion que les États-Unis ? Nullement, répond-il, car chaque société a adopté un point de vue différent selon sa culture et son histoire et il n'y a aucune raison de juger l'une meilleure que l'autre. De plus, à la suite de Berlin, il argumente que le désaccord au sujet des orientations morales et culturelles au sein de chaque société est constant et inéluctable et qu'il est impossible de définir de la même manière ce qui est bon pour vivre en société. Il est, par contre, possible d'être tolérant et de traiter chacun avec respect quelle que soit sa différence. Il s'ensuit pour ces deux auteurs que les droits sont sans cesse à négocier et au cas par cas et, pourrait-on déduire, qu'il n'existe pas de politique stable en la matière, comme semblerait le prétendre la politique multiculturaliste canadienne.

[158]

Cette politique et l'article 27 de la Charte canadienne des droits et libertés de 1982 apparaissent souvent comme la réponse libérale optimale en matière de protection d'une culture personnelle minoritaire, quels qu'en soient leurs effets pervers, sinon nocifs, et leurs échecs (Peter, 1981 ; Moodley, 1993 ; Day, 2000 ; Pendakur, 2000). Cet article garantit la diversité multiculturelle du Canada au point d'en faire une clause interprétative des droits individuels. Il impose l'obligation d'interpréter les clauses de la Charte de manière à assurer la préservation et la promotion de l'héritage multiculturel des Canadiens. Il permet, par exemple, un financement public d'écoles privées ethniques dispensant leur enseignement à la fois dans une langue ancestrale et dans l'une des deux langues officielles.

Le débat sur les solutions politiques à apporter est cependant vif car, si la logique de multiplication de clientèles d'ayant-droits par les États providence permet d'admettre la discrimination positive à travers la notion de désavantage involontaire, cumulé, historique, elle ne permet pas aussi aisément de créer des droits culturels positifs pour les minoritaires. L'identité culturelle personnelle est une catégorie appartenant à l'univers privé dans la théorie libérale selon une argumentation que contredit totalement l'idée d'identité ancrée dans un milieu et de facette primordiale de toute personne, mise de l'avant par les Communautariens et la plupart des mouvements contestant la prédominance de majorités culturelles.

Un courant dont Williams (1985), Nussbaum(1986), Raz (1986), Taylor (1992, 1994), Kymlicka (1989, 1995a, 1996), Kekes (1993), Renaut et Mercure (1999), admet l'idée que les valeurs et pratiques de majorités culturelles portent atteinte à l'autonomie des personnes n'y adhérant pas et il estime compatibles libéralisme et affirmation publique de la pluralité culturelle. Certains, dont Boudon (1999) en France, tout en ne réfutant pas le droit au respect des cultures minoritaires (2000), pointent un fait. L'émergence ou la dite résurgence des identifications communautaires ne tient nullement à un besoin primordial d'identification à une culture vécue, comme le veut la thèse communautarienne ; elle est la manifestation de motivations utilitaristes apparaissant quand les valeurs universelles entrent en concurrence avec les intérêts de groupes, minoritaires ou majoritaires. D'autres sont plus radicaux. Selon Okin (1979), Pateman (1988) et Young (1989, 1990), la préséance des valeurs d'une majorité culturelle est inhérente à la conception de la citoyenneté. Toute culture politique se déploie dans une société particulière où prédomine une culture et [159] la neutralité culturelle de l'État n'est qu'un leurre ou une incohérence. Young (1990 : 102-103) écrit que « la raison ne peut être unifiée » et que toute affirmation d'impartialité et d'universalité des politiques et des pratiques est une fiction : « Personne ne peut adopter un point de vue totalement impersonnel et exempt des influences d'un contexte particulier et de convictions ». La vie sociale quotidienne suppose « une pluralité de sujets moraux et de situations » caractérisée par une multiplicité d'affiliations, de différences entre groupes, de besoins et désirs, de perspectives particulières et de croyances passionnées. Et Young avance l'idée d'un « public hétérogène » (p. 120) à partir de deux principes : « Aucune personne, action ou aspect de la vie d'une personne ne doit être reléguée au privé, et aucune institution sociale ou pratique être excluse à priori de la discussion publique et interdite d'expression publique » (notre traduction).

