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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Marcel J. Mélançon, “L’euthanasie et l’aide médicale au suicide: deux nouveaux «soins de fin de vie» pour «mourir dans la dignité» au Québec.” Un article publié dans la revue Quoi de neuf?, Le magazine de l’AREQ, l’Association des retraitées et retraités de l’éducation et des autres services publics du Québec, vol.34, no 5, juin-juillet 2012, pp. 19-24. Dossier: Mourir dans la dignité: Le Rapport et ses suites. Montréal. [Autorisation formelle accordée par l'auteur le 15 juillet 2005 et réitérée le 30 mars 2012 de diffuser toutes ses publications dans Les Classiques des sciences sociales.]

Marcel J. Mélançon

Philosophe, professeur chercheur en bioéthique
à l'Université du Québec à Chicoutimi
Directeur du Groupe de recherche en génétique et éthique du Québec (GÉNÉTHIQ)

L’euthanasie
et l’aide médicale au suicide :
deux nouveaux « soins de fin de vie »
pour « mourir dans la dignité »
au Québec
”.

Un article publié dans la revue Quoi de neuf ?, Le magazine de l’AREQ, l’Association des retraitées et retraités de l’éducation et des autres services publics du Québec, vol.34, no 5, juin-juillet 2012, pp. 19-24. Dossier : Mourir dans la dignité : Le Rapport et ses suites. Montréal.


Synthèse du rapport
Considérations
Les principes directeurs
Accueil et critiques
L’impact immédiat


La Commission parlementaire sur Mourir dans la dignité vient de déposer son rapport (22 mars 2012) à l’Assemblée nationale du Québec après un débat intensif et une vaste consultation publique qui ont duré plus de deux ans. Le débat social, présentement en veilleuse (printemps 2012) ; reprendra certainement un second souffle lorsque la législation sera débattue au Parlement québécois. En attendant, ce rapport intitulé Mourir dans la dignité propose 24 recommandations (R.) au Gouvernement du Québec. Les deux recommandations centrales ont trait à la modification des lois pertinentes pour reconnaître l’euthanasie et le suicide assisté comme une « aide médicale à mourir » en tant que soin approprié en fin de vie (R. 13), et pour en déterminer les conditions d’acceptabilité (R. 14).

Le texte qui suit présente une brève synthèse du rapport, suivie de considérations sur la position adoptée, son ?originalité, son héritage social, sa révolution sémantique, ses principes directeurs ainsi que son accueil et ses critiques.


Synthèse du rapport


Le rapport volumineux (182 p.), illustré et de lecture facile, s’ouvre sur le contexte qui a conduit au mandat de la Commission (p. 11-15), suivi de la définition des divers ?termes cliniques et juridiques essentiels à la discussion sur les soins en fin de vie (p. 17-19).

L’euthanasie y est définie comme étant un Acte qui consiste à provoquer intentionnellement la mort d’une personne à sa demande pour mettre fin à ses souffrances (p. 17), et le suicide ?assisté comme étant le Fait d’aider quelqu’un à se donner volontairement la mort en lui fournissant les moyens de se suicider ou de l’information sur la façon de procéder, ou les deux (p. 18). Euthanasie et aide au suicide sont considérées comme une « aide médicale à mourir » et comme soin approprié en fin de vie (p. 101).

Le rapport lui-même comprend deux grandes parties :

La première partie traite des pratiques déjà existantes en fin de vie : le refus de traitement, l’arrêt de traitement et les soins palliatifs au Québec ; ceux-ci font l’objet des six premières recommandations, notamment : dresser l’inventaire de la pratique actuelle, des soins à domicile, de la formation des professionnels de la santé, et établir une politique en matière de soins palliatifs, de même qu’un rapport à l’Assemblée nationale (R. 1-6).

[20]

Le Collège des médecins doit élaborer un guide des normes sur la sédation palliative (R. 7). Les directives médicales anticipées (testaments de vie) doivent être reconnues par une loi pertinente (R. 8), être incluses dans le dossier médical du patient (R. 9), et être mises à jour (R. 10). La population et le personnel de la santé doivent être informés sur la planification de la fin de vie (R. 11). Un guide d’information sur la fin de vie devrait être remis à la personne qui reçoit un diagnostic de maladie incurable (R. 12).

La seconde partie propose une option de plus aux pratiques déjà existantes en fin de vie, à savoir l’euthanasie et l’aide médicale au suicide.

