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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Luc Racine et Diane Moukhtar, “Nouvelle culture, utopie et non-pouvoir”. Un article publié dans La transformation du pouvoir au Québec. Actes du colloque de l'ACSALF, 1979, pp. 265-296. Montréal : Les Éditions St-Martin, 1980, 378 pp.

Luc Racine et Diane Moukhtar

Respectivement sociologues, Département de sociologie, Université de Montréal
et Département de sociologie, Université d’Ottawa
 

Nouvelle culture, utopie et non-pouvoir”. 

Un article publié dans La transformation du pouvoir au Québec. Actes du colloque de l'ACSALF, 1979, pp. 265-296. Montréal : Les Éditions St-Martin, 1980, 378 pp.
 

Table des matières 
 
Introduction
 
Nouvelle culture et utopie : vers une redéfinition du politique
 
L'utopie moderne
La réalisation du rêve
Le défi du non-pouvoir
 
Rétrospective
Des manifestations étudiantes au mouvement communautaire
 
Les manifestations étudiantes
Décrochage et communes
Psychotropes, musique pop, enfants fleurs
Communes ou villages communautaires
 
Nouvelle culture et écologie
Le développement des pouvoirs psychiques
 
Bibliographie

 

« Par rapport à ce qui n'est plus que du vide, je fais le vide. J'évalue froidement l'étendue des ruines. Je pars. Je n'aurai pas un regard en arrière. Entre ce qui bientôt ne sera plus et ce qui n'est pas encore, en ce cruel hiatus d'à-présent, je veux un partage net. J'apprends à trancher. Au plus dense de la nuit, j'affûte le couperet de l'aube. J'ai gagné la lisière du désert grandissant. Je suis un étranger. Mon visage s'imprègne de couleurs inconnues, des lueurs du temps d'après. Je peux me dire saisi et possédé par la vision. Je sais comment je renaîtrai là-bas, et accueilli par quels peuples, associé à quel recommencement du monde » (Paul Chamberland, « La dégradation de la vie », Possibles, vol. 3, no 2, 1979, p. 96).

 

 Introduction

 

La nouvelle culture ne peut être cernée par une définition et n'a pas avantage à l'être ; on s'y est d'ailleurs toujours méfié des définitions et des classements. Pour situer les idées, disons qu'il s'agit d'un ensemble d'expériences : communes et villages communautaires, groupes de thérapies nouvelles ou de croissance (gestalt, bioénergie, etc.), techniques d'expansion de la conscience (drogues psychédéliques, méditation, bio-feedback, hypnose, etc.), techniques de développement des facultés psi (télépathie et télékinésie). Depuis une vingtaine d'années, des produits culturels de toutes sortes - en musique, en littérature, en arts picturaux et graphiques -expriment les principales valeurs et représentations rattachées à ces pratiques nouvelles. Nous les résumons brièvement en guise d'introduction (Racine et Sarrazin, 1972 ; Racine, 1977b). 

Il y a d'abord un rejet radical de la domination de la nature et de son pillage par la technologie des sociétés actuelles. Il y a aussi rejet de toutes les formes de domination d'un individu ou d'un groupe sur un autre. L'être humain n'est pas considéré comme extérieur et supérieur au monde naturel, mais comme faisant partie de ce dernier et devant y jouer le rôle d'un gardien. Au sein de l'humanité, l'homme et la femme, l'enfant et l'adulte, sont considérés comme différents mais égaux : une attitude qui ne transforme pas les différences en inégalités est assez représentative de la nouvelle culture (Fabre, Moukhtar et Racine, 1977). 

Par ailleurs, la science et la technologie « lourde » (de grande dimension, et grande consommatrice d'énergie, polluante, etc.) sont perçues comme outils de la domination de la nature, liées intimement à un système social qui vit de la production pour la production, de la croissance pour la croissance, engendrant ainsi les pires inégalités, pillant le monde naturel et entraînant la crise écologique actuelle (épuisement des ressources non renouvelables, perturbation des cycles écologiques, accroissement de l'écart entre riches et pauvres, croissance surexponentielle des populations). De là toutes les tentatives visant à mettre sur pied un nouveau mode de vie : petites communautés autosuffisantes où tendent à disparaître le salariat, la division spécialisée du travail, l'exploitation, les inégalités socio-économiques aussi bien que celles fondées sur l'âge et sur le sexe ; communautés dont le rapport à la nature se fait par l'intermédiaire d'une technologie « légère » excluant le pillage, la pollution, par le respect des cycles écologiques et leur connaissance approfondie (énergie éolienne et solaire, agriculture biologique, etc.). 

Enfin, culminant dans la science analytique et dans la technologie lourde qui s'y rattache, la pensée rationnelle est considérée comme intimement reliée à toutes les formes de domination et d'inégalités sociales. En conséquence, tout sera fait pour favoriser le développement des facultés non rationnelles : affinement général de tous les sens et développement des capacités psi. Sur le plan rationnel, on préférera les spéculations des philosophies orientales et ésotériques à la pensée scientifique ou philosophique occidentale (Racine, 1977a et 1977b). 

Dans les pages qui suivent, nous tenterons de faire une rétrospective de la courte histoire de la nouvelle culture, en insistant sur l'attitude de celle-ci face au pouvoir et aux institutions, et aussi face à l'éventualité d'un passage imminent à une société nouvelle. Après avoir caractérisé le mouvement néo-culturel comme utopie moderne, se distinguant radicalement des projets socialiste et communiste, nous ferons un bref historique des événements et des étapes majeurs du mouvement, ce qui aidera à mieux comprendre les difficultés qui s'y sont posées lors de la réalisation du projet communautaire, les rapports de ce dernier avec le projet écologique et la question du développement des pouvoirs psychiques.

 

Nouvelle culture et utopie :
vers une redéfinition du politique

 

Les années soixante-dix s'achèvent et, à la veille des années 80, nous nous penchons sur le phénomène de la « nouvelle culture » pour en faire le bilan. 

« Nouvelle culture » ou « contre-culture » sont les termes qu'ont employés les spécialistes de la théorisation pour étiqueter la vaste explosion politique et sociale qui ébranle et fait frissonner le monde occidental entre 1960 et le début des années 70. 

Pour nous, ces concepts sociologiques, bien que très pertinents quant à l'identification de quelques aspects du phénomène des années soixante, n'en recouvrent pas l'essentiel, dans le sens que même si la contestation de l'ordre établi semble se faire au niveau culturel, elle est avant tout axée vers la reconstruction de l'ensemble des dimensions sociales et politiques des sociétés occidentales. Ceci dit, nous allons cependant continuer à employer dans notre analyse le terme de « nouvelle culture ». 

Vouloir aujourd'hui faire le bilan de ce qui s'est passé pendant les années soixante est à notre avis une tentative problématique et compliquée. D'un côté, il nous est difficile de prendre vraiment de la distance face à ce phénomène, parce qu'à plusieurs égards, l'impact du mouvement fait partie intégrante des années soixante-dix. D'un autre côté, l'effervescence, le dynamisme et la force des années soixante contrastent tellement avec l'état actuel des sociétés occidentales retombées aujourd'hui dans le narcissisme rédempteur des sectes religieuses et de la culture physique, des crises institutionnelles et du discours rationnel, qu'on est très souvent tenté de considérer la « nouvelle culture » comme étant dépassée, morte, appartenant à une époque historique révolue. 

À cet état de fait contradictoire correspondent aujourd'hui deux genres d'analyse du phénomène néo-culturel, qui malheureusement nous semblent tous les deux erronés. D'un côté, on retrouve le discours de ceux qui, dès son apparition, ont essayé de minimiser l'importance politique et sociale du mouvement néo-culturel en l'identifiant uniquement à ses manifestations les plus épiphénoménales et les plus exotiques : la tenue vestimentaire des hippies et des yippies, les cheveux longs, la drogue et l'encens. Ceux-ci se placent maintenant à l'intérieur du nouveau discours moralisateur du pouvoir, en considérant la nouvelle culture comme un accident de parcours, la crise d'adolescence d'une génération de jeunes mal élevés, trop gâtés, etc., qui, après s'être complus dans un « trip » d'irresponsabilité et de fuite face au réel, se sont fort heureusement assagis, lavés, rangés, et ont, en vieillissant, repris leur place à l'intérieur de la société « normale ». 

Il va de soi que les capacités de tolérance, de sagesse et d'équilibre du pouvoir établi ressortent exaltées de ce genre d'analyse. Il est évident aussi que cette vision de la nouvelle culture ne rend pas compte des faits tels qu'ils ont eu lieu, et escamote et nie toute la signification politique des années soixante. 

Parallèlement à ce discours, on retrouve une autre lecture actuelle des événements des années soixante, qui est aussi répandue que celle qu'on a mentionnée ci-dessus. Celle-ci est typique des cercles d'une certaine intelligentsia de gauche, qui, tout en affirmant qu'il y a eu « contre-culture » et « tentative révolutionnaire » pendant les années soixante, place l'analyse du phénomène sous l'égide de la défaite, de l'échec et de la récupération. De nouveau dans ce genre de discours, le pouvoir établi, institutionnel et bureaucratique ressort inaltéré, victorieux et intouchable. Certains vont déplorer le « manque d'organisation » de la contestation des années soixante, d'autres vont attribuer « l'échec » de la nouvelle culture au manque de « maturité révolutionnaire » et à la « naïveté politique » des néo-culturels, d'autres finalement vont axer leur explication de la prétendue défaite sur les capacités d'intégration et de récupération du système tout-puissant. 