L'ouvrage de C. Taylor, Sources of the Self. The Making ofthe Modem Identity (1989), fonde en fait la réponse libérale la plus fréquente aux demandes d'inclusion symbolique et aux critiques communautariennes. Toute identité correspond à des engagements qui dessinent un cadre, un horizon à partir duquel, cas par cas, chaque personne définit ce qui est bon à ses yeux. Mais, une identité relève de cadres de référence, de sens, de pratiques, d'interrelations et de liens dans un milieu de vie et non de décisions d'un individu a-historique et abstrait, et tout individu libre qui s'affirme, le fait dans un milieu socio-culturel. Là, s'ancrent l'inévitabilité, la légitimité et la valeur indéniable des attaches communautaires et deux constats en découlent. Tout individu a l'obligation de soutenir la communauté ou la société qui rendent son affirmation identitaire possible et la condition d'un sens de la vie commune est l'appropriation de la société par les personnes à travers la reconnaissance des récits et des enjeux qu'elles jugent primordiaux (morale, religion, famille par exemple) et dont certains relèvent de communautés particulières. Ce faisant, si la démocratie exige de prendre très au sérieux l'identité citoyenne (1996), plus importante que l'identité culturelle parce qu'elle fonde la démocratie, la bonne marche et la légitimité d'un État supposent un intérêt et une participation à la vie collective et politique, lesquels n'existent que si les individus s'identifient à leur pays et s'en sentent les responsables. L'estime de soi de chacun dépendant de l'acceptation de sa culture par la société, si celle-ci oppose une résistance ou un refus, la dignité et le respect de lui-même d'un individu sont menacés, [160] comme le montrent les cas des Amérindiens et des Québécois francophones qui se sentent ignorés au Canada et celui des Noirs aux États-Unis (1997 : 25-26). Dans ces conditions, les difficultés d'expression et de maintien des identités sociales minoritaires, ainsi que la reproduction et le respect des milieux socio-culturels de leurs porteurs concernent l'État. Est en cause le droit de ne pas voir l'insertion sociale et la qualité de membre d'une société hypothéquées par l'expression, le délitement ou la répression d'identités minoritaires. Ces identités doivent être reconnues par l'État, justice être faite aux individus désavantagés en vertu d'un marquage culturel et toute hiérarchie entre cultures dénoncée.

M. Walzer (1983) illustre autrement les conclusions tirées de ces principes sans aller jusqu'à défendre une politique multiculturaliste. L’appartenance culturelle ne peut être passée sous silence puisque tous les individus sont égaux en raison d'une particularité : « Nous sommes des producteurs de culture ; nous faisons et habitons des univers de sens » (p. 314). Aussi, l'omission par le contrat politique libéral des expériences, attachements et valeurs liées à une appartenance à un groupe racial, culturel ou religieux rend-elle irréel le sens d'une vie commune en dehors du partage des qualités abstraites que sont les libertés et les droits. De plus, les pouvoirs économiques privés et la logique du marché menacent ces droits et libertés. Walzer critique la thèse libérale de l'égalité simple selon laquelle chacun bénéficie des biens de manière égale, car aucun bien, notamment l'argent, ne peut s'imposer dans une société comme bien primordial, et il défend l'égalité complexe, soit l'application de principes différents selon le domaine en cause (marché du travail, école, culture), parce que respecter les individus comme des porteurs de culture implique des principes de justice élaborés à partir de la compréhension de ce que sont les biens sociaux (social goods) pour eux. Néanmoins, comme il n'existe aucune possibilité de hiérarchiser les univers culturels, justice ne peut être faite qu'en respectant les créations particulières des individus. Tant que l'identité ethnique sera une valeur pour des segments de la population américaine, son respect doit être assuré par l'État sous la forme d'aide aux organisations ethniques, d'enseignement de l'histoire des minorités, de respect de leurs calendriers de fêtes et de facilitation de l'apprentissage de leurs langues ancestrales, conclut Walzer.

[161]

3.2. Les répliques républicaines

Des politiques de la reconnaissance ou d'égalité complexe sont contraires à l'idée républicaine de l'unité essentiellement politique du peuple souverain et les solutions à la stigmatisation qu'avance le courant républicain, sont un renforcement de la législation anti-discriminatoire, une réactivation du processus démocratique et une éducation à l'interculturel.

Ce courant est primordialement concerné par la dissolution du sens de la communauté politique, l'affaiblissement des antagonismes de classe depuis les années 1970, les contestations minoritaires qui opèrent un glissement du thème de l'égalité vers celui de la différence, et la mondialisation culturelle et économique (Oldfield, 1990 ; Barber, 1996). Il insiste sur la participation politique de chaque citoyen pour faire face à ces défis. Un ouvrage connu (Barber, 1984) expose qu'une adhésion à l'État et à la société et un sens du bien commun ne sauraient être fomentés uniquement par la démocratie représentative. Ils ne peuvent apparaître que dans un contexte relationnel, un face-à-face concret et des débats politiques proches et fréquents et ces débats, sans les intermédiaires que sont les parlements, sont le seul mode pour créer une empathie entre citoyens et un esprit mutuel. Leur meilleur terroir se trouve dans les assemblées élues, locales, de petites communautés responsables des décisions concernant leur vie commune. Cet exercice local de la souveraineté populaire permet la perception de l'État comme incarnation de la vie commune et doit être complété par des programmes publics d'éducation civique. Cependant, les modèles de cet exercice, la ville-État de la Renaissance, le canton suisse actuel, le soviet russe et, surtout, les assemblées locales de la Nouvelle Angleterre du XVIlIe siècle demeurent des exemples d'exclusion de catégories sociales marquées culturellement (femmes, Noirs, Autochtones, non-protestants). Et Barber de rappeler dès lors la nécessité du contrôle du respect des libertés fondamentales par l'État lors de la prise de décisions par ces assemblées locales. Celles-ci, en dépit d'un sens de communauté et du bien commun, forment de puissantes majorités culturelles [9]. Le problème du statut des minorités culturelles demeure.

[162]

Un courant de pensée français met en cause, quant à lui, le caractère abstrait de l'idéal républicain français et veut le réconcilier avec l'expression de différences culturelles (Touraine, 1994, 1997 ; Wieviorka, 1996). Pour Touraine, le problème central de la démocratie est de savoir comment, pour « vivre ensemble », peuvent être conciliées les règles de la vie sociale applicables à tous et la diversité des identités culturelles. Il propose de redéfinir la solidarité de l'État providence comme l'ensemble des garanties institutionnelles du droit de chacun à se construire comme sujet, soit à affirmer à la fois sa liberté et le sens de son expérience de vie. Pour être démocratique, l'égalité doit signifier le droit de choisir et de gouverner son existence, le droit à l'individuation contre toute pression en faveur d'une standardisation et d'une moralisation des comportements et valeurs. La démocratie ne se réduit plus à un ensemble de garanties contre un pouvoir autoritaire et à la conquête des droits civiques et sociaux, elle doit devenir culturelle et l'instrument de la communication culturelle, sans que cela ne donne lieu à une politique de pluralisme culturel. L'école publique devrait plutôt être le lieu de la formation au respect des différences culturelles, à la tolérance et à l'interculturel.

Wieviorka (1996), pour sa part, analyse les fondements des résistances et suspicions du système politique français à l'égard des revendications identitaires. Il refuse de voir s'institutionnaliser des communautés ethniques, mais il considère que les idéaux universaliste et laïc français, ainsi que le droit français, doivent s'adapter à la différence culturelle et, surtout, que les processus d'intégration politique des minoritaires doivent être réactivés par les partis et les syndicats. De même façon, pour d'autres auteurs, l'impossibilité de faire fonctionner le « creuset républicain » provoque l'ethnicisation des immigrés (Amselle, 1996 : 162), car ne pouvant plus se référer à des référents collectifs politiques, les individus jouent sur le registre des identités privées dont ils disposent. Ainsi, l'affaiblissement des mécanismes d'intégration des États occidentaux conduirait à une tentative de « re-nationalisation » des sociétés dont l'ethnification des immigrés et l'intérêt porté aux orientations culturelles ne sont que des manifestations.

Concernant le courant républicain en France, il faut aussi noter qu'en dépit d'une opposition discursive au pluralisme culturel institutionnalisé, l'État tient compte de la réalité sociologique et des pressions minoritaires depuis les années 1980. Des fonds publics sont accordés aux associations immigrées si elles font montre d'une [163] vocation sociale, notamment dans les quartiers dits difficiles, et des programmes d'action positive basés sur un critère de revenu et de lieu de résidence sont adoptés [10] afin d'améliorer la condition des immigrés. De plus, depuis 2000, les partis politiques se voient obligés de présenter des candidats femmes aux élections [11].

4. La nation
et l'appartenance nationale


Le débat actuel sur la nation soulève plusieurs questions : la superposition de la citoyenneté et de la nationalité dans les États modernes, la dissolution des nationalismes des États constitués, dits grands nationalismes, sous l'impact de multiples facteurs depuis les années 1970, le statut des minorités nationales et la notion de culture nationale comme un bien personnel et collectif.

4.1. Les « grands nationalismes »

L'idée de la fragilité de la démocratie moderne comme fondement d'une identification collective est au coeur de questions actuelles sur le sentiment national. Pour Schnapper (1994), par exemple, s'il est vrai qu'existent des mémoires et des expériences collectives différentes au sein d'une société, seul un sens d'appartenance ancré dans la mémoire d'une histoire séculaire et d'institutions publiques particulières permet d'assurer un sens du commun au sein d'une société. Cette idée n'est nullement nouvelle. Des auteurs ayant marqué la sociologie lient stabilité sociale et idée nationale (Durkheim, 1957 ; Tônnies, 1887/1957 ; Mauss, 1968-1969), alors que de Montesquieu, Smith et de Tocqueville voyaient en l'attachement à la nation monarchique ou à une foi religieuse majoritaire un adjuvant à la consolidation de la démocratie (Rothschild, 2001). Cet attachement, pensaient-ils, réduit les conflits de valeurs et conforte le sentiment de loyauté nécessaire à la continuité d'un État.

L'État moderne se caractérise par une tension inhérente entre un fondement culturel, particulier, et un fondement universaliste et l'idée de similitudes d'expérience (institutions, nation, religion, [164] langue) des membres d'une société constitue un complément de sa définition, vu l'abstraction de l'identité politique qu'il crée et sa formation sur un territoire particulier (Freitag, 1981 ; Schnapper, 1994 ; Harp, 1998 ; Bourque, Duchastel et Pineault, 1999). L'État exerce en effet sa souveraineté en intégrant la population d'un territoire donné et en s'affirmant comme « sujet historique dans un ordre mondial fondé sur des relations entre nations-unités politiques » (Schnapper, 1994 : 28). Aussi se doit-il de créer un discours sur son inscription dans ce territoire et de définir la population qui participe à l'espace juridique et politique commun (p. 195). Cette inscription internationale et la nécessité de créer une dimension identitaire et d'instituer des pratiques tenant compte des héritages sociaux et politiques du pays se trouvent en tension constante avec le principe de rationalité abstraite de l'État moderne et son idée régulatrice à visée universelle. Les idées de citoyenneté et de particularité sociétale en sont intrinsèquement liées et l'opposition entre nation ethnique et nation civique une illusion que maintiennent des auteurs distinguant nationalismes dits civiques, jugés positivement, français, britannique, néerlandais, grec, suisse, canadien, américain, et nationalismes romantiques, ethnoculturels, asiatiques, allemand et de l'Europe centrale et de l'Est (Seton-Watson, 1965 ; Kohn, 1944 ; Brubaker, 1989 ; Ignatieff, 1994). Une question fondamentale doit plutôt posée : « Comment préserver l'universalisme en reconnaissant la légitimité d'une solidarité propre aux citoyens partageant un même espace public et un même imaginaire commun en évitant que le nous ne dégénère en un renfermement ethnique ? », comme l'écrit Birnbaum (1997 : p. 33).

L'histoire apprend toutefois que la superposition de culture, ethnie et État prend une forme au XlXè siècle, qui demeure prégnante par la suite. Gellner (1983), parlant de la formation des nationalismes dans l'Europe du XlXè siècle, explique que le mode d'implantation particulier du capitalisme dans chaque pays expose les personnes à une relative similitude de socialisation et d'expérience, produit une relative homogénéisation culturelle et l'idée d'appartenance à une entité territorialisée. Deutsch (1953) insiste sur la multiplication des communications qui vient renforcer l'image d'un territoire unifié. D'autres montrent comment durant la première moitié du XlXè siècle, les États promeuvent une équivalence entre institutions publiques, intérêts nationaux et territoire au nom d'impératifs économiques, pour mettre de l'avant, à partir des années 1860-70, une équivalence entre des qualités individuelles, [165] une langue, une histoire séculaire, des liens du sang et un territoire (Hobsbawm, 1983, 1990), [12] notamment à travers les institutions scolaires publiques qui se généralisent durant les années 1860-1870 (Green, 1990 ; Harp, 1998 ; Heathorn, 2000). Une équivalence qu'expliquent ou rehaussent des écrivains et des historiens (Hroch, 1985, 1995 ; Agulhon, 1989 ; Nora, 1992 ; Colley, 1992 ; Thiesse, 1999). Citoyenneté et nationalité en deviennent superposées, un bon citoyen est un national patriote et les nationalismes fleurissent. Plusieurs facteurs interviennent. La franchise de vote aux hommes a été élargie sous la pression de contestations et les « classes populaires » intégrées à la vie politique (Carr, 1945) ; l'urbanisation et l'industrialisation s'accélèrent et provoquent des craintes de désordres sociaux et de 'dégénération sociale' [13], une idée centrale à la genèse des discours sur les qualités particulières nationales.

Les critiques marxistes et socialistes, l'hécatombe humaine de 1914-18, la condamnation du régime nazi, la consolidation des États providence après guerre, la division du monde en deux blocs idéologiques, capitaliste et communiste, puis la différenciation des modes de vie, le recul de la représentation d'antagonismes de classe, la montée des revendications identitaires, le développement de l'individualisme, la distanciation de nombre d'individus de normes sociales couramment admises et, enfin, la mondialisation culturelle et économique sembleraient réduire l'expérience commune nationale et l'efficacité de la socialisation au sentiment national. Mais il n'en est rien. S'ils délégitimisent la forme généalogique, voire biologique, de l'idée de nation, que ne portent plus que des mouvements d'extrême-droite, ils ne réduisent pas son fondement ethnoculturaliste et historisant. Des enquêtes illustrent (Perrineau, 1994 ; Mayer, 1997 ; Duchesne, 1997 ; Bréchon et al., 2000 ; Helly et van Schendel, 2001) combien les sentiments nationaux demeurent forts, sous-tendus par l'image de spécificités culturelles et historiques (qualités d'une population établie de longue date sur un territoire, patrimoines savant et populaire) tout en faisant place, il est vrai, à l'invocation de spécificités autres, telles que les politiques sociale, culturelle et économique d'un État, le régime politique et la [166] place d'un pays sur la scène internationale. Aussi le débat sur le sentiment national demeure-t-il ouvert, d'autant plus que ses formes dans le contexte de la mondialisation et de la multiplication des instances de régulation internationale ne sont guère observées. Seules ou presque, le sont les pratiques transnationales ou diasporiques d'immigrés.

4.2. Les nations minoritaires

Les demandes de dévolution de pouvoirs et surtout de sécession par des minorités nationales suscitent la réflexion d'auteurs du courant libéral (Tamir, 1993 ; Buchanan, 1991, 1995 ; Miller, 1995 ; Kymlicka, 1995b ; Aughey, 2001) sur deux points : la légitimité du nationalisme comme défense d'une culture et d'une sécession. Ils avancent que les choix que font les personnes pour diriger leur existence, s'opèrent à partir de valeurs des milieux de socialisation et de vie qu'elles considèrent les leurs, et la communauté nationale, comme toute communauté, représente un tel milieu et un bien commun sans lesquels leurs choix ne seraient que des actes sans continuité et cohérence. L'octroi de moyens politiques pour préserver ce bien partagé n'est que l'équivalence des moyens que détinrent les grands nationalismes pour s'affirmer depuis le XlXè siècle. Nootens (1999 : 390) écrit par exemple : « Les arguments nationalistes basés sur la volonté d'un peuple d'assurer la survie et l'épanouissement de sa culture, ainsi que de contrôler sa destinée peuvent exprimer des revendications fondant des arguments moraux et légitimement intervenir dans des prises de décision politiques. En effet, la nature de l'appartenance nationale est telle que son expression ne peut être reléguée à la vie privée des citoyens : pour être significative, pour avoir un sens, elle doit pouvoir s'exprimer dans la vie commune et les institutions communes ».

Dépassant la définition ethnique et généalogique du terme de nation, Kymlicka (1995a) crée la notion de « culture sociétale » pour désigner « les manières de vivre significatives pour ses membres dans toutes les sphères de leurs activités » sociales, éducatives, juridiques, économiques et religieuses, publiques et privées (p. 76). Il ajoute que dans le monde moderne où s'exerce une pression à la création d'une même culture commune dans chaque pays, pareille culture doit détenir les institutions politiques permettant sa reproduction (p. 80). Selon cette notion, la culture d'une minorité nationale est une forme de vie en société et non une cosmogonie ethnoculturelle ; [167] elle constitue un produit de l'histoire et de la représentation d'un groupe particulier de lui-même et elle peut se transformer et inclure des personnes d'autres horizons culturels.

La seconde question soulevée porte sur les moyens politiques concrets nécessaires pour assurer la vitalité d'une minorité nationale. Est-ce l'autonomie gouvernementale ou la fondation d'un nouvel État ? La pratique libérale permet l'octroi d'une autonomie gouvernementale [14], mais elle se trouve sans réplique face à une demande de sécession politique au sein d'un État constitué. Elle ne peut qu'admettre une telle demande ou recourir à la répression (Moore, 1998, 2000) [15].

Walzer (1995) opine que le système d'autonomie gouvernementale suffit à assurer le respect et la reproduction de la culture d'une minorité nationale et Taylor (1997 : 29-30) estime à propos du sécessionnisme québécois que le fédéralisme canadien demeure un mode valide. Le récit multiculturaliste canadien permet la multiplicité des récits et « a l'avantage de mettre des choses en commun et de créer un espace plus ouvert aux identités complexes, étant lui-même une identité complexe [multiple]. On peut être canadien et québécois, manitobain et canadien. Ce ne sont pas des identités différentes mais structurées différemment (langue, histoire) ». Toutefois, si cette définition ne convient pas à la majorité ou aux minorités oubliées, il faut faire place à un système fédéral a-symétrique ou se résoudre à la sécession. D'autres auteurs libéraux proposent également la première option (Kymlicka, 1995b ; Webber, 1994).

Quant à Buchanan (1995), il expose les situations légitimes d'une sécession : le recouvrement du contrôle d'un territoire [168] occupé historiquement et enlevé par la force ; une inégalité criante de traitement socio-économique du fait d'une taxation ou de politiques désavantageant une minorité nationale. Par contre, une sécession demandée pour préserver une culture n'est recevable que si plusieurs preuves sont faites (pp. 355-364). La culture, ses institutions et la base matérielle [16] qui les soutiennent, sont en péril ; celles-ci constituent une contribution, voire un enrichissement, à la vie de leurs porteurs et ne comportent aucun déni de droits et libertés pour ceux-ci et d'autres. Buchanan estime en effet que toute culture raciste, haineuse ou illibérale, doit être anéantie. Dernières conditions, le territoire du futur État souverain doit être économiquement viable et l'État qui se trouvera divisé ou tout autre État ou population ne détenir aucun droit valide sur ce territoire. Mais, comme il n'existe pas de tribunal international ou de clause dans les constitutions existantes qui réglementent la validité des preuves à apporter, Buchanan ne peut parler que d'une moralité de la sécession.

Des auteurs défendent une autre solution : les États doivent devenir multinationaux et non simplement de « consociation » (Resnick, 1994 ; Gagnon et Rocher, 1997 ; Bourque et Duchastel, 2000). Au Canada, cette solution impliquerait l'octroi aux Québécois et à quelque 60 nations autochtones de pouvoirs entiers sur l'organisation de leur vie collective (Royal Commission, 1996), ainsi qu'une alliance avec l'État fédéral en matière de monnaie et de politique internationale.