Les principaux arguments « contre » ces deux pratiques, traditionnellement interdites, sont passés en revue, dont ceux voulant que l’euthanasie nuise, entre autres, à la relation de confiance patient/médecin, au développement des soins palliatifs, au bien commun, ou conduise à des dérives. Ces arguments sont réfutés dans la perspective des membres de la Commission, à savoir que l’euthanasie et le suicide assisté sont compatibles avec l’évolution des valeurs sociales, de la médecine et du droit québécois, et qu’un encadrement strict de l’euthanasie (l’expérience européenne semble le confirmer) pourrait éviter les abus.


Modifier la législation

Les deux recommandations les plus importantes ont trait à la modification des lois pertinentes pour intégrer à la pratique médicale, à certaines conditions, l’euthanasie et le suicide assisté en tant que soins médicaux appropriés en fin de vie.

La Commission recommande que les lois pertinentes soient modifiées afin de reconnaître l’aide médicale à mourir comme un soin approprié en fin de vie si la demande formulée par la personne respecte les critères suivants, selon l’avis du médecin : être résident du Québec, majeur et apte à consentir, atteint d’une maladie grave et incurable, en condition de déchéance avancée sans perspective d’amélioration, aux prises avec des souffrances physiques ou psychologiques constantes et insupportables. (R. 13).

La commission recommande que les lois pertinentes soient modifiées afin de prévoir les balises suivantes : demande écrite et demande réitérée ; consultation d’un autre médecin compétent en la pathologie, indépendant du patient et du médecin traitant. (R. 14).

Dans ces conditions, le Procureur général du Québec devrait émettre des directives pour qu’un médecin qui aurait pratiqué l’aide à mourir ne soit pas poursuivi s’il a respecté les critères (R. 20). Une instance de contrôle, un rapport annuel sur les statistiques et un rapport quinquennal à l’Assemblée nationale devraient être établis (R. 15 et 16).

Modifier les codes de déontologie et légiférer

Le Collège des médecins du Québec devrait modifier son Code de déontologie (R. 21), de même que l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (R. 22) en regard de la nouvelle pratique, face à laquelle on aurait droit à l’objection de conscience. Finalement, la Commission recommande qu’un projet de loi soit présenté à l’Assemblée nationale pour juin 2013 afin de donner suite à ses recommandations (R. 23).

Un comité spécial

La dernière recommandation porte sur la mise sur pied d’un comité mixte qui étudierait la possibilité, pour une personne atteinte d’une démence due à une maladie dégénérative du cerveau, de faire une demande anticipée d’aide médicale à mourir (R. 24).

[21]

Ces recommandations constituent-elles une révolution ou une évolution au Québec ? Les deux hypothèses sont valables.


Considérations


Une position prévisible

Le contexte immédiat du débat laissait prévoir quelle pourrait être la position générale du rapport. Plusieurs raisons militent en ce sens. D’abord, il eût été étonnant que le Québec prenne une direction autre que celle du courant international (Europe, É.-U.) issu des Pays-Bas et de la Belgique en 2002. Ensuite, la morale du Québec laïque et multiethnique issue de la Révolution tranquille est devenue une éthique de l’autonomie mise en exergue par la Charte des droits et libertés. De plus, le corps médical a joué un rôle prédominant : le Collège des médecins du Québec, les deux associations médicales (médecins spécialistes et médecins généralistes) ont lancé le débat et y ont été très actifs, militant pour la promotion de l’intégration de l’ « aide médicale à mourir » dans la pratique médicale. En outre, le puissant Barreau du Québec a publié un important dossier sur le droit en fin de vie, corroborant la position médicale du point de vue du droit à l’autonomie. Enfin, les sondages d’opinion publique et leur constance face à l’euthanasie (70-78 % en faveur) étaient des indicateurs de direction, en plus des témoignages poignants présentés lors des auditions publiques qui réclamaient l’aide à mourir dans des circonstances particulières.


L’originalité québécoise

Le débat québécois, la consultation publique et le rapport de la Commission parlementaire se démarquent à plusieurs points de vue des autres pays ou États qui ont légiféré sur l’euthanasie et le suicide médicalement assisté.

La dignité humaine. D’abord, le débat de société (non terminé), la consultation publique et la Commission parlementaire se sont explicitement déroulés sous la thématique de la « dignité humaine » appliquée à la fin de vie. Le rapport porte d’ailleurs ce titre Mourir avec dignité.

L’ensemble de la fin de vie. En outre, le débat, les auditions du public et des spécialistes, ainsi que le rapport ont considéré non seulement l’euthanasie et l’aide au suicide, mais l’ensemble des pratiques médicales de la fin de vie (p. 12).