Nous nous opposons à ces deux genres de perspectives, qui de toute façon, indépendamment de leurs postulats de départ, se ressemblent étrangement quant à leurs conclusions : d'un côté la négation, et de l'autre l'échec et la disparition du phénomène néo-culturel. 

Nous nous proposons de mettre en lumière la continuité qui existe entre « l'hier » et « l'aujourd'hui » du mouvement, entre les premiers moments de son émergence, le projet initial et les différentes étapes de son évolution. 

Nous choisissons donc de parler de la nouvelle culture en termes de mutation et de changement de forme, en nous interrogeant sur les erreurs stratégiques, les victoires remportées et les batailles perdues par les néo-culturels dans leur confrontation avec l'Institution sociale. Ceci pour démontrer que, dans l'espace d'une vingtaine d'années, aussi bien sur le plan théorique (nouvelles approches du pouvoir, du changement social, de la maladie mentale, etc.) que sur le plan pratique (mouvement écologique, revendications des femmes, légitimisation de l'homosexualité, écoles et pédagogies nouvelles, villages communau­taires, etc.), le mouvement néo-culturel des années soixante ouvre des brèches énormes dans l'ordre bourgeois technocratique établi, dans l'imaginaire social des sociétés occidentales contemporaines (Fabre, Moukhtar, Racine, 1977). 

Pour nous l'héritage des années soixante est encore actif et présent dans le mode d'être et de penser des années 70 et 80.

 

L'utopie moderne

 

Envers et contre tous les déterminismes de son époque, le mouvement néo-culturel émerge dans la spontanéité et fonde petit à petit toute une nouvelle tradition de lutte politique et existentielle. 

Son originalité découle du fait qu'après avoir essayé, en un premier temps, d'opposer au pouvoir établi des critiques institutionnelles partielles (remise en question des institutions éducationnelles et de leur rôle répressif dans le processus de la reproduction sociale, rejet de l'enfermement familial, de l'institution psychiatrique et pénitentiaire et de l'État), le mouvement se constitue très vite comme contestation et subversion de l'ensemble de l'ordre social et politique de l'Occident capitaliste contemporain. 

En tant que vaste mouvement de négation des acquis de l'ordre rationnel et technologique, la nouvelle culture dénonce et démasque les coûts du « Progrès » en dévoilant les coulisses de la machine scientifico-technologique : l'autorité, le pillage, les inégalités et la répression (Fabre, Moukhtar, Racine, 1977). 

Dans son élan de prise de conscience de la corruption du domaine politique, le mouvement néo-culturel prend une attitude révolutionnaire qui le différencie de tous les autres mouvements d'opposition au pouvoir de son époque. La nouvelle culture se constitue graduellement comme « utopie moderne » : 

Qu'il y ait eu rencontre avec l'esprit du temps, la « brèche » de 1968 en témoigne, où peut se lire un affrontement entre la résurgence anonyme de l'utopie, utopie plurielle, polymorphe, « insensée », à la recherche d'elle-même et l'impérialisme de la tradition révolutionnaire qui n'eut de, cesse de donner une traduction politique classique du nouveau, de ramener l'inconnu de l'excès dans les limites du connu (Abensour, 1978, p. 210). 

Au nom d'une humanité nouvelle, les années soixante vont ébranler les dogmes, les orthodoxies et les croyances de notre époque. Elles deviennent une utopie en actes qui nargue et mine le règne de la maison politique et civile.

 

La réalisation du rêve

 

Les valeurs véhiculées par le mouvement néo-culturel sont particulières, dans le sens qu'elles n'émanent ni d'un parti politique, ni d'une idéologie, ni d'un maître à penser ; dans un mouvement de critique et d'auto-critique, elles émergent de partout et à tous les niveaux. Intellectuels désabusés, femmes, ouvriers, collégiens, musiciens, cinéastes, étudiants, artistes, etc., se mobilisent en se déconnectant du circuit rationnel pour prendre part au processus de création de nouvelles conditions « d'être ensemble » des humains. 

Avec, comme fil conducteur, le désir de réaliser un mode de vie respectant la « VIE », le mot d'ordre contre l'autoritarisme, les inégalités et la répression fait dans l'espace de quelques mois tache d'huile dans l'imaginaire de toute une génération. Au sein du mouvement des années 60, les noyaux néo-culturels prenaient souvent la forme de laboratoires sociaux où s'expérimentaient différentes façons d'être, de vivre avec autrui et avec soi-même. 

Le mouvement néo-culturel est apparu comme un message lancé par une frange de la société, la plus sensible et la plus consciente, message dénonçant le danger qu'une certaine idéologie faisait courir au reste du monde. 

Sans programme défini et sans stratégie précise, les néo-culturels ont voulu défier le statu quo du bonheur technologique, de la standardisation et de la destruction mentale, sociale et écologique. 

La pratique des néo-culturels apparaît donc comme une tentative pour résoudre les contradictions de leur personnalité sociale, reflet de l'idéologie dominante, afin de pouvoir trouver une alternative commune et un autre mode de vie. 

Les pratiques, le vécu quotidien et les productions symboliques de la nouvelle culture varient dans leur forme et leur expression selon le milieu d'où elles émergent. 

Au fur et à mesure que les différentes expériences s'élargissent à des niveaux rarement atteints dans le contexte de nos sociétés actuelles, l'utopie prend forme, le rêve se réalise temporairement dans les marges de la société qu'il rejette. 

Exposée à toutes les tactiques répressives de la société établie, la nouvelle culture, en expérimentant des échecs, change de forme et de stratégie au fur et à mesure que les obstacles se présentent. 

N'étant pas un mouvement organisé, et se refusant à l'institutionnalisation, le phénomène néo-culturel possède une souplesse qui lui permet d'introduire dans le mode de vie qui le caractérise de nouveaux éléments, tout en en rejetant d'autres qui semblent empiéter sur les conditions spécifiques du moment. 

La recherche des paramètres d'un mode de vie alternatif culmine dans les multiples expériences que vivent les néo-culturels (Racine, 1977b). En se plaçant aux interstices de la société qui les engendre, ils deviennent marginaux, nomades, mutants... Leur mutation est vécue à travers un spectre de moyens très variés qui coïncident quant au but : démolir en soi et autour de soi la perpétuation de l'autorité qui constitue la base de la société qu'ils combattent.

 

Le défi du non-pouvoir

 

L'être du non-pouvoir est de dissoudre le Pouvoir établi. L'être du non-pouvoir c'est l'être (Baynac, 1978, p. 196).

 

Nous considérons la nouvelle culture comme une utopie moderne parce que dans son orientation critique, elle adopte une attitude qui la place à l'avant-garde de tous les mouvements actuels dit « révolution­naires ». Utopie, parce que sa démarche relève plus d'une « science-fiction-politique » que des idéologies matérialistes revendicatrices de pouvoir qui caractérisent les « métaphysiques classiques » de la révolution moderne. 

Alors que les idéologies révolutionnaires traditionnelles capitalisent sur la prise de pouvoir et raisonnent en termes d'organisation, d'avoir et de quantités, la nouvelle culture, en se détachant du jeu traditionnel « pouvoir/contre-pouvoir », rejoint la tradition utopique subversive du « moins d'État possible ». 

L'option révolutionnaire de la nouvelle culture est subversive dans le sens qu'en tant qu'utopie, elle rompt l'équilibre du dialogue entre les détenteurs du pouvoir et ceux qui le revendiquent. À la place des pourparlers, des coalitions de classe, des grèves et des revendications salariales, la nouvelle culture engendre le refus radical de toute lutte sur le terrain politique traditionnel. En faisant ceci, elle atteint son expression la plus subversive, elle devient « non-pouvoir » (Baynac, 1978). 

Son refus de dialoguer dans les termes établis par le système et de se battre à l'intérieur des frontières tracées par le pouvoir politique la rend insaisissable, incontrôlable, dangereuse. Pour la première fois, le système désemparé se trouve à faire face à un mouvement dont les attentes échappent à sa compréhension. 

Des hordes de techniciens du savoir se sont déployées pour identifier les racines du mouvement, son orientation, ses leaders. Mais comment traquer le rêve ? La nouvelle culture, ne relevant pas du même ordre de logique, polarise la raison et l'utopie. 

Dans quelques pays, les réactions du pouvoir établi se font parfois violentes, mais inefficaces. Comment contrôler sans comprendre ? 

En transgressant les règles du jeu et le langage du savoir-faire politique, le mouvement néo-culturel échappe complètement à la compréhension des magistrats du savoir et du pouvoir établi. 

Dans la spontanéité et dans le jeu, l'histoire du monde occidental des années soixante devient création de l'utopie moderne. 

Décentralisation, multiplication des lieux de socialisation (l'association domestique et agricole, la cuisine, la sexualité, le travail, la danse, l'éducation, le jeu), invitation à la pluralité, dissémination, appel à une communication entre les groupes, les séries se faisant et se défaisant en permanence, prolifération sur un même territoire de micro-communautés expérimentales « dans le dos » de l'unification étatique, telles sont les voies de l'utopie pour laisser s'instituer un nouveau « vivre ensemble » des hommes. Comme si peu à peu une « société des sociétés » venait se substituer spontanément à l'extériorité du pouvoir, à la violence de l'État. Jusqu'au point de le confronter à son inutilité. Former et informer, tisser un nouveau lien social, libérer une effervescence sociale aux effets inconnus (Abensour, 1978, p. 226). 

La double spécificité de la nouvelle culture (mouvement spontané utopique d'un côté, et stratégie du non-pouvoir d'un autre), en plus de déranger les structures sociales et politiques de la société établie, rend aussi urgente la nécessité de remettre en cause les fondements mêmes de l'option que suit l'Occident capitaliste depuis le 19e siècle. 

Dans son désir de créer un monde nouveau, la nouvelle culture identifie les racines de l'aliénation collective au système philosophico-moral qui gère les faits et les gestes du monde occidental depuis le 18-19e siècle : le Rationalisme. 

Elle devient l'antithèse du positif, du rationnel, de l'objectif, du scientifique et de l'efficace définis par les standards du rationalisme. 

Née dans l'abondance, au paroxysme du progrès scientifique et technologique, au coeur des métropoles occidentales, dans les universités, dans les ateliers et dans les rues des capitales, la nouvelle culture rejette et combat les prémisses mêmes du mode de fonctionnement des sociétés d'où elle a émergé, c'est-à-dire l'éthique de la productivité, de l'efficience, du travail-consommation, du plein emploi, du rationalisme, de la conscience objective et de la scientificité à outrance. 

La critique mettait en cause le « point de vue de l'organisation », sous lequel tend à s'ordonner notre monde, le quadrillage de chaque secteur du champ social, l'étiquetage des individus, tout un système de discrimination des disciplines et des compétences, de mensuration des aptitudes, d'exclusion des déviants de la norme, de quantification du travail, de programmation des connaissances. Et ainsi s'attaquait-elle à la représentation régnante de la Science dont l'Organisation tire sa légitimité. À quoi s'opposait une revendication qui ne s'épuisait en aucune formule, mais se signifiait dans cette double affirmation insolite du Je en réponse à l'anonymat bureaucratique et du collectif en réponse à l'atomisation des individus dans l'exercice d'une parole sauvage et d'une communication sauvage, dans la prise de possession d'un espace ici et là cloisonné et surveillé (Lefort, 1977, p. 16). 

Même si la nouvelle culture dans son évolution, n'a jamais pris la forme d'une idéologie, et même si elle s'est toujours présentée comme un ensemble de pratiques émancipatoires, à travers les expériences mystiques, psychédéliques et artistiques des agents néo-culturels, elle a élargi les frontières théoriques, le cadre de référence et le système de représentation sur lesquels le savoir de l'Occident se fonde depuis le 19e siècle pour discourir sur le réel, sur le rapport de l'homme avec lui-même, avec ses semblables et avec son environnement. 

En effet, selon nous (et ceci, entre autres, va à l'actif du bilan sur les années soixante), la nouvelle culture, par la spécificité de son caractère révolutionnaire avant-gardiste et par le défi que son existence pose aux magistrats du savoir traditionnel quant à la compréhension de ses paramètres, donne le coup d'envoi d'une nouvelle approche critique et émancipatoire des sociétés capitalistes actuelles. En tant qu'utopie moderne, et par son refus de se battre selon les termes des luttes révolutionnaires classiques, elle souligne l'inaptitude des idéologies dites révolutionnaires, qui s'alimentent aux même postulats positifs et scientifiques que le système qu'elles combattent, à créer les conditions d'émergence d'un nouveau mode de vie. 

La réaction des groupes traditionnels de gauche à l'égard de la nouvelle culture, qui fut tout aussi violente que celle du pouvoir, souligne de façon saisissante l'insécurité que fait subir l'émergence de cette nouvelle forme de contestation aux idéologies de la gauche traditionnelle. 

Désemparés, eux aussi, en un premier temps, ils nient le phénomène avec des arguments à peu près semblables à ceux qu'emploient les garants de l'ordre du système. Petite bourgeoisie en crise, nous disent-ils ! Le mouvement prend de l'ampleur et le jeu, la fête, la subversion utopique qu'irradie la nouvelle culture rongent et font craquer les vieux cadres de référence. Comment faire tenir ensemble les fondements de la vieille bâtisse théorique ? 

Les « sit-ins », les « be-ins » et les « strip-ins » comme pratiques révolutionnaires ? Ce n'est pas raisonnable... 

Des communes où cohabitent et oeuvrent ensemble des membres du Black Power, des Weathermen, des hippies, du Gay Liberation Movement, des yippies ? Ce n'est pas sérieux. 

Bob Dylan, Timothy Leary, Ken-Kesey, Allen Ginsberg, le Swami Vivekananda, Sri Rama-Krishna, Jésus-Christ, Marx, Mao et le Che apparaissant tous comme des symboles de la libération ? C'est le délire... 

Atteinte totale à la pureté doctrinale des dogmes révolutionnaires, la nouvelle culture est aux yeux des détenteurs du savoir et du pouvoir révolutionnaire d'autant plus scabreuse qu'elle diverge, quant à ses buts, de ceux de toute révolution respectable. Elle est la révolution pour l'être et non plus pour l'avoir (Baynac, 1978). 

Contrairement à toutes les révolutions passées, Mai 1969 n'a pas été provoqué par la pénurie, mais par l'abondance. Aussi l'événement n'entre-t-il dans aucun schéma théorique connu et, depuis lors, toutes les stratégies réformistes et révolutionnaires connues sont déclassées. La risible impuissance des politiciens de tout poil les accule donc à se nier eux-mêmes en se rabattant sur le social. De ce dérapage incontrôlé rien jamais ne sortira. Tout est à repenser. Tout est à réinventer. Tout est à refaire... en Mai, la radicale nouveauté de la motivation révolutionnaire a engendré une stratégie radicalement nouvelle (Baynac, 1978, p. 193). 

À la lumière des événements des années 60, les concepts de « praxis », de « révolution », de « sujet révolutionnaire » se voient altérés de façon radicale, même si encore aujourd'hui les héritiers des vieux schémas positivistes s'acharnent à nier les faits et sacrifient l'histoire au temple de leur rigidité dogmatique.

 

Rétrospective *

 

Aussi bien en Europe qu'aux États-Unis et au Québec, le mouvement néo-culturel a pris à plusieurs reprises le devant de la scène politique : manifestations étudiantes (Berkeley, Mai 68, etc.), manifestations contre la condition des Noirs américains et contre la guerre du Vietnam, festivals de musique pop (Île de White, Woodstock, etc.). Le mouvement a aussi fait parler de lui à cause des désertions massives face au service militaire (draft-dodgers américains), à cause de l'emploi généralisé des psychotropes (interdiction du L.S.D. et arrestation de Leary : voir Leary, Allpert et Metzner, 1964 ; Leary, 1973), à cause du décrochage (« dropping-out ») des jeunes. Par leurs vêtements et leurs manières (peace and love) les enfants fleurs de Californie, comme les provos ou les Kabouters (elfes) d'Amsterdam, se sont aussi acquis une certaine notoriété. 

Puis, au début des années 70, il y a l'éclatement des Beatles, les suicides de Morrison, Hendrix et Joplin ; on commence alors à sentir le reflux, les débris, le lendemain des fêtes ; le chemin sera long et parsemé d'embûches. On entend beaucoup moins parler du mouvement. Il est de moins en moins question des communes et de la libération sexuelle, il y a baisse considérable de la consommation de la plupart des grandes drogues psychédéliques, et détérioration de leur qualité. Beaucoup des « drop-out » des années 60 s'intègrent doucement au système qui, pour sa part, récupère (commercialise) une bonne partie des traits les plus apparents du comportement néo-culturel : musique rock, groupes de thérapies nouvelles et de croissance, marijuana, habitudes vestimentaires et décoratives (jeans, posters, etc.). 

Aujourd'hui, le mouvement ne tient plus le devant de la scène politique ; on entend parfois parler à la T.V. des excentricités de tel ou tel groupe mystique, rien de plus. Pour un observateur extérieur, il est facile de dire que tout cela a été récupéré par le système, comme s'envolent les rêves d'enfance et les espoirs adolescents, que la génération des enfants fleurs a passé sa crise de jeunesse petite-bourgeoise pour s'intégrer sagement à la société capitaliste. Tout serait ainsi réglé, on pourrait alors revenir aux choses sérieuses comme les réformes sociales ou la dictature du prolétariat. Mais ce n'est pas si simple, comme on le verra un peu plus loin.

 

Des manifestations étudiantes
au mouvement communautaire

 

Revenons maintenant sur les événements dont nous venons de faire la rétrospective et tentons d'en dégager la portée en ce qui concerne l'attitude de la nouvelle culture face au pouvoir.