5. Les contre-critiques

5.1. Droits individuels et droits collectifs

Selon l'argument républicain (Barber, 1996), la création de droits culturels particularistes contrevient à la symétrie des droits et invite à la formation de communautés fermées. Cet argument est contredit, par exemple, par Young (1989) et Kymlicka (1995a) car le droit au respect d'orientations culturelles minoritaires peut concerner des personnes et non des groupes. De plus, vu le précepte [169] du respect des libertés individuelles, ce droit ne peut générer aucune enclave étrangère à l'État et à la société en général. En effet, ne sont pas accordés le droit de disposer des institutions assurant une fermeture communautaire effective, écoles et tribunaux séparés, ni le droit de certains de leurs membres d'en contraindre d'autres (Helly, 2001). Au Canada, par exemple, tout dirigeant d'une institution ethnique financée par l'État doit respecter les préceptes de la Charte canadienne des droits et des libertés et être élu. Quant à des valeurs majoritaires importantes, elles sont garanties. En effet, si obligation est faite d'assurer une égalité de statut public des religions [17] ou le droit à un enseignement dans des langues non officielles, l'article 27 de cette charte n'annule pas la préséance des deux langues officielles, l'anglais et le français, ni le statut protégé des religions catholique et protestante. Il n'est, pour l'heure, qu'un cas notable d'octroi de droits collectifs, l'imposition du français comme langue officielle d'un groupe distinct, les résidents du Québec, par la Loi 101 qui relève d'une dérogation à la même charte et qui peut être renouvelée tous les cinq ans par une décision politique et non juridique, soit un vote de la Chambre des Communes.

La suspicion à l'égard des appartenances communautaires tient à l'idée qu'elles correspondent à un recul et à un statut second du sens d'appartenance à un État, lequel, par exemple en France, se trouverait aux prises avec des imaginaires infra-nationaux, communautaires, et supra-national européen. L'incompatibilité des identités minoritaire et citoyenne est démentie par des écrits montrant qu'une appartenance culturelle minoritaire ne génère pas une indifférence à l'égard de la vie publique et un retrait au sein de communautés fermées et autoritaires, mais s'accompagne d'une forte adhésion à l'idéologie individualiste et d'un fort lien à l'État, en l'occurrence l'État fédéral (Whitaker, 1992 ; Kymlicka, 1998 ; Mendelsohn, 1999 ; Helly et van Schendel, sous presse). Une non-acceptation dans la société d'établissement favorise au contraire une identification des immigrés à la fois à des communautés transnationales et au pays d'origine (Glick-Schiller et al., 1992 ; Basch, Glick-Schiller et Szanton Blanc, 1994).

[170]

5.2. Balkanisation et relativisme culturel

Selon une contre-critique plus culturaliste et le fait surtout d'auteurs d'obédience ultra-libérale canadiens et américains au tournant des années 1990, le droit à voir protégée une culture minoritaire non seulement ne réduit pas le marquage négatif de ses porteurs (Bissoondath, 1994), mais crée une balkanisation. Selon cette argumentation, la société est un ensemble organique dont la cohésion doit être préservée par l'affirmation de la préséance des similitudes existant entre ses membres plutôt que le respect de leurs différences, ainsi que par l'affirmation du caractère naturel de l'inégalité et de la compétition entre individus. Le partage de valeurs individualistes, d'un héritage collectif historique et d'un conformisme social, peu défini, composeraient le ciment sociétal. Aussi, tout traitement particulier par l'État au nom d'une différence de culture et d'histoire détruirait-il l'unité visée, créerait un roman de différences innombrables et soulèverait le spectre de la fragmentation sociale et de luttes divisives (Bibby, 1990 ; Schlesinger, 1992 ; Ungerleider, 1992 ; Bernstein, 1994). Autre facette de cette argumentation, le pluralisme culturel conduit à un relativisme culturel absolu, chaotique. Cette affirmation s'est value la qualification d'imposture par Gellner (1992). Selon ce dernier, il existe dans les sociétés occidentales une hiérarchie des formes culturelles puisque la rationalité technologique occidentale prime sur toute autre logique culturelle et penser que toutes les constructions de sens en viendraient à s'équivaloir est passer sous silence cette hiérarchie.

5.3. Le codage illusoire de la pluralité culturelle

Des auteurs rattachés au courant post-moderniste pointent, quant à eux, la relativisation des messages nationaux et des modes de vie vu la logique du marché, le renforcement de l'individualisme, la variation des modes de vie et l'idéologie de l'intériorité et de la communication. Cette évolution, selon eux, met à jour la fausseté d'une définition unitaire du vivre ensemble et fait du contrôle des discours et des symboles, un enjeu politique central, les discours décidant désormais, autant que le marché, des places sociales (Lyotard, 1971, 1979 ; Baudrillard, 1985 ; Turner, 1990b, 1993, 1994 ; Jameson, 1991 ; Featherstone, 1988, 1990 ; Heelas étal., 1995 ; Day, 2000). Dès lors, toute gestion par l'État de [171] cette évolution ne fait que réifier les identités et évite de penser l'altérité. Elle codifie une forme particulière de la pluralité culturelle au sein d'une société et crée une nouvelle illusion de communauté et d'unité sociétale (Day, 2000).

