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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Au service du royaume. Spiritualité de l'abbé DeLamarre. (1979)
Notice biographique


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Laurent Tremblay, o.m.i., Au service du royaume. Spiritualité de l'abbé DeLamarre. Chicoutimi: Les Soeurs Antoniennes de Marie, 1979, 259 pp. Collection: Rayonnement. [Livre diffusé avec l'autorisation formelle de la Supérieure générale de la communauté des Soeurs Antoniennes de Marie, Soeur France Croussette, le 13 juin 2015.]

[9]

Notice biographique

DE LABBÉ ELZÉAR DELAMARRE

1854-1925


En jetant attentivement les yeux sur ces deux dates, elles nous présentent un cadre historique révélateur. Ce prêtre aura vécu vingt-quatre ans sous le règne de l'ardent Pie IX (1854-1878), vingt-cinq ans sous l'illustre Léon XIII (1878-1903), onze ans sous le saint Pie X (1903-1914), huit ans sous l'affligé Benoît XV (1914-1922), trois ans sous le dynamique Pie XI. Il connaît le diocèse de Chicoutimi au temps même de sa fondation avec monseigneur Dominique Racine son fondateur (1878-1888), puis dans ses premiers développements avec monseigneur Louis-Nazaire Bégin, plus tard cardinal (1888-1892) et monseigneur Michel-Thomas Labrecque (1892-1925). À cette époque la région du Saguenay est jeune, plutôt pauvre. Après l'organisation primitive, Chicoutimi traverse la rude épreuve de 1912, alors qu'un [10] incendie désastreux détruit son séminaire, sa cathédrale et une notable partie de la jeune ville.

Tous ces événements influent sur la vocation sacerdotale et apostolique de l'abbé Elzéar DeLamarre. Forcément il est, comme tout le monde, le produit de son époque et de son milieu humain. Il se doit de créer des œuvres qui s'imposent et qui répondent, selon lui, à des besoins urgents. En d'autres termes, comme tous les fondateurs, ce sont les circonstances qui le poussent dans sa voie. L'histoire nous apprend qu'il en fut toujours ainsi. Il n'y aurait pas eu de François d'Assise sans les misères spirituelles de l'Église du Xlle siècle, pas de Dominique sans l'hérésie des Albigeois, pas d'Ignace de Loyola sans les guerres de Navarre et le siège de Pampelune, pas de Charles de Foucauld sans les expéditions militaires françaises en Afrique du Nord, pas d'Elzéar DeLamarre sans une Église en plein rayonnement spirituel et un Saguenay en plein essor d'organisation.

Il naît en 1854 dans un très humble foyer, en la modeste paroisse Sainte-Brigitte de Laval, à l'écart de la côte de Beaupré, dans les montagnes. Les registres civils ne mentionnent pas même sa famille, parmi les fermiers de la place. Les DeLamarre étaient donc sans propriété d'aucune sorte. En 1858, ils quittent l'endroit et émigrent à Hébertville, au Lac-Saint-Jean. La paroisse n'a qu'un an d'existence ; elle est encore au stade de colonisation. On s'y installe sur une petite ferme, bien pauvrement. Ce n'est qu'à l'âge de dix ou onze ans que l'enfant [11] pourra fréquenter l'école régulière. Son talent et ses bonnes dispositions sont remarqués. Un bienfaiteur s'intéresse à lui ; il le confie d'abord au professeur Elzéar Ouellet qui lui donne gratuitement des cours pendant un an.

Ce bienfaiteur, qui n'est autre que le curé de sa paroisse, l'abbé Jean-Baptiste Villeneuve (1861 à 1871), lui paie ensuite ses études classiques au petit séminaire de Québec.

L'abbé DeLamarre dira de lui :

Il fit instruire plusieurs jeunes gens dont quelques-uns sont devenus prêtres, entre autres, l'auteur de cet article qui lui conservera une reconnaissance éternelle [...] Un bon et saint curé [...] La jeune génération ne saurait se faire une idée des misères et des difficultés de toutes sortes qui attendaient les prêtres missionnaires chargés de la desserte des premières paroisses de cette région du Lac-Saint-Jean (Messager, février 1905).