La priorité aux soins palliatifs. Les parlementaires sont explicites et le répètent à de multiples reprises : en fin de vie, la priorité revient à la dispensation des soins palliatifs pour la majorité des patients, sauf dans des cas d’exception (p. 59). D’ailleurs, six recommandations sur quatorze portent sur les soins palliatifs.

En bref

  • La Commission parlementaire « Mourir dans la dignité » présente 24 recommandations.
  • Son rapport fait de l’accès aux soins palliatifs une priorité en fin de vie.
  • Deux recommandations sont centrales : reconnaître l’euthanasie et le suicide assisté comme une aide médicale en tant que soin en fin de vie, et en déterminer les conditions d’acceptabilité.
  • À cet effet, il faut changer les lois pertinentes et les codes de déontologie médicale et infirmière pour protéger contre les poursuites judiciaires ceux et celles qui pratiquent l’aide à mourir.
  • Le Collège des médecins, le Barreau du Québec et les sondages d’opinion publique sont favorables à cette position.
  • Le Québec se démarque à plusieurs égards de la législation d’autres pays.
  • Le rapport présente l’aide médicale à mourir comme le résultat d’une évolution des valeurs sociales.
  • La dignité humaine, la dignité subjective, la dignité corporelle et mentale sont les principes directeurs qui justifient cette aide médicale à mourir.
  • Le dépôt du rapport a été bien accueilli, malgré quelques dissensions du corps médical, des associations infirmières et de certains citoyens.
  • Ceux et celles qui désirent se faire euthanasier ou aider dans leur suicide ont une porte entrouverte devant eux.
  • La levée de l’interdiction millénaire de l’euthanasie et de l’aide médicale au suicide comme pratique médicale obligera tout un chacun à la vigilance et à la surveillance si l’on veut protéger les personnes les plus vulnérables.



Une consultation démocratique. L’ampleur de la consultation et de la participation des citoyens est notable : publication d’un document de consultation (3 200 exemplaires), questionnaire en ligne (6 558 réponses), plus de 16 000 commentaires reçus (courriel, poste, etc.), 32 experts entendus (médecine, droit, éthique, théologie), 273 mémoires déposés, 239 personnes et organismes entendus dans huit villes du Québec, le tout suivi de 21 rencontres durant la mission européenne, et de 51 sessions de travail de la Commission (p. 12-14). La consultation a été sans contredit démocratique.

 [22]

Le rôle du Collège des médecins et du Barreau du Québec a été déterminant dans le lancement et l’orientation idéologique du débat québécois par rapport à d’autres pays ou États. Leur présence active dans les forums, les débats, les médias oraux ou écrits en témoigne. De plus, le rapport de la Commission cite fréquemment et reconnaît explicitement avoir été influencé par leurs écrits favorables à l’« aide médicale à mourir ».

Le changement de vocabulaire ou` l’euthanasie et le suicide assisté deviennent des soins médicaux en fin de vie, constitue indéniablement l’une des différences majeures par rapport aux autres pays ou États. Il a fait l’objet de critiques très sévères (voir plus loin).


Un héritage de la Révolution tranquille

Dans un contexte plus général, un observateur ne peut s’empêcher de voir ces recommandations dans le sillage de la Révolution tranquille et à la lumière de la société qui en est issue.

En effet, la société québécoise s’est métamorphosée depuis les années 1960. Le Québec est passé d’un peuplement homogène à une population multiethnique, d’un État religieux à un État laïc où les Commandements de Dieu et de l’Église ont fait place aux Commandements de l’Homme dictés par la Charte des droits et libertés (1972) et par la révision des dispositions du Code civil du Québec (1994) qui consacrent les principes d’autonomie et de respect de la personne.

Les membres de la Commission parlementaire présentent longuement leurs recommandations favorables à l’aide médicale à mourir comme étant le résultat d’une évolution des valeurs sociales en général, de la relation patient-médecin, ainsi que du droit. Ils le répètent tout au long du rapport (p. 48-52).


Une révolution sémantique

Une révolution sémantique est indéniablement présente dans ce rapport : l’euthanasie, traditionnellement un acte porteur de mort devient un « soin » médical, faisant partie d’un continuum de soins en fin de vie. Mais, selon la Commission, cette « approche innovatrice » nous dégage du contexte de réprobation dans lequel ce terme baignait depuis des millénaires (p. 78).