[23]

CONCLUSION

LE PRÉSENT CONTEXTE

Le débat sur le statut de la pluralité culturelle et des identités personnelles et collectives dans les États démocratiques s'inscrit dans un questionnement sur le quatuor universalisme, égalité, lien national et citoyenneté comme jouissance de droits. Il participe d'une critique de l'État providence, mais il reproduit sa logique de création de clientèles, logique que Marshall (1950) avait entrevue dès l'après-guerre. En cela il semble en retard de quelques années sur la transformation de l'État providence durant les années 1990. Un nouveau paradigme s'affirme en effet. Il lie citoyenneté comme conscience de devoirs à l'égard des autres, participation active à la résolution des tensions et problèmes sociaux, mérite et performance individuels, et « cohésion sociale » (Helly, 1999, 2000b). Il affirme que la « cohésion sociale » relève de la coopération entre les individus et constitue une source de paix sociale, d'égalité et d'un sens d'appartenance sociétale et il estime que cette cohésion se trouve actuellement menacée par le déclin de la vie civique, de l'intérêt politique et de la solidarité entre les catégories sociales, un égoïsme revendicateur des citoyens et une absence du sens de leurs obligations sociales par les individus. Cette affirmation, présentée avec force par un courant s'alimentant aux études de Putnam (1993, 2000), est certes peu étayée et contestée (Sabetti, 2000 ; Forsé, 2001), mais elle sous-tend un discours public tenu à l'échelle de l'OCDE (Thomas, 1997 ; Jenson, 1998). Tout en pointant les effets de la pauvreté et de la disqualification sociale, ce discours insiste sur deux points : l'obligation de chacun d'une responsabilité de sa condition sociale ; la nécessité de recréer des liens entre les citoyens et de fomenter la « cohésion sociale », soit le sens du vivre ensemble. Et pour atteindre ces deux objectifs, il maintient que l'implication de chacun dans la gestion des affaires collectives, notamment locales, doit être active.

Cette transformation induit une nouvelle conception des finalités et modalités des politiques publiques. Une attention est désormais portée à leurs performance, flexibilité, réactivité et adaptabilité [172] et ne sont plus privilégiées renonciation de règles simples et durables mais plutôt des mesures adaptées à des situations précises et une participation accrue des acteurs privés à la gestion publique. S'ensuivent deux nouveaux objectifs et lignes d'intervention publique.

L'importance accordée à la performance sociale et économique des individus induit une nouvelle fragmentation et sélection de clientèles de l'Etat que mettent en scène les programmes de protection sociale de moins en moins inspirés par une logique universaliste, sauf dans les pays Scandinaves. Des « groupes à risque » sont ciblés et, pour les définir, sont croisés des déficits d'insertion sociale rattachés à un statut culturel ou racial minoritaire et à des facteurs tels qu'une faible scolarité, une famille monoparentale, le genre, l'inscription aux programmes de chômage ou d'aide sociale, l'âge, le décrochage scolaire, la délinquance juvénile ou encore un quartier de résidence. Une plus large délégation au secteur associatif de la gestion de problèmes sociaux est également opérée, en même temps qu'une extension des consultations d'organismes de la société civile et que l'adoption de programmes visant la participation de résidents à la résolution de problèmes sociaux [18]. Une démarche que certains dénomment le passage à une « citoyenneté située » (Bonny, 1995).

Le rattrapage de 'retards' de groupes définis essentiellement en vertu de leur exclusion ou marginalisation du marché du travail et non la question du statut sociologique et politique des différences culturelles est à l'ordre du jour. Dès lors, on peut se demander comment la faille première des politiques ou mesures de pluralisme culturel, soit la non élimination du racisme et des discriminations culturelles à l'échelle d'une société, sera débattue et abordée sur la scène publique, d'autant plus que le nouvel esprit des politiques tend à aliéner l'autonomie et la créativité des organismes issus de la société civile. Dans ce contexte, seuls, semblerait-il, les effets des discriminations sur une difficile ou impossible insertion au marché du travail seraient objets d'attention. On se retrouverait dans une situation proche de celle des années 1960-1970 à la différence majeure que les mouvements de contestation en matière de racisme et d'ethnocentrisme sont absents et qu'une [173] éventuelle capacité de mobilisation de leurs porteurs est réduite par la fragmentation de leurs bases en clientèles de l'État très différenciées.

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[1] Les termes libéral et libéralisme ne réfèrent nullement à une théorie d'un rôle minimal de l'État dans les sphères économique et sociale et ils ne convoient nullement la notion de néo-libéralisme économique. Ils sont utilisés dans leur sens théorique et historique, de fait plus anglo-saxon que franco-français. Historiquement cette acception exista en France mais, la philosophie libérale classique ayant été quasi recouverte par la doctrine républicaine (Jaume, 1997) ou transformée par celle-ci (Gross, 1997), elle perdit son sens originel.

[2] Mann (1987) explique la prédominance de la pensée libérale ou républicaine par l'histoire de la formation de chaque État démocratique, lutte violente et armée dans les pays où domine ou demeure un courant républicain, pacifique et plus politique dans ceux où domine la pensée libérale.

[3] La pensée révolutionnaire française entend l'égalité comme égalité socio-économique et non comme droit primordial et égal à la liberté, car la pauvreté extrême hypothèque la jouissance du droit à la liberté et représente une privation de liberté. Cet antagonisme entre liberté et égalité sociale est dépassé par la notion de fraternité.

[4] La rigidité des divisions sociales, le monopole du pouvoir par une monarchie et sa cour et l'influence des corps religieux, dont celui catholique, font dépendre la viabilité du régime démocratique d'une ample mobilisation populaire et de la destruction des institutions s'interposant entre l'individu et l'État (Turner, 1990). L'utopie de la transformation de l'humain par la raison et la science par des auteurs des Lumières en France, dont J.J. Rousseau et d'autres (Gross, 1997), a aussi son influence (Furet, 1971, 1981).

[5] Les revendications noires commencent durant les années 1930 à propos de l'égalité d'accès à l'emploi et au logement, tandis que les mouvements féministes s'organisent et demandent la reconnaissance du travail privé et la fin de la relégation des femmes dans des emplois peu rémunérés.

[6] En 1988, un programme de réparation consistant en des indemnités financières individuelles est adopté en faveur des descendants d'immigrés japonais internés aux États Unis et au Canada durant la Seconde guerre au nom de leur appartenance à un pays ennemi (Iacovetta, Perrin and Principe, 2000). Des associations de Noirs américains demandent actuellement une indemnité symbolique comme admission des fautes commises à leur égard depuis l'introduction de l'esclavage.

[7] Said (1978) fait la même démonstration à propos des idéologies coloniales occidentales.

[8] Des opposants très entendus, Glazer (1975, 1995, 1997) et Walzer (1983, 1995), d'abord hostiles à l'idée d'une reconnaissance publique d'identités culturelles minoritaires, l'admettent présentement. Par exemple, Glazer (1995 :10) estime que, lorsque les hispanophones des États-Unis ou les francophones au Canada réclament des droits linguistiques, ils ne demandent pas que des droits acquis pour les locuteurs anglophones.

[9] Voir Kautz (1997, chapitre 5) pour une critique du dialogue communal démocratique selon Barber.

[10] Dont les ZEP, zones d'éducation prioritaire dessinées pour les populations les plus démunies.

[11] Afin d'éviter d'adopter une politique de quota de la représentation des femmes à l'Assemblée nationale.

[12] Résumé de cette évolution et des évolutions ultérieures (Helly, 1997).

[13] La divulgation du darwinisme social qui présente la supériorité de certains individus et groupes comme la raison de leur permanence et influence joua son rôle à l'époque, ainsi que la supériorité économique et militaire de l'Allemagne. Ces faits contribuèrent à la définition des nationaux sur la base de qualités particulières et à l'importance accordée à l'éducation.

[14] Les Libéraux défendent l'autonomie gouvernementale quand des États coloniaux ou démocratiques sont imposés ou fondés dans des sociétés comprenant plusieurs communautés institutionnalisées. À ce titre, Tocqueville valorisa le système de l'indirect rule britannique au Canada français. Au XXè siècle, les cas de Porto Rico et, plus récemment de la Catalogne, de la Galicie et du Pays basque en Espagne ou de l'Ecosse au Royaume-Uni illustrent cette solution. La pratique libérale accorde aussi à des minorités religieuses ou linguistiques le contrôle et un financement public de certaines de leurs institutions (système des piliers aux Pays-Bas et en Belgique, système confédéral en Suisse ; Crouch, 1986 ; Jamart, 1999).

[15] Un autre mode de reconnaissance de communautés de langue ou culture différente est proposée au XlXè siècle par la monarchie des Habsbourg face aux contestations et à l'influence de la thèse libérale d'une langue - une culture - un État. Ce mode est dénommé fédéralisme personnel. Il permet le regroupement des personnes désireuses de maintenir leurs affinités culturelles en des institutions, non liées à un territoire et financées par l'État. Demandé par la délégation hongroise lors des négociations des traités à la fin de la Première guerre mondiale, il n'est pas accepté vu le désir des grandes puissances de démanteler les Empires austro-hongrois et ottoman (Pierré-Caps, 1995 ; Sabourin, 1996 ; Hermet, 1997).

[16] Buchanan (idem : 357) donne comme exemple l'extermination des troupeaux de bisons qui a réduit à néant la possibilité des Autochtones américains de perpétuer leur mode de vie.

[17] Autorisation du port du turban par des membres de la Gendarmerie Royale de religion sikh ou du foulard par des élèves de confession musulmane ; annulation, en Ontario, de la fermeture obligatoire des commerces le dimanche, dite contrevenir à la liberté de conscience et de religion ; abolition de la réglementation permettant des exercices religieux dans les écoles publiques.

[18] Pour exemples, les reformulations de la Politique de la Ville en France adoptée en 1981, les programmes mis en place au Royaume Uni (Power, 1997) et les nouveaux objectifs de Multiculturalisme Canada depuis 1995 (Helly, 2000, 2001).



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mardi 28 octobre 2014 10:45
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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