À cette époque (1868), ni le séminaire, ni le diocèse de Chicoutimi ne sont fondés : tout relève de Québec. L'étudiant est visiblement en retard dans sa scolarité ; à quatorze ans, robuste comme un homme, on le case parmi les tout petits, pour deux années préparatoires au classique. Il essuie la moquerie de ses jeunes confrères, tant à cause de ce fait qu'à cause de son misérable accoutrement. Rien n'ébranle son courage, sa patience et son humilité. Cela tourne finalement à son avantage. Un confrère rendra plus tard ce témoignage significatif :

L'habitant d'Hébertville gagna vite la sympathie et l'amitié de ses camarades de classe ; son calme, sa courtoisie [12] naturelle et son désir d'apprendre lui concilièrent tous les cœurs (Dragon, p. 21).

C'est seulement dix ans plus tard (1878), à l'âge de vingt-quatre ans, qu'il termine son cours, mais avec des succès remarquables, et le jeune bachelier rentre aussitôt au grand séminaire de Québec. Ses études théologiques durent cinq longues années au lieu de quatre, pour cause de santé. Faible des poumons, déjà la maladie le visite sérieusement. En même temps, il fait de l'enseignement au petit séminaire. Un confrère éminent, le futur monseigneur Louis-Adolphe Paquet, écrira à son sujet :

L'abbé DeLamarre était une âme d'élite, sensible aux beautés de la nature, plus sensible aux charmes et aux séductions de la grâce, capable d'entreprises généreuses, incapable de visées basses et jalouses, modeste dans le succès, accueillant, délicat. Le bonheur de ses amis faisait le sien. Je garde bien vivant en mon esprit la mémoire de ce confrère si richement pourvu de toutes les qualités qui font le prêtre instruit, vertueux, l'homme d'action voué aux meilleures œuvres de bienfaisance et de zèle. La divine Providence avait doué ce prêtre canadien d'une infinité de talents remarquables. Il écrivait avec une force mesurée et une classique élégance (Messager, juin 1945).

Revenons à l'ecclésiastique-professeur qui depuis sa prise de soutane relève du tout nouveau diocèse de Chicoutimi, fondé l'année même de son entrée dans l'état ecclésiastique. Rien de surprenant que son évêque, monseigneur Dominique Racine, procède lui-même à son ordination sacerdotale dans l'église de Notre-Dame d'Hébertville. C'était le 29 juin 1883. Le nouveau prêtre a près de trente ans.

[13]

L'Évêque lui assigne comme première fonction le poste de vicaire à la populeuse paroisse de La Malbaie. Il s'y dévoue pendant quatre ans, de 1883 à 1887 ; mais le voilà malade pour de bon et condamné à s'expatrier dans un climat plus clément. Il se dirige vers Jacksonville, au nord de la Floride. Sa pension lui coûte très cher, mais il réussit à se débrouiller en offrant ses services comme vicaire au curé de l'endroit. Quant à la maladie, son cas semble sérieux. Il écrit :

Ces derniers mois, mes espérances, d'après l'avis des médecins, étaient bornées (Lettre à S. Gabriel, 30 décembre 1887).

Il se remet sur pied et réintègre son diocèse à l'été de 1888. Monseigneur Racine vient de mourir. L'administrateur apostolique confie à l'abbé DeLamarre le poste de desservant aux Eboulements. Mais le nouvel évêque, monseigneur Bégin, qui est avant tout un savant théologien, docteur de l'Université Grégorienne, veut meubler son grand séminaire de prêtres compétents.

Son premier choix tombe sur l'abbé DeLamarre, qu'il connaît de longue date. À ses frais il l'envoie aux études à Rome. À l'été de 1889, l'abbé s'embarque pour la Ville éternelle. Il y passe deux ans et conquiert le titre de docteur (Monseigneur Lapointe, Aima Mater, 30 avril 1925).

Pendant ce stage se situe une rencontre avec Sa Sainteté le pape Léon XIII que l'abbé raconte en ces termes :

À l'audience, quand il arriva à moi, je lui dis : Je suis un petit prêtre canadien. Il me regarda un peu surpris et [14] me dit : « Vous, plus tard, vous ferez quelque chose de très grand » (Document Alice Vézina, son arrière-nièce et secrétaire).

C'est encore lors de son séjour à Rome, qu'en 1891 il fit à Padoue son fameux pèlerinage qui le marqua pour la vie et le lia d'amitié avec le chanoine Antoine-Marie Locatelli, le grand propagandiste italien de la dévotion à saint Antoine.