Tout au long des travaux de la Commission, l’expression « aide médicale à mourir » s’est imposée graduellement d’elle-même. Le mot « aide » renvoie à la valeur incontournable de l’accompagnement. Quant au terme « médicale », il précise la nature de l’accompagnement, qui suppose l’intervention du médecin et du personnel soignant. L’expression « aide médicale à mourir » est donc celle que nous avons retenue (p. 78).


Les principes directeurs


La « dignité humaine »

Le débat social et la consultation publique sur la fin de vie se sont explicitement déroulés sous la thématique de la « dignité humaine » appliquée au Mourir avec dignité. C’est le titre de la Commission parlementaire (p. 64), de son document de consultation (mai 2010) et de son rapport final Mourir dans la dignité (mars 2012).

Pourquoi faire appel à la dignité humaine ? Parce que le concept de « dignité humaine » est un concept omniprésent dans la littérature occidentale d’après-guerre (philosophie, éthique, droit, théologie) ; il est aussi passé dans le langage citoyen depuis la Charte des droits de la personne (1972) et est devenu un patrimoine collectif au Québec. Il est polysémique (tous peuvent s’y reconnaître), et rassembleur (chacun perçoit ce concept selon son interprétation). Partisans et opposants s’en réclament donc pour défendre leur position, faisant appel à ce qui est le propre de l’être humain : la conscience et la liberté.

La Commission le reconnaît donc explicitement et la place au fondement même de la nouvelle politique qu’elle veut instaurer pour la pratique médicale en fin de vie (p. 64).


La « dignité… subjective »

En éthique, la dignité est intrinsèque à tout être humain, du seul fait qu’il participe à l’humanité en tant que personne consciente et libre, à la différence des autres vivants. Ce statut lui confère le respect et l’inviolabilité dans sa décision lorsque son choix est libre, éclairé, et s’exerce dans le respect d’autrui.

La dignité « subjective » à laquelle fait appel la Commission est cette dignité qui concerne cet individu-ci en tant que sujet autonome. Elle est relative et personnelle à chacun.

En toute logique, il en découle que c’est la personne mourante qui est la mieux placée pour évaluer si sa vie est encore digne [23] d’être vécue (…). Ainsi comprise, la dignité humaine est largement tributaire du regard que la personne porte sur elle-même. Il peut donc être contraire à sa propre dignité de continuer à vivre (p. 64-65).


La dignité corporelle et mentale

« Mourir dans la dignité » implique l’absence de douleurs et de souffrances qui déshumanisent la capacité de penser et de s’autodéterminer.

Dans le langage antérieur à la Révolution tranquille des années 1960, « Mourir avec dignité » pouvait signifier « mourir en bon catholique » après avoir reçu les derniers sacrements.

Dans le langage du rapport, « Mourir dans la dignité » signifie être capable de choisir le moment et le comment de sa propre mort avant que la dégradation ou la déchéance physique et mentale ne surviennent, en bénéficiant de l’aide médicale pour que tout se passe « en douceur ». Le rapport décrit avec vigueur l’étendue et la complexité des souffrances qui rendent parfois difficile, voire impossible, leur soulagement » (p. 57).


Accueil et critiques


Dans l’immédiat, le dépôt du rapport a été accueilli avec applaudissements et ovation debout à l’Assemblée parlementaire du Québec (22 mars 2012). Le Collège des médecins, les Associations des médecins spécialistes et généralistes, de même que le Barreau du Québec se sont réjouis des recommandations comme répondant aux nouvelles problématiques sociales et médicales. Tous les éditoriaux des médias francophones écrits (La Presse, Le Devoir, La Tribune, Le Soleil) ont été positifs, sauf un qui a manifesté des réserves en style humoristique (Le Quotidien).

Cependant, la sortie du document est encore trop récente (un mois) pour dresser un inventaire des recensions analytiques dans des revues médicales ou autres. Cependant plusieurs critiques ont déjà été émises (tribunes téléphoniques, médias oraux et écrits, certains articles). L’Église catholique n’a pas encore commenté le rapport à ce jour (mai 2012).


La « manipulation du langage »

La critique la plus sévère porte sur le changement de langage. Les vocables traditionnels d’« euthanasie » et d’« aide au suicide » deviennent des « soins médicaux », des « soins appropriés » dans un « continuum de soins » de fin de vie.

Dans une société nord-américaine de marketing, certains y ont vu une entreprise de relations publiques, une stratégie de la médecine et du droit qui changent le libellé du message pour en déguiser le vrai contenu afin de mieux faire accepter ce qui était inacceptable jusqu’alors. D’autres ont carrément traité de « manoeuvre linguistique », de « détournement sémantique » d’« association frauduleuse » entre un concept bienfaisant (l’aide, le soin) et un concept malfaisant (l’euthanasie et l’aide au suicide).


Le rôle du Collège et du Barreau du Québec

La Commission mentionne et reconnaît très souvent qu’elle a été impressionnée et influencée par les positions émises dans les documents du Collège et du Barreau.

Cependant, le corps médical et les associations infirmières ne sont pas tous unanimes face à la modification de la loi. Les principales critiques proviennent surtout des départements et des membres des soins palliatifs qui [24] soutiennent que l’euthanasie et l’aide au suicide sont radicalement incompatibles avec la pratique médicale.

D’autres se sont demandé si le rapport n’avait pas été « téléguidé » par certains stratèges du Collège et du Barreau, compte tenu de leur militantisme, voire du « lobbying » de leurs représentants dans les forums, les auditions, les médias et auprès de la Commission.

Certains s’interrogent sur les motivations des promoteurs de l’euthanasie et de l’assistance au suicide. Pourquoi ce changement ? S’agit-il toujours de compassion ou de crainte des poursuites ? D’une lassitude face au traitement de malades chroniques qui n’en finissent plus de mourir ? De patients qui nécessitent des ressources hospitalières et financières qui pourraient être mieux utilisées dans le réseau de la santé ?


Un argumentaire biaisé

Des critiques ont indiqué que certains arguments « contre » ont en quelque sorte été esquivés et qu’il y avait un biais dans le traitement de l’argumentaire. À partir d’un postulat favorable à l’euthanasie et à l’aide médicale au suicide, on n’aurait tenu compte que des arguments militant en ce sens, ce qui rend l’ensemble de l’argumentation peu convaincante. De plus, la grille d’analyse suit la séquence suivante : L’argument apporté est que…, cependant nous sommes d’avis que…, ce qui situe le rapport dans l’ordre de l’option plutôt que de l’argumentation.


L’expérience européenne

Plutôt récente (2002-2012), l’expérience européenne est fréquemment prise comme référence et argument. Elle est relativement neuve et on ne réfère pas à deux articles de revues médicales qui y rapportent des cas d’abus.


L’impact immédiat

Un tribunal pourrait difficilement condamner un médecin qui aurait pratiqué l’ « aide médicale à mourir » s’il avait respecté les conditions stipulées dans le rapport. Médecin et avocat disposeraient d’une ample argumentation pour défendre une cause.

Les postulants qui voudraient se faire euthanasier ou aider dans leur suicide ont déjà une porte entrouverte devant eux. Mais il n’est pas encore démontré qu’il y aura foule. Cependant, l’option est disponible pour quitter la vie avant échéance.

Un réaménagement social s’imposera à moyen et long termes. Les nouvelles générations de médecins et infirmières devront recevoir une formation sur l’encadrement de la pratique de l’ « aide à mourir » ; les manuels d’éthique, de droit et de médecine devront être modifiés ; les professeurs d’éthique devront revoir et ajuster leur enseignement.

Pour conclure, la Commission parlementaire « Mourir dans la dignité », la consultation publique et le débat social étaient nécessaires pour clarifier la situation sur les choix en fin de vie au Québec.

Son rapport recommande la modification des lois québécoises pertinentes pour intégrer l’euthanasie et le suicide assisté dans la pratique médicale à titre de soin dans le continuum des soins de fin de vie.

Le rapport vient d’être déposé et il n’existe pas suffisamment de recul pour évaluer convenablement son accueil par les citoyens et les revues scientifiques. Un premier aperçu des critiques indique cependant que toutes ses recommandations ne font pas l’unanimité.

Que l’on soit favorable ou non à la position proposée par la Commission, on doit reconnaître qu’une modification de la loi obligerait à un réaménagement idéologique, éthique et social face à la pratique de l’euthanasie et du suicide assisté.

Les arguments de pente dangereuse demeureront toujours en vigueur. L’État, les institutions et les organismes humanitaires devront développer des mécanismes de sécurité pour éviter la banalisation de la pratique, les débordements, ou l’arrivée de motifs autres que la compassion.

Le nouveau contexte issu de la levée de l’interdiction millénaire d’une pratique médicale obligera à la vigilance et à la surveillance de la nouvelle pratique pour la protection des plus vulnérables en société.

Vous trouverez les références sur le site Internet de l’AREQ au www.areq.qc.net.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 1 novembre 2012 9:40
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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