 

Les manifestations étudiantes

 

Après une première phase de protestation contre la bureaucratisation de l'enseignement et la brutalité de la réforme technocratique de l'Université, une bonne partie de ces manifestations s'est centrée sur la dénonciation vigoureuse de la collusion entre Science, Technique, Université et Capital. Le « dropping-out » généralisé qui a accompagné la période où eurent lieu les plus importantes de ces manifestations (Berkeley aux États-Unis, Mai 68 en France, dernières manifestations organisées par l'U.G.E.Q. au Québec, etc.) permet de saisir un des points centraux de la démarche politique de la jeunesse contre-culturelle de l'époque : on dénonce le système sans chercher à obtenir de réponses ni à faire la révolution. On décroche (« drop ») plutôt, on se marginalise, on vit d'expédients et on tente des formes de relations sociales nouvelles (communes). Comme le « dropping-out » a accompagné les manifestations anti-universitaires, la désertion a accompagné les manifestations contre la guerre du Vietnam : on exige la fin de la guerre (« make love, not war ») et on prend la seule mesure concrète et personnelle susceptible de l'entraver (la désertion, si l'on est conscrit). Comme le décrochage, la désertion est le moyen de se mettre suffisamment en marge du système pour pouvoir expérimenter une vie nouvelle. 

Ces phénomènes de décrochage, de désertion et de marginalisation montrent à quel point la démarche politique de la contre culture diffère alors de celle des mouvements socialistes traditionnels. Au lieu de vouloir réformer l'État et ses appareils, ou s'en emparer, on les dénonce et on tente ensuite de faire les premiers pas vers une société nouvelle, sans chercher à convaincre et à organiser les larges masses avant de bouger soi-même. En ce qui concerne la question de l'État, la contre-culture est beaucoup plus proche de la position anarchiste (« le désordre, c'est l'ordre moins le pouvoir », Léo Ferré) que du socialisme ou du « communisme » (Calvo, 1977 ; Bookchin, 1971 ; Friedmann, 1975). 

On comprend ainsi que le mouvement ne se soit jamais organisé et n'ait jamais produit d'institutions comme les partis et les syndicats. Quand on ne veut ni réformes ni prise du pouvoir, toute organisation de ce type perd sa signification. La spontanéité de la nouvelle culture n'est pas un défaut ou une immaturité politique, c'est la conséquence directe de son anti-étatisme. La seule tentative sérieuse d'organisation politique au sein de la nouvelle culture fut celle des hippies, qui, à la Convention de 1968, à Chicago, se fixaient pour but d'assurer l'appui de la jeunesse à la frange progressiste du parti démocrate : ce fut un échec (Rubin, 1971). 

En mai 1968, en France (Labro, 1968 ; Morin et Halter, 1978), par contre, on a une parfaite illustration de la démarche politique dont nous parlons. À la suite de brimades administratives de la part de l'Université Technocratique, le mouvement étend sa protestation en manifestant contre le lien entre l'Université et les forces de répression. Tout s'arrête, à l'échelle de la société, grâce à l'appui inattendu et spontané de la classe ouvrière. Alors, loin de s'intéresser à l'organisation en vue de la prise du pouvoir, ou de résister à la répression, on se met à parler et à chanter dans les rues, à faire l'amour, à écrire des poèmes et des dessins sur les murs (« sous les pavés, la plage », « l'imagination au pouvoir », etc.). Puis, en dehors de toute institution, on met sur pied les services essentiels (approvisionnement, etc.) dans les quartiers, les petites villes et villages. De Gaulle s'était très bien rendu compte de la portée de cette attitude, en déclarant que la nation était au bord du chaos, parce que personne ne semblait plus croire en l'autorité de l'État. Si la société française ne s'est pas alors profondément transformée, c'est sans doute beaucoup plus parce que la majorité de la population n'adhérait pas à l'idéal du mouvement de mai que parce qu'il faudrait absolument s'emparer de l'État avant de songer à vivre la vie nouvelle. Un État qui n'intéresse plus personne n'existe plus. C'est pourquoi De Gaulle a tout fait pour amener les « représentants » de la classe ouvrière à négocier, c'est-à-dire à reconnaître l'autorité de l'État. C'est sans doute aussi pourquoi l'intervention militaire aurait été justifiée face à une organisation qui aurait tenté de s'emparer de l'État, en reconnaissant du même coup l'importance. 

À l'époque, on retrouve partout la même démarche. En Allemagne, les vastes manifestations du S.D.S. contre le trust Springer s'achèvent par le démembrement du mouvement étudiant, suivi de plusieurs expériences de vie communautaire (Dutschke, 1968 ; Commune 2, 1972). À Amsterdam, après s'être servis de l'élection de l'un des leurs au conseil de ville pour faire une vaste propagande en faveur de la vie communautaire, les provos disparaissent de la ville pour mener à bien leur projet. Au Québec, l'Union générale des étudiants (U.G.E.Q.) se saborde après avoir organisé une série de manifestations sous le signe du refus de négocier et de la nécessité de l'auto-organisation à la base. Au même moment, le mouvement d'animation sociale dans les quartiers défavorisés, qui avait un temps attiré une part non négligeable des militants étudiants, se dissout et donne naissance à divers projets communautaires. Ce mouvement avait aussi évolué précédemment vers le principe de la non-négociation et de l'auto-organisation à la base. 

Ainsi, pendant les années 60, la plupart des organisations étudiantes ont évolué en suivant une même ligne générale. Partant des positions socialistes traditionnelles, on attaque d'abord de façon plus ou moins réformiste ou révolutionnaire l'Université bourgeoise et technocratique ; après une phase revendicative assez brève, on passe des revendications révolutionnaires (changer l'Université et la société) au refus de négocier. Suit alors la poussée vers l'auto-organisation à la base, accompagnée de manifestations qui dénoncent globalement le système. Vient enfin la dissolution des organisations, justifiées par des principes anti-étatiques et anti-bureaucratiques, ce qui ouvre la voie aux expériences communautaires. 

Les manifestations dont nous venons de parler représentent une transition entre l'ancienne démarche socialiste et la démarche propre à la nouvelle culture. Refuser toute négociation avec les institutions d'un système que l'on condamne radicalement laisse, en effet, la voie ouverte à plusieurs politiques : organisations révolutionnaires terroristes, ou vouées à la fondation du parti prolétarien, organisations populistes visant à l'auto-organisation des masses laborieuses, marginalisation et expérimentation de formes de vie nouvelle. Seule cette dernière attitude caractérise la nouvelle culture. Au Québec, ce ne sont pas tous les militants étudiants qui, vers la fin des années 60, ont suivi cette voie ; plusieurs s'orientent dans un sens réformiste (fonctionnaires des partis, des syndicats ou des institutions étatiques) ou révolutionnaire (divers groupuscules).

 

Décrochage et communes

 

Qu'ils se trouvent à ce moment au secondaire, au cégep ou à l'université, beaucoup de ceux et de celles qui ont décidé d'interrompre leurs études et de ne pas travailler sur une base stable n'avaient jamais fait de politique au sens habituel, Il n'en reste pas moins que le fait même de « dropper » avait alors des implications socio-politiques considérables. Ce geste veut dire que l'on aime mieux vivre d'expédients - bien-être social, travail à la pige, vente de drogues psychédéliques, etc.- que de faire au système la concession de poursuivre des études en vue d'entrer sur le marché du travail. 

Le « drop-out » ne peut pas être assimilé au chômeur ou à l'assisté social, qui subissent leur condition sans l'avoir choisie. Il ne peut non plus être confondu avec un membre de la petite pègre, qui parasite le système tout en en jouant admirablement le jeu. Le fait de vivre d'expédients ne suffit pas à circonscrire la nouvelle culture et il est évident qu'il ne s'agissait alors que d'une phase temporaire. Beaucoup d'anciens « drop-out » sont revenus aux études ou sur le marché du travail sans pour autant cesser d'appartenir à la nouvelle culture ; et, par contre, beaucoup de « drop-out » n'ont été que des bohèmes individualistes plutôt que des expérimentateurs d'un nouveau mode de vie. 

Le décrochage n'avait un sens politique que dans la mesure où il s'intégrait, à un moment donné, en un ensemble de comportements gravitant autour de l'expérience de la vie communale. De toute façon, ce ne fut jamais un geste de puriste : s'il était préférable de « dropper » pour vivre en commune, on le faisait ; quand il est devenu préférable de travailler, on l'a fait aussi. 

Compte tenu de ces réserves, force est toutefois de constater que, pendant les années 60 et au début des années 70, le geste de « dropper » était une mise en marge volontaire, conséquence évidente des positions non revendicatrices auxquelles avaient abouti les mouvements étudiants. Le système que l'on refuse, face auquel on ne veut plus négocier quoi que ce soit, et surtout pas le pouvoir d'État, on cherche alors à en dépendre le moins possible dans la vie quotidienne. Ce qui est remarquable c'est que, contrairement aux activités individualistes des marginaux de tout temps, on profite alors du retrait relatif que l'on a choisi pour expérimenter de nouvelles formes de vie sociale. 

L'attitude que suppose le décrochage conduisant à l'expérience communale est ainsi très différente de la démarche des militants politiques habituels. Le militant, qu'il soit conservateur ou libéral, réformiste ou révolutionnaire, doit convaincre une certaine catégorie de gens qu'il est dans leur intérêt d'appuyer son parti et ses idées : d'où publicité et propagande, organisation et stratégie, pressions et combines, etc. Celui qui décroche n'a personne à convaincre, il n'a qu'à trouver ses frères et à vivre avec eux tout en s'isolant le plus possible du système.