De retour à Chicoutimi en 1891, on l'attache au personnel du séminaire où il cumule plusieurs fonctions, au-dedans comme au-dehors. D'abord il enseignera la théologie au grand séminaire pendant dix-huit ans. De 1891 à 1894, il sera en même temps directeur des élèves, tout en donnant les cours de religion et en étant responsable de la congrégation de la sainte Vierge, de la société Saint-Dominique et du théâtre collégial. Avec l'abbé Victor-Alphonse Huard, il fonde aussi la revue collégiale de l’Oiseau-Mouche et y fournit quantité d'articles signés Livius. S'ajoutent en même temps de 1892 à 1894 l'aumônerie de l'hôpital et le chapelinat des religieuses. En ce lieu, il établit le centre de dévotion à saint Antoine, l'œuvre du Pain des Pauvres, et fonde un orphelinat pour filles (1894). En 1895, il fonde le Messager de Saint Antoine et prend encore un an de repos forcé aux États-Unis, dans la délicieuse retraite du couvent de Sag Harbor, Long Island, où il remplit la fonction d'aumônier des religieuses.

En 1898, avec l'abbé Eugène Lapointe, il fonde le journal La Défense, [15] qui, comme son nom l'indique, se donna pour but de défendre les intérêts religieux et nationaux des Canadiens-Français (Alma Mater, 30 avril 1925).

Ce co-fondateur de La Défense disait de son compagnon d'armes :

L'abbé DeLamarre avait un jugement solide, une imagination vive, une grande sensibilité, un équilibre des facultés admirablement développées par l'étude. Il avait un esprit vif et inventif, plein de ressources. Sa grande caractéristique était la ténacité (Dragon p. 207).

De 1899 à 1905 il est supérieur du séminaire. Son règne est des plus fructueux.

Si les circonstances, si l'abondance de ses talents ne l'avaient pas attiré à se produire ailleurs, il aurait pu vivre et mourir au service des jeunes qu'il aima de tout son cœur. Il avait toutes les qualités pour devenir un « pilier de séminaire » : la compétence, un jugement sûr, une grande souplesse d'adaptation aux différents tempéraments, un sens inné d'administrateur (Dragon, p. 43).

Au début de 1900, l'abbé DeLamarre fait un second voyage en Europe, qui consiste surtout en un pieux pèlerinage vers les grands centres de dévotion à saint Antoine. Il s'arrête longuement à Padoue, où on l'accueille chaleureusement, il retrouve, alité pour ne plus se relever, son bon ami Dom Locatelli, le vénérable fondateur et directeur de l’Association Universelle.

1904 restera une des plus fécondes années de la vie de monsieur DeLamarre, étant celle de sa fondation de la communauté des sœurs de Saint-Antoine de Padoue. Il recrute les premières vocations, organise [16] leur vie religieuse à titre de confesseur et de père spirituel, rédige leurs Constitutions, qu'il leur présentera finalement en 1907.

Tout en s'occupant intensément de cette importante fondation, l'abbé DeLamarre acquiert (en 1906) un terrain au Lac Bouchette et y commence (en 1907) des constructions. Il dira plus tard aux religieuses :

Lorsque en 1907, je construisis une résidence privée et une chapelle dédiée à saint Antoine, j'étais loin de penser que ce petit coin de terre deviendrait un lieu célèbre de pèlerinage. La sainte Vierge et saint Antoine m'ont sans cesse poussé comme malgré moi à faire ce que j'ai fait, ou plutôt ce sont eux qui ont tout fait (Messager-Souvenir 1931).

1909 fut le moment crucial de sa vie. On l'oblige à quitter brusquement le séminaire et on l'écarté définitivement de ses Sœurs Antoniennes dont les confrères s'emparent comme d'un bien acquis. L'abbé DeLamarre va prendre résidence à l'Hôtel-Dieu pour le reste de ses jours, c'est-à-dire qu'il l'occupe pendant l'hiver et passe la saison estivale au Lac Bouchette. Il dirige, anime et développe ses œuvres.

En 1912, l'ermitage San' Tonio du Lac Bouchette devint soudainement sanctuaire mariai. Cela commence par la découverte de la grotte dans la montagne à quelques arpents de la chapelle.

Sans tarder, Monsieur DeLamarre dépose une statue (de la sainte Vierge) dans une niche qu'il a aménagée dans la paroi de la grotte. Chaque jour, il vient y prier. Ses dévots à saint Antoine le suivent. Quelques jours après l'installation de la statue, un homme est guéri instantanément [17] du cancer. La nouvelle se propage dans les paroisses comme le feu dans les broussailles. Cette grotte que l'abbé avait adaptée pour satisfaire à sa piété personnelle devint bientôt le célèbre sanctuaire de Notre-Dame de Lourdes du Lac Bouchette (Messager, octobre-novembre 1929).

En 1916, un événement marquant se produit au Lac Bouchette : Monseigneur Labrecque, l'évêque du diocèse, vient lui-même bénir solennellement la grotte.

Un bateau de la Compagnie de pulpe d'Ouiatchouan avait dû faire deux fois la traversée du lac pour amener les pèlerins, sans compter ceux qui étaient venus par terre, à pied ou en voiture. On se met en procession au chant des litanies de la sainte Vierge ; le clergé, en surplis, précède les fidèles. Monseigneur bénit l'endroit, les statues et la petite église. Le R.P. Dagnaud, c.j.m., prend ensuite la parole. Ayant loué la religieuse et artistique idée de Monsieur DeLamarre, il montre ce lieu retiré et pittoresque, désormais consacré à Marie-Immaculée, comme un centre de beauté, de prières, de consolations et de faveurs (Messager, décembre 1917).

Jusqu'à sa mort monsieur DeLamarre animera les lieux par sa présence et son dévouement.

Combien d'entre vous, écrit Monseigneur Eugène Lapointe, n'ont-ils pas vu ce prêtre frêle, délicat, se levant de grand matin pour accueillir des pèlerins, venus souvent de très loin, les confesser, leur donner la sainte communion, entendre durant des heures leurs confidences, écouter leurs prières et leur distribuer, souvent durant tout le jour, avec tant de bonté et d'onction, la bonne parole qui console, relève, réconforte (Calendrier de l'Ermitage, 1972).

[18]

La liste des réalisations de monsieur DeLamarre se clôt avec la fondation des retraites fermées dans le diocèse de Chicoutimi. En 1924 il invite les laïcs à le suivre au Lac Bouchette.

Les retraites se succéderont pendant toute la belle saison. Nous réservons vingt chambres à l'hôtellerie pour chaque retraite (Aima Mater, 30 avril 1925).

Les vingt chambres furent remplies durant tout l'été. L'année suivante, un mois avant de mourir, il annonce que l'expérience est heureuse et qu'il faut la répéter :

Sa Grandeur Monseigneur l'évêque a décidé que les retraites seront, cette année encore, données à l'Ermitage (Aima Mater, 30 avril 1925).

Les Pères Jésuites en sont chargés et c'est grâce à lui que finalement ils construisent, en 1927, la maison de retraites de Val Racine, à Chicoutimi.

Le 20 avril 1925, au cours de l'après-midi, monseigneur Labrecque, inquiet, vient voir monsieur DeLamarre à l'Hôtel-Dieu et lui annonce la grande nouvelle : « C'est réglé. Les pères capucins vont prendre votre succession au Lac Bouchette, après votre mort ».

Vers dix heures du soir, une douleur au cœur le saisit et l'oblige à se mettre au lit. À onze heures, il appelle sa nièce Alice Vézina, l'une de ses secrétaires qu'il hébergeait à l'hôpital. Elle le soigne de son mieux et le quitte. À deux heures du matin, il l'appelle à nouveau : « Je ne puis dormir, dit-il. Va chercher les autres. Je me sens bien mal. Je vais [19] mourir. » Il ajouta : « Notre-Dame de Lourdes, saint Antoine, venez à mon secours ! » Ce furent ses dernières paroles. On lui donne l'extrême-onction et à quatre heures trente il expire doucement. Il était âgé de soixante-dix ans et huit mois, prêtre depuis quarante ans.

Temporairement déposé dans un caveau du cimetière de Chicoutimi, son corps fut transporté, au mois de juin, au Lac Bouchette et enterré près de l'autel dans la minuscule chapelle de l'Ermitage.

Cependant, dans ses dernières volontés, il avait spécifié qu'il désirait être enterré simplement devant la grotte, en pleine terre, « afin d'être piétiné par les pèlerins, comme il le méritait à cause de ses péchés ».

Les pèlerins ne manquent pas de venir prier près de son tombeau recouvert d'une pierre sur laquelle on a gravé une épitaphe qui résume sa vie (Dragon, p. 223).

[20]



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 28 juin 2015 20:12
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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