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Collection « Les sciences sociales contemporaines »
Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Micheline LABELLE, “Immigration, culture et question nationale.” Un article publié dans la revue Cahiers de recherche sociologique, no 14, «Savoir sociologique et transformation sociale», printemps 1990, pages 143 à 152. Montréal: Département de sociologie, Université du Québec à Montréal. [Autorisation accordée par l'auteure le 21 mai 2006 de diffuser cet article dans Les Classiques des sciences sociales.] Introduction La question de l'immigration est à l'ordre du jour, que ce soit au Québec, en France, en Angleterre ou ailleurs. L'internationalisation des mouvements migratoires est à la mesure de la mondialisation de l'économie et de la multiplication des diverses situations socio-politiques tendues. L'écart, qui va en s'approfondissant, entre le Nord et le Sud, et les crises économiques et sociales qui ébranlent à la fois pays développés et pays du Tiers-Monde rendent compte de l'importance qu'a prise de nos jours le problème des réfugiés tant économiques que politiques. Parallèlement, le discours idéologique se déplace sur le terrain de la culture. "De part et d'autre de l'Atlantique, le discours à la mode se gargarise de multi et de pluri-culturel ou encore d'interculturel, et sur un mode mineur de multi-ethnique et de pluralisme", note un sociologue français. [1] En France, les débats actuels du "champ de l'immigration" portent d'une part sur l'opposition entre le droit des immigrés à affirmer leur différence (c'est-à-dire leur culture) et l'intégration par l'école, I'emploi, le logement, à une société laïque et républicaine, et d'autre part sur les mobilisations identitaires, entendre ici l'émergence du mouvement associatif chez les immigrés. La controverse sur le voile (foulard, tchador ou hidjab ) des femmes musulmanes n'est qu'un épiphénomène de ces débats. En Angleterre, la controverse oppose les tenants de politiques axées sur l'equal opportunity aux tenants du multi-culturalisme et de l'antiracisme, par exemple dans le domaine scolaire où le lobby musulman exerce des pressions pour avoir des écoles séparées et subventionnées par l'État. Signe des temps de crise, cet élargissement des revendications fondées sur les particularismes ethniques, religieux et raciaux, cette extension du "renouveau de l'ethnicité" dont parlaient déjà, il y a 15 ans, les sociologues américains? Signe que l'ethnicité constitue une catégorie politique de plus en plus efficace dans les stratégies de mobilisation collective (en s'appuyant sur le "droit à la livrée", comme le dit, de façon péjorative Finkielkrault [2], ou en d'autres termes sur le "statut attribué à la naissance") et s'offre en contrepoint aux idéologies méritocratiques, fondées sur les droits individuels, de même qu'aux mouvements sociaux à base socio-économique comme le mouvement ouvrier? Signe d'une société "post-moderne", où s'exprimerait le refus de l'État, de la Nation, de la Culture, au profit de la diversité culturelle? Au Québec, quoi qu'il en soit, se dessinent des problématiques nouvelles en matière d'immigration et de relations interethniques et interraciales. Ces problématiques sont liées en partie à des changements migratoires et à la conjoncture internationale, donc à des facteurs exogènes, mais aussi à la conjoncture démographique, économique, politique et culturelle interne: sont débattus l'avenir démographique, I'apport de l'immigration internationale à la société québécoise, son insertion professionnelle, linguistique et culturelle, le statut politique du Québec, la question de son identité. Parce que le Québec est une société minoritaire, on ne s'entend pas sur les critères mêmes qui régissent l'appartenance nationale; les termes de Québécois, d'allophone, d'anglophone, etc., occupent un champ sémantique flou, et les variations sont énormes entre le pôle anti-ethnique qui affirme la préséance de la communauté nationale sur toute ethnicité hégémonique et l'autre pôle qui renvoie à une définition plus ou moins biologisante de "I'ethnie" (notion historiquement chargée de connotations racistes). Tous ces problèmes se posent cependant que perdure la crise économique et que la question nationale, mise sous le boisseau par l'échec du référendum de 1981, continue à structurer les rapports interethniques, dans les représentations et dans les faits. Car, si certaines dimensions ressortissent exclusivement à la problématique de l'immigration, d'autres sont conjointes à des paramètres ethniques et nationaux, autrement dit se situent dans la mouvance d'une société dont l’hégémonie politique et culturelle n'a jamais pu se réaliser. Sur le terrain de l'immigration et des rapports interethniques, la société québécoise est, plus que jamais, à un tournant. Autour de quels axes, de quelles problématiques les changements qui sont à l’oeuvre en son sein s'orientent-ils? A titre indicatif, voici quelques-unes des questions qui selon moi se posent.
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