 

Psychotropes, musique pop, enfants fleurs

 

La mise en marge - décrochage et vie communale - ne suppose toutefois pas que l'on se retire dans le désert. Après avoir participé à des manifestations rejetant globalement le système, le mouvement a eu soin de poser des gestes politiques visant à témoigner de la possibilité concrète et immédiate d'une vie nouvelle. Aussi bien les festivals de musique pop, que la consommation des drogues psychotropes, l'habillement, les gestes d'amour et de fantaisie des enfants fleurs californiens ou des elfes (Kabouters) d'Amsterdam répondent à ce souci d'afficher, au coeur même de l'ancienne société, l'aspiration de la jeunesse à un nouveau mode de vie communautaire et fraternel, fondé sur la libération du corps, du sexe, des sens, de l'imagination, etc. 

Ces témoignages ont parfois eu une très grande ampleur, comme à Woodstock, où les participants ont retrouvé le geste symbolique d'allumer des chandelles dans la nuit, geste qui, dans la liturgie chrétienne orthodoxe, évoque la préparation au passage vers la terre promise, la fin de l'exil et l'attente du Royaume. A cette époque, la nouvelle culture a renoué avec les thèmes les plus profonds de la civilisation occidentale et judéo-chrétienne. Le symbole christique était très fort, même dans la mode vestimentaire des jeunes : visage mince, barbe et cheveux longs, robe, etc. Le symbole christique était celui de l'Homme nouveau, du passage intérieur à une nouvelle vie. À cette époque, dans le mouvement, on sentait comme imminente la venue d'une vie nouvelle. Et, lorsqu'il est devenu clair que ce ne serait pas si simple et si rapide, le caractère immolatoire du symbole christique est apparu (dans Easy Rider, dans Hair, etc.). On se rendait compte qu'il n'y aurait pas de Résurrection sans Passion, et que la route vers le Royaume serait longue et difficile (« The road is long... that leads us to who knows where », He Ain't Heavy, He's my Brother, The Hollies). Même récemment, l'image du Christ comme prophète immolé d'une Vie nouvelle tend à prévaloir, comme dans la récente Vie de Jésus du cinéaste Zefirelli. Le passage au monde meilleur est vu de manière de plus en plus apocalyptique : « au sommet abyssal de la hiérarchie du Pouvoir/règne un Androïde somnambule/qui shake/de tous ses circuits imprimés/sous la touche sans impatience/ de l'Ange exterminateur » (Chamberland, 1978).

 

Communes ou villages communautaires

 

On voit que, contrairement au courant révolutionnaire ou réformiste et à leurs organisations, la nouvelle culture n'a jamais envisagé de s'organiser pour obtenir le soutien et aider à la prise de conscience d'une classe quelconque, dont l'intérêt ultime serait de prendre le pouvoir d'État et d'établir à partir de là une dictature permettant l'avènement d'une société sans classes, caractérisée par la démocratie des producteurs (Bon et Burnier, 1971). Plutôt, la nouvelle culture procède par dénonciations et rejet global du système, puis recourt à une marginalisation qui permet d'expérimenter dès maintenant une forme nouvelle de vie sociale et d'en témoigner. Bien qu'il se soit souvent identifié à la jeunesse étudiante, le mouvement n'a jamais prétendu que cette couche sociale était la seule à vouloir un nouveau mode de vie, son attitude étant plutôt « qui m'aime me suive ». 

Abordons maintenant un autre aspect de la démarche de la nouvelle culture face au pouvoir, moins spectaculaire que le premier mais tout aussi important : comment supprimer les rapports de domination et l'autorité au sein de la vie communale ? C'est cette démarche qui a conduit au débat entre socialistes et néo-culturels, la position de ces derniers étant « il faut d'abord se changer soi-même plutôt que de vouloir changer les autres ». Les socialistes ont tout de suite classé cette attitude comme individualiste et petite-bourgeoise, sans comprendre qu'elle était intimement liée aux difficultés de l'expérience communautaire et à ses objectifs fondamentaux (Commune 2, 1972 ; Racine, 1977b). 

Dès le départ, et sans doute plus ou moins consciemment, les communes ont visé à fonder un mode de vie sans hiérarchie et sans pouvoir, respectant les différences entre les sexes et entre les âges sans les transformer en sources d'inégalités diverses (Moscovici, 1976). 

L'expérience a été très difficile, comme une Passion au bout de laquelle Pâques ne semble plus assuré, et le bilan provisoire n'est pas très enthousiasmant. Bien que les laissant assez libres dans le jeune âge, de nombreuses communes ont fini par envoyer leurs enfants plus vieux à l'école. La tentative d'assurer la répartition égalitaire des tâches de toutes sortes a souvent mené à l'éclatement du groupe ou au retour à une organisation codifiée et au leadership. Les tentatives de dépasser le couple hétérosexuel stable ont abouti, après une période d'« amour libre » plus ou moins longue, à la reconstitution de couples conservateurs. La division du travail, entre les sexes, n'a guère été modifiée, malgré beaucoup de bonne volonté (les femmes continuant à s'occuper des enfants et de la plupart des travaux domestiques). Bien des essais de dépasser les tabous sexuels majeurs (homosexualité, rapports avec les enfants et les vieilles personnes), bien des tentatives pour élargir la conscience, et pour développer les capacités psi à l'aide des drogues psychotropes, se sont achevées par des bad trips ou par la soumission au gourou d'une religion orientale ou au thérapeute d'une mode plus ou moins passagère. 

C'est dire qu'il n'a pas été aussi facile qu'on aurait pu le croire au départ de mettre sur pied un fonctionnement social nouveau et de dépasser, même entre gens qui s'aiment et se connaissent bien, les inégalités fondées sur l'âge, le sexe ou les rapports de travail (Fabre, Moukhtar et Racine, 1977 ; Racine, 1977a). S'il est relativement facile de se mettre en marge des principales institutions du système (travail salarié, famille nucléaire, etc.), il est beaucoup moins aisé d'extirper de soi les conditionnements que ce système a implantés en chacun dès le plus jeune âge (Reich, 1972b ; Mendel, 1971). Chacun considère son moi comme un centre de contrôle individuel analogue à ce que représente l'État sur le plan social, un facteur de domination et de division (Calvo, 1977 ; Guillaume, 1978). Chacun a un flic dans la tête et dans le coeur. 

Quiconque tente de faire disparaître le résultat de ces conditionnements, d'effacer la programmation que le système a inscrite en lui par l'intermédiaire de ses agents de socialisation (famille, T.V., garderies, écoles), se heurte à des difficultés considérables, à des angoisses et à des insécurités profondes (Reich, 1972b ; Mendel, 1971). C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre la devise « change-toi toi-même avant de prétendre changer les autres », et le recours aux nouvelles thérapies de groupes et aux techniques de croissance personnelle et d'expansion de la conscience (religieuses ou pas), prises comme moyen de déprogrammation des conditionnements effectués par le système en chacun, et comme moyen de reprogrammation indispensable à quiconque veut fonctionner au sein d'une nouvelle forme de vie sociale, communautaire et égalitaire (Liley, 1967 ; Racine, 1977b). 

Il est indéniable que toutes ces thérapies et ces techniques ont rapidement été mises à la mode et commercialisées (Ruitenbeck, 1973), ce qui les a vite vidées de tout contenu, chaque thérapeute ou gourou se faisant son petit cocktail, aussi original qu'insipide, pour suivre la mode et gagner ses sous. Très vite, les clients de ces groupes ont cessé d'appartenir à la nouvelle culture, pour devenir des petits bourgeois fortunés dont les névroses et le désarroi ont conduit à une « culture du narcissisme » s'accommodant aussi bien du massage du petit orteil que de la danse devant un miroir comme moyen de « libération ». Loin d'aller dans le sens de la formation de personnes suffisamment autonomes pour vivre une vie communautaire et égalitaire, ces groupes ont exploité à fond les réflexes de soumission à l'autorité chez leurs clients. 

Cette évolution de la nouvelle culture a servi de preuve à certains penseurs marxistes, dans leur analyse voulant qu'il s'agisse là d'un mouvement petit-bourgeois devant nécessairement sombrer dans l'utopisme, l'individualisme et le mysticisme. Mais il est à la charge de ces gens d'établir qu'ils peuvent faire mieux, et en particulier de prouver qu'une organisation politique dont les militants vivent sans cesse entre eux des rapports de domination pourrait, une fois au pouvoir, établir une société où la domination aurait disparu, et surtout dans le cas où la prise du pouvoir se serait faite par la force (Racine et Sarrazin, 1972). Si on juge par ailleurs impossible de dépasser les rapports de domination entre l'homme et la femme et entre l'adulte et l'enfant, qu'on ne parle plus de communisme. Si, enfin, on croit que la suppression des inégalités économiques entraînera celle des autres formes de domination, qu'on nous explique pourquoi, dans l'histoire de l'humanité, les inégalités fondées sur l'âge et le sexe sont apparues avant les inégalités économiques, et semblent relativement indépendantes de ces dernières (Fabre, Moukhtar et Racine, 1977). 

Indépendamment de toute polémique, force est toutefois de constater que la tentative communale pour fonder un mode de vie sociale libéré de toutes les formes de domination n'a pas réussi jusqu'à aujourd'hui. Les rapports sociaux fondamentaux -soumission à un leader pour le partage et la coordination des tâches, subordination de la femme à l'homme et de l'enfant à l'adulte - n'ont pas encore été vraiment dépassés de façon nette. 

Il n'en va pas de même en ce qui concerne l'établissement d'un nouveau rapport avec la nature, ce qui est lié au fait que le projet communal soit mis pour l'instant en veilleuse au profit du projet « écologique » des villages communautaires. Paradoxalement, c'est dans le domaine de l'instauration d'un nouveau rapport technique à la nature que la nouvelle culture a obtenu depuis quelques années ses plus impressionnantes réussites (Favreau et Bédard, 1978 ; Hawken, 1975 ; Mainmise, 1977), et qu'elle risque sans doute bientôt de reprendre le devant de la scène politique en présentant le résultat de ses expérimentations comme témoignage de la possibilité d'un fonctionnement social permettant de passer à travers la crise écologique générale qui se fait de plus en plus imminente (Goldsmith et al., 1972 ; Lappé et Collins, 1978 ; Meyer, 1974 ; Montbrial, 1978 ; Picht, 1970). 

Contrairement aux membres d'une commune, les membres d'un village communautaire ne se préoccupent pas dans l'immédiat de l'abolition de tous les rapports sociaux de domination. On laisse leur place à la division du travail entre les sexes, à la vie de couple et à la famille nucléaire, à une certaine domination des adultes sur les enfants, à un certain leadership et à une certaine codification dans les rapports de travail. On s'attaque principalement au rapport à la nature, par le biais de la technologie et de l'économie. Le salariat, l'exploitation, la division spécialisée du travail sont réduits au maximum, on tend à l'autosuffisance qui permettrait éventuellement de ne plus du tout dépendre des rapports marchands du système. Quoique encore marginales, peu répandues, ces expériences ont été assez poussées pour démontrer qu'une technologie « douce » (utilisation des énergies éolienne et solaire, agriculture biologique, etc.), qui n'épuise aucune ressource et ne pollue pas, peut permettre, à l'échelle de petits groupes, de satisfaire la plupart des besoins de nourriture, d'habillement, de logement, etc. (Favreau et Bédard, 1978, Hawken, 1975 ; Mainmise, 1977a ; Audiberti, 1978).

 

Nouvelle culture et écologie

 

Cette orientation récente de la nouvelle culture ne l'assimile pas pour autant au mouvement écologique (Bookehin, 1971 ; Colli, 1979 ; Commoner, 1969 et 1972 ; Dumont, 1975 ; Ehrlich et Ehrlich, 1972 ; Gorz, 1978 ; Samuel, 1973, Schumacher, 1978). Une bonne partie de ce dernier est essentiellement vouée à la lutte contre la pollution et contre l'implantation des centrales nucléaires, champs où il obtient d'ailleurs des résultats appréciables. Mais il faut bien noter que ceux qui appuient ce genre de luttes n'aspirent pas nécessairement en majeure partie à plus qu'un simple ralentissement de la croissance industrielle et démographique, dans un système dont les structures seraient le moins altérées possible, par ailleurs (Colli, 1979 ; Montbrial, 1978 ; Picht, 1970 ; Schumacher, 1978) : l'État demeurerait, de même que les rapports d'exploitation et de domination à tous les niveaux. La question reste toutefois ouverte de savoir si un type de société fondé sur le gigantisme industriel et urbain permis par la croissance économique valorisée pour elle-même est, à la limite, compatible avec une technologie qui ne pille pas les ressources non renouvelables et qui ne perturbe pas les cycles écologiques (par les pollutions diverses) (Commoner, 1972 ; Goldsmith et al., 1972 ; Bookchin, 1971 ; Gorz, 1978). 

Ce qui est sûr, néanmoins, c'est que le modèle social élaboré par les villages communautaires représente l'une des issues possibles à une crise sociale et écologique qui approche rapidement de sa phase culminante (Montbrial, 1978 ; Meyer, 1974). Mais il ne suffit pas qu'un type de société soit en crise profonde et qu'existe de façon marginale en son sein l'ébauche d'une nouvelle société pour que tous adhèrent à cette dernière, comme l'indique le nombre encore négligeable des villages communautaires. Aux yeux de la majorité des gens, l'ancienne société n'a sans doute pas fait encore clairement la preuve de son échec, de sa non-viabilité pour l'avenir. Il est d'ailleurs possible que le type de société qui succédera à celui que nous connaissons aujourd'hui ne soit pas décentralisé ni relativement égalitaire du point de vue économique : il ne faut pas oublier que les sociétés féodales, par exemple, n'étaient pas axées sur la croissance économique, tout en étant profondément inégalitaires du point de vue politique et socio-économique. 

Ainsi, les sociétés d'aujourd'hui pourraient évoluer vers un fonctionnement où l'on renoncerait à un constant accroissement du surplus économique, où l'industrie prendrait alors une orientation peu polluante et n'épuiserait plus des ressources non renouvelables. Au lieu de distribuer inégalitairement des biens dont la quantité va sans cesse croissant, on distribuerait alors de façon tout aussi inégalitaire (et peut-être même plus) une quantité fixe de biens, C'est sans doute ce qui fonde l'idéologie de la « croissance zéro », véhiculée par le Club de Rome. La grande industrie limiterait ainsi ses appétits pour survivre et conserver ses privilèges (Schumacher, 1978 ; Montbrial, 1978 ; Picht, 1970 ; Colli, 1979). 

On peut même concevoir qu'une telle situation entraîne suffisamment de mécontentement chez les moins bien nantis pour pousser un peu partout, par voie réformiste ou révolutionnaire, vers un type de société où des biens produits en quantité stable seraient distribués égalitairement (mélange planification-autogestion (Attali, 1975 ; Gorz, 1978) avec maintien de la grande industrie et des villes). Dans une situation où le surplus économique est sans cesse croissant, on peut concevoir que les privilèges économiques des classes dominantes s'élargissent sans que le niveau de vie des classes dominées diminue (il peut même augmenter légèrement). Cela est à peu près impossible à réaliser si le surplus ne croît plus, si ce qui va aux uns est retiré aux autres : l'application de la « croissance zéro » reviendrait à bloquer définitivement toute augmentation du niveau de vie des masses non obtenu par prélèvement sur la part des riches, éventualité qui engendrerait facilement le mécontentement dont nous parlions plus haut, et ses conséquences réformistes ou révolutionnaires. 

Les deux issues que nous venons de décrire - la libérale (croissance zéro) et la socialiste (planification-autogestion) - ont toutefois en commun de conserver aux États nationaux un rôle considérable, et sans doute aussi de ne pouvoir se réaliser sans la mise sur pied d'un gouvernement mondial (Picht, 1970 ; Goldsmith et aL, 1972), qui ne ferait que poursuivre le processus de renforcement de l'État que l'on constate partout depuis quelque temps (Guillaume, 1978 ; Dupuy et Robert, 1976). 

Il est difficile de prévoir quelle tendance l'emportera à mesure que s'amplifieront la crise écologique et ses diverses répercussions (Racine et Sarrazin, 1972). Jusqu'à aujourd'hui, on est tenté de croire que, conditionnée à dépendre de l'État et des spécialistes dans des domaines de plus en plus nombreux de la vie quotidienne (santé, éducation, loisirs, etc.) (Dupuy et Robert, 1976), la majorité adoptera face à la crise la même attitude que pour d'autres questions : que l'État et les spécialistes s'en occupent. Renforçant l'impuissance, la dépendance et la soumission à l'autorité, l'aggravation de la crise risque ainsi de faire apparaître l'État comme le seul sauveur possible (Reich, 1972b). Et justement, il est plus que probable que, dans les prochaines années, l'imminence de la crise et l'incurie présente conduisent ce « sauveur » à commettre des erreurs aux conséquences assez graves pour provoquer la panique et la désaffection éperdue de ceux et celles qui auront placé en lui toute leur confiance. 

L'erreur la plus importante, à ce point de vue, a de fortes chances de concerner la mise en marche précipitée d'un emploi généralisé de l'énergie nucléaire, pour pallier l'épuisement de plus en plus rapide des ressources en pétrole à prix abordable. La conversion du pétrole au charbon et au nucléaire devra se faire d'autant plus rapidement que rien n'est encore mis sur pied concrètement à ce point de vue et que tous les rapports d'experts annoncent que le prix du pétrole deviendra prohibitif entre les années 1990 et 2000 (Montbrial, 1978 ; Québec Science, 1979). Dans le domaine nucléaire, cette rapidité aura évidemment des conséquences beaucoup plus importantes que dans le cas du charbon, où toutefois l'accentuation de la pollution « classi­que » sera énorme. Dans le cas du nucléaire, la rapidité dans l'implantation d'une multitude de centrales pourra conduire à diminuer des seuils de sécurité déjà contestés, augmentant les risques d'irradiation et d'explosion. Même sans baisse des seuils de sécurité, la multiplication des centrales rendra de toute façon plus probables les accidents et plus difficile l'élimination des déchets. Il se peut que ce dernier problème, lié au fait que les réserves de produits nucléaires classiques s'épuisent très vite, pousse à expérimenter très rapidement dans le secteur de la fusion nucléaire, procédé moins connu et dont les dangers sont incalculables. Enfin, indépendamment de ce qui précède, la multiplication des centrales et l'accès de plus en plus aisé aux engins nucléaires tactiques miniaturisés (bombes à « neutrons ») rendront de plus en plus probables des assauts « réussis » contre les centrales, par les fous désespérés de toutes sortes que l'aggravation de la crise ne manquera pas de faire proliférer. 

On comprend maintenant pourquoi le mode de vie sociale nouveau représenté par les communautés écologiques opte pour la décentralisation et la disparition de l'État, de l'exploitation, de la division spécialisée du travail et des inégalités socio-économiques. En effet, si les États sont conduits à prendre à grande vitesse les mesures que nous venons de discuter, comme seule façon de sauver l'essentiel du système (Montbrial, 1978 ; Québec-Science, 1979), seules de petites communautés autosuffisantes, dans un réseau décentralisé, auront certaines chances de survivre et de favoriser la généralisation d'un mode de vie supérieur à celui que nous connaissons aujourd'hui (Racine et Sarrazin, 1972 ; Friedman, 1975 ; Bookchin, 1971 ; Schumacher, 1978).

 

Le développement des pouvoirs psychiques

 

Au début des années 70, lorsqu'il est devenu évident que l'expérience communale était un échec, parce que le fondement d'une vie sociale nouvelle suppose le regroupement d'individus ayant suivi une longue démarche de déconditionnement par rapport aux modèles rationnels et autoritaires inculqués en chacun lors du processus de socialisation, une réorientation s'est produite chez la plupart des personnes impliquées dans le mouvement :

 

-   une bonne partie s'est carrément découragée et intégrée au système (Jerry Rubin devenant conseiller matrimonial)
 
-   une autre partie est revenue à une action politique réformiste ou révolutionnaire antérieure au mouvement étudiant des années 60 (travail auprès de la classe ouvrière, parti, syndicat, etc.)
 
-   d'autres se sont engagés dans l'expérience communautaire à la campagne, qui devait aboutir au projet écologique et au développement des villages communautaires
 
-   certains ont continué dans la voie du déconditionnement personnel, envisagé comme préalable à toute vie sociale nouvelle. Un nombre considérable de ceux-là s'est retrouvé dans les groupes religieux, de thérapie ou de croissance, auprès de personnes individualistes et narcissiques n'ayant jamais eu grand rapport avec la nouvelle culture.

 

Il y a toutefois un courant de la nouvelle culture qui existe aujourd'hui et poursuit la recherche dans le domaine de l'expansion de la conscience, du développement des capacités psi et, en général, des facultés non rationnelles. La plupart de ces gens ne se retrouvent pas dans les villages communautaires, sans pour autant cesser d'appartenir à la nouvelle culture, dont ils conservent le premier idéal communautaire global d'abolition de tous les rapports de domination. Ceux et celles qui appartiennent à ce courant trouvent trop étriquée la vie sociale dans les villages communautaires, et sont peu sensibles à la perspective d'Arche de Noé écologique qui s'y développe souvent (Kemp, 1979). Pour ces gens, la priorité n'est pas de trouver une solution à la crise écologique avant tout, mais de réunir les conditions qui pourraient permettre éventuellement de dépasser les inégalités liées au sexe et à l'âge, le système familial où les relations entre personnes sont des relations de propriété (« ma femme, mon enfant, ma maison, etc. »), la sexualité où prime encore la modèle mâle et génital. 

Dans cette perspective, le courant écologique semble trop rester sur le terrain du système actuel, en tentant de trouver une solution technique et économique à un problème beaucoup plus global (généralisation de l'inégalité et du schème dépendance/soumission, atrophie des facultés non rationnelles). On ne considère pas comme sans importance le succès des villages communautaires en ce qui a trait à la modification du rapport avec la nature, mais on reste insatisfait de son caractère partiel et de ses motivations eschatologiques un peu naïves. 

Pour l'instant, aucune expérience aussi visible que celle des villages communautaires ne vient illustrer les tentatives de ceux qui aspirent à faire disparaître tout rapport de domination et à élargir les facultés non rationnelles de l'homme. Il serait pourtant illusoire de croire que ces tentatives n'existent pas, ou qu'elles se réduisent à l'occultisme et au mysticisme. Il existe encore beaucoup de gens qui tentent de vivre entre adultes une expérience d'amour qui ne soit pas de la dépendance et de l'appropriation mutuelle, de l'enfermement à deux ; qui tentent d'entrer en contact avec les enfants autrement qu'en tant que parents, éducateurs ou autre flics du jeune âge (pédiatres, pédagogues et psychologues, etc.) ; qui tentent de développer leurs capacités psychiques et d'élargir leur conscience sans tomber dans la mystification des gourous et des occultistes de tout crin. Ces gens circulent dans un réseau informel aux multiples ramifications, bien qu'ils ne vivent en général pas (ou plus) ensemble de manière prolongée. En effet, la vie commune est considérée ici comme un piège, une trappe à dépendance, tant que chacun n'a pas acquis, à travers une vie solitaire, une autonomie suffisante. Pour établir un mode de vie social sans pouvoir, dépendance, soumission et inégalités diverses, il faut avoir dépassé l'insécurité et le besoin d'autorité inculqués en chacun, et sur lesquels toute raison et tout pouvoir se greffent et prospèrent comme un cancer (Reich, 1972b ; Mendel, 1971). 

Comme le montrent aujourd'hui aussi bien les expériences et observations des parapsychologues que l'expérience quotidienne de beaucoup de personnes liées à la nouvelle culture, le chemin qui mène à l'autonomie est aussi celui qui conduit aux états supérieurs de la conscience et au développement des pouvoirs psychiques (Leary et al., 1964 ; Liley, 1967 ; Mitchell, 1977 ; Tart, 1969). Sur ce plan, la nouvelle culture et certains. hommes de science retrouvent ainsi le savoir millénaire des doctrines ésotériques occidentales ou orientales (alchimie, tarot, yoga, etc.) (Leary et al., 1964 ; Metzner, 197 1 ; Tart, 1975 ; Ten Houten et Kaplan, 1973). 

Depuis quelques années, les observations très rigoureuses des parapsychologues, auxquels se joignent de plus en plus de physiciens et biologistes, observations conduites dans des conditions expérimentales qui excluent autant que faire se peut les fraudes et les illusions, mettent en évidence chez des personnes nullement exceptionnelles, et à des degrés de développement divers, l'existence de capacités psychiques inexplicables par la science actuelle. Les exemples s'accumulent : guérisons de maladies incurables (Stelter, 1975) et accélération de la croissance des végétaux (Pérot, 1977 ; Ostrander et Schroeder, 1977) par imposition des mains, vision à distance ou extériorisation de la conscience permettant de retrouver des personnes disparues ou de retracer les coupables d'un crime (Browning, 1977 ; Pollack, 1977 ; Tanous et Hardmann, 1977 ; Targ et Puthoff, 1978), prémonition et prévision d'événements précis (Pollack, 1977), torsion de métaux (Pérot, 1977 ; Taylor, 1975) et impression d'images sur des plaques photographiques (Tanous et Hardmann, 1977 ; Pérot, 1977) sans recours à des énergies connues, communication télépathique par le rêve, l'hypnose ou la méditation (Ullman et al., 1977), etc. 

La démarche expérimentale de la pensée scientifique la force ainsi à admettre l'existence de phénomènes qu'elle ne peut expliquer et qui parfois remettent en question des axiomes fondamentaux de notre conception rationaliste de l'univers (dans le cas de la prémonition, par exemple, il s'agit de la notion de causalité et d'irréversibilité du temps : le même genre de problème se pose en microphysique lorsqu'on suppose l'existence de particules allant plus vite que la lumière, ce qui explique sans doute pourquoi certains physiciens s'intéressent maintenant aux phénomènes psi - voir Targ et Puthoff, 1978 ;Taylor, 1975). 

Une semblable situation ouvre une crise dans le noyau dur de la culture occidentale, qui est le rationalisme scientifique moderne : on est forcé d'admettre l'existence de phénomènes qui ne s'expliquent pas par les lois connues de la matière. Il serait étonnant qu'une telle crise n'ait pas rapidement des répercussions sociales. On a, en effet, de fortes raisons de croire que c'est le primat de la démarche rationnelle, lié à la répression des formes non génitales de la sexualité, qui inhibe dès l'enfance le développement des facultés psi (Bourre, 1978 ; Racine, 1977b). Il est alors plus que probable que la crise du rationalisme scientifique, en pleine période d'incertitude sociale et écologique, desserrera assez cet étau pour que se généralise l'apparition des phénomènes psi dans diverses couches de la population. Cette généralisation aidera sans doute à faire le partage entre les charlatans et les sujets réellement doués. Elle aidera sans doute aussi à mieux comprendre le phénomène d'apprentissage des facultés psi (Ostrander et Schroeder, 1977 ; Master et Houston, 1972 ; Ryzl, 1976) (encore aujourd'hui, on en ignore à peu près tout : même les sujets très doués ne semblent pas capables d'expliquer comment ils procèdent et d'initier d'autres personnes). 

Ce détour par la question des facultés psi nous reconduit à l'idéal de ce courant de la nouvelle culture qui centre encore aujourd'hui ses efforts sur l'abolition de tous les rapports de domination. Ceux et celles qui ont recouru aux techniques de déprogrammation des schèmes autoritaires inculqués par la socialisation ne s'attendaient pas nécessairement à rencontrer sur ce chemin des états de conscience analogues à ceux décrits il y a longtemps, par les mystiques, ni à voir apparaître des facultés psychiques décrites elles aussi depuis longtemps par les traditions ésotériques ou occultes. Ces découvertes ont d'abord créé pas mal de trouble et de confusion. Puis, depuis peu, on s'aperçoit du sens de ce cheminement. Pour fonder une vie communautaire nouvelle libérée de tous les rapports de domination, il ne suffit ni de changer le rapport à la nature, ni de se défaire lentement des schèmes autoritaires inculqués en chacun. Car la déprogrammation de ces schèmes conduit à faire apparaître dans la nature même de l'être humain, et non plus simplement dans ses rapports avec le reste de la nature, la possibilité d'une mutation psychique rendant enfin possible une vie sociale nouvelle. 

L'inculcation du schème autoritaire (domination/soumission) se fonde évidemment sur la dépendance du petit enfant, et toute société inégalitaire se sert de cette dépendance biologique temporaire pour apprendre à chacun que, dans la vie, on doit dominer ou se soumettre (Reich, 1972b ; Mendel, 1971). Mais il est une autre dépendance, moins visible : celle de l'être humain par rapport aux outils matériels qui lui permettent de s'adapter à la nature, et puis de la dominer. Un des sens de la crise écologique d'aujourd'hui, c'est que nous risquons d'être détruits pas les effets sur l'environnement planétaire de la gigantesque prothèse technique que l'humanité a engendrée et dont elle semble avoir de plus en plus dépendu, jusqu'à en perdre le contrôle (Meyer, 1974). De ce point de vue, la dépendance généralisée face à la technologie va main dans la main avec la dépendance face à l'État. 

La reconnaissance de l'ampleur des facultés psychiques latentes en tout être humain, et des possibilités de leur développement, permet aujourd'hui d'envisager une relation au monde social et naturel qui ne soit plus sous la coupe de la dépendance technologique. À partir d'un certain degré de développement, certaines facultés psi pourraient facilement réduire considérablement le recours à certains produits techniques dans les rapports sociaux et dans les rapports avec la nature. Prenons quelques exemples : guérison et accélération de la croissance des plantes, pour ce qui est des techniques médicales et agricoles ; télékinésie, c'est-à-dire action sur la structure de la matière sans support énergétique connu (déplacement, lévitation, torsion de métaux, etc.), pour ce qui est des techniques artisanales ou industrielles ; télépathie et vision à distance, pour ce qui concerne les techniques de communication sociale des informations. Au niveau des rapports sociaux, il est évident qu'un bouleversement aurait lieu avec la télépathie, la vision à distance et la précognition : altération de l'individualité et de la privauté, des rapports entre la personne et le groupe, de l'attitude devant la mort (Moody, 1977), de la transmission des connaissances entre l'adulte et l'enfant, des relations amoureuses, etc. 

En permettant un rapport à la nature qui n'est ni de soumission et de dépendance (comme dans les communautés primitives), ni de domination et de pillage (comme dans les sociétés industrielles), on voit que le développement de certaines facultés psi irait dans le même sens que la technologie « douce » et l'agriculture biologique. Mais l'effet du développement de ces capacités et de leur généralisation aurait sans doute une plus grande importance encore sur le plan social. 

La dépendance face aux produits techniques (et aux connaissances nécessaires pour pouvoir les manipuler) est sans conteste l'un des fondements de l'inégalité socio-économique (accès différentiel aux moyens de production et à ce qu'ils permettent de produire). À partir d'un certain point, la domination étatique et économique s'instaure par le biais d'une monopolisation de produits matériels indispensables à la survie. Il semble plus facile d'empêcher une certaine classe de gens d'accéder à des ressources indispensables (logement, vêtement, nourriture, etc.) que de les empêcher de voir, d'entendre, de se tenir en équilibre. Ces capacités sensorielles, contrairement aux produits techniques, font partie intégrante de chacun et ne fondent pas une bien grande inégalité. Or, il en irait justement de même pour les capacités psi, selon toute vraisemblance (toutes ces capacités fonctionnent de façon analogue aux autres sens, d'après ce que l'on peut en savoir actuellement - Ostrander et Schroeder, 1977 ; Ryzl, 1976). Entre les membres d'un groupe qui possèdent des capacités relativement efficaces d'action directe sur la matière, l'inégalité économique est peu probable, et la fonctionnalité du pouvoir (répartition et contrôle des tâches et des produits) devient assez obscure. 

L'autre grande dépendance source de domination est la dépendance infantile. Toutes les sociétés ne l'ont pas utilisée comme la nôtre, à des fins d'inculcation du schème autoritaire (Reich, 1972a). Même si les sociétés primitives ont malgré cela connu des formes plus ou moins marquées d'inégalités fondées sur l'âge et sur le sexe (Moscovici, 1974) - sans inégalité socio-économique, ni État, ni classes, ni exploitation, ni division spécialisée du travail, toutefois (Clastres, 1972) - il ne semble pas nécessairement chimérique de croire que l'on puisse aller plus loin dans ce sens, et réduire encore les inégalités fondées sur l'âge et le sexe (à moins de les croire innées, mais il faudrait alors établir clairement leur valeur adaptative et leur rigidité), la généralisation possible de la communication télépathique modifiant profondément les conditions des rapports entre les sexes et les âges. 

La mutation psychique que l'établissement d'une société égalitaire semble ainsi supposer peut paraître à certains absolument improbable. Soulignons toutefois que la crise que nous allons traverser sera aussi sans précédent : jamais auparavant, dans l'évolution biologique, une espèce n'avait menacé l'équilibre écologique de la planète ; et, au sein de cette espèce, ce n'est qu'une société apparue tardivement qui est allée à cet extrême (Meyer, 1974). De plus, la crise est essentiellement une crise d'inégalité : dans les rapports sociaux, on observe l'élargissement constant de l'écart entre riches et pauvres, et l'extrême centralisation du pouvoir conduit à diviser l'humanité entre une minorité de dirigeants et une majorité de « suiveux », les deux catégories ayant chacune leur forme spécifique d'irresponsabilité (infantile ou bureaucratique) ; dans les rapports avec la nature, on assiste à une intervention déséquilibrant les cycles naturels et épuisant les ressources essentielles du système industriel (ce qui revient à scier la branche sur laquelle on est assis).

Dans un tel contexte, il n'est pas surprenant que la solution se présente comme une société égalitaire à la fois quant aux rapports sociaux et quant aux rapports avec le reste de la nature. Il n'est pas surprenant non plus que le relais relatif de la technologie par les facultés psi apparaisse comme indispensable (si on exclut un pur et simple retour aux communautés de type primitif, ou la découverte rapide d'une source d'énergie à haut rendement et éventuellement inépuisable, cette dernière éventualité étant caractéristique du culte technologique envers le progrès technique indéfini). Dans le domaine de l'action psychique sur la matière, on a affaire à une forme d'énergie qui, dans l'état actuel de notre connaissance, paraît être à la fois non perturbatrice des cycles naturels et peu susceptible d'épuiser des ressources essentielles. Son efficacité probable, avec le support des techniques légères, est probablement suffisante pour assurer la subsistance de petites communautés, mais sûrement pas celle d'une humanité à taux de croissance démographique galopant et concentrée dans des complexes industriels et urbains gigantesques. 

Sur le plan du fonctionnement social, enfin, le fait que ces capacités psi apparaissent à la suite d'un cheminement vers l'autonomie, qui suppose l'abandon progressif du schème dépendance/soumission, porte à douter de leur compatibilité avec des rapports sociaux fondés sur l'autorité, la domination et la dépendance. 

Utopie, dira-t-on sans doute, prophétie délirante ! Peut-être bien. Mais cette utopie en est-elle vraiment une ? Puisque certains l'imaginent et en vivent des bribes, elle est peut-être déjà parmi nous. Bien sûr, nul ne prophétisera avec certitude quel rêve l'emportera, celui des tendres ou celui des déments... 

Pourtant, la description de notre mode de vie actuel aurait sans doute passé pour folie dangereuse aux yeux d'une personne d'il y a quelques siècles. La prétendue « utopie » de la nouvelle culture a au moins en sa faveur de ne pas être un délire de pouvoir, de pillage et de destruction, et ce n'est pas parce qu'on n'en parle plus à la T.V. qu'elle est morte dans le coeur de tous. 

Si la crise écologique se déroule de telle manière que les États et les experts ne puissent plus contrôler la panique des sujets qu'ils ont si savamment dressés à la dépendance et à la soumission en envahissant tous les domaines de leur vie, il est clair que ce seront ces brebis et leurs maîtres qui auront le moins de possibilités de survivre aux pollutions bactériologiques ou radioactives, à l'épuisement des ressources et à la famine. Ceux qui auront prévu cette issue, et qui auront expérimenté des rapports sociaux et de nouveaux rapports avec la nature, même de façon marginale, ceux-là auront leur chance, si limitée soit-elle (si l'on exclut la possibilité que les Maîtres aient pris des mesures dont les conséquences ultimes seraient de rendre la planète inhabitable, c'est-à-dire si on exclut la fin du monde). 

Par contre, si les Maîtres sont assez chanceux et habiles pour passer avec leur troupeau à travers la crise, sans affoler ni révolter les brebis, l'avenir sera sans doute aux robots, aux androïdes et aux clones. 

Diane Moukhtar

Département de sociologie
Université d'Ottawa

Luc Racine

Département de sociologie
Université de Montréal

 

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*    Voir Lazure, 1972 ; Empain, 1975 ; Valabrèque, 1975 ; Obst et Kingsbury, 1977.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 11 novembre 2012 13:23
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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