RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Roberto MIGUELEZ, L’émergence de la sociologie (1993)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Roberto MIGUELEZ, L’émergence de la sociologie. Ottawa: Les Presses de l’Université d’Ottawa, 1993, 175 pp. Collection: Sciences sociales. Une édition numérique réalisée par Kathleen Tremblay, bénévole, interprète en langage des signes (pour mal entendant) au Cégep de Chicoutimi. [Autorisation accordée par le professeur Miguelez, le 3 septembre 2003, de diffuser toutes ses oeuvres.]

Introduction

La sociologie, cette réflexion à prétention scientifique sur la socialité humaine et ses formes, se constitue au XIXe siècle dans trois pays de l'Europe occidentale : la France, l'Angleterre et l'Allemagne. Ce simple constat soulève immédiatement deux questions : pourquoi, au XIXe siècle, une science de la société? Pourquoi cette science naît-elle justement dans ces trois pays de l'Europe occidentale? Si quelqu'un se doit de ne pas ignorer ces questions, c'est, bien entendu, le sociologue. Non seulement parce que c'est son métier que d'examiner l'intervention des variables sociohistoriques dans la production des faits ou l'émergence des événements - et la sociologie est un fait, et son émergence un événement -, mais parce qu'en prenant conscience de ce que la sociologie doit concrètement à l'histoire et au social, il peut saisir les enjeux qui la traversent, et les saisir comme des enjeux qui ne sont pas exclusivement théoriques mais aussi idéologiques. Forme particulière de représentation du social, la sociologie intervient, comme toute représentation, mais à sa manière, sur le social. Imaginaire social théorique produit par la société, la sociologie lui renvoie l'imaginaire qu'il lui faut, qui lui convient ou, tout simplement, dont elle peut disposer le cas échéant. Le sociologue cesserait de l'être s'il n'appréhendait pas sa discipline dans la dialectique qui l'instaure, l'alimente et la façonne, entre ce que la société produit comme idée sur elle-même, et ce que l'idée sur la société produit, ou veut produire, dans la société elle-même. 

Mais la société n'est pas une, elle n'a ni la consistance ni la cohérence que l'on pourrait, peut-être, attribuer à la nature. Fait partie de son être, au moins dans les sociétés historiques, la différence, la contradiction, le conflit. Il n'y a donc pas une idée que la société produit comme idée sur elle-même, mais des représentations différentes, voire contradictoires et en conflit. Ces représentations ne sont pas non plus produites par la société, mais à l'intérieur de celle-ci, et suivant des positions sociales particulières, par des groupes sociaux ou des classes sociales. Ce serait un paradoxe que le sociologue s'abstienne de penser sociologiquement la sociologie. Ce n'est pourtant pas qu'une simple exigence du métier : la sociologie de la connaissance sociologique, loin d'être une « métasociologie », une sociologie qui double, de l'extérieur, la sociologie, fait partie de la sociologie comme sa propre conscience. Ce n'est que lorsqu'elle réfléchit à son rapport dialectique à la société que la sociologie se donne un sens à elle-même. C'est à la recherche de ce sens que cet ouvrage se consacre, bien que dans les formes et les limites que lui impose un objectif pédagogique. 

C'est dans la conjonction de plusieurs événements que se situe la raison de l'émergence de la sociologie comme discipline scientifique dans les trois pays de l'Europe occidentale engagés dans la phase industrielle du mode de production capitaliste de la socialité. Ou, pour le dire plus exactement, c'est dans la conjonction de tous les événements - économiques, sociaux, politiques et idéationnels - qui marquent la phase industrielle de ce mode, que se situe la raison de l'émergence de la sociologie comme discipline scientifique, et ce, non pas comme discipline scientifique unifiée par une même représentation du social, mais justement, comme discipline traversée, dans son imaginaire même, par la différence, l'antagonisme, le conflit. 

La constitution du mode capitaliste de production de la socialité a provoqué un gigantesque bouleversement dans les formes de la socialité humaine. L'économie, les rapports sociaux, les régimes politiques, les structures idéationnelles sont tour à tour entraînés, et de plus en plus rapidement, dans le tourbillon du changement radical. L'acuité des conflits que ce changement provoque détruit toute évidence : le social et ses formes deviennent problématiques et, par là, objet de réflexion. Mais ils le deviennent pour une réflexion de nouveau type, la réflexion scientifique, dont la décisive propagation fait partie, elle-même, au niveau des structures idéationnelles, de ce gigantesque processus de bouleversement. 

Cet ouvrage est composé de deux parties distinctes. Dans la première partie, nous décrivons les processus économiques, sociaux, politiques et idéationnels qui ont accompagné l'instauration du mode capitaliste de production de la socialité. Dans la deuxième partie, et après avoir proposé un cadre analytique général pour l'examen des représentations du social qui sous-tendent la nouvelle discipline sociologique, nous examinons les idées principales que développent les systèmes théoriques d'Auguste Comte, Herbert Spencer, Karl Marx, Émile Durkheim, Max Weber, et George Herbert Mead. Mais cet examen se fait d'un point de vue sociologique, c'est-à-dire à la lumière de la dialectique qui lie ces idées à la réalité sociale concrète qui les a produites et pour laquelle elles ont été produites. L'ouvrage se termine par une discussion de six problématiques qui trouvent leur formulation originaire au XIXe siècle, dans ces « pères fondateurs » de la sociologie, mais qui s'avèrent d'une importance majeure, sinon décisive en cette fin du XXe siècle : le scientisme (Comte), le libéralisme (Spencer), le socialisme (Marx), l'anomie (Durkheim), le rationalisme (Weber) et, enfin, la communication (Mead).


Retour au texte de l'auteur: Roberto Miguelez, sociologue, Université d'Ottawa Dernière mise à jour de cette page le samedi 24 mars 2007 18:49
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cégep de Chicoutimi